Numéro 5 - Mai 2022

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

PROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES

Crim., 10 mai 2022, n° 21-84.951, (B), FS

Cassation partielle

Masseur-kinésithérapeute – Exercice illégal de la profession – Cryothérapie – Définition

Il résulte des articles R. 4321-5 et R. 4321-7 du code de la santé publique et 2 de l'arrêté du 6 janvier 1962 fixant la liste des actes médicaux ne pouvant être pratiqués que par des médecins ou pouvant être pratiqués également par des auxiliaires médicaux ou par des directeurs de laboratoires d'analyses médicales non médecins que la cryothérapie à des fins médicales est un acte de physiothérapie dont la pratique est réservée, d'une part, lorsqu'elle aboutit à la destruction, si limitée soit-elle, des téguments, aux docteurs en médecine, d'autre part, à la condition qu'elle ne puisse aboutir à une lésion des téguments, aux personnes titulaires d'un diplôme de masseur-kinésithérapeute intervenant pour la mise en oeuvre de traitements sur prescription médicale.

Encourt la cassation l'arrêt qui, pour relaxer les prévenus du chef d'exercice illégal de la profession de masseur-kinésithérapeute, se prononce par des motifs inopérants et contradictoires quant à l'absence de finalité médicale de la cryothérapie « corps entier » pratiquée dans l'établissement qu'ils dirigent.

Le [1], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy, chambre correctionnelle, en date du 15 février 2021, qui l'a débouté de ses demandes, après relaxe de M. [F] [U] et Mme [G] [U] du chef d'exercice illégal de la profession de masseur-kinésithérapeute.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. A la suite d'un signalement du conseil départemental de l'ordre national des médecins et du conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes, du département de Meurthe-et-Moselle, M. [F] [U] et Mme [G] [U], gérants d'un établissement pratiquant la cryothérapie, ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel pour exercice illégal des professions de médecin et de masseur-kinésithérapeute, par la pratique de la cryothérapie « corps entier ».

3. Les juges du premier degré les ont déclarés coupables.

4. Les prévenus et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Examen de la recevabilité du mémoire en défense

5. Le mémoire personnel en défense de M. et Mme [U] est irrecevable, en application de l'article 585 du code de procédure pénale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions, a relaxé M. et Mme [U] des fins de la poursuite et a déclaré irrecevables la constitution de partie civile du [2] et celle du conseil départemental de l'ordre des médecins de Meurthe-et-Moselle, alors :

« 1°/ que par application des articles 2 de l'arrêté du 6 janvier 1962 et R. 4321-7 du code de la santé publique, la cryothérapie est un acte de physiothérapie réservé aux médecins et aux masseurs-kinésithérapeutes ; qu'en retenant qu'à l'exception des cas visés à l'article R. 4321-5 du code de la santé publique, aucun texte n'interdirait la pratique de la cryothérapie « corps entier » à d'autres professions que celles de médecin ou de masseur-kinésithérapeute, la cour d'appel a violé les articles L. 4161-1, L. 4323-4, L. 4323-4-1, R. 4321-5, R. 4321-7 du code de la santé publique et 2 de l'arrêté du 6 janvier 1962 ;

2°/ qu'en relaxant M. et Mme [U] des fins de la poursuite du chef d'exercice illégal de la profession de masseur-kinésithérapeute et de médecin, tout en constatant que ceux-ci indiquaient eux-mêmes, dans leur plaquette de présentation, que les actes de cryothérapie « corps entier » pratiqués dans le centre Cryostan pouvaient soulager des douleurs chroniques et des états post-traumatiques par des effets antalgiques et anti-inflammatoires, aider à la rééducation de patients présentant une plasticité musculaire et apporter des bienfaits notamment pour certaines pathologies comme l'eczéma, le psoriasis, les oedèmes et les inflammations, et que Mme [U] avait elle-même déclaré aux enquêteurs qu'elle proposait des séances de cryothérapie pour de la récupération sportive et pour soulager des douleurs, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles L. 4321-1, L. 4323-4, L. 4323-4-1, R. 4321-1 et R. 4321-7 du code de la santé publique ;

3°/ que le juge correctionnel, qui n'est pas lié par la qualification donnée à la prévention, ne peut prononcer une décision de relaxe qu'autant qu'il a vérifié que les faits dont il est saisi ne sont constitutifs d'aucune infraction ; qu'il a le droit et le devoir de leur restituer leur véritable qualification à la condition de n'y rien ajouter ; qu'en relaxant les époux [U] des fins de la poursuite, tout en constatant que la présentation de leurs documents publicitaires pouvait « éventuellement relever de l'infraction de publicité mensongère », la cour d'appel, qui devait rechercher si les faits dont elle était saisie caractérisaient cette infraction, a violé les articles 388 et 512 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 593 du code de procédure pénale, R. 4321-5 et R. 4321-7 du code de la santé publique et 2 de l'arrêté du 6 janvier 1962 fixant la liste des actes médicaux ne pouvant être pratiqués que par des médecins ou pouvant être pratiqués également par des auxiliaires médicaux ou par des directeurs de laboratoires d'analyses médicales non médecins :

7. Selon le premier de ces textes, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision.

L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

8. Il résulte des trois derniers que la cryothérapie à des fins médicales est un acte de physiothérapie dont la pratique est réservée, d'une part, lorsqu'elle aboutit à la destruction, si limitée soit-elle, des téguments, aux docteurs en médecine, d'autre part, à la condition qu'elle ne puisse aboutir à une lésion des téguments, aux personnes titulaires d'un diplôme de masseur-kinésithérapeute intervenant pour la mise en oeuvre de traitements sur prescription médicale.

9. Pour infirmer le jugement et relaxer les prévenus, l'arrêt attaqué énonce que les dispositions des articles 2 de l'arrêté du 6 janvier 1962 et R. 4321-5 du code de la santé publique signifient que tout acte aboutissant à la destruction des téguments, c'est-à-dire des tissus du corps humain, par l'emploi de la cryothérapie, relève du monopole des médecins avec une exception pour les masseurs-kinésithérapeutes, mais à condition qu'ils agissent sur prescription médicale et qu'ils participent à des traitements de rééducation spécifiques et limitativement énumérés.

10. Les juges ajoutent qu'à l'exception des cas visés à l'article R. 4321-5 du code précité, aucun texte n'interdit expressément la pratique de la cryothérapie « corps entier » à d'autres professions que celles de médecin ou de masseur-kinésithérapeute.

11. Ils relèvent encore que la cryothérapie « corps entier » pratiquée par les prévenus n'entraîne pas d'altération ou destruction des tissus et qu'il n'a été démontré ni par les parties civiles ni par le ministère public que les actes effectivement pratiqués avaient une visée thérapeutique et constituaient des actes médicaux réservés aux médecins ou aux masseurs-kinésithérapeutes.

12. Ils soulignent également que, dans un rapport de 2019 commandé par les pouvoirs publics, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale ([4]) indique qu'il n'existe en France aucun titre professionnel relatif à la cryothérapie « corps entier », que l'utilisation de ce terme n'est soumise à aucune condition et qu'aucun texte ne restreint actuellement l'exploitation des cabines de cryothérapie « corps entier » à une profession donnée.

13. Ils relèvent enfin que des documents publicitaires maladroits et manifestement inspirés par d'autres centres de cryothérapie laissaient penser à tort que le centre [3] pouvait soulager des douleurs chroniques et des états post-traumatiques par des effets antalgiques et anti-inflammatoires, aider à la rééducation de patients présentant une spasticité musculaire et apporter des bienfaits notamment pour certaines pathologies comme l'eczéma, le psoriasis, les oedèmes et les inflammations.

14. En se déterminant ainsi, par des motifs, d'une part, inopérants tenant au caractère maladroit des mentions publicitaires, d'autre part, contradictoires avec ses constatations selon lesquelles Mme [U] avait déclaré proposer des séances pour soulager des douleurs, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

16. La cassation ne porte que sur les dispositions ayant déclaré irrecevable la constitution de partie civile du conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes de Meurthe-et-Moselle.

Les autres dispositions seront maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nancy, en date du 15 février 2021, mais en ses seules dispositions ayant déclaré irrecevable la constitution de partie civile du conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes de Meurthe-et-Moselle, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nancy et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Samuel - Avocat général : M. Quintard - Avocat(s) : SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier -

Textes visés :

Article 593 du code de procédure pénale ; articles R. 4321-5 et R. 4321-7 du code de la santé publique ; article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1962 fixant la liste des actes médicaux ne pouvant être pratiqués que par des médecins ou pouvant être pratiqués également par des auxiliaires médicaux ou par des directeurs de laboratoires d'analyses médicales non médecins.

Crim., 10 mai 2022, n° 21-83.522, (B), FS

Rejet

Médecin-chirurgien – Exercice illégal de la profession – Cryothérapie – Liberté d'établissement et liberté de prestation de services – Compatibilité

L'article 2, 4°, de l'arrêté du 6 janvier 1962 fixant la liste des actes médicaux ne pouvant être pratiqués que par des médecins ou pouvant être pratiqué également par des auxiliaires médicaux ou par des directeurs de laboratoires d'analyses médicales non médecins, en ce qu'il réserve aux docteurs en médecine la pratique des actes de cryothérapie aboutissant à la destruction, si limitée soit-elle, des téguments, apporte à la liberté d'établissement et à la liberté de prestation de services une restriction nécessaire et proportionnée à la poursuite d'un intérêt impérieux de protection de la santé publique, et ne méconnaît par conséquent pas les articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'interprétés par la Cour de justice de l'Union européenne.

Médecin-chirurgien – Exercice illégal de la profession – Cryothérapie – Définition

Justifie sa décision la cour d'appel qui, pour déclarer le prévenu coupable d'exercice illégal de la médecine, caractérise les deux branches alternatives de l'élément matériel de ce délit en énonçant que l'intéressé a fait pratiquer habituellement par ses salariées dépourvues de qualification médicale un procédé de cryothérapie qui, d'une part, était présenté dans sa communication publicitaire comme un traitement pour diverses pathologies, d'autre part, aboutissait à la destruction de téguments, caractérisée notamment par les brûlures aux deuxième et troisième degrés subies par l'un des clients, et était par conséquent inclus dans les actes réservés aux docteurs en médecine par l'article 2, 4°, de l'arrêté du 6 janvier 1962 précité.

M. [R] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-8, en date du 25 mai 2021, qui, pour exercice illégal de la médecine, l'a condamné à deux mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. A la suite d'une séance de cryothérapie dispensée par l'institut de beauté exploité par la société [1], M. [D] [K] a subi des engelures lui ayant occasionné une incapacité totale de travail d'un mois et demi.

3. L'enquête a établi que la cryothérapie était pratiquée par la société [1] en dehors de toute supervision médicale, par des esthéticiennes ayant seulement suivi une formation assurée par l'installateur du matériel.

4. La société [1] et son gérant M. [R] [H] ont été poursuivis respectivement des chefs de blessures involontaires et d'exercice illégal de la médecine.

5. Le conseil départemental de l'ordre des médecins de la ville de [Localité 2] s'est constitué partie civile.

6. Le tribunal correctionnel a déclaré les deux prévenus coupables.

7. M. [H] et le ministère public ont relevé appel de la décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, cinquième, septième et huitième branches

8. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième, quatrième et sixième branches, et sur le second moyen

Enoncé des moyens

9. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [H] coupable d'exercice illégal de la médecine et l'a condamné à deux mois d'emprisonnement avec sursis, et, sur l'action civile, l'a condamné à payer diverses sommes au conseil départemental de l'ordre des médecins de la ville de Paris, partie civile, alors :

« 1°/ que la prestation accomplie dans un but esthétique et de confort, sans visée thérapeutique n'est pas soumise à prescription médicale de sorte que son accomplissement ne saurait constituer un exercice illégal de la médecine ; que la cour d'appel, en se bornant à relever que la technique de la cryothérapie ne peut être pratiquée que par des médecins, en application de l'article 2, 4°, de l'arrêté du 6 janvier 1962 dans sa rédaction issue de l'arrêté du 13 avril 2007, et que le moyen selon lequel « la pratique de la cryothérapie alléguée ne consisterait ?qu'en un cryosauna à but purement esthétique ne saurait prospérer dès l'instant que l'appareil utilisé a vocation à délivrer, par injection d'azote sous forme de gaz, des températures extrêmes, soit pouvant atteindre, par pic, jusqu'à 190°C, voire 196°C, avec une température moyenne de la machine ? s'établissant, par séance, à -150°C » sans expliquer en quoi les températures extrêmes délivrées excluraient le but esthétique sans visée thérapeutique de la cryothérapie corps entier ou cryosauna, a privé sa décision de base légale au regard dudit arrêté ;

3°/ qu'un motif inopérant équivaut à un défaut de motifs ; que la cour d'appel, en relevant que M. [H] s'est effectivement livré aux traitements de maladies pour avoir recours à des décharges de responsabilité réservées en pareil matière de soins à des praticiens ou chirurgiens, a statué par des motifs inopérants pour justifier qu'il ne s'agissait pas simplement d'une prestation de bien-être à but esthétique sans visée thérapeutique et a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;

4°/ que sont tout aussi inopérants les motifs suivant lesquels le contrat de prestation de service reprenait en son article 7 « contre-indications médicales » et que la société [1], au titre de ses arguments publicitaires se prévalait de témoignages de clients ayant eu recours à la cryothérapie et déclarant avoir été guéris de pathologies ; que la cour d'appel a encore violé l'article 593 du code précité ;

6°/ que la cour d'appel, qui a relevé « que seul un médecin est habilité à pratiquer un acte de cryothérapie, ayant pour effet d'emporter la destruction des téguments, quelque limitée qu'elle puisse être, des téguments » ne pouvait déclarer M. [H] coupable d'exercice illégal de la médecine sans constater que l'appareil utilisé par la société [1] aurait emporté la destruction de téguments et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2, 4°, de l'arrêté du 6 janvier 1962 dans sa rédaction issue de l'arrêté du 13 avril 2007. »

10. Le second moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [H], sur l'action publique, coupable d'exercice illégal de la médecine, et l'a condamné à deux mois d'emprisonnement avec sursis, et, sur l'action civile, l'a condamné à payer diverses sommes au conseil départemental de l'ordre des médecins de la ville de Paris, partie civile, alors « qu'il résulte des articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), tels qu'interprétés par la Cour de Justice de l'Union européenne (cf. notamment CJUE, arrêt du 19 mai 2009, Apothekerkammer des Saarlandes et autres, C-171/07 et C-172/07), que la liberté d'établissement et la libre prestation de services ne peuvent faire l'objet de restrictions justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt général, que si ces mesures s'appliquent de manière non discriminatoire, sont propres à garantir de façon cohérente, la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre ; qu'en application des principes de primauté et d'effet direct du droit communautaire, il incombe au juge national, chargé d'appliquer les dispositions du droit communautaire, d'assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée toute disposition contraire de la législation nationale ; qu'en déclarant M. [H] coupable d'exercice illégal de la médecine parce que la société [1] dont il était à l'époque le gérant, assurait une prestation de cryothérapie corps entier en raison de ce que cette prestation devait être encadrée par des médecins, voire autres professionnels de santé a écarté le moyen tiré de l'inconventionalité de toute interdiction de la cryothérapie quand l'Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé, dans son édition 2018 du guide « Qualification et positionnement réglementaire des dispositifs médicaux et dispositifs médicaux de diagnostic in vitro », à la question « Quel est le statut d'une cabine de cryothérapie ? » avait répondu « ? si un fabricant destine une cabine de cryothérapie uniquement à des fins non médicales telles que le bien-être, la récupération ou l'entraînement du sportif ou l'esthétique, le produit n'est pas un dispositif médical et ne requiert pas le marquage C au titre de la directive 93/42 CEE ? », de sorte que les restrictions apportées, d'une part, étaient contraires aux libertés précitées et, d'autre part, à les supposer restreintes pour des motifs impérieux d'intérêt général, seraient totalement disproportionnées au but de protection de la santé publique avancé ; que la cour d'appel, en se fondant cependant sur les dispositions de l'article 2, 4°, de l'arrêté du 6 janvier 1962 dans sa rédaction issue de l'arrêté du 13 avril 2007, a méconnu la liberté d'établissement et la libre prestation de services garanties par les articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. »

Réponse de la Cour

11. Les moyens sont réunis.

12. Pour déclarer le prévenu coupable d'exercice illégal de la médecine, l'arrêt attaqué énonce que le procédé utilisé, qui soumet la personne à des températures négatives extrêmes ayant notamment entraîné chez M. [K] des brûlures profondes aux deuxième et troisième degrés, effet secondaire par ailleurs répertorié par un rapport de juin 2019 de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, relève de l'article 2, 4° de l'arrêté du 6 janvier 1962, qui réserve aux seuls docteurs en médecine les actes de physiothérapie, incluant la cryothérapie, aboutissant à la destruction, si limitée soit-elle, des téguments.

13. Les juges considèrent que la restriction apportée par ce texte à la liberté d'établissement et au principe de libre prestation de services garantis par les dispositions du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne est justifiée par la prévention des risques que le procédé en cause comporte au regard de la santé publique.

14. Ils relèvent par ailleurs que le prévenu a, dans la communication publicitaire de la société [1], allégué que la cryothérapie permettait de soulager les personnes atteintes de maladies dégénératives douloureuses et mis en avant des témoignages de clients déclarant avoir été guéris de pathologies réelles.

15. Ils ajoutent que si M. [H] et son personnel décrivent la pratique dispensée comme dépourvue de toute finalité de soin et visant exclusivement le bien-être, l'une des esthéticiennes de la société [1] a admis que la seule différence avec la cryothérapie thérapeutique était l'absence d'intervention d'un médecin.

16. Ils en déduisent que le prévenu s'est livré de manière habituelle, par l'intermédiaire de la société dont il était le gérant, au traitement de maladies, congénitales ou acquises, réelles ou supposées.

17. En l'état de ces seules énonciations, la cour d'appel, qui ne s'est pas prononcée par des motifs inopérants, a justifié sa décision et n'a méconnu aucun des textes visés aux moyens.

18. En premier lieu, elle a, par des motifs dépourvus d'insuffisance comme de contradiction, considéré à juste titre que le procédé utilisé, qui consistait en un acte de physiothérapie par cryothérapie aboutissant à la destruction, si limitée soit-elle, des téguments, relevait des actes dont l'article 2, 4°, de l'arrêté du 6 janvier 1962 réserve la pratique aux docteurs en médecine.

19. En second lieu, ce texte, qui apporte à la liberté d'établissement et au principe de libre prestation de services une restriction nécessaire et proportionnée à la poursuite d'un intérêt impérieux de protection de la santé publique, justifiée par les dangers particuliers liés à l'usage de ce procédé, ne méconnaît pas les articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne tels qu'interprétés par la Cour de justice de l'Union européenne.

20. Dès lors, les moyens doivent être écartés.

21. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Charmoillaux - Avocat général : M. Quintard - Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; article 2, 4°, de l'arrêté du 6 janvier 1962 dans sa rédaction issue de l'arrêté du 13 avril 2007 ; article 593 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Sur compatibilité avec le TFUE des limites apportées à la liberté d'établissement et de prestation de service, cf. : CJUE, arrêt du 31 mars 1993, Kraus/Land Baden-Württemberg, C-19/92 ; CJUE, arrêt du 19 mai 2009, Apothekerkammer des Sarrlandes et., C-171/07 et C-172/07. Crim., 10 mai 2022, pourvoi n° 21-84.951, Bull. crim. (cassation partielle).

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