Numéro 6 - Juin 2022

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

EXTRADITION

Crim., 28 juin 2022, n° 22-82.630, (B), FRH

Rejet

Effets – Principe de spécialité – Détention provisoire – Fondement – Infraction ayant motivé l'extradition – Contestation – Office de la chambre de l'instruction – Vérification du respect du principe de spécialité – Cas – Traduction de la décision de remise versée au dossier après le débat devant le juge des libertés et de la détention

Lorsqu'une personne remise à la France à la suite d'une procédure d'extradition et qui n'a pas renoncé au principe de spécialité fait état, lors du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention, de l'impossibilité de vérifier le respect du principe susvisé en raison de l'absence, au dossier de la procédure, de la décision de remise des autorités de l'Etat requis, il appartient au magistrat saisi de procéder aux vérifications nécessaires, dans la limite des délais qui lui sont impartis pour statuer.

Si ces vérifications n'ont pas été effectuées par le premier juge, il appartient à la chambre de l'instruction, saisie par la voie de l'appel, de les mettre en oeuvre.

La nullité de l'ordonnance contestée n'est encourue que dans l'hypothèse où les vérifications entreprises conduisent au constat d'une violation du principe de spécialité, violation dont il appartient à la chambre de l'instruction d'apprécier la portée.

Doit, en conséquence, être approuvé l'arrêt d'une chambre de l'instruction qui, pour écarter le moyen de nullité de l'ordonnance du juge des libertés de la détention tiré de ce que ce magistrat a retenu, sur la base de la seule version en langue étrangère de la décision d'extradition, que le principe de spécialité n'avait pas été méconnu, constate que la traduction de la décision, obtenue postérieurement, vient corroborer le constat d'absence de violation dudit principe.

M. [U] [B] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 22 mars 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et sur les armes, importation de stupéfiants, association de malfaiteurs, violences aggravées, infraction au code de la route, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Mis en cause dans l'organisation d'un trafic de stupéfiants, M. [U] [B] a fait l'objet d'un mandat d'arrêt, délivré par le juge d'instruction le 9 septembre 2019.

3. Interpellé à Tanger le 19 novembre 2020, M. [B] a été placé sous écrou extraditionnel au Maroc, Etat dont les autorités compétentes ont accordé son extradition par décret du 10 janvier 2022.

4. Cette décision, rédigée en langue arabe, a été transmise le 7 février suivant au juge d'instruction mandant.

5. Présenté à ce dernier le 4 mars 2022, M. [B] a été mis en examen des chefs susvisés et a comparu, en vue de son éventuel placement en détention provisoire, devant le juge des libertés et de la détention.

6. Ce magistrat, par ordonnance du même jour, rejetant l'exception de nullité prise de l'atteinte au principe de spécialité, a ordonné le placement de M. [B] en détention provisoire.

7. Ce dernier a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

8. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a placé M. [B] en détention provisoire, alors :

« 1°/ que le juge des libertés et de la détention ne peut ordonner le placement en détention provisoire d'une personne extradée vers la France qu'après s'être assuré du respect du principe de spécialité, ce qui suppose que la décision de remise figure au dossier de la procédure en langue française au moment où le juge statue ; qu'en confirmant l'ordonnance du juge des libertés et de la détention en date du 4 mars 2022 plaçant M. [B] en détention provisoire, quand il résulte de ses propres constatations que la décision de remise ne figurait en langue française au dossier que depuis le 8 mars 2022, de sorte que le juge des libertés et de la détention, qui ne pouvait s'assurer du respect du principe de spécialité au jour où il a statué, avait délibérément pris le risque d'ordonner à l'encontre de M. [B] une détention arbitraire, la chambre de l'instruction a violé les articles 66 de la Constitution du 4 octobre 1958, 8 de la Convention d'extradition entre la République française et le Royaume du Maroc du 18 avril 2008, 111 de l'ordonnance de Villers-Cotterêt, 696-6, 591 et 593 du code de procédure pénale ».

Réponse de la Cour

10. Une personne remise à la France à la suite d'une procédure d'extradition et qui n'a pas renoncé au principe de spécialité ne peut faire l'objet d'une mesure de détention provisoire pour un fait quelconque antérieur à la remise et autre que celui ayant motivé cette décision.

11. Lorsqu'une telle personne, qui comparaît en vue d'un débat contradictoire sur sa détention provisoire, fait état de l'impossibilité de vérifier le respect du principe susvisé en raison de l'absence, au dossier de la procédure, de la décision de remise des autorités de l'Etat requis, il appartient au magistrat saisi de procéder aux vérifications nécessaires, dans la limite des délais qui lui sont impartis pour statuer.

12. Pour rejeter le moyen de nullité de l'ordonnance contestée, pris de l'absence de traduction en langue française, dans le dossier de la procédure, du décret d'extradition des autorités marocaines, l'arrêt attaqué relève que le premier juge a retenu que la détention provisoire de M. [B] n'a pas pour fondement des infractions qui, visées au mandat d'arrêt, auraient été exclues du périmètre de la remise.

13. Les juges ajoutent que la traduction du décret susvisé est intervenue le 8 mars 2022 et n'est pas venue contredire ce constat.

14. En l'état de ces seules énonciations, la chambre de l'instruction, qui était seulement tenue, dans un premier temps, de procéder aux vérifications omises par le premier juge, a justifié sa décision, la nullité de l'ordonnance contestée n'étant encourue que dans l'hypothèse où les vérifications entreprises conduisent au constat d'une violation du principe de spécialité, violation dont il appartient à la chambre de l'instruction d'apprécier la portée.

15. Dès lors, le moyen doit être écarté.

16. Par ailleurs l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal (conseiller le plus ancien faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Seys - Avocat général : M. Aldebert - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

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