Numéro 6 - Juin 2020

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

CASSATION

Crim., 16 juin 2020, n° 19-81.477, (P)

Cassation

Effets – Renvoi – Juridiction de renvoi – Saisine – Etendue

Il résulte des articles 567 et 609 du code de procédure pénale que si le pourvoi a pour effet de déférer à la Cour de cassation la décision attaquée dans son intégralité, cet effet est limité par la qualité du demandeur, par sa volonté ou par son intérêt à agir.

Il s'ensuit que lorsqu'un arrêt est annulé par la Cour de cassation, la juridiction de renvoi se trouve saisie de la cause dans l'état où elle se trouvait quand elle a été soumise aux juges dont la décision a été cassée, dans les limites fixées par l'acte de pourvoi et dans celles de la cassation intervenue.

CASSATION sur le pourvoi formé par la Société International Sport Fashion (la société ISF)contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 5-1, en date du 22 janvier 2019, qui, sur renvoi après cassation (Crim, 20 avril 2017, pourvoi n° 15-83.595), l'a condamnée à 2 000 euros d'amende douanière pour contravention au code des douanes.

LA COUR,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. La société International Sport Fashion (la société ISF) a fait l'objet de contrôles entre 2007 et 2009 par des agents du service régional d'enquête des douanes qui ont conduit au déclenchement de poursuites à son encontre des chefs d'importation sans déclaration de marchandises réputées prohibées résultant de fraudes, et de fausses déclarations et manoeuvres destinées à éludeer ou minorer le montant des droits anti-dumping.

3. Par jugement du 29 septembre 2014, le tribunal correctionnel de a déclaré la société ISF coupable et l'a condamnée, solidairement avec d'autres, à une amende douanière de 452 339 euros.

4. Sur appel de cette société et appel incident du ministère public, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, par arrêt du 15 mai 2015, a relaxé la prévenue.

5. Sur pourvoi de l'administration des douanes et droits indirects, la Cour de cassation a partiellement cassé cette décision, en ce qu'elle a relaxé les prévenus du chef de fausse déclaration d'espèces, et a renvoyé l'affaire devant la même cour, autrement composée (Crim, 20 avril 2017, pourvoi n° 15-83.595).

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens

6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen est pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 385, 512, 567, 609, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble les principes du respect des droits de la défense et du droit à un recours effectif.

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit irrecevables les exceptions présentées ainsi que le moyen tiré de la prescription, alors « que l'objet de l'instance de renvoi est déterminé par l'effet dévolutif du pourvoi ; et que l'effet dévolutif du pourvoi de l'autorité de poursuite contre un arrêt de relaxe ne s'étend pas au dispositif de cet arrêt rejetant les exceptions de procédure et de prescription soulevées par la défense, celle-ci pouvant donc, en cas de cassation, les soulever à nouveau devant la cour de renvoi ; qu'en effet, la partie qui a obtenu gain de cause retrouve, en cas de cassation sur le pourvoi de son adversaire, le droit de proposer à nouveau devant la juridiction de renvoi les exceptions rejetées par la décision cassée ; qu'en l'espèce, la société ISF, qui était sans intérêt à se pourvoir contre l'arrêt qui la relaxait, pouvait soulever devant la cour de renvoi les exceptions de procédure et de prescription qu'avait rejetées la première cour, nonobstant le dispositif de l'arrêt de cassation déclarant « maintenir toute autre disposition » de l'arrêt de relaxe cassé partiellement, pareille formule ne pouvant viser ces exceptions qui n'étaient pas en débat devant la Cour de cassation ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa saisine et violé les dispositions susvisées. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 609 du code de procédure pénale, ensemble l'article 567 du même code :

9. Si le pourvoi a pour effet de déférer à la Cour de cassation la décision attaquée dans son intégralité, cet effet est limité par la qualité du demandeur, par sa volonté ou par son intérêt à agir.

10. Lorsqu'un arrêt est annulé par la Cour de cassation, la juridiction de renvoi se trouve saisie de la cause dans l'état où elle se trouvait quand elle a été soumise aux juges dont la décision a été cassée, dans les limites fixées par l'acte de pourvoi et dans celles de la cassation intervenue.

11. Pour déclarer irrecevables des exceptions de nullité et un moyen tiré de la prescription soulevés par la société ISF devant les premiers juges et la cour d'appel initialement saisie, l'arrêt énonce que ces exceptions ne sont pas recevables dans la mesure où la Cour de cassation, cassant et annulant l'arrêt du 14 avril 2015 seulement en ce qu'il a relaxé les prévenus du chef de fausse déclaration d'espèces, a précisé que toutes les autres dispositions de cet arrêt, qui avait notamment écarté les exceptions précitées, étaient expressément maintenues.

12. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

13. En effet, les exceptions régulièrement soulevées et le moyen pris de la prescription, subsistaient nécessairement dans les débats devant la cour de renvoi dès lors que, d'une part, une partie des faits dont elle était saisie restaient en discussion, ce qui impliquait que l'action publique persistait, d'autre part, ces moyens n'avaient pu être examinés par la Cour de cassation, aucune des parties n'ayant qualité ou intérêt à les produire.

14. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 22 janvier 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.

- Président : M. Soulard (président) - Rapporteur : M. Barbier - Avocat général : Mme Caby - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 567 et 609 du code de procédure pénale.

Crim., 24 juin 2020, n° 18-85.540, (P)

Rejet

Pourvoi – Pourvoi de la partie civile – Arrêt ayant prononcé sur les seuls intérêts civils – Partie civile placée en liquidation judiciaire – Concours du liquidateur – Absence – Effet

Il résulte de l'article L. 641-9, I, du code de commerce, modifié par la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, que le débiteur en liquidation judiciaire ne peut se constituer partie civile que dans le but de déclencher ou de soutenir l'action publique, le liquidateur disposant seul de la faculté d'exercer l'action civile afin d'assurer la défense des intérêts patrimoniaux de ce dernier. Ce principe s'applique lorsque sont en cause les seuls intérêts civils, mais également lorsque la constitution de partie civile est associée à l'action publique.

Le mandataire ad hoc désigné pour représenter le débiteur en liquidation judiciaire est en conséquence irrecevable à agir en réparation du préjudice subi par ce dernier.

REJET des pourvois formés par M. V... Q... :

- contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar en date du 8 novembre 2012, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de complicité de présentation de comptes inexacts, faux et complicité d'usage de faux, a rejeté sa requête en annulation d'actes de procédure.

- contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar en date du 5 février 2015, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de complicité de présentation de comptes inexacts, faux et complicité d'usage de faux, a déclaré partiellement irrecevable sa requête en annulation d'actes de procédure et l'a rejetée pour le surplus.

- contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar n°180 en date du 31 mars 2016, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de complicité de présentation de comptes inexacts, faux et complicité d'usage de faux, a confirmé l'ordonnance d'irrecevabilité de la demande d'octroi de témoin assisté.

- contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar n°181 en date du 31 mars 2016, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de complicité de présentation de comptes inexacts, faux et complicité d'usage de faux, a déclaré irrecevable sa requête en annulation d'actes de la procédure.

- contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 10 juillet 2018, qui, pour complicité de présentation de comptes inexacts, faux et complicité d'usage de faux, l'a condamné à dix huit mois d'emprisonnement avec sursis, 100 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Courant 2008, une enquête préliminaire, puis une information judiciaire ont été ouvertes concernant les activités d'un ensemble de sociétés, gérées par M. W... I..., ayant pour activité principale la promotion immobilière.

2. Le juge d'instruction saisi a notamment ordonné une expertise comptable par ordonnance du 20 janvier 2011 et désigné pour y procéder M. E... D... et Mme H... G... qui ont déposé leur rapport le 5 avril 2012.

3. M. Q..., expert comptable auprès des sociétés du groupe Brun a été mis en cause notamment pour avoir émis des attestations faisant état d'apports en compte courant au profit de certaines de ces sociétés qui ne correspondaient pas à la réalité. Mis en examen, il a saisi la chambre de l'instruction d'une requête tendant à l'annulation de ce rapport.

4. A l'issue de l'information, M. Q... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs de complicité de présentation de comptes inexacts, faux et complicité d'usage de faux et condamné à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et 100 000 euros d'amende.

5. Les premiers juges ont reçu les constitutions de partie civile notamment des sociétés civiles immobilières Villa les Roses et Cote Cour, en liquidation judiciaire, et condamné M. Q... à réparer leur préjudice, qu'ils ont apprécié.

6. M. Q..., le procureur de la République et certaines parties civiles ont formé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur les deuxième moyen relatif à l'arrêt en date du 5 février 2015, troisième moyen relatif à l'arrêt n°180 du 31 mars 2016, quatrième moyen relatif à l'arrêt n°181 du 31 mars 2016 et les cinquième, sixième moyen pris en ses première, deuxième et quatrième branches, septième moyen pris en sa première branche et neuvième moyen, relatifs à l'arrêt en date du 10 juillet 2018

7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen relatif à l'arrêt en date du 8 novembre 2012

Enoncé du moyen

8. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, préliminaire, 167, 591 et 593 du code de procédure pénale.

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation du rapport d'expertise déposé par M. D... et Mme G... le 5 avril 2012, alors :

« 1°/ que le grief de partialité est établi lorsqu'il existe des raisons légitimes de craindre un défaut d'impartialité ou encore en considération d'appréhensions du requérant objectivement justifiées ; qu'en se bornant à juger que la mission de commissariat aux apports est distincte de la mission d'expertise comptable et n'apparaît pas incompatible avec celle-ci, que la société FIDUAL n'est pas partie à la présente procédure pénale et que l'expert D... n'a pas eu directement de contact avec M. Q... dans le cadre de la mission ordonnée par la présidente de la chambre commerciale, sans expliquer en quoi ces circonstances n'étaient pas de nature à faire naître des appréhensions objectivement justifiées, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;

2°/ qu'en jugeant que l'éventuelle irrégularité dans les fonctions de commissaire aux comptes titulaire et de commissaire aux comptes suppléant de la SAS Grumbach Immobilier respectivement exercées par le cabinet G... et par Mme H... G... est sans influence sur l'appréciation de l'indépendance et de l'impartialité de celle-ci en qualité d'expert, sans expliquer en quoi ces circonstances n'étaient pas de nature à faire naître des appréhensions objectivement justifiées, la chambre de l'instruction n'a de plus fort pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

10. Pour écarter le grief de partialité invoqué par le requérant et dire n'y avoir lieu à annulation du rapport d'expertise déposé par M. D... et Mme G..., l'arrêt attaqué énonce que la mission de commissariat aux apports, telle que celle qui a été confiée à M. D... par la présidente du tribunal de commerce dans le cadre de la cession à la société FIDUAL de titres de la Fiduciaire du Bas-Rhin détenus par les fondateurs de la FIDUAL, est distincte de la mission d'expertise comptable et n'apparaît pas incompatible avec celle-ci, d'autant que la société FIDUAL n'est pas partie à la présente procédure pénale et que dans le cadre de la mission ordonnée par la présidente de la chambre commerciale, l'expert D... n'a pas eu directement de contact avec M. Q..., qui n'est pas mentionné dans le rapport déposé auprès de ce magistrat. Il retient que l'éventuelle connaissance d'un conflit existant entre les anciens associés de la société FIDUAL et M. Q... n'est pas de nature à priver l'expert d'indépendance et d'impartialité à l'égard du mis en examen dans le cadre de l'exercice de la mission d'expertise confiée par le magistrat instructeur.

11. Les juges relèvent, s'agissant de Mme G..., que si la SAS Grumbach Immobilier a acquis un terrain auprès de la société Brun Habitat, ni cette société, ni ses dirigeants ne sont parties à la présente information judiciaire et qu'en sa qualité de commissaire aux comptes de cette société depuis 2002, Mme G..., qui au demeurant a précisé au magistrat instructeur que la seule mise en cause d'un prix d'achat par un liquidateur de la société Brun Habitat dont elle a eu connaissance était relative au terrain d'Haguenau pour lequel les expertises diligentées ont estimé la valeur du terrain à un montant proche de celui du prix d'achat effectif, n'avait pas à vérifier le prix d'une transaction immobilière réalisée par le représentant de cette société.

12. Ils retiennent que l'éventuelle irrégularité dans l'attribution des fonctions de commissaire aux comptes titulaire et de commissaire aux comptes suppléant de la société Grumbach Immobilier respectivement exercées par le Cabinet G... et par Mme H... G... est sans influence sur l'appréciation de l'indépendance et de l'impartialité de celle-ci en qualité d'expert.

13. Ils ajoutent que Mme G... a en outre déclaré au magistrat instructeur n'avoir jamais eu à connaître des sociétés Brun Habitat, Financière Brun, SCI Jules Valles et SCI AJB ou de l'un quelconque de ses membres avant la mission confiée par la chambre commerciale et que M. Q... ne produit aucun élément concret étayant l'allégation de liens étroits entretenus par l'expert avec l'un quelconque des membres des sociétés du groupe Brun.

14. Ils relèvent également que Mme G... a indiqué ne plus être missionnée comme expert-comptable sur aucun dossier pour le compte de MM. TC... et DO... depuis 1998, date à laquelle M. L... SL... est devenu leur expert-comptable et qu'enfin, elle a déclaré tenir la comptabilité de l'EURL, dont Mme R... JB..., l'ex-épouse de l'un des frères de M. W... I..., qui n'est pas partie à la procédure, est co-gérante, mais n'avoir jamais eu affaire à lui, ni à aucun des frères I....

15. Ils retiennent enfin que le requérant ne peut se faire un grief de ce que l'expert Mme G... ait été désignée par le juge commissaire à la procédure collective concernant les sociétés du groupe Brun afin d'effectuer un audit des comptes, dès lors qu'il en avait connaissance dès la désignation des experts par le juge d'instruction, d'autant qu'il y est fait référence dans la mission d'expertise.

16. En l'état de ces énonciations, dont il ne résulte aucun lien entre les experts et les parties à la procédure, ni aucun conflit d'intérêt, de nature à priver le rapport des premiers du caractère d'avis technique soumis à la contradiction et à l'appréciation ultérieure des juges, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

17. Ainsi, le moyen doit être écarté.

Mais sur le septième moyen relatif à l'arrêt du 10 juillet 2018, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

18. Le moyen est pris de la violation des articles 132-20, alinéa 2 et 132-1 du code pénal, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale.

19. Le moyen, en sa seconde branche, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a « condamné M. Q... au paiement d'une amende de 100 000 euros, alors qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ; qu'en condamnant le prévenu à une amende de 100 000 euros sans s'expliquer sur ses ressources et ses charges qu'elle devait prendre en considération la cour d'appel n'a pas justifié sa décision. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 132-1 et 132-20, alinéa 2, du code pénal, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale, dans la rédaction desdits codes alors en vigueur :

20. En matière correctionnelle, le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges.

21.Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision.

L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

22. Pour condamner M. Q... notamment à une peine de 100 000 euros d'amende, l'arrêt retient que son action a été essentielle dans le schéma frauduleux mis en place par M. I....

23. Il relève qu'il a renouvelé ses agissements à plusieurs reprises, sur plusieurs mois d'intervalle et se trouvait en janvier 2007 dans le même état d'esprit.

24. Les juges ajoutent qu'il n'a aucun antécédent judiciaire, ni à l'époque des faits, ni depuis lors et que les éléments obtenus des membres encadrant son exercice professionnel sont bons et ne remettent pas en cause ses compétences et capacités.

25. La cour d'appel en conclut qu'il y a lieu de prononcer une peine d'emprisonnement de dix-huit mois intégralement assortie du sursis simple outre une peine d'amende de 100 000 euros, adaptée notamment à ses capacités financières.

26. En prononçant ainsi, sans préciser les ressources et les charges du prévenu qu'elle a prises en compte, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

27. La cassation est par conséquent encourue.

Et sur le sixième moyen pris en sa troisième branche et le huitième moyen relatifs à l'arrêt du 10 juillet 2018

Enoncé des moyens

28. Le 6e moyen est pris de la violation des articles L. 622-20 du code de commerce, 1241 nouveau du code civil, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale.

29. Le moyen, en sa troisième branche critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. Q... à payer aux parties civiles diverses sommes en réparation des préjudices subis, alors « que si le débiteur en liquidation judiciaire, dépourvu de tout pouvoir juridique sur son patrimoine, conserve le droit de se constituer partie civile, c'est dans le seul but de voir déclarer la culpabilité du prévenu, seul le liquidateur pouvant poursuivre le recouvrement des créances en réparation dont le débiteur serait titulaire ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait s'abstenir de répondre au moyen péremptoire de défense faisant valoir que les demandes de Maître FD... étaient irrecevables en application des dispositions de l'article L. 641-9 du Code de commerce. »

30. Le hutième moyen est pris de la violation des articles des articles L. 622-20 et L. 622-9 du code de commerce, 1241 nouveau du code civil, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale.

31. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. Q... à payer aux Sociétés Villa les Roses, Villa l'Eden et Cote Cour, prises en la personne de Maître FD... KJ..., mandataire judiciaire, diverses sommes en réparation de leur préjudice alors « que le mandataire ad hoc chargé d'assurer la défense des droits propres du débiteur est sans qualité pour exercer des actions rentrant dans le monopole du liquidateur judiciaire ; que seul le liquidateur judiciaire, qui reste en fonction tant qu'une clôture de la liquidation judiciaire et qu'une publication du jugement de clôture ne sont pas intervenues, peut agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers pour exercer des actions tendant à la protection de leur gage commun ; qu'ainsi, en l'absence de tout jugement de clôture de liquidation judiciaire et de publication du jugement, l'action civile des sociétés Villa les Roses, Villa l'Eden et Cote Cour représentées par Maître FD..., mandataire ad hoc était irrecevable ; qu'en condamnant le prévenu à leur payer diverses sommes en réparation de leur préjudice, la cour d'appel a méconnu le principe visé au moyen. »

Réponse de la Cour

32. Les moyens sont réunis.

Vu l'article L. 641-9, I, du code de commerce :

33. Il résulte de ce texte, dans sa version actuellement en vigueur, issue de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, que le débiteur ne peut se constituer partie civile que dans le but de déclencher ou de soutenir l'action publique, le liquidateur disposant seul de la faculté d'exercer l'action civile afin d'assurer la défense des intérêts patrimoniaux de ce dernier (Crim., 9 mars 2016, pourvoi n° 14-86.631, Bull. crim. 2016, n° 73 ; Crim., 30 janvier 2019, pourvoi n° 17-86.344). Ce principe s'applique lorsque sont en cause les seuls intérêts civils, mais également lorsque la constitution de partie civile est associée à l'action publique.

34. En effet, si la loi du 26 juillet 2005 a supprimé la mention figurant dans la version antérieure de l'article L. 641-9, I, du code de commerce, selon laquelle le débiteur en liquidation judiciaire était autorisé à se constituer partie civile s'il limitait son action à la poursuite de l'action publique sans solliciter de réparation civile, le maintien de la phrase permettant au débiteur de se constituer partie civile « dans le but d'établir la culpabilité de l'auteur d'un crime ou d'un délit dont il serait victime », interdit d'interpréter ce texte comme autorisant le débiteur à agir en réparation de son préjudice.

35. Il s'en déduit que ni le représentant statutaire de la personne morale mise en liquidation judiciaire, ni son mandataire, désigné en lieu et place des dirigeants sociaux, n'est recevable à solliciter la réparation du préjudice subi par le débiteur.

36. En l'espèce, pour recevoir les constitutions de parties civiles de Maître FD... en qualité de mandataire ad hoc des sociétés Villa les Roses et Cote Cour, placées en liquidation judiciaire, et condamner M. Q... à réparer leur préjudice, l'arrêt attaqué énonce que leur préjudice, dont les premiers juges ont fait une juste appréciation, est en lien direct avec les faits reprochés au prévenu.

37. En prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

38. La cassation est par conséquent encourue également de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

39. Dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure, la cassation sera limitée aux peines prononcées à l'égard de M.Q... ainsi qu'aux dispositions l'ayant condamné à payer, in solidum avec M. W... I..., à la SCI Villa les Roses la somme de 525 512 euros et à la société Cote Cour la somme de 346 057 euros, en réparation de leur préjudice.

40. La Cour de cassation est en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre partiellement fin au litige en ce qui concerne l'irrecevabilité des demandes de réparations formées par les sociétés Villa les Roses et Cote Cour, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

41. Il n'y a donc pas lieu à renvoi de ce chef.

42. Pour les peines, l'affaire sera renvoyée devant une cour d'appel pour qu'il soit à nouveau statué dans les limites de la cassation prononcée, conformément à la loi, et, le cas échéant, aux dispositions des articles 485-1 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, applicables à partir du 24 mars 2020.

43. Les dispositions de l'article 618-1 du code de procédure pénale sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel.

La déclaration de culpabilité de M. Q... ainsi que les dispositions civiles de l'arrêt concernant M. B... R..., Mme K... R..., M. VO... P..., Mme O... P..., M. L... S..., Mme A... N..., M. C... X..., Mme M... X.... J... Y..., Mme U... F... et M. T... F... étant devenues définitives, par suite du rejet des premier, deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens de cassation ainsi que du sixième moyen pris en ses première, deuxième et quatrième branches, seuls contestés par les défendeurs au pourvoi précités, il y a lieu de faire droit à leur demande.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur les pourvois formés par M. Q... contre les arrêts susvisés de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar, en date du 8 novembre 2012, 5 février 2015 ainsi que des arrêts n° 180 et 181 de la dite chambre en date du 31 mars 2016 :

Les REJETTE ;

Sur le pourvoi formé par M. Q... contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar en date du 10 juillet 2018 :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar, en date du 10 juillet 2018, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées contre M. Q... et l'ayant condamné à payer, in solidum avec M. W... I..., à la SCI Villa les Roses la somme de 525 512 euros et à la société Cote Cour la somme de 346 057 euros, en réparation de leur préjudice, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

CONSTATE l'irrecevabilité des demandes de réparation formulées par les sociétés Villa les Roses et Cote Cour, partie civiles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé pour le surplus, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Fouquet - Avocat général : M. Salomon - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article L. 641-9, I, du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005.

Rapprochement(s) :

Sur l'irrecevabilité de l'action civile exercée par une société en liquidation judiciaire sans le concours du liquidateur, à rapprocher : Crim., 9 mars 2016, pourvoi n° 14-86.631, Bull. crim. 2016, n° 73 (irrecevabilité).

Crim., 16 juin 2020, n° 20-81.985, (P)

Rejet

Pourvoi – Recevabilité – Conditions – Etat d'urgence sanitaire – Recours au courriel – Transmission du mémoire – Exclusion

En vertu de l'article 4 de l'ordonnance n°2020-303 du 25 mars 2020 et jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, le pourvoi en cassation formé par courriel à l'adresse électronique communiquée à cette fin par la juridiction de première instance ou d'appel, est recevable.

L'article 4 de l'ordonnance précitée n'exige pas que la déclaration de pourvoi transmise par courriel soit signée par le demandeur.

En revanche, est irrecevable et ne saisit pas la Cour des moyens qu'il pourrait contenir le mémoire transmis par courriel, l'article 584, alinéa 3 du code de procédure pénale ni l'article 4 de l'ordonnance précitée du 25 mars 2020 n'autorisant une telle transmission.

REJET du pourvoi formé par Mme Q... N... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, en date du 14 avril 2020, qui, dans la procédure suivie contre elle du chef d'assassinat, a constaté la prolongation de plein droit de sa détention provisoire.

LA COUR,

La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Examen de la recevabilité du pourvoi

1. L'article 4 de l'ordonnance n°2020-303 du 25 mars 2020 prévoit que, par dérogation à l'article 576 du code de procédure pénale, le pourvoi en cassation peut être formé par courriel à l'adresse électronique communiquée à cette fin par la juridiction de première instance ou d'appel.

2. Transmise par courriel, une déclaration de pourvoi ne peut être signée, sauf à être numérisée, ce que n'exige pas l'article précité.

3. Le pourvoi est dès lors recevable.

Examen de la recevabilité du mémoire

4.Ni l'article 584, alinéa 3 du code de procédure pénale ni l'article 4 de l'ordonnance précitée du 25 mars 2020 n'autorisent la demanderesse à transmettre son mémoire par courriel.

5. En conséquence, le mémoire de la demanderesse est irrecevable et ne saisit pas la Cour des moyens qu'il pourrait contenir.

6. Il y a lieu, dès lors, de rejeter le pourvoi.

7.L'arrêt est régulier en la forme ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Labrousse - Avocat général : M. Lagauche -

Textes visés :

Article 4 de l'ordonnance n°2020-303 du 25 mars 2020.

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