Numéro 5 - Mai 2023

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

COUR D'ASSISES

Crim., 11 mai 2023, n° 22-82.664, (B), FRH

Rejet

Procédure antérieure aux débats – Nullités – Présentation dès constitution définitive du jury – Domaine d'application – Acte d'appel

Les dispositions de l'article 305-1 du code de procédure pénale, qui prévoient que les exceptions tirées d'une nullité qui entache la procédure antérieure à l'ouverture des débats doivent, à peine de forclusion, être soulevées dès que le jury est définitivement constitué, sont applicables à l'irrégularité de l'acte d'appel, formé par les parties, contre l'arrêt de la cour d'assises qui a statué en premier ressort.

Le moyen pris de la nullité de l'acte d'appel du ministère public, présenté pour la première devant la Cour de cassation, est irrecevable.

M. [E] [F] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'assises de l'Allier, en date du 17 novembre 2021, qui, pour viol aggravé, l'a condamné à quinze ans de réclusion criminelle et à l'interdiction définitive du territoire français.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par ordonnance du 29 janvier 2020, le juge d'instruction a mis en accusation M. [E] [F] du chef de viol aggravé, et l'a renvoyé devant la cour d'assises du Puy-de-Dôme.

3. Par arrêt du 11 décembre 2020, cette juridiction a condamné M. [F] à dix ans de réclusion criminelle et à l'interdiction définitive du territoire français.

4. M. [F] a relevé appel de cette décision et le ministère public a formé appel incident.

Examen des moyens

Sur les premier, troisième, quatrième et cinquième moyens

5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [F] pour viol aggravé à une peine de 15 ans de réclusion criminelle et à l'interdiction définitive du territoire français, alors « qu'il résulte de l'article 327 du code de procédure pénale que le président de la cour d'assises présente, de façon concise, les faits reprochés à l'accusé, tels qu'ils résultent de la décision de renvoi, expose les éléments à charge et à décharge concernant l'accusé, tels qu'ils sont mentionnés dans ladite décision, et donne lecture de la qualification légale des faits, objets de l'accusation ; qu'en outre, lorsque la cour d'assises statue en appel, il donne connaissance du sens de la décision rendue en premier ressort, de sa motivation et, le cas échéant, de la condamnation prononcée ; que ces dispositions sont d'ordre public, toute renonciation de l'accusé à la présentation des circonstances dans lesquelles se présente l'appel devant être expresse ; que le procès-verbal des débats énonce que « la présidente a présenté de façon concise, les faits reprochés à l'accusé tels qu'ils résultent de la décision de renvoi. Il a exposé les éléments à charge et à décharge concernant l'accusé tels qu'ils sont mentionnés, conformément aux dispositions de l'article 184, dans la décision de renvoi ; A l'issue de cet exposé, il a donné lecture de la qualification légale des faits objet de l'accusation, conformément à l'article 327 du code de procédure pénale » (Procès-verbal des débats, p. 5) ; qu'en ne rappelant pas le sens de la décision rendue en première instance et sa motivation, le président de cour d'assises d'appel a violé l'article 327 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

7. Il est mentionné au procès-verbal des débats que le président s'est conformé aux prescriptions de l'article 327 du code de procédure pénale. Il doit, en conséquence, être présumé, en l'absence de tout incident contentieux ou demande de donner acte, qu'il appartenait à la défense de faire valoir, qu'aucune méconnaissance des dispositions de ce texte, de nature à porter atteinte aux droits de la défense, n'a été commise.

8. Le moyen doit donc être rejeté.

Et sur le sixième moyen

Enoncé du moyen

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [F] pour viol aggravé à une peine de quinze ans de réclusion criminelle et à l'interdiction définitive du territoire français, alors « que d'une part, la déclaration d'appel doit être faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée dans le délai de dix jours de l'arrêt de la cour d'assises de premier instance ; qu'elle doit être signée par le greffier et l'appelant ; que, d'autre part, les dispositions relatives aux formes et délais d'appel, qui sont d'ordre public et dont l'inobservation entraîne une nullité qui peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation ou même suppléée d'office, sont impératives et s'appliquent au ministère public comme à toute autre partie ; qu'en outre, la cour d'assises statuant en appel sur l'action publique ne peut, sur le seul appel de l'accusé, aggraver le sort de ce dernier ; que la déclaration d'appel du ministère public n'est pas signée par le greffier qui l'aurait reçue ; que la déclaration d'appel du ministère public étant irrégulière en la forme, en aggravant la peine de M. [F], la cour d'assises d'appel a violé les articles 380-3 et 380-12 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

10. Le moyen, qui invoque la nullité de l'acte d'appel du ministère public, et qui est présenté pour la première fois devant la Cour de cassation, est irrecevable, en ce qu'il affecte un acte antérieur à l'ouverture des débats devant la cour d'assises statuant en appel et devait, par application de l'article 305-1 du code de procédure pénale, être présenté au plus tard à l'ouverture des débats devant cette juridiction.

11. En conséquence, il doit être écarté.

12. Par ailleurs, la procédure est régulière et la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la cour et le jury.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : M. Turbeaux - Avocat général : M. Bougy - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article 305-1 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Sur le moment pour soulever une nullité relative à l'acte d'appel d'un arrêt de cour d'assise, à rapprocher : Crim., 29 mars 2017, pourvoi n° 15-86.300, Bull. crim. 2017, n° 101 (1) (rejet).

Crim., 24 mai 2023, n° 22-84.601, (B), FRH

Cassation

Questions – Réponse – Majorité – Indication du nombre des voix – Nullité

Méconnaît les dispositions des articles 359 et 360 du code de procédure pénale la cour d'assises qui déclare un accusé coupable, en répondant à chacune des questions posées « oui à la majorité de huit voix », de telles mentions indiquant le nombre de voix qui se sont exprimées en faveur de la culpabilité.

M. [E] [Z] a formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'assises de l'Hérault, en date du 24 juin 2022, qui, pour viols, agressions sexuelles et agressions sexuelles incestueuses, aggravés, l'a condamné à douze ans de réclusion criminelle.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par arrêt du 4 février 2016, la chambre de l'instruction a renvoyé M. [E] [Z] devant la cour d'assises des Pyrénées-Orientales sous l'accusation de viols et agressions sexuelles sur mineure de quinze ans par personne ayant autorité, viols, agressions sexuelles par personne ayant autorité, agressions sexuelles sur mineure de quinze ans par ascendant, au préjudice de trois victimes.

3. Par arrêt du 29 janvier 2019, cette juridiction a acquitté M. [Z] des faits d'agressions sexuelles aggravées au préjudice de l'une des plaignantes, l'a déclaré coupable des autres faits reprochés, l'a condamné à dix ans de réclusion criminelle et a ordonné une mesure de confiscation.

4. M. [Z] et le procureur général ont relevé appel principal de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a retenu la culpabilité de M. [Z] des chefs de viol commis sur mineure de quinze ans, de viol commis par une personne ayant autorité sur la victime, d'atteinte sexuelle sur mineure de quinze ans commis par une personne ayant autorité sur la victime, d'atteinte sexuelle commis par une personne ayant autorité sur la victime et d'atteinte sexuelle sur mineure de quinze ans par un ascendant, alors « que toute décision défavorable à l'accusé se forme à la majorité de huit voix au moins lorsque la cour d'assises statue en appel et que la déclaration, lorsqu'elle est affirmative, constate que la majorité de voix exigée au moins a été acquise sans que le nombre de voix puisse être autrement exprimé ; qu'en répondant à l'ensemble des questions portant sur la culpabilité de M. [Z] « oui à la majorité de 8 voix », la cour d'assises qui a indiqué le nombre de voix qui se sont prononcées en faveur de la culpabilité de l'accusé a violé l'article 360 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 359 et 360 du code de procédure pénale :

6. Selon le premier de ces textes, toute décision défavorable à l'accusé se forme à la majorité de sept voix au moins lorsque la cour d'assises statue en premier ressort et à la majorité de huit voix au moins lorsque la cour d'assises statue en appel.

7. Selon le second, la déclaration, lorsqu'elle est affirmative, constate que la majorité de voix exigée par l'article 359 a été acquise sans que le nombre de voix puisse être autrement exprimé.

8. En l'espèce, il résulte de la feuille de questions que la réponse de la cour et du jury à chacune des seize questions posées porte la mention « oui à la majorité de huit voix ».

9. En l'état de ces énonciations, qui indiquent le nombre de voix qui se sont exprimées en faveur de la culpabilité de l'accusé, la cour d'assises a méconnu les textes susvisés.

10. La cassation est, dès lors, encourue.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'assises de l'Hérault, en date du 24 juin 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises de l'Aude, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises de l'Hérault et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : Mme Sudre - Avocat général : Mme Mathieu - Avocat(s) : SCP Claire Leduc et Solange Vigand -

Textes visés :

Articles 359 et 360 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Crim., 4 mai 1984, pourvoi n° 83-91.429, Bull. crim. 1984, n° 158 (cassation), et les arrêts cités ; Crim., 6 février 2002, pourvoi n° 01-85.335, Bull. crim. 2002, n° 25 (rejet) ; Crim., 18 février 2004, pourvoi n° 03-82.789, Bull. crim. 2004, n° 46 (rejet).

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