Numéro 6 - Juin 2021

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Numéro 6 - Juin 2021

INSTRUCTION

Crim., 22 juin 2021, n° 21-82.025(B)

Renvoi

Détention provisoire – Décision de prolongation – Débat contradictoire – Demande de renvoi – Rejet du juge des libertés et de la détention – Motivation dans la décision – Nécessité

Il se déduit des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 137-3 du code de procédure pénale que le juge des libertés et de la détention qui rejette une demande de renvoi motivée présentée avant le débat contradictoire par l'avocat de la personne détenue doit, dans son ordonnance, faire mention de cette demande et énoncer les motifs de son refus.

Cette obligation s'impose y compris dans l'hypothèse où le juge des libertés et de la détention a, précédemment au débat, indiqué à l'avocat qu'il refusait sa demande.

Il n'en est autrement que si l'avocat se désiste, de façon non équivoque, de sa demande de renvoi avant la tenue du débat contradictoire.

Encourt la cassation l'arrêt, qui, pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant la détention provisoire de la personne mise en examen, à l'issue d'un débat contradictoire tenu en l'absence de son avocat, énonce qu'il résulte d'un courriel de ce dernier adressé au juge des libertés et de la détention qu'il n'a pas maintenu sa demande de renvoi et que la personne détenue a accepté de s'expliquer lors de cet acte alors qu'il résulte des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que, d'une part, l'avocat de la personne mise en examen ne s'est pas désisté de sa demande, d'autre part, la personne mise en examen n'a pas renoncé expressément à la présence de son conseil lors du débat contradictoire, une telle renonciation ne pouvant se déduire du seul fait que l'intéressé ait accepté de s'expliquer lors de cet acte hors la présence de son avocat.

M. [M] [O] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 5 mars 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive, usage illicite de stupéfiants, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.

Un mémoire personnel a été produit.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 6 novembre 2020, M. [O] a été mis en examen des chefs précités et placé en détention provisoire.

3. Par ordonnance en date du 1er février 2021, le juge d'instruction a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation de la détention de M. [O].

Le débat contradictoire a été fixé au 15 février 2021.

4. Le 9 février 2021, le conseil du mis en examen a adressé par courriel au greffe du juge des libertés et de la détention une demande de renvoi motivée par son indisponibilité le jour du débat contradictoire, accompagnée d'une pièce justificative.

5. Le 10 février 2021, le greffier du juge des libertés et de la détention a répondu par courriel au conseil que sa demande était rejetée.

6. Le conseil a adressé le 12 février 2021 un nouveau courriel au juge des libertés et de la détention dans lequel il indiquait avoir pris note de l'absence de renvoi du débat contradictoire et précisait qu'aucun avocat ne pourrait assister la personne mise en examen lors de celui-ci.

7. Par ordonnance en date du 16 février 2021, le juge des libertés et de la détention a prolongé la détention provisoire de M. [O] à l'issue d'un débat contradictoire au cours duquel ce dernier s'est expliqué sans être assisté d'un conseil.

8. M. [O] a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

9. Le moyen est pris de la violation des articles 6, § 3, c) de la Convention européenne des droits de l'homme, 114, 145, 145-1, 591 et 593 du code de procédure pénale.

10. Il fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le moyen de nullité de l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire pris de l'irrégularité du débat devant le juge des libertés et de la détention et d'avoir confirmé cette ordonnance alors que le juge des libertés et de la détention qui rejette une demande de report du débat contradictoire préalable à la prolongation de la détention provisoire doit répondre à cette demande et motiver sa décision de rejet ; qu'en l'absence de cette motivation, l'ordonnance qui prolonge la détention provisoire est entachée de nullité.

Réponse de la Cour

Vu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 137-3 du code de procédure pénale :

11. Il se déduit de ces textes que le juge des libertés et de la détention qui rejette une demande de renvoi motivée présentée avant le débat contradictoire par l'avocat de la personne détenue doit, dans son ordonnance, faire mention de cette demande et énoncer les motifs de son refus.

12. Cette obligation s'impose y compris dans l'hypothèse où le juge des libertés et de la détention a, précédemment au débat, indiqué à l'avocat qu'il refusait sa demande.

13. Il n'en est autrement que si l'avocat se désiste, de façon non équivoque, de sa demande de renvoi avant la tenue du débat contradictoire.

14. Pour rejeter la demande d'annulation de l'ordonnance prolongeant la détention provisoire de M. [O], prise de ce que celle-ci ne mentionne pas la demande de renvoi formée par son avocat, l'arrêt énonce qu'il résulte du courriel du 12 février 2021 que celui-ci ne l'a pas maintenue et s'est borné à aviser le juge des libertés et de la détention du fait que son client se présenterait seul.

15. Les juges ajoutent que M. [O] n'a pas sollicité le renvoi du débat et, sachant qu'il n'était pas assisté de son conseil, s'est expliqué lors de cet acte.

16. Ils en concluent que le juge n'était pas, à l'instant du débat contradictoire, saisi d'une demande de renvoi.

17. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

18. En effet, d'une part, il résulte des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que, dans son courriel en date du 12 février 2021, l'avocat de M. [O] ne s'est pas désisté de sa demande de renvoi mais s'est borné à constater qu'en raison du refus du juge des libertés et de la détention de reporter cet acte, la personne mise en examen ne pourrait être assistée par un avocat lors du débat contradictoire.

19. D'autre part, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer qu'il ne résulte ni du procès-verbal du débat contradictoire ni de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention que M. [O] ait renoncé expressément à la présence de son conseil lors du débat contradictoire, une telle renonciation ne pouvant se déduire du seul fait que l'intéressé ait accepté de s'expliquer lors de cet acte hors la présence de son conseil.

20. Il s'ensuit que le juge des libertés et de la détention était tenu de se prononcer dans son ordonnance de prolongation sur la demande motivée de report formalisée par l'avocat quelques jours avant le débat.

21. En conséquence, la cassation est encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 5 mars 2021 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

CONSTATE que M. [O] est détenu sans titre depuis le 5 mars 2021, minuit ;

ORDONNE sa mise en liberté, s'il n'est détenu pour autre cause.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Labrousse - Avocat général : M. Aubert -

Textes visés :

Article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; article 137-3 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Crim., 16 mars 2021, pourvoi n° 20-87.057, Bull. crim. 2021 (cassation sans renvoi).

Crim., 8 juin 2021, n° 21-82.017(P)

Cassation sans renvoi

Détention provisoire – Décision de prolongation – Débat contradictoire – Demande de renvoi – Réquisitions du ministère public – Audition obligatoire

Le juge des libertés et de la détention ne peut, à peine de nullité, prononcer sur la demande de renvoi formée à l'audience par la personne mise en examen qu'après avoir recueilli préalablement les réquisitions du ministère public, partie nécessaire au débat contradictoire sur la détention provisoire.

La méconnaissance de cette formalité est substantielle et porte atteinte aux intérêts de la personne mise en examen.

La preuve de son accomplissement doit résulter du procès-verbal du débat contradictoire ou des mentions de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention.

Encourt en conséquence la censure l'arrêt qui confirme l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant la détention provisoire de la personne mise en examen alors qu'il ne résulte ni de cette ordonnance ni du procès-verbal de débat contradictoire que le ministère public ait été entendu en ses réquisitions sur la demande de renvoi formée par la personne mise en examen avant que le juge des libertés et de la détention ne refuse de faire droit à celle-ci.

M. [Y] [P] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 11 mars 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants en bande organisée, direction d'un groupement ayant pour objet le trafic de stupéfiants, infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 2 mars 2020, M. [P] a été mis en examen des chefs précités et placé en détention provisoire.

3. Le 1er février 2021, son avocat a été convoqué en vue du débat de prolongation de la détention provisoire prévu le 22 février suivant.

4. Ce jour-là, avant le débat contradictoire, cet avocat a adressé au greffe du juge des libertés et de la détention un courriel indiquant qu'il ne pourrait pas s'y présenter et demandant que son client en soit informé.

5. La personne mise en examen a alors sollicité le report du débat.

6. Cette demande a été rejetée par le juge des libertés et de la détention qui a ordonné la prolongation de la détention provisoire.

7. M. [P] a fait appel de cette décision.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à prononcer l'annulation de l'ordonnance déférée, dit n'y avoir lieu d'ordonner la mise en liberté d'office de M. [P] et confirmé l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire de ce dernier alors :

« 1°/ que la demande de renvoi présentée par le mis en examen devant le juge des libertés et de la détention constitue un incident qui doit faire l'objet d'un débat contradictoire spécifique ? au cours duquel le ministère public doit être entendu et le mis en examen avoir la parole en dernier ? préalable à la décision du juge des libertés et de la détention de faire droit ou non à la demande ; qu'au cas d'espèce, il ressort des mentions du procès-verbal du débat contradictoire tenu le 22 février 2021 que dès l'ouverture du débat, M. [P] a déclaré : « je sollicite le report du débat mais vous m'indiquez que compte tenu des délais, notamment d'expiration du mandat de dépôt, ce n'est pas possible », puis que le ministère public a requis le maintien en détention de M. [P] ; qu'il ressort de ce procès-verbal que le juge des libertés et de la détention a rejeté la demande de renvoi de M. [P] sans l'avoir soumis à un débat contradictoire et en particulier sans solliciter les réquisitions du ministère public à son sujet ; qu'en affirmant, pour dire n'y avoir lieu à annulation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, que « la demande de renvoi a été rejetée après un débat contradictoire, le ministère public ayant requis la prolongation de la détention ce qui sous-entendait que, selon lui, le débat devait avoir lieu immédiatement et M. [P] ayant eu la parole en dernier », quand il ressortait du procès-verbal précité que la décision de rejeter la demande de renvoi avait été prise et notifiée à M. [P] avant que le ministère public ne requière son maintien en détention, la chambre de l'instruction a dénaturé le procès-verbal de débat contradictoire en violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 145, 591 et 593 du code de procédure pénale ; »

Réponse de la Cour

Vu les articles 145, alinéa 6, et 145-1 du code de procédure pénale :

9. Il résulte de ces textes que le juge des libertés et de la détention ne peut, à peine de nullité, prononcer sur la demande de renvoi formée à l'audience par la personne mise en examen qu'après avoir recueilli préalablement les réquisitions du ministère public, partie nécessaire au débat contradictoire sur la détention provisoire.

10. La méconnaissance de cette formalité est substantielle et porte atteinte aux intérêts de la personne mise en examen.

La preuve de son accomplissement doit résulter du procès-verbal du débat contradictoire ou des mentions de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention.

11. En l'espèce, pour écarter le moyen de nullité de l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire, prise de ce que le ministère public n'a pas été entendu en ses réquisitions sur la demande de renvoi du débat contradictoire formée par la personne mise en examen, l'arrêt énonce que le ministère public a requis la prolongation de la détention, ce qui implique que, selon lui, le débat devait avoir lieu immédiatement.

12. Les juges en déduisent qu'un débat contradictoire a bien eu lieu sur le report du débat.

13. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe susénoncé.

14. En effet, il ne résulte ni de l'ordonnance prolongeant la détention provisoire ni du procès-verbal de débat contradictoire, pièces dont la Cour de cassation a le contrôle, que le ministère public ait été entendu en ses réquisitions sur le renvoi de ce débat avant que le juge des libertés et de la détention ne refuse de faire droit à cette demande.

15. Il s'ensuit que la cassation est encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

16. M. [P] est détenu sans titre depuis le 2 mars 2021, à 00 heure.

17. Il doit être remis en liberté, sauf s'il est détenu pour autre cause.

18. Cependant, les dispositions de l'article 803-7, alinéa 1, du code de procédure pénale permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissance des formalités prévues par ce même code, dès lors qu'elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d'information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l'un des objectifs énumérés à l'article 144 dudit code.

19. Il ressort suffisamment de la procédure l'existence d'indices graves ou concordants permettant de soupçonner que M. [P] a commis, comme auteur ou complice, les faits pour lesquels il a été mis en examen.

20. En l'espèce, la mesure de contrôle judiciaire est indispensable afin :

 - d'empêcher une concertation frauduleuse entre M. [P] et ses coauteurs ou complices en ce que ce dernier est mis en examen pour des faits criminels d'association de malfaiteurs et d'importation massive de cocaïne (près de 3 300 kilogrammes en une fois) en bande organisée dont tous les membres n'ont pas encore été identifiés ; que notamment les frères [Y], suspectés d'avoir participé aux faits, et avec qui M. [P] entretiendrait des liens amicaux, n'ont pu à ce jour être entendus ; que, selon l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, en date du 25 février 2021, les différentes personnes mises en examen doivent être entendues sur le fond et éventuellement confrontées ; que même si M. [P] s'est expliqué devant le juge d'instruction, il convient que les actes d'information précités puissent s'effectuer sans possibilité de concertation ou de pression afin de permettre au juge de préciser les rôles respectifs de chacun ;

 - de garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice en ce que celle-ci, célibataire, père d'un enfant qui n'est pas à sa charge, était dépourvue au moment de son interpellation de toute activité professionnelle ; qu'il est à craindre, compte tenu de la gravité de la peine criminelle encourue, qu'elle ne tente de se soustraire à la justice.

21. Afin d'assurer ces objectifs, M. [P] sera astreint aux obligations figurant au dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 11 mars 2021 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

CONSTATE que M. [P] est détenu sans titre depuis le 1er mars 2021, minuit ;

ORDONNE sa mise en liberté, s'il n'est détenu pour autre cause ;

ORDONNE son placement sous contrôle judiciaire ;

DIT qu'il doit se soumettre aux obligations suivantes :

1°) ne pas sortir des limites du département des Hauts-de-Seine, sauf pour répondre aux convocations en justice ;

2°) fixer sa résidence chez Mme [A] [P], [Adresse 1] ; ne pas sortir de sa résidence entre 21 heures et 6 heures ;

3°) se présenter chaque lundi, mercredi et vendredi, entre 14 et 17 heures, au commissariat de police de Boulogne-Billancourt, [Adresse 2] et pour la première fois le 9 juin 2021 ;

4°) s'abstenir de recevoir ou de rencontrer les personnes dont les noms suivent ou d'entrer en contact, de quelque manière que ce soit, avec elles : MM. [T] [F], [G] [T], [N] [D], [M] [B], [O] [S], [R] [J], [C] [N], [Z] [A], [P] [M], [L] [O], [E] [L], [Q] [Y], [S] [Y], [W] [E], Mme [I] [A] ;

5°) remettre au greffe du juge d'instruction, au plus tard le 10 juin 2021, avant la fermeture du greffe, tout justificatif de son identité et notamment son passeport en échange d'un récépissé valant justification de l'identité ;

DÉSIGNE M. le commissaire de police de Boulogne-Billancourt pour veiller au respect des obligations prévues ci-dessus ;

DIT que le parquet général de cette Cour fera procéder aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale ;

DIT que le magistrat chargé de l'information est compétent pour l'application des articles 139 et suivants du code de procédure pénale et notamment modifier les obligations du contrôle judiciaire ou tirer les conséquences de leur violation ;

RAPPELLE qu'en application de l'article 141-2, alinéa 1, du code de procédure pénale, si la personne mise en examen se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire, le juge d'instruction peut décerner à son encontre mandat d'arrêt ou d'amener. Il peut également, dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l'article 137-1, saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de placement en détention provisoire. Quelle que soit la peine d'emprisonnement encourue, le juge des libertés et de la détention peut, décerner, à l'encontre de cette personne, un mandat de dépôt en vue de sa détention provisoire, sous réserve des dispositions de l'article 141-3.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Labrousse - Avocat général : M. Aubert - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles 145, alinéa 6, et 145-1 du code de procédure pénale.

Crim., 22 juin 2021, n° 20-86.726(B)

Rejet

Interrogatoire – Pouvoir du juge – Requalification des faits – Possibilité – Conditions – Détermination

Il résulte des articles 80-1 et 116 du code de procédure pénale que, sauf substitution d'une qualification criminelle à une qualification correctionnelle, le juge d'instruction peut, lors d'un interrogatoire, requalifier les faits reprochés à la personne mise en examen sans recueillir préalablement ses observations ou celles de son avocat, peu important que le quantum de la peine encourue au titre de la nouvelle qualification soit plus sévère.

Dès lors, justifie sa décision la chambre de l'instruction qui écarte le moyen de nullité pris de ce que le juge d'instruction n'a pas recueilli les observations de la personne mise en examen ou de son avocat avant de procéder à la requalification des faits qui lui étaient reprochés de meurtre en assassinat.

M. [E] [B] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 6e section, en date du 19 novembre 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'assassinat et tentative, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure.

Par ordonnance en date du 15 février 2021, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.

Des mémoires, en demande et en défense, et des observations complémentaires ont été produits.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 24 décembre 2015, le procureur de la République a ouvert une information judiciaire contre personne non dénommée des chefs d'homicide volontaire sur la personne d'[M] [Q]-[C] et de tentative d'homicide volontaire sur la personne de M. [H] [Q]-[C].

3. M. [B] a été mis en examen le 27 juillet 2016 de ces deux chefs.

4. Le 12 novembre 2018, le juge d'instruction a communiqué la procédure au procureur de la République aux fins de réquisitions supplétives pour « faits nouveaux (...) assassinat sur Mme [M] [Q]-[C] et tentative d'assassinat sur M. [H] [Q]-[C]...en raison des éléments issus de l'instruction qui, à ce stade, permettent de caractériser la préméditation ».

5. Le 14 novembre 2018, le procureur de la République a pris un réquisitoire supplétif des chefs d'assassinat et tentative d'assassinat sur respectivement [M] [Q] [C] et M. [H] [Q] [C].

6. M. [B] a été mis en examen de ces chefs le 27 mars 2019.

7. Le 23 juillet 2019, il a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en nullité de cette mise en examen, prise de ce qu'il avait été privé de son droit de faire valoir sa défense préalablement à sa notification.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

8. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de la mise en examen de l'exposant pour assassinat et tentative d'assassinat, alors :

« 1°/ que lorsqu'il envisage une mise en examen supplétive le juge d'instruction doit, au cours de l'interrogatoire, recueillir les observations de la personne et de son avocat avant d'attribuer, le cas échéant, le statut de mis en examen ou de témoin assisté ; qu'en rejetant la nullité de la mise en examen supplétive de M. [B] lorsqu'il est acquis que ce dernier s'est vu notifier cette mise en examen dès le début de l'interrogatoire, sans se voir offrir la possibilité de formuler des observations devant le magistrat instructeur, au motif inopérant qu'il se serait agi d'une « mise en examen modificative » impliquant uniquement un changement de qualification, la chambre de l'instruction a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 80-1, 116, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que, la mise en examen supplétive n'impliquant qu'une modification de la qualification juridique doit nécessairement, lorsque cette requalification va dans le sens d'une aggravation du chef de la poursuite, respecter la règle consistant à recueillir les observations du mis en examen après notification du fait qu'une telle mise en examen supplétive est envisagée ; qu'en déniant l'applicabilité de cette règle à la mise en examen supplétive par laquelle M. [B], jusqu'alors mis en cause pour des faits de meurtre et tentative de meurtre, s'est vu reprocher des faits d'assassinat et de tentative d'assassinat, qualifications plus sévères, la chambre de l'instruction a de nouveau méconnu les textes précités. »

Réponse de la Cour

10. Il convient de rechercher si le droit conventionnel ou le droit interne impose au juge d'instruction de recueillir les observations de la personne mise en examen ou de son conseil avant de procéder à une requalification des faits qui lui ont été précédemment notifiés lors de son interrogatoire de première comparution ou d'un précédent interrogatoire.

11. En vertu de l'article 6, § 3, a), de la Convention européenne des droits de l'homme, tout accusé a droit à être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui.

12. L'article précité reconnaît ainsi à l'accusé le droit d'être informé non seulement de la cause de l'« accusation », c'est-à-dire des faits matériels qui sont mis à sa charge et sur lesquels se fonde l'accusation, mais aussi de la qualification juridique donnée à ces faits, et ce d'une manière détaillée.

13. Selon la Cour européenne des droits de l'homme, le droit à être informé sur la nature et la cause de l'accusation doit être envisagé à la lumière du droit pour l'accusé de préparer sa défense. Dès lors, l'accusé doit être dûment et pleinement informé des modifications de l'accusation et doit disposer du temps et des facilités nécessaires pour y réagir et organiser sa défense sur la base de toute nouvelle information ou allégation (CEDH, arrêt du 25 juillet 2020, Mattoccia c. Italie, n° 23969/94).

14. La Cour en déduit que l'information sur les accusations portées, y compris sur la qualification juridique que le tribunal pourrait retenir en la matière, doit soit être donnée avant le procès dans l'acte d'inculpation, soit, à tout le moins, au cours du procès par d'autres moyens tels qu'une extension formelle ou implicite des charges (CEDH, arrêt du 20 avril 2006, I.H et autres c. Autriche, n° 42780/98).

15. Il s'ensuit que l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme n'exige pas qu'au cours de l'information judiciaire, durant laquelle les qualifications sont provisoires, les observations de la personne mise en examen ou de son avocat soient recueillies préalablement à une requalification des faits par le juge d'instruction.

16. Par ailleurs, il résulte de l'article 80-1 du code de procédure pénale, qui renvoie à l'article 116 dudit code, que le juge d'instruction n'est tenu de recueillir les observations de la personne qu'il envisage de mettre en examen et qui n'a pas déjà été entendue comme témoin assisté, que lors de son interrogatoire de première comparution.

17. Cette interprétation est corroborée par la finalité de l'article 116 qui est de garantir un débat contradictoire avant l'octroi du statut de personne mise en examen. Or, en cas de requalification des faits, l'intéressé étant déjà mis en examen, cette formalité n'a pas lieu d'être renouvelée.

18. Elle est également seule compatible avec l'article 118 du code de procédure pénale qui prévoit, par exception, le recueil des observations de la personne mise en examen en cas de substitution d'une qualification criminelle à une qualification délictuelle, en raison des conséquences qui sont attachées à cette requalification au regard tant de la juridiction compétente pour connaître éventuellement des faits que du régime de la détention.

19. Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que, sauf si une qualification criminelle est substituée à une qualification correctionnelle, le juge d'instruction peut, lors d'un interrogatoire, requalifier les faits reprochés à la personne mise en examen sans recueillir préalablement ses observations ou celles de son avocat, y compris si le quantum de la peine encourue au titre de cette nouvelle qualification est plus sévère.

20. En l'espèce, pour écarter le moyen de nullité de la mise en examen des chefs d'assassinat et tentative, l'arrêt, après avoir relevé que le juge d'instruction n'a procédé qu'à une requalification des faits pour lesquels M.[B] était mis en examen, énonce que, dans ce cas, sauf requalification de faits délictuels en criminels, hypothèse visée à l'article 118 du code de procédure pénale, aucune disposition ne prévoit l'obligation pour le juge d'instruction de recueillir préalablement les observations de la personne mise en examen ou de son avocat ou de l'avoir mise en mesure de les faire.

21. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen.

22. Le moyen ne peut dès lors être accueilli.

23. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la COUR :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Labrousse - Avocat général : M. Croizier - Avocat(s) : SCP Spinosi ; SCP Gadiou et Chevallier ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; articles 80-1, 116 et 118 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

CEDH, arrêt du 20 avril 2006, I.H et autres c. Autriche, n° 42780/98 ; CEDH, arrêt du 25 juillet 2020, Mattoccia c. Italie, n° 23969/94.

Crim., 9 juin 2021, n° 14-82.945, n° 19-86.972(P)

Cassation

Nullités – Arrêt annulant une mise en examen – Autorité de chose jugée – Etendue – Mise en examen ultérieure de la même personne – Possibilité – Conditions – Détermination

Saisie de l'exception de nullité tirée de l'autorité de chose jugée attachée à un arrêt ayant annulé une mise en examen, la chambre de l'instruction apprécie si la nouvelle mise en examen est justifiée par l'existence d'indices graves ou concordants, au regard de l'ensemble des éléments recueillis au cours de l'information depuis son début jusqu'à la date de cette nouvelle mise en examen.

A justifié sa décision, la chambre de l'instruction qui, pour écarter cette exception de nullité, s'est fondée, pour constater l'existence d'indices graves ou concordants, sur des pièces de l'information postérieures à l'arrêt ayant annulé la première mise en examen.

M. [V] [G] a formé des pourvois contre :

 - l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 3 mars 2014 qui, sur renvoi après cassation (Crim. 11 juin 2013, pourvoi n° 11-88.542), dans l'information suivie contre personne non dénommée des chefs d'extorsion, violation de domicile, dégradations et vol, a infirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction et ordonné la poursuite de l'information,

 - l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 4-10, en date du 21 octobre 2019, qui, pour violation de domicile, dégradations et vol, l'a condamné à douze mois d'emprisonnement avec sursis, 40 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires, en demande et en défense, et des observations complémentaires ont été produits.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte des arrêts attaqués et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Aux termes d'un acte reçu le 5 octobre 2001, la SCI [E] a acquis, par voie d'apport, un bien immobilier situé à Sartène. Mme [H] [X], épouse de M. [N], et ce dernier, détiennent, via la SCI Petru Pan, la totalité du capital de la SCI [E].

3. Les époux [N] ont occupé les lieux sans difficulté jusqu'en juin 2005. A partir de juin 2006, Mme [X] s'est vue dans l'impossibilité d'entrer sur le domaine, le badge dont elle disposait ne fonctionnant plus, et les serrures de sa maison ayant été changées. Elle a déposé plainte contre M. [V] [G].

4. Une information a été ouverte du chef d'extorsion et vol le 11 juillet 2008 avec mise en examen, à la même date, de M. [G] et placement sous contrôle judiciaire.

5. Par un arrêt du 11 mars 2009, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia a prononcé la nullité de la mise en examen du chef d'extorsion de biens et du chef de vol et décidé que par l'effet de cette annulation M. [G] devait être considéré comme témoin assisté.

6. Le 3 mai 2011, le juge d'instruction du tribunal de grande instance d'Ajaccio a rendu une ordonnance de non-lieu.

7. Suite aux appels formés par le ministère public, Mme [X] et la SCI [E], la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia a confirmé l'ordonnance de non-lieu par arrêt du 23 novembre 2011.

8. Mme [X] et la SCI [E] se sont pourvues contre cette décision.

Par arrêt du 11 juin 2013, la chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions cet arrêt et a renvoyé la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris qui a statué par l'arrêt susvisé.

9. A l'issue de l'information, M. [G] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs de violation de domicile, dégradation du bien d'autrui et vols, qui l'en a déclaré coupable, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.

10. M. [G], le ministère public, Mme [X] et la SCI [E] ont relevé appel de cette décision.

Sur les deuxième, troisième, quatrième, septième et huitième moyens relatifs à l'arrêt en date du 21 octobre 2019

11. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen relatif à l'arrêt en date du 3 mars 2014

Enoncé du moyen

12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction le 3 mai 2011, alors « que la décision d'une chambre de l'instruction annulant une mise en examen revêt l'autorité de chose jugée et s'oppose à ce qu'une nouvelle appréciation des mêmes indices puisse conduire à une décision contraire de la part du juge d'instruction en l'absence d'éléments nouveaux apparus à la procédure postérieurement ; qu'en l'espèce, la mise en examen de l'exposant du chef de vol et d'extorsion de bien a été annulée par une décision de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia du 11 mars 2009 devenue définitive ; qu'en considérant que ce dernier arrêt ne constitue « qu'une pièce de la procédure dont la portée est susceptible d'être remise en cause », la chambre de l'instruction a méconnu le principe de l'autorité de la chose jugée, 6, 113-8 et 591 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

13. Pour prononcer la mise en examen de M. [G], le juge d'instruction au tribunal de Paris s'est fondé, non seulement sur le contenu de la procédure à la date du 11 mars 2009, jour de l'annulation par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia de la mise en examen mais aussi sur d'autres éléments, connus par la suite, en particulier une audition de l'intéressé, le 7 janvier 2010, et le contenu de deux décisions civiles prononcées par la cour d'appel de Bastia, le 28 janvier 2009, et par la Cour de cassation, le 18 mai 2010, intervenues dans des instances dans lesquelles le demandeur est partie, pour estimer qu'il existait à son encontre des indices graves ou concordants d'avoir commis des infractions, objet de l'information.

14. Pour écarter l'exception de nullité de la procédure, présentée par M. [G], qui se prévalait de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt précité du 11 mars 2009, la chambre de l'instruction indique que l'existence d'indices graves ou concordants à son encontre doit être appréciée à la lumière de l'ensemble des éléments du dossier de l'information, en particulier de ceux qui ont été rassemblés après l'arrêt ayant annulé sa mise en examen, et qu'en l'espèce, ces éléments établissent l'existence de tels indices.

15. En l'état de ces motifs, la chambre de l'instruction, à qui il revenait d'apprécier si la mise en examen du demandeur était justifiée au regard de l'ensemble des éléments recueillis au cours de l'information jusqu'à cette nouvelle notification de la mise en examen, a justifié sa décision.

16. Le moyen ne peut, dès lors, être admis.

Sur le sixième moyen relatif à l'arrêt en date du 21 octobre 2019

Enoncé du moyen

17. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné l'exposant à payer à Mme [H] [X] épouse [N], partie civile, la somme de 80 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement du préjudice moral, alors « que tout arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer péremptoirement qu'il convient de condamner l'exposant à verser la somme de 80 000 euros à la partie civile au titre du préjudice moral, sans préciser en quoi la partie civile avait subi un tel préjudice, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 2 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

18. Le moyen, qui se borne à critiquer l'appréciation souveraine, par la cour d'appel, du montant de l'indemnité propre à réparer le préjudice moral subi par la victime et résultant directement de l'infraction, ne peut être admis.

Mais sur le cinquième moyen relatif à l'arrêt en date du 21 octobre 2019

Enoncé du moyen

19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné l'exposant à la peine d'un an d'emprisonnement assorti du sursis, de 40 000 euros d'amende et à la peine complémentaire de confiscation des scellés de la procédure, alors :

« 1°/ qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine doit en justifier la nécessité au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'en condamnant l'exposant à la peine d'un an d'emprisonnement assorti du sursis sans s'être expliquée sur sa personnalité et sa situation, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des critères de motivation de la peine prévus par l'article 132-1 du code pénal ;

2°/ que toute peine prononcée par le juge répressif doit être individualisée ; qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle, y compris de ses ressources et de ses charges ; qu'en s'abstenant de rappeler l'énoncé des principes qui président au prononcé d'une peine d'amende et en ne motivant pas concrètement celle-ci au regard des circonstances de l'infraction et de la situation personnelle de l'exposant, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 132-1 du code pénal ;

3°/ qu'il incombe au juge qui décide de confisquer un bien de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu ; qu'en confirmant une peine complémentaire de confiscation prononcée par les premiers juges, sans s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte ainsi portée au droit de propriété de l'exposant, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et 131-21 du code pénal. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 132-1, 132-20, alinéa 2, et 131-21 du code pénal :

20. Selon le premier de ces textes, en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle.

21. Selon le second de ces textes, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision en tenant compte des ressources et des charges du prévenu.

22. Hormis le cas où la confiscation, qu'elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue le produit ou l'objet de l'infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé lorsqu'une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d'office lorsqu'il s'agit d'une confiscation de tout ou partie du patrimoine.

23. Il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu.

24. Pour condamner M. [G] à douze mois d'emprisonnement avec sursis, 40 000 euros d'amende et ordonner la confiscation des scellés, l'arrêt, après avoir rappelé que M. [G] exerce la profession de gérant du domaine de Murtoli et perçoit des revenus mensuels de 50 000 à 60 000 euros, énonce que la gravité des faits réside tout d'abord en l'espèce dans la durée de la prévention qui s'étale sur deux ans et dans la persistance de M. [G] à porter atteinte au droit de propriété de la partie civile de manière délibérée et planifiée en ayant changé les serrures et le badge d'accès au domaine, pour ensuite déplacer les meubles de Mme [X] afin d'opérer les travaux importants d'aménagement de la maison, dans un but lucratif, sans se soucier de la volonté de la légitime propriétaire.

Les juges ajoutent que M. [G] ne démontre pas non plus avoir obtenu l'accord de M. [V] [E] pour ces agissements, alors même qu'il soutient qu'il le prenait pour le véritable propriétaire, ce qui dénote une mauvaise foi évidente.

25. Ils précisent que M. [G] a une situation sociale et professionnelle stable et n'avait jamais été condamné au moment des faits visés en prévention.

26. Ils ajoutent, pour confirmer la peine de confiscation des scellés, que la restitution de ces derniers n'a été réclamée par aucune partie.

27. En prononçant ainsi sans s'expliquer, d'une part, sur la situation personnelle du prévenu et sur ses charges et, d'autre part, sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété par la mesure de confiscation et sans préciser la nature et l'origine des biens confisqués ainsi que le fondement de la mesure, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

28. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

29. La cassation sera limitée aux peines prononcées à l'égard de M. [G] dès lors que la déclaration de culpabilité et la décision sur les intérêts civils n'encourent pas la censure.

30. L'affaire sera renvoyée devant une cour d'appel pour qu'il soit à nouveau statué dans les limites de la cassation ainsi prononcée, conformément à la loi, et, le cas échéant, aux dispositions de l'article 485-1 du code de procédure pénale, dans leur rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars applicables à partir du 24 mars 2020.

Examen de la demande fondée sur l'article 618-1 du code de procédure pénale

31. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel.

La déclaration de culpabilité de M. [G] étant devenue définitive par suite de la non-admission des deuxième, troisième et quatrième moyens, il y a lieu de faire partiellement droit aux demandes formées à ce titre.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur le pourvoi formé par M. [G] contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris en date du 3 mars 2014 :

Le REJETTE ;

Sur le pourvoi formé par M. [G] contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, en date du 21 octobre 2019 :

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 21 octobre 2019, mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

FIXE à 2500 euros la somme globale que M. [V] [G] devra payer à Mme [H] [X] et à la SCI [E] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Carbonaro - Avocat général : Mme Bellone - Avocat(s) : SCP Spinosi ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles 6, 113-8 et 591 du code de procédure pénale.

Crim., 16 juin 2021, n° 21-80.614(B)

Cassation

Nullités – Effets – Annulation d'actes – Actes subséquents – Régularité – Condition

CASSATION sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel de Douai contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel en date du 13 janvier 2021, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 18 mars 2020, n° 19-84.372), dans l'information suivie contre M. [V] [D] des chefs de blanchiment aggravé, transfert de capitaux sans déclaration, blanchiment douanier et association de malfaiteurs a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces et d'actes de la procédure.

Par ordonnance en date du 18 février 2021, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 9 février 2018, à 1 heure 35, les agents des douanes ont procédé au contrôle d'un véhicule.

La fouille du bagage d'un passager, M. [D], qui avait déclaré ne pas transporter des sommes égales ou supérieures à 10 000 euros, a permis la découverte de liasses de billets de 500 euros pour un montant global de 215 080 euros. Des opérations complémentaires de fouille, de décompte, dépistage et consignation des fonds, et d'audition de l'intéressé ont été effectuées au siège de l'unité douanière de 1 heure 50 à 10 heures 45, heure à laquelle M. [D] a été placé en garde à vue. Ce dernier a été mis en examen des chefs précités et placé sous contrôle judiciaire.

3. Le 26 avril 2019, saisie par la personne mise en examen, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai a dit n'y avoir lieu à annulation de la procédure douanière et des actes de procédure subséquents.

4. Par arrêt du 18 mars 2020, la Cour de cassation a cassé cette décision et renvoyé l'affaire devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai autrement composée.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen est pris de la violation des articles 591, 593, 174, alinéas 2 et 3, et 206 alinéa 2 du code de procédure pénale.

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé la nullité de l'intégralité des pièces du dossier d'instruction diligentée à l'encontre de M. [D], alors :

1°/ que la chambre de l'instruction, qui a constaté que les actes réalisés par les agents des douanes entre 1 heure 35 et 4 heures 10 étaient réguliers, s'est contredite en prononçant l'annulation de l'intégralité du procès-verbal des douanes qui recense de manière détaillée non seulement les actes viciés, effectués postérieurement à 4 heures 10, mais également les actes réalisés antérieurement ;

2°/ que la procédure diligentée par les services de police, ainsi que l'ouverture de l'information judiciaire et la mise en examen, qui trouvent leur support dans les actes accomplis par l'administration des douanes antérieurement à 4 heures 30 et non dans les actes viciés, ne peuvent être annulés ;

3°/ que la chambre de l'instruction a procédé par affirmation sans préciser le lien de causalité entre l'acte initial annulé et ceux qui le sont par voie de conséquence.

Réponse de la Cour

Vu les articles 174 et 802 du code de procédure pénale :

7. Il résulte de ces textes que, lorsqu'une irrégularité constitue une cause de nullité de la procédure, seuls doivent être annulés les actes affectés par cette irrégularité et ceux dont ils sont le support nécessaire.

8. En l'espèce, pour annuler l'ensemble des procès-verbaux de la procédure douanière, ainsi que toute la procédure subséquente, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les conditions d'exercice du droit de visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes prévues par l'article 60 du code des douanes, relève qu'entre 1 heure 30 et 4 heures 10, les agents des douanes ont procédé régulièrement à la vérification du véhicule, des bagages et au contrôle de M. [D], précisant que ce contrôle s'est poursuivi à partir de 1 heure 50 dans les locaux des douanes.

9. Il retient également qu'en revanche, à compter de 4 heures 10, les agents des douanes ont procédé à des opérations qui ne relèvent pas des pouvoirs qu'ils détiennent dans le cadre de l'exercice du droit de visite (dépistage de l'imprégnation en stupéfiants des billets de 4 heures 10 à 4 heures 30, audition de M. [D] de 6 heures 25 à 8 heures 30) et constate l'absence de tout acte entre 4 heures 30 et 6 heures 25. Il précise qu'il a été ensuite procédé de 9 heures 20 à 9 heures 45 au placement sous scellés douaniers des billets de banque puis à l'établissement du procès-verbal constatant l'accomplissement de l'ensemble de ces opérations qui a été clôturé à 10 heures 45.

10. Les juges énoncent que la nature des opérations réalisées par les agents des douanes, leur chronologie et leur étalement dans le temps ont été à l'origine d'un maintien de M. [D] à leur disposition au-delà de ce qui était strictement nécessaire à l'accomplissement de la mesure du droit de visite.

11. Ils ajoutent que, compte tenu de la nature de l'infraction notifiée à M. [D], il ne pouvait faire l'objet d'une retenue douanière.

12. La cour d'appel en conclut qu'en faisant une application extensive et erronée des prérogatives inhérentes à l'exercice du droit de visite de l'article 60 du code des douanes, les agents de l'administration des douanes ont effectué un détournement de cette procédure leur permettant ainsi de pallier l'impossibilité de procéder à une retenue douanière, et ce au mépris des droits de la défense et de l'exercice d'un contrôle de l'autorité judiciaire et que les opérations effectuées dans le cadre de l'exercice du droit de visite dont a fait l'objet M. [D] ne se sont pas succédé sans délai et sans discontinuité et ne pouvaient donner lieu au maintien de la personne concernée à la disposition des agents des douanes de 1 heure 35 à 10 heures 40.

13. Elle en déduit que la procédure douanière est entachée de nullité, de même que la procédure ouverte en flagrant délit à la suite de la remise de M. [D] par les agents des douanes aux enquêteurs de la police judiciaire, qui trouve son support nécessaire dans la procédure douanière dont la nullité vicie l'ensemble de l'enquête de flagrance et l'information ouverte postérieurement.

14. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé.

15. En effet, d'une part, le maintien d'une personne à la disposition des agents des douanes dans le cadre de l'exercice du droit de visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes prévu à l'article 60 du code des douanes au-delà de ce qui est strictement nécessaire à l'accomplissement de cette mesure et à l'établissement du procès-verbal qui la constate n'entraîne l'annulation de la procédure de contrôle douanier qu'à compter du moment où la mesure de contrainte cesse d'être justifiée.

16. En conséquence, ne doivent être annulés ou cancellés que les procès-verbaux ou les mentions de procès-verbaux dressés par l'administration des douanes postérieurement à ce moment.

17. D'autre part, le maintien irrégulier sous contrainte dans le cadre des opérations de contrôle effectuées sur le fondement de l'article 60 du code des douanes ne suffit pas à lui seul à entraîner la nullité de la procédure judiciaire qui lui fait suite.

18. En conséquence il appartenait à la chambre de l'instruction de rechercher s'il subsistait dans la procédure douanière des éléments suffisants pour justifier l'enquête de flagrance et l'information judiciaire subséquentes.

19. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 13 janvier 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Fouquet - Avocat général : M. Salomon - Avocat(s) : SCP Leduc et Vigand -

Textes visés :

Article 60 du code des douanes.

Crim., 15 juin 2021, n° 21-81.843(P)

Rejet

Ordonnances – Notification – Traduction dans une langue étrangère comprise par l'intéressé – Effet – Report du point de départ du délai d'appel – Exception – Traduction hors délai raisonnable

La notification de l'ordonnance de mise en accusation traduite dans une langue étrangère comprise par l'accusé, permettant à celui-ci d'exercer une voie de recours et les droits de la défense, reporte la date à laquelle l'ordonnance devient définitive, sauf lorsque la traduction n'a pas été effectuée dans le délai raisonnable prévu par l'article D. 594-8 du code de procédure pénale.

REJET du pourvoi formé par M. [R] [Q] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 3ème section, en date du 11 mars 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de tentative de meurtre et destruction de bien, a prolongé sa détention provisoire.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. [Q] [J] a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire, sous mandat de dépôt criminel, le 14 décembre 2018.

3. Par ordonnance en date du 21 février 2020, notifiée le même jour, le juge d'instruction a ordonné sa mise en accusation des chefs précités et son renvoi devant la cour d'assises.

4. Cette ordonnance a fait l'objet d'une traduction en langue portugaise qui a été notifiée à l'accusé le 16 mars 2020.

5. Par réquisitions du 16 février 2021, le procureur général a saisi la chambre de l'instruction aux fins de prolongation de la détention provisoire de l'intéressé, dans l'attente de sa comparution devant la juridiction criminelle.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen est pris de la violation des articles la violation des articles 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, 181, 186, 591 et 593 du code de procédure pénale.

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prolongé la détention provisoire pour une durée de six mois à partir de l'expiration du délai d'un an qui s'est écoulé à compter de la date à laquelle la décision de mise en accusation est devenue définitive, alors :

« 1°/ que l'accusé détenu est remis en liberté s'il n'a pas comparu devant la cour d'assises dans un délai d'un an à compter de la date à laquelle la décision de mise en accusation est devenue définitive s'il était alors détenu ; que pour l'application de cette disposition, une ordonnance de mise en accusation doit être regardée comme définitive à l'expiration d'un délai de 10 jours à compter de sa notification à l'accusé ; que ce point de départ ne saurait être reporté à la notification à l'accusé de la traduction de l'ordonnance de mise en accusation, sauf à prolonger au détriment de l'accusé qui ne maîtrise pas le délai de traduction le délai de détention à compter de la mise en accusation ; qu'en jugeant que le délai d'un an n'avait couru à l'égard de la personne détenue qu'à compter du 26 mars 2020, dix jours après la notification de la traduction de l'ordonnance de mise en accusation, quand il devait être regardé comme ayant couru à compter du 2 mars 2020, dix jours après la notification en français de l'ordonnance de mise en accusation, et n'était donc pas susceptible d'être prorogé par arrêt du 11 mars 2021, M. [Q] [J] étant détenu sans titre depuis le 2 mars 2021 ;

2°/ que les droits de la défense sont à la disposition de celui au bénéfice duquel ils sont institués ; que l'exigence de notification au détenu non-francophone de la traduction de l'ordonnance de mise en accusation constitue une mesure en faveur de l'accusé qui ne saurait lui préjudicier ; que le détenu non-francophone est donc fondé à soutenir, lorsqu'il en va de son intérêt, que la notification de l'ordonnance en langue française suffit à faire courir le délai de recours contre cet acte ; qu'au cas d'espèce, M. [Q] [J] prétendait que le point de départ du délai de recours contre l'ordonnance de mise en accusation devait être fixé à la date à laquelle il avait reçu la notification de cette ordonnance en langue française, puisqu'il y allait de son intérêt ; qu'en jugeant que ce point de départ devait être fixé à la date de la notification de la traduction de l'ordonnance, la chambre de l'instruction a violé les textes sus mentionnés ;

3°/ que si le point de départ du délai d'un an fixé par l'article 181 du code de procédure pénale pour la comparution de l'accusé détenu devant la cour d'assises devait être fixé à l'expiration du délai de recours contre la décision de mise en accusation, lui-même calculé à compter de la notification de la traduction de cette décision en une langue comprise de l'intéressé, la notification de cette traduction doit être faite sans retard ; qu'en jugeant qu'au 11 mars 2021, M. [Q] [J] n'était pas détenu sans titre dès lors que la traduction de l'ordonnance de mise en accusation le visant lui avait été notifiée le 16 mars 2021, sans rechercher si un délai de près d'un mois entre la notification de l'ordonnance en langue française et la notification de sa traduction, ayant pour effet de repousser d'autant la détention provisoire de l'intéressé avant sa comparution, ne caractérisait pas un retard devant entraîner sa remise en liberté, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale. »

Réponse de la Cour

8. Pour juger que le délai prévu par l'article 181 du code de procédure pénale n'était pas expiré, l'arrêt attaqué énonce que l'ordonnance de mise en accusation constitue un acte essentiel dont la complexité impose la traduction pour qu'elle soit opposable à une personne maîtrisant mal le français afin de lui permettre d'exercer pleinement les droits de la défense.

9. Les juges ajoutent que, lors de l'interrogatoire de première comparution, M. [Q] [J] a déclaré au juge d'instruction qu'il écrivait un peu le français, confirmant ainsi son absence de maîtrise de la langue française écrite.

10. Ils relèvent qu'après notification de l'ordonnance de mise en accusation en français le 21 février 2020, le magistrat instructeur a requis un interprète pour traduire celle-ci le 27 février 2020. Cette ordonnance traduite en portugais, langue comprise et parlée par l'intéressé, a été notifiée le 16 mars 2020.

11. Les juges énoncent encore qu'il résulte de la combinaison des articles 805-3 et D.594-6 du code de procédure pénale que les décisions de saisine de la juridiction de jugement, essentielles à l'exercice des droits de la défense et à la garantie du caractère équitable du procès, doivent être traduites en application de l'article préliminaire et que l'article 186 du même code prévoit que l'appel d'une ordonnance de mise en accusation doit être formé dans un délai de dix jours à compter de sa notification.

12. Ils retiennent que c'est à partir du 16 mars 2020 que le délai de recours a couru, de sorte que l'ordonnance de mise en accusation n'est devenue définitive que le 26 mars 2020.

13. Ils en déduisent que le délai dans lequel M. [Q] [J] devait comparaître devant la cour d'assises commençant le 26 mars 2020, il n'expirait que le 26 mars 2021.

14. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

15. En effet, la notification en langue étrangère comprise par l'accusé, permettant à celui-ci d'exercer une voie de recours et les droits de la défense, reporte la date à laquelle l'ordonnance devient définitive, sauf lorsque la traduction n'a pas été effectuée dans le délai raisonnable prévu par l'article D.594-8 du code de procédure pénale.

16. Dès lors le moyen, nouveau, mélangé de fait et comme tel irrecevable en sa troisième branche, n'est pas fondé.

17. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Bellenger - Avocat général : M. Lagauche - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles préliminaire,181, 186, 803-5, D. 594-6 et D. 594-8 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Sur la traduction des pièces essentielles à l'exercice des droits de la défense, à rapprocher : Crim., 26 janvier 2016, pourvoi n° 15-80.299, Bull. crim. 2016, n° 16 (cassation), et les arrêts cités.

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