Numéro 5 - Mai 2023

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

PEINES

Crim., 11 mai 2023, n° 22-84.480, (B), FRH

Rejet

Peine correctionnelle – Peine d'emprisonnement prononcée pour un délit – Peine d'emprisonnement avec sursis probatoire – Obligations et sanctions du condamné – Interdiction de rapprochement du conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité – Dispositif électronique mobile anti-rapprochement – Conditions – Circonstance aggravante de la commission des faits par le conjoint – Nécessité (non)

Selon l'article 132-45-1 du code pénal, tout condamné reconnu coupable d'une infraction punie d'au moins trois ans d'emprisonnement commise sur un conjoint, un concubin ou un partenaire lié par un pacte civil de solidarité peut donner lieu au prononcé d'une interdiction de rapprochement, dont le respect peut être assuré par la pose d'un dispositif anti-rapprochement, sans qu'il soit nécessaire que la qualité de la victime soit visée comme circonstance aggravante par la décision de condamnation.

Méconnaît ce texte la chambre de l'application des peines qui refuse le prononcé d'un dispositif anti-rapprochement, au motif que l'intéressé était poursuivi pour des faits de dégradations par moyen dangereux sans que soit retenue la circonstance aggravante de la commission des faits par le conjoint.

Le procureur général près la cour d'appel de Besançon a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'application des peines de ladite cour d'appel, en date du 1er juin 2022, qui a prononcé sur la modification d'un sursis probatoire.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [U] [X] a été condamné, le 20 décembre 2021, par le tribunal correctionnel, à dix-huit mois d'emprisonnement dont douze mois avec sursis probatoire, en répression de faits de destruction du bien d'autrui par moyen dangereux, soit l'incendie de la maison dont il était propriétaire avec Mme [D] [Z], son épouse, une procédure de divorce étant en cours, et de faits de violences envers personnes dépositaires de l'autorité publique.

3. Par ordonnance du 13 mai 2022, le juge de l'application des peines a ajouté aux obligations du sursis probatoire, les interdictions d'entrer en contact avec Mme [Z] et de paraître à son domicile.

4. Le 16 mai suivant, le procureur de la République a requis du juge de l'application des peines qu'il ajoute l'obligation de porter un dispositif électronique anti-rapprochement.

5. Par ordonnance du 18 mai 2022, le juge de l'application des peines a refusé d'ordonner cette obligation.

6. Le ministère public a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen est pris de la violation de l'article 132-45-1 du code pénal.

8. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a confirmé celle rendue par le juge de l'application des peines disant n'y avoir lieu à soumettre l'interdiction de se rapprocher de Mme [Z] à un dispositif électronique mobile anti-rapprochement, au motif que si ce dispositif peut être prononcé pour des infractions autres que des violences, le texte exige que la circonstance aggravante de la commission de l'infraction par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié par un pacte de solidarité ait été retenue par la juridiction de jugement, alors que d'une part, la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 dont résulte l'article 132-45-1 du code pénal qui met en oeuvre une mesure de protection particulière de la victime, a voulu sur la base d'un antécédent judiciaire, permettre de limiter le risque de violences futures commises par le conjoint ou ancien conjoint sur la victime ; que d'autre part, en matière de sursis probatoire, l'article 132-45, 18° bis, s'il vise les victimes de violences, n'en limite pas le champ d'application aux seules infractions de violences, mais exige seulement que les personnes dont il fait interdiction de se rapprocher aient été reconnues victimes de violences au sein du couple, soit par la décision prononçant le sursis probatoire ou celle modifiant ses obligations particulières, soit, comme dans le cas d'espèce, par une décision de culpabilité ou de condamnation antérieures ; qu'enfin s'agissant du délit de destruction de bien d'autrui par moyen dangereux, réprimé par l'article 322-6 du code pénal et faisant encourir dix ans d'emprisonnement, soit le maximum en matière délictuelle, il serait impossible de prévoir la circonstance aggravante de sa répression, alors que cette infraction, lorsqu'elle est commise contre le conjoint ou ancien conjoint, peut révéler un risque grave de violences justifiant d'une mesure de protection particulière de la victime.

Réponse de la Cour

9. Pour confirmer l'ordonnance du juge de l'application des peines, le président de la chambre de l'application des peines énonce que l'obligation du port d'un dispositif anti-rapprochement ne peut être ordonnée envers un condamné, sur le fondement de l'article 132-45-1 du code pénal, que si la déclaration de culpabilité a été prononcée pour une infraction punie d'au moins trois ans d'emprisonnement et vise, de manière expresse, la circonstance aggravante que les faits ont été commis sur le conjoint, le concubin ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

10. Le juge ajoute que par ailleurs, l'analyse des circonstances de l'incendie de la maison commune par M. [X] le 24 novembre 2021 semble davantage traduire sa volonté de se soustraire à son interpellation, que celle de nuire directement à Mme [Z] en raison des liens les unissant, cette dernière ne résidant plus dans ce logement depuis plusieurs mois, qu'en conséquence il apparaît difficile de considérer que les faits de dégradation par moyen dangereux ont été commis en raison des relations ayant existé entre l'auteur et la victime.

11. Il ajoute encore que M. [X] a indiqué qu'il allait vivre dans l'Aube à sa sortie de détention, si bien que les interdictions qui lui ont été faites d'entrer en contact avec Mme [Z] et de paraître en Franche-Comté, ainsi qu'à proximité du lieu de travail et du domicile de son épouse, sont suffisantes pour éviter tout risque de réitération.

12. C'est à tort que la décision attaquée a ajouté à l'article 132-45-1 du code pénal une condition qu'il ne prévoit pas. Ce texte dispose, en effet, que tout condamné reconnu coupable d'une infraction punie d'au moins trois ans d'emprisonnement commise sur un conjoint, un concubin ou un partenaire lié par un pacte civil de solidarité peut donner lieu au prononcé d'une interdiction de rapprochement, dont le respect peut être assuré par la pose d'un dispositif anti-rapprochement, sans qu'il soit nécessaire que la qualité de la victime soit visée comme circonstance aggravante par la décision de condamnation.

13. Cependant, l'ordonnance n'encourt pas la censure, dès lors que, par des motifs souverains et dénués d'insuffisance, il a été démontré que, d'une part, il n'est pas établi que l'infraction ait été commise en raison du lien conjugal, d'autre part, les interdictions prononcées par ailleurs suffisent à éviter tout risque de réitération.

14. Ainsi, le moyen doit être écarté.

15. Par ailleurs, l'ordonnance est régulière en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : Mme Guerrini - Avocat général : M. Bougy - Avocat(s) : Me Haas -

Textes visés :

Article 132-45-1 du code pénal.

Crim., 31 mai 2023, n° 22-87.124, (B), FRH

Rejet

Peines correctionnelles – Amende – Prononcé – Motivation – Eléments à considérer – Ressources et charges – Eléments fournis par le prévenu – Défaut – Office du juge – Recherches nécessaires (non)

Il se déduit de l'article L. 121-3 du code de la route que les juges qui déclarent le titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule redevable pécuniairement de l'amende encourue pour les infractions visées par ce texte doivent motiver leur décision au regard des ressources et charges de l'intéressé.

N'encourt cependant pas la cassation l'arrêt qui détermine le montant de l'amende sans référence aux ressources et charges du prévenu, dès lors que la cour d'appel, devant laquelle l'intéressé n'a fourni aucune information sur ce point, n'avait pas à rechercher d'autres éléments que ceux qui lui étaient produits.

M. [D] [W] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 18e chambre, en date du 21 novembre 2022, qui, pour contravention au code de la route, l'a condamné à 400 euros d'amende.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Un véhicule immatriculé au nom de M. [D] [W] a été verbalisé alors qu'il circulait à une vitesse excessive.

3. Sur sa requête en exonération de l'amende forfaitaire, l'intéressé a été cité devant le tribunal de police, qui l'a déclaré coupable du chef d'excès de vitesse.

4. M. [W] et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens

5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le sixième moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 495, 496 et suivants, 541, 707-6 du code de procédure pénale, 132-19 du code pénal, L. 121-3 du code de la route et du principe du droit à un procès équitable.

7. Le moyen, en substance, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il fixe à 400 euros le montant de l'amende dont M. [W] est déclaré redevable pécuniairement, alors :

1°/ que la cour d'appel ne peut pas, après avoir relaxé le prévenu du chef d'excès de vitesse, déclarer l'intéressé redevable pécuniairement d'une amende d'un montant supérieur à celui de l'amende prononcée par le premier juge ;

2°/ que les juges ne peuvent en tout état de cause procéder à une telle aggravation sans la motiver.

Réponse de la Cour

8. Pour déclarer M. [W] pécuniairement redevable d'une amende de 400 euros, l'arrêt attaqué énonce que l'amende sera fixée à ce montant.

9. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision, sans méconnaître aucun des textes visés au moyen, pour les motifs qui suivent.

10. En premier lieu, il résulte de l'article 515, alinéa 1er, du code de procédure pénale que les juges peuvent, sur l'appel du ministère public, infirmer en tout ou partie le premier jugement, dans un sens favorable ou défavorable au prévenu.

11. En second lieu, il se déduit de l'article L. 121-3 du code de la route que les juges qui déclarent le titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule redevable pécuniairement de l'amende encourue pour les infractions visées par ce texte doivent motiver leur décision au regard des ressources et charges de l'intéressé.

12. Cependant, la cour d'appel, devant laquelle M. [W] n'a fourni aucune information sur ce point, n'avait pas à rechercher d'autres éléments que ceux qui lui étaient produits.

13. En conséquence, le moyen doit être écarté.

14. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : M. Charmoillaux - Avocat général : M. Aldebert -

Textes visés :

Article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; articles 495, 496 et suivants, 541 et 707-6 du code de procédure pénale ; article 132-19 du code pénal ; article L. 121-3 du code de la route ; principe du droit à un procès équitable.

Rapprochement(s) :

Sur les ressources et charges à considérer pour le prononcé d'une amende, à rapprocher : Crim., 10 mai 2023, pourvoi n° 22-80.375, Bull. crim. (cassation partielle), et les arrêts cités ; Crim., 15 mars 2017, pourvoi n° 16-83.838, Bull. crim. 2017, n° 73 (cassation partielle), et les arrêts cités ; Crim., 12 décembre 2017, pourvoi n° 16-87.230, Bull. crim. 2017, n° 286 (rejet), et l'arrêt cité ; Crim., 30 mai 2018, pourvoi n° 16-85.777, Bull. crim. 2018, n° 106 (2) (rejet), et l'arrêt cité ; Crim., 9 janvier 2018, pourvoi n° 17-80.200, Bull. crim. 2018, n° 5 (cassation partielle) ; Crim., 27 juin 2018, pourvoi n° 16-87.009, Bull. crim. 2018, n° 128 (cassation partielle et désignation de juridiction).

Crim., 10 mai 2023, n° 22-80.375, (B), FRH

Cassation partielle

Peines correctionnelles – Amende – Prononcé – Motivation – Eléments à considérer – Ressources et charges – Etablissement des charges – Charges au jour où la juridiction statue

Il résulte des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, que l'amende doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle, dont ses ressources et charges, au jour où la juridiction statue.

Encourt dès lors la cassation l'arrêt qui, pour condamner la société déclarée coupable à une amende, apprécie ses ressources à une date antérieure à l'ouverture à son encontre d'une procédure de liquidation judiciaire.

M. [R] [Y], M. [F] [Y] et M. [C] [I], agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société [Y] et [W], ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 6 décembre 2021, qui les a condamnés, le premier, pour travail dissimulé aggravé, à 5 000 euros d'amende, le deuxième et la troisième, pour recours aux services d'un travailleur dissimulé aggravé, à respectivement 5 000 euros et 20 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de confiscation et a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. MM. [F] et [R] [Y], en qualité de représentants légaux des sociétés française [Y] et [W] et espagnole [Y] [1], ainsi que les sociétés précitées, placées en liquidation judiciaire, la première étant représentée par son liquidateur, M. [C] [I], ont été convoqués devant le tribunal correctionnel des chefs susvisés.

3. Par jugement du 9 avril 2020, le tribunal correctionnel les a déclarés coupables des faits reprochés et condamnés à des amendes, a ordonné la confiscation à l'encontre de la société [Y] et [W] de la somme de 642 600 euros saisie sur le compte bancaire de ladite société ainsi qu'une mesure de publication.

4. Sur l'action civile, le tribunal a déclaré recevable la constitution de partie civile de l'URSSAF Nord-Pas-de-Calais (l'URSSAF) et a condamné solidairement les quatre prévenus à lui payer la somme de 743 408 euros à titre de dommages-intérêts.

5. MM. [R] et [F] [Y] ainsi que M. [I] ont relevé appel de cette décision, le procureur de la République appel incident.

Examen des moyens

Sur le moyen proposé pour MM. [R] et [F] [Y] et sur les premier et troisième moyens proposés pour la société [Y] et [W]

6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le deuxième moyen proposé pour la société [Y] et [W]

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la société [Y] et [W] au paiement d'une amende de 20 000 euros et, à titre de peine complémentaire, a ordonné la confiscation de la somme de 642 600 euros saisie sur son compte bancaire, alors « que le juge pénal qui prononce une peine d'amende doit spécialement motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction mais également au regard de la situation matérielle et sociale de la société, en tenant compte de ses ressources et de ses charges, appréciées au jour où il statue ; il résulte de la procédure que la société [Y] et [W] est en liquidation judiciaire, que le fonds de commerce et le matériel ont été vendus pour un prix de 642 600 euros, saisi puis confisqué à titre de peine complémentaire, et que le montant des dommages et intérêts alloués à l'URSSAF au titre du préjudice subi excède de plus de 100 000 euros cet actif de la liquidation judiciaire ; le liquidateur judiciaire de la société a produit un état du passif déclaré faisant notamment apparaître une déclaration de créance de la direction générale des finances publiques à hauteur d'une somme supérieure à 50 000 euros ; pour dire adaptée et proportionnée la peine d'amende de 20 000 euros prononcée, après avoir inexactement retenu que la société a été placée en redressement judiciaire, alors qu'elle a été directement placée en liquidation judiciaire compte tenu de sa situation irrémédiablement obérée, l'arrêt énonce que la société [Y] et [W] réalisait avant l'ouverture de la procédure collective un chiffre d'affaires de plus de 2 millions et qu'en ayant recours à une entreprise exerçant un travail dissimulé, elle a éludé des charges qui lui incombaient ; en ne se plaçant pas à la date où elle statuait pour apprécier la situation de la société et en ne s'expliquant pas mieux sur le caractère proportionné de la peine d'amende au regard de ses ressources et charges, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 132-1, 132-20 et 132-24 du code pénal. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 485-1 du code de procédure pénale :

8. Selon ce texte, en matière correctionnelle, le choix de la peine doit être motivé au regard des dispositions des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, sauf s'il s'agit d'une peine obligatoire ou de la confiscation du produit ou de l'objet de l'infraction. Il en résulte que l'amende doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle, dont ses ressources et charges, au jour où la juridiction statue.

9. Pour confirmer le jugement ayant condamné la société [Y] et [W] à 20 000 euros d'amende, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les termes de l'article 131-38 du code pénal, énonce, qu'avant la procédure collective ouverte à son encontre, la société réalisait un chiffre d'affaires de plus de 2 000 000 d'euros.

10. Les juges ajoutent, qu'en ayant recours à une entreprise exerçant un travail dissimulé, elle a éludé les charges qui lui incombaient.

11. Ils en concluent que l'amende ainsi prononcée est adaptée et proportionnée.

12. En prononçant ainsi, la cour d'appel, qui a apprécié les ressources de la société prévenue, non au jour où elle statuait, mais à une date antérieure à l'ouverture à son encontre d'une procédure de liquidation judiciaire, a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé.

13. Il s'ensuit que la cassation est encourue de ce chef.

Et sur le quatrième moyen proposé pour la société [Y] et [W]

Enoncé du moyen

14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné solidairement la société [Y] et [W], représentée par son liquidateur, M. [I], à payer à l'URSSAF la somme de 743 408 euros à titre de dommages et intérêts ainsi que, in solidum, la somme de 1 200 euros (450 + 750) sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale, alors « que la cour ne pouvait que fixer le montant de la créance de l'URSSAF au passif de la liquidation judiciaire de la société [Y] et [W] ; qu'elle a violé les articles L. 622-21 et L. 622-24, alinéa 7, du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 622-21, I, et L. 641-3 du code de commerce, dans leur version issue respectivement de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 et de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 :

15. Selon ces textes, le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.

16. Après avoir relevé que la société [Y] et [W] a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 2 février 2018, l'arrêt la condamne à payer des dommages-intérêts à l'URSSAF, partie civile, en réparation du préjudice découlant des infractions de travail dissimulé commises antérieurement.

17. En statuant ainsi, alors que la créance de l'URSSAF avait une origine antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel, qui devait se borner à fixer au passif de la liquidation judiciaire la créance de la partie civile, a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.

18. Dès lors, la cassation est encore encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur les pourvois formés par MM. [R] et [F] [Y] :

Les REJETTE ;

FIXE à 2 500 euros la somme globale que MM. [R] [Y] et [F] [Y] devront payer à l'URSSAF Nord Pas-de-Calais en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Sur le pourvoi formé par la société [Y] et [W] :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 6 décembre 2021, mais en ses seules dispositions ayant condamné la société [Y] et [W] à 20 000 euros d'amende et à payer à l'URSSAF la somme de 743 408 euros, à titre de dommages-intérêts, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : Mme Labrousse - Avocat général : M. Lagauche - Avocat(s) : Me Bouthors ; SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles 132-1, 132-20 et 131-38 du code pénal ; article 485-1 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Sur les ressources et charges à considérer pour le prononcé d'une amende, à rapprocher : Crim., 15 mars 2017, pourvoi n° 16-83.838, Bull. crim. 2017, n° 73 (cassation partielle), et les arrêts cités ; Crim., 12 décembre 2017, pourvoi n° 16-87.230, Bull. crim. 2017, n° 286 (rejet), et l'arrêt cité ; Crim., 30 mai 2018, pourvoi n° 16-85.777, Bull. crim. 2018, n° 106 (2) (rejet), et l'arrêt cité ; Crim., 9 janvier 2018, pourvoi n° 17-80.200, Bull. crim. 2018, n° 5 (cassation partielle) ; Crim., 27 juin 2018, pourvoi n° 16-87.009, Bull. crim. 2018, n° 128 (cassation partielle et désignation de juridiction).

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