Numéro 6 - Juin 2023

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Numéro 6 - Juin 2023

INSTRUCTION

Crim., 6 juin 2023, n° 22-86.466, (B), FS

Rejet

Expertise – Ordonnance aux fins d'expertise – Notification aux parties – Question aux experts illégale – Demande de modification par les parties – Défaut – Effet – Renonciation à la nullité

M. [O] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 30 septembre 2022, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de violences aggravées ayant entraîné la mort sans intention de la donner, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.

Par ordonnance du 21 décembre 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 20 janvier 2020, les services de secours, intervenus au domicile de M. [O] [X] et de sa compagne, ont constaté le décès de leur nourrisson, [R], âgé de deux mois.

3. Les premières constatations médico-légales ont mis en évidence des lésions traumatiques au niveau du cerveau, évocatrices du syndrome du bébé secoué.

4. Entendu sous le régime de la garde à vue, M. [X] a admis avoir secoué l'enfant qui lui semblait s'étouffer avec son biberon et a mimé, au cours d'une audition enregistrée, les gestes qu'il déclarait avoir effectués.

5. Le 22 janvier 2020, il a été mis en examen pour violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, avec cette circonstance que les faits ont été commis sur un mineur de quinze ans par son père.

6. Le 24 janvier suivant, le juge d'instruction a ordonné une expertise médicale, fixant pour mission à l'expert notamment de « visionner l'audition de garde à vue n° 4 de [M. [X]], et précisément le passage à compter de 2h11, au cours duquel ce dernier montre les gestes sur l'enfant » et de se prononcer sur la compatibilité entre ceux-ci et les lésions constatées sur la victime.

7. Les conclusions du rapport d'expertise ont été notifiées le 9 septembre 2021.

8. Par requête enregistrée le 11 octobre 2021 au greffe, l'avocat de M. [X] a saisi la chambre de l'instruction en annulation de cette mesure.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

9. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure, alors :

« 1°/ qu'il résulte des dispositions de l'article 64-1 du code de procédure pénale que l'enregistrement audiovisuel des auditions des personnes placées en garde à vue pour un crime ne peut être consulté, au cours de l'instruction ou devant la juridiction de jugement, qu'en cas de contestation du contenu du procès-verbal d'audition, sur décision du juge d'instruction ou de la juridiction de jugement, à la demande du ministère public ou d'une des parties et que le fait de diffuser un tel enregistrement est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ; que la méconnaissance de l'interdiction faite de consulter l'enregistrement pour d'autres causes que la vérification du contenu des déclarations et de le diffuser à d'autres personnes que les juges, le ministère public et les parties fait nécessairement grief aux intérêts de la personne concernée ; que le mis en examen faisait valoir que le juge d'instruction avait autorisé l'expert, pour l'exécution de sa mission, à consulter le contenu de l'enregistrement de son audition en garde à vue au cours de laquelle il avait accepté de reproduire les gestes qu'il aurait effectués sur son enfant ; qu'en retenant, pour dire n'y avoir lieu à annulation, que la défense ne justifiait d'aucun grief, la chambre de l'instruction a violé, par fausse application, les articles 171 et 802 du code de procédure pénale ;

2°/ qu'est proscrit le stratagème qui, par un contournement ou un détournement d'une règle de procédure, a pour objet ou pour effet de vicier la recherche de la preuve en portant atteinte à l'un des droits essentiels ou à l'une des garanties fondamentales de la personne suspectée ou poursuivie ; que procède tant d'un contournement des garanties prévues en matière de reconstitution ou d'audition du mis en examen par l'expert, lesquelles imposent la convocation de l'avocat dudit mis en examen, et que d'un détournement des dispositions de l'article 64-1 du code de procédure pénale, qui ne prévoient la possibilité de consulter l'enregistrement audiovisuel d'une audition en garde à vue qu'en cas de contestation du contenu du procès-verbal de cette audition et interdit de le diffuser à d'autres personnes que les juges, le ministère public et les partie l'expertise, qui sont tous deux de nature à vicier la recherche de la preuve en ce que la personne concernée ne savait pas que les gestes qu'elle était invitée à reproduire lors de son audition seraient analysés par un expert, l'expertise qui a donné lieu à l'examen par l'expert, sur autorisation du juge d'instruction, de l'enregistrement audiovisuel d'une audition en garde à vue afin d'analyser les gestes que la personne auditionnée était alors invitée à reproduire ; qu'en retenant que la consultation par l'expert d'un extrait précis de l'enregistrement audiovisuel de la garde à vue de monsieur [X] sur autorisation et demande expresse du juge d'instruction était exclusive d'un stratagème, la chambre de l'instruction a violé le principe de loyauté de la preuve et les articles 64-1, 164 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen, pris en sa première branche

11. Pour rejeter le moyen de nullité du rapport d'expertise et des actes subséquents, l'arrêt attaqué énonce que le juge d'instruction a autorisé l'expert, pour l'exécution de sa mission, à visionner le contenu de l'audition de M. [X] en garde à vue au cours de laquelle il a accepté de reproduire les gestes qu'il aurait effectués sur son enfant.

12. Les juges relèvent que l'article 64-1 du code de procédure pénale n'autorise la consultation des enregistrements imposés par ce texte qu'en cas de contestation du contenu du procès-verbal d'audition.

13. Ils retiennent que cette disposition a pour objet de garantir l'authenticité des déclarations recueillies en garde à vue et transcrites par les enquêteurs, de sorte qu'elle est édictée dans le seul intérêt de la personne poursuivie.

14. En l'état de ces seules énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

15. En effet, les dispositions de l'article 64-1, alinéa 2, du code de procédure pénale ne prévoient pas que le juge d'instruction puisse donner mission à un expert de consulter les enregistrements audiovisuels effectués en application de ce texte, lesquels ont pour seul objet de garantir l'authenticité des déclarations qui ont été retranscrites au procès-verbal d'audition.

16. Une telle consultation porte atteinte aux intérêts de la personne

concernée lorsque les conclusions de l'expert s'appuient sur ces enregistrements.

17. Cependant, en l'espèce, l'avocat de M. [X], qui a reçu notification de l'ordonnance de commission d'expert conformément aux dispositions de l'article 161-1 du code de procédure pénale, ainsi que la Cour de cassation est en mesure de s'en assurer, n'a pas sollicité une modification de la question posée à l'expert, en application de ce texte.

18. Il a ainsi renoncé à se prévaloir de la nullité prise de la méconnaissance des dispositions de l'article 64-1, alinéa 2, du code précité.

19. Dès lors, le grief doit être écarté.

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

20. Le demandeur ne saurait se prévaloir d'une quelconque déloyauté du juge d'instruction, dès lors que celui-ci l'a informé, en application de l'article 161-1 du code de procédure pénale, qu'il confiait à l'expert mandaté l'exploitation d'un enregistrement audiovisuel des auditions de garde à vue.

21. Ainsi, le moyen n'est pas fondé.

22. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : M. Violeau - Avocat général : M. Courtial - Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Articles 64-1, alinéa 2, et 161 du code de procédure pénale.

Crim., 7 juin 2023, n° 23-81.699, (B), FRH

Cassation

Ordonnances – Ordonnance de mise en accusation – Appel – Individu renvoyé pour un délit connexe à un crime – Possibilité

Il résulte des dispositions des articles 181 et 186 du code de procédure pénale que la personne mise en examen est recevable à relever appel de l'ordonnance qui la renvoie devant la cour d'assises, ou, le cas échéant, devant la cour criminelle départementale, pour un délit connexe à un crime reproché à un tiers.

Le procureur général près la cour d'appel de Paris a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, 5e section, en date du 20 février 2023, qui, dans la procédure suivie contre Mme [B] [W], du chef de corruption de mineur, a déclaré irrecevable l'appel formé par elle de l'ordonnance de mise en accusation rendue par le juge d'instruction.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Par ordonnance du 21 octobre 2022, le juge d'instruction a renvoyé Mme [B] [W] devant la cour d'assises sous l'accusation de corruption de mineur de quinze ans, délit connexe au crime de viols aggravés reproché à son compagnon.

3. Mme [W] a relevé appel de cette ordonnance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le moyen est pris de la violation des articles 181, 186 et 186-3 du code de procédure pénale.

5. Il reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'appel de Mme [W] irrecevable, alors qu'il se déduit des articles 181 et 186 susvisés, ainsi que de l'article 181-1 du même code, que la personne renvoyée devant la cour d'assises ou la cour criminelle départementale pour un seul délit connexe peut former appel contre l'ordonnance la mettant en accusation. Dans un tel cas, les règles relatives aux appels des ordonnances de renvoi devant le tribunal correctionnel ne sont pas applicables.

Réponse de la Cour

Vu les articles 181 et 186 du code de procédure pénale :

6. Selon le premier de ces textes, lorsque le juge d'instruction estime que les faits retenus à la charge des personnes mises en examen constituent un crime, il ordonne leur mise en accusation devant la cour d'assises ou devant la cour criminelle départementale. Il peut également saisir ces juridictions des délits connexes aux crimes dont il ordonne le renvoi.

7. Selon le second, la personne mise en examen peut relever appel des décisions prévues par le premier de ces textes.

8. Pour dire irrecevable l'appel de Mme [W] formé contre l'ordonnance qui l'a renvoyée devant la cour d'assises pour délit connexe, l'arrêt attaqué énonce que l'article 181 précité distingue les crimes et les infractions connexes.

9. Les juges retiennent que l'appel d'une ordonnance de renvoi pour un délit, laquelle infraction conserve son autonomie, reste gouverné, même si le renvoi est ordonné devant la cour d'assises au titre de la connexité avec un crime, par les dispositions de l'article 186-3 qui ne prévoient pas, dans ce cas, un tel recours au profit de la personne mise en examen.

10. En se déterminant ainsi, alors que la personne mise en examen a le droit de relever appel de l'ordonnance qui la renvoie devant la cour d'assises ou, le cas échéant, devant la cour criminelle départementale, sans que la loi distingue la nature de l'infraction retenue à son encontre, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.

11. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de la cassation

12. La cassation interviendra partiellement sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure de statuer sur la recevabilité de l'appel ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 20 février 2023 ;

DÉCLARE RECEVABLE l'appel de Mme [W] à l'encontre de l'ordonnance du juge d'instruction au tribunal judiciaire d'Evry, qui l'a renvoyée devant la cour d'assises ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;

ORDONNE le renvoi de la procédure à la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil, qui statuera au fond sur cet appel ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : M. Gouton - Avocat général : M. Valat -

Textes visés :

Articles 181 et 186 du code de procédure pénale.

Crim., 1 juin 2023, n° 22-86.463, (B), FRH

Rejet

Saisie – Pouvoirs des juridictions d'instruction – Ordonnance de destruction ou de remise à l'AGRASC – Contrôle de proportionnalité avec le droit au respect de la vie privée et familiale – Condition – Garantie invoquée par le mis en examen – Cas – Remise d'un bâteau, domicile des mis en examen, à l'AGRASC

La juridiction d'instruction qui ordonne la remise d'un bien saisi à l'AGRASC en vue de son aliénation doit contrôler le caractère proportionné de l'atteinte portée par la mesure au droit au respect de la vie privée et familiale du propriétaire du bien saisi lorsque cette garantie est invoquée.

Est inopérant le moyen tiré de ce que la chambre de l'instruction a dénié au bateau, objet de la décision de remise à l'AGRASC en vue de son aliénation, la qualité de domicile des personnes mises en examen, dès lors que les juges ont opéré un contrôle de la proportionnalité de l'atteinte portée par la mesure à leur droit à une vie privée et familiale et au domicile, en considération des éléments relatifs à la gravité concrète des faits et à la situation personnelle des personnes mises en examen.

M. [U] [L] et Mme [O] [R], épouse [L], ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 7 octobre 2022, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs de recel, blanchiment, association de malfaiteurs, exportation illégale d'un bien culturel, a confirmé l'ordonnance de remise à l'AGRASC aux fins d'aliénation rendue par le juge d'instruction.

Par ordonnance du 9 janvier 2023, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. [U] [L] et Mme [O] [L] ont été mis en examen des chefs susvisés.

3. Un voilier de plaisance leur appartenant a été saisi.

4. Par ordonnance du 14 décembre 2021, le juge d'instruction a ordonné la remise à l'AGRASC du navire en vue de son aliénation.

5. M. et Mme [L] ont relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant ordonné la remise à l'agence de gestion et de recouvrement du navire Téthys appartenant a M. et Mme [L] en vue de son aliénation, alors « que constitue une ingérence de l'autorité publique dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile, la confiscation du domicile des mis en examen, dans le cadre d'une information pénale ; que cette mesure doit être strictement proportionnée au but poursuivi par l'autorité publique et il appartient au juge de contrôler la proportionnalité de l'atteinte portée par la mesure de confiscation au droit au respect de la vie privée et familiale, en se fondant sur la situation personnelle du prévenu et sur la gravité concrète des faits ; qu'en relevant, pour dire que l'atteinte portée par la mesure n'était pas disproportionnée au droit à la vie privée des époux [L] et au droit au respect de leurs biens, que le navire Téthys ne constituait pas le domicile des époux [L] dès lors que lors de leur garde à vue, les époux [L] n'ont pas indiqué que le navire constituait leur domicile, qu'ils avaient indiqué être usufruitiers de leur maison située à [Localité 1] et qu'un seul des témoignages produits attestait de « leur attachement affectif » au navire, cependant que ces motifs était impropres à exclure que le navire constituaient effectivement le domicile des époux [L], dès lors qu'il était établi que les époux [L] occupaient durant la majeure partie de l'année le voilier, avec lequel ils entretenaient nécessairement, de ce seul fait, des liens étroits et qu'elle avait elle-même constaté qu'ils ne résidaient que pour des périodes limitées dans leur maison, laquelle constituait la résidence principale de l'un de leurs enfants, ce qui démontrait que cette maison ne pouvait pas être considérée comme leur domicile, la cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

7. Pour écarter le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée portée au droit à une vie privée et familiale et au domicile de M. et Mme [L], et confirmer l'ordonnance de remise à l'AGRASC, l'arrêt attaqué énonce que le contrôle de proportionnalité de l'atteinte portée par la décision de remise à l'AGRASC au droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile doit tenir compte de la gravité des faits et de la situation personnelle des personnes mises en examen.

8. Les juges relèvent, en premier lieu, que la gravité des faits découle, notamment, du nombre de ventes de l'or prélevé sur l'épave du « Prince de Conty », ainsi que de ventes réalisées aux Etats-Unis par l'intermédiaire de tiers et au profit du British Museum par l'intermédiaire du beau-frère de M. [L], ces faits ayant été commis à un niveau international et supposant, par leur complexité, une certaine expertise, de la logistique, une organisation et une répartition des rôles.

9. Ils ajoutent que cette gravité se dégage également du montant du profit réalisé, les ventes ayant procuré des sommes importantes aux personnes mises en examen au vu de l'enquête patrimoniale diligentée et de l'estimation, entre 16 et 18 kg, des monnaies d'or volées sur l'épave, du nombre d'ouverture de comptes à l'étranger (Etats-Unis et Suisse), dénotant une volonté de dissimulation, et de la qualité des biens vendus, les lingots d'or étant soustraits au patrimoine archéologique et culturel français et mondial dans un esprit de lucre.

10. Les juges retiennent en deuxième lieu, en ce qui concerne la situation personnelle des personnes mises en examen, notamment, que bien qu'âgés de 75 et 72 ans, ils ont continué à faire le tour du monde jusqu'à la saisie du bateau et qu'ils ont pu par le passé, alors qu'ils n'avaient pas leur patrimoine actuel, s'adonner à leur passion du voyage et de la mer en effectuant un tour de l'Atlantique.

11. Ils soulignent que leur situation financière actuelle est favorable, constituée de leurs retraites et de l'assurance-vie de Mme [L], dont la valeur est de 232 300,88 euros, et qu'elle leur permettrait potentiellement de continuer à s'adonner à leurs passions et de fixer leur domicile ailleurs.

12. Les juges indiquent, en troisième lieu, s'agissant du domicile, que M. et Mme [L] n'ont à aucun moment indiqué que le bateau leur sert de domicile, et ce même lors de leur interrogatoire en garde-à-vue, près de sept mois après la saisie du bateau.

13. Ils observent qu'ils sont usufruitiers de la maison de [Localité 1], habitée par leur fils, et qu'ils y sont accueillis, pendant un temps certes limité, pour rendre visite à leurs enfants et petits-enfants.

14. Ils précisent que parmi les pièces produites par les personnes mises en examen, seul un des six membres de la famille atteste leur attachement affectif au bateau.

15. Ils en concluent que si la mesure ordonnée induit nécessairement une atteinte au droit de propriété, au respect de la vie privée, familiale et au domicile, cette atteinte ne peut être considérée comme disproportionnée au regard de la gravité intrinsèque des faits et de la situation personnelle des personnes co-mises en examen.

16. Le moyen est inopérant, dès lors qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que, bien qu'elle ait écarté la qualité de domicile du bateau des demandeurs, la chambre de l'instruction a opéré un contrôle de la proportionnalité de l'atteinte portée à leur droit à une vie privée et familiale et au domicile par la décision de remise de leur bateau à l'AGRASC en vue de son aliénation, en considération des éléments relatifs à la gravité concrète des faits et à la situation personnelle des personnes mises en examen.

17. Ainsi, le moyen doit être écarté.

18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme de la Lance (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Chafaï - Avocat général : M. Chauvelot - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger -

Rapprochement(s) :

Sur le contrôle que doit opérer le juge, quand cette garantie est invoquée, sur l'atteinte portée au droit au respect de la vie privée et familiale du propriétaire du bien saisi ou confisqué : Crim., 15 mars 2017, pourvoi n° 16-80.801, Bull. crim. 2017, n° 74 (rejet). Sur les critères du contrôle à opérer : Crim., 22 mars 2017, pourvoi n° 16-82.051, Bull. crim. 2017, n° 80 (rejet).

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