Numéro 5 - Mai 2023

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

CIRCULATION ROUTIERE

Crim., 11 mai 2023, n° 22-85.301, (B), FRH

Rejet

Permis de conduire – Suspension – Restriction administrative antérieure – Imputation de la durée de la restriction sur la durée de suspension du permis (non)

Les mesures de suspension et de restriction du permis de conduire ne sont pas de même nature.

Justifie sa décision la cour d'appel qui, saisie d'une demande d'imputation d'une décision de restriction du permis de conduire aux véhicules équipés d'un éthylotest anti-démarrage sur une peine de suspension de permis de conduire, la rejette en relevant que ces mesures ne sont pas du même ordre.

Mme [X] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 27 juillet 2022, qui a prononcé sur sa requête en incident contentieux d'exécution.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Mme [X] [H] a fait l'objet d'un contrôle routier, le 12 janvier 2019. Compte tenu du taux d'alcool mesuré à cette occasion, une mesure de rétention administrative de son permis de conduire a été prise, puis, le 15 janvier 2019, un arrêté l'autorisant à conduire exclusivement les véhicules à moteur équipés d'un dispositif homologué d'éthylotest anti-démarrage, pour une durée de quatre mois.

3. Mme [H] a été condamnée à 300 euros d'amende et quatre mois de suspension de son permis de conduire par ordonnance pénale du 26 mars 2019.

4. Elle a saisi le tribunal correctionnel d'un incident d'exécution, en demandant que la durée de la restriction de son permis de conduire à la conduite de véhicules équipés d'un éthylotest anti-démarrage soit déduite de la durée de la suspension de son permis de conduire, en application de l'article L. 224-9 du code de la route.

5. Par jugement du 9 février 2021, le tribunal correctionnel a rejeté sa demande.

6. Mme [H] a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen.

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête de Mme [H] en saisine d'un incident contentieux d'exécution visant à ce que soit constatée l'imputation de la durée de la restriction à la conduite avec éthylotest anti-démarrage sur la durée de la suspension de permis de conduire judiciaire en application de l'article L. 224-9 du code de la route, alors « qu'un même justiciable ne peut faire l'objet de plusieurs poursuites tendant à réprimer de mêmes faits qualifiés de manière identique, par des sanctions de même nature, aux fins de protéger les mêmes intérêts sociaux ; que la mesure de restriction administrative à la conduite avec éthylotest anti-démarrage doit s'imputer sur la durée de la suspension de permis de conduire judiciaire dès lors qu'elle est de même nature que cette dernière, interdisant de fait toute conduite sauf à installer un tel mécanisme coûteux ; qu'en disant le contraire, la cour d'appel a violé le principe non bis in idem, l'article 4 du protocole n° 7 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ensemble l'article L. 224-9 du code de la route. »

Réponse de la Cour

8. Pour rejeter la requête de Mme [H], l'arrêt attaqué énonce que la mesure de restriction du droit de conduire aux seuls véhicules équipés d'un éthylotest anti-démarrage s'analyse comme une autorisation de conduire sous certaines conditions alors que la suspension judiciaire s'analyse comme une interdiction de conduire insusceptible d'exception.

9. Le juge relève que la violation de la première mesure constitue une contravention de cinquième classe alors que la violation de la suspension judiciaire est constitutive d'un délit.

10. Il ajoute qu'il existe, dans certaines conditions, une mesure judiciaire d'interdiction de conduire un véhicule non équipé d'un éthylotest anti-démarrage qui constitue une peine complémentaire distincte de la suspension de permis de conduire.

11. Il en conclut que le législateur a conçu ces deux mesures comme n'étant pas du même ordre, et qu'en conséquence, il n'y a pas lieu d'imputer la durée de la restriction administrative sur celle de la suspension judiciaire prononcée ultérieurement.

12. En se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

13. En effet, les mesures de suspension du permis de conduire et de restriction du droit de conduire étant de nature différente, la durée de l'une ne peut s'imputer sur celle de l'autre.

14. Ainsi, le moyen doit être écarté.

15. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : M. Turbeaux - Avocat général : M. Bougy - Avocat(s) : SARL Corlay -

Textes visés :

Article 4 du protocole n° 7 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article L. 224-9 du code de la route.

Rapprochement(s) :

Crim., 23 février 1982, pourvoi n° 81-91.625, Bull. crim. 1982, n° 58 (rejet).

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