Numéro 5 - Mai 2022

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

CIRCULATION ROUTIERE

Crim., 18 mai 2022, n° 21-84.613, (B), FRH

Rejet

Conduite après usage de stupéfiants ou de plantes classées comme stupéfiants – Analyse de dépistage de produits stupéfiants – Exigence d'une quantité minimale de sang prélevée en vue de l'analyse – Détermination

L'article 8 de l'arrêté du 5 septembre 2001, qui imposait le prélèvement d'une quantité minimale de sang en vue de l'analyse destinée à établir la présence de cannabis à l'occasion de la conduite d'un véhicule, a été abrogé par l'arrêté du 13 décembre 2016, qui prévoit seulement la mise à la disposition, par l'enquêteur qui requiert le prélèvement, au praticien qui l'exécute, de deux tubes de 10 ml chacun, sans imposer le recueil d'une quantité minimale de sang.

Justifie en conséquence sa décision la cour d'appel qui écarte le moyen de nullité du rapport toxicologique en énonçant qu'aucune disposition n'impose au praticien requis de prélever un volume minimal de sang.

M. [E] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 4-10, en date du 27 décembre 2018, qui, pour conduite d'un véhicule après usage de stupéfiants, en récidive, l'a condamné à l'annulation de son permis de conduire et a ordonné une mesure de confiscation.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [E] [D] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel, notamment du chef de conduite d'un véhicule en ayant fait usage de cannabis.

3. Les juges du premier degré l'ont déclaré coupable de ce chef et ont prononcé l'annulation de son permis de conduire.

4. M. [D] a relevé appel de cette décision et le ministère public a formé appel incident.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen est pris de la violation des articles L. 235-1 et R. 235-6 du code de la route et de l'arrêté du 13 décembre 2016 régissant les modalités de dépistage des stupéfiants.

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du procès-verbal d'expertise toxicologique et de tous les actes subséquents alors que le médecin ayant réalisé le prélèvement sanguin en vue de la réalisation d'une analyse permettant de savoir si le prévenu avait consommé des produits stupéfiants avant de prendre le volant, ne précise ni le volume de sang prélevé, ni le nombre de tubes utilisé pour son prélèvement. Il soutient que l'arrêté du 13 décembre 2016 prévoit l'obligation de procéder à un prélèvement sanguin de deux fois 10 ml dans deux tubes distincts ; qu'ainsi, les analyses pouvant être erronées, il n'est pas possible d'affirmer que M. [D] était sous l'emprise de produits stupéfiants alors qu'il conduisait son véhicule, ce d'autant que la fiche d'examen de comportement n'a permis de déceler aucun comportement anormal et que le taux notifié peut ainsi être faux, le taux réel pouvant être inférieur à 1 ng/ml ou pouvant être nul.

Réponse de la Cour

7. Pour écarter le moyen de nullité du rapport toxicologique, l'arrêt attaqué, par motifs propres et adoptés, énonce que la quantité de sang à prélever ne fait pas l'objet de réglementation et qu'aucune disposition n'impose au praticien requis de prélever un volume minimal de sang, la référence au volume ne concernant que la capacité des tubes mis à disposition par l'agent requérant ; qu'ainsi le volume de 10 ml de sang n'est que le maximum de sang qu'il est possible de prélever.

8. Les juges ajoutent que le volume de remplissage du tube doit être laissé à l'appréciation du praticien qui tiendra toujours compte des conditions de son intervention tout en respectant les principes médicaux de la ponction sanguine.

9. Ils concluent que le prévenu qui n'a pas fait d'observations particulières lors de la notification du résultat de taux de THC-COOH, n'invoque aucun grief précis qui résulterait de l'absence de mentions précisant le volume exact de sang prélevé.

10. En prononçant ainsi, et dès lors que l'article 8 de l'arrêté du 5 septembre 2001, qui imposait le prélèvement d'une quantité minimale de sang en vue de l'analyse destinée à établir la présence de cannabis à l'occasion de la conduite d'un véhicule, a été abrogé par l'arrêté du 13 décembre 2016, qui prévoit seulement la mise à la disposition, par l'enquêteur qui requiert le prélèvement, au praticien qui l'exécute, de deux tubes de 10 ml chacun, sans imposer le recueil d'une quantité minimale de sang, la cour d'appel a justifié sa décision.

11. Par conséquent, le moyen n'est pas fondé.

12. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. de Larosière de Champfeu (conseiller le plus ancien faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Slove - Avocat général : M. Valat -

Textes visés :

Article L. 235-1, I, alinéa 1, du code la route ; arrêté du 13 décembre 2016 fixant les modalités du dépistage des substances témoignant de l'usage de stupéfiants, et des analyses et examens prévus par le code de la route.

Crim., 17 mai 2022, n° 21-85.611, (B), FRH

Rejet

Permis de conduire – Annulation – Effets – Interdiction de conduire sur le territoire national – Titulaire d'un autre permis de conduire délivré à l'étranger – Absence d'influence

L'invalidation du permis de conduire français entraîne nécessairement l'interdiction du droit de conduire sur le territoire national français, quand bien même le prévenu serait titulaire d'un permis délivré par un autre Etat ou d'un permis international.

Est en conséquence inopérant le moyen soutenant que les permis de conduire libanais et international présentés par le prévenu auraient été obtenus régulièrement.

M. [P] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 13 septembre 2021, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 23 janvier 2018, pourvoi n° 17-80.963), pour conduite d'un véhicule malgré injonction de restituer le permis de conduire en récidive, l'a condamné à cent-vingt jours-amende à 20 euros et a prononcé une mesure de confiscation.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 21 février 2014, alors qu'il circulait à bord de son véhicule automobile, M. [P] [I] a fait l'objet d'un contrôle par les gendarmes auxquels il a présenté un permis de conduire obtenu au Liban.

3. Le 26 février suivant, le procureur de la République a fait citer M. [I] devant la juridiction correctionnelle, du chef susvisé.

4. Par jugement du 1er octobre 2014, le tribunal correctionnel a déclaré le prévenu coupable des faits reprochés et l'a condamné à six mois d'emprisonnement et à la confiscation du véhicule ayant servi à commettre l'infraction.

5. M. [I] a relevé appel de cette décision.

Le ministère public a interjeté appel incident.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [I] coupable en récidive de conduite d'un véhicule à moteur malgré injonction de restituer le permis de conduire résultant du retrait de la totalité des points, alors « que selon l'article R. 222-3 du code de la route, tout permis de conduire national, en cours de validité, délivré par un Etat qui est ni membre de la Communauté européenne, ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen, peut être reconnu en France jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an après l'acquisition de la résidence normale de son titulaire ; qu'il en résulte que la reconnaissance en France d'un tel permis n'est pas subordonnée à ce que son titulaire ait eu sa résidence normale dans le pays où il a été délivré ; qu'en déclarant M. [I] coupable en récidive de conduite malgré invalidation de son permis de conduire, motif pris qu'il résultait de l'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen, que la reconnaissance en France d'un permis de conduire étranger supposait que son titulaire l'ait obtenu tandis qu'il avait sa résidence normale dans ce pays et que M. [I] ne rapportait pas cette preuve, bien que cet arrêté ministériel n'ait pas pu ajouter une condition qui n'est pas requise pour la reconnaissance en France d'un permis de conduire étranger, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a violé l'article R. 222-3 susvisé, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2017-1523 du 3 novembre 2017, ensemble l'article L. 223-5 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019. »

Réponse de la Cour

7. Dès lors que l'invalidation du permis de conduire français entraîne nécessairement l'interdiction du droit de conduire sur le territoire national français, quand bien même le prévenu serait titulaire d'un permis délivré par un autre Etat ou d'un permis international, le moyen soutenant que les permis de conduire libanais et international présentés par le prévenu auraient été obtenus régulièrement est inopérant.

Sur le second moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné à l'encontre de M. [I], à titre de peine complémentaire, la confiscation du véhicule ayant servi à commettre l'infraction, soit le véhicule Porsche immatriculé [Immatriculation 1], alors :

« 1°/ que tout jugement ou arrêt doit être motivé, à peine de nullité ; que la contradiction entre les motifs et le dispositif de la décision équivaut à un défaut de motifs ; qu'en ordonnant, dans le dispositif de sa décision, à titre de peine complémentaire, la confiscation du véhicule appartenant à M. [I], tout en affirmant, dans les motifs de sa décision, que cette confiscation répondait à l'impératif d'intérêt général de la prévention des accidents de la route, et constituait la seule mesure de sûreté adaptée et efficace permettant d'atteindre cet objectif, la cour d'appel, qui a infligé à M. [I] une peine complémentaire, après avoir considéré dans les motifs de sa décision qu'il convenait de prendre une mesure de sûreté à son encontre, a violé l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article L. 223-5 du code de la route, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 ;

2°/ qu'une peine, par sa finalité répressive et punitive, se distingue d'une mesure de sûreté, laquelle répond à un objectif de prévention des infractions ; qu'il en résulte que le juge ne peut prononcer une peine complémentaire de confiscation en considération de l'objectif préventif attaché à une mesure de sûreté ; qu'en ordonnant néanmoins, à titre de peine complémentaire, la confiscation du véhicule appartenant à M. [I], au motif inopérant que cette confiscation répondait à l'impératif d'intérêt général de la prévention des accidents de la route et constituait la seule mesure de sûreté adaptée et efficace permettant d'atteindre cet objectif, la cour d'appel a violé l'article L. 223-5 du code de la route, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019, ensemble l'article 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

9. Pour prononcer la peine de confiscation, l'arrêt attaqué énonce que le véhicule saisi est l'instrument du délit commis, et sa confiscation permise par la loi.

10. Les juges ajoutent que c'est le choix du prévenu de posséder une voiture d'un grand prix, nécessairement proportionné à ses importants revenus, et de l'utiliser au quotidien, en commettant des infractions, et ce en dépit de l'avertissement reçu quelques semaines auparavant, alors qu'il ne démontre pas être actuellement titulaire d'un permis de conduire.

11. Ils retiennent que la confiscation de ce véhicule répond à l'impératif d'intérêt général de prévention des accidents de la route, et constitue la seule mesure de sûreté adaptée et efficace permettant d'atteindre cet objectif.

12. Ils soulignent que l'intéressé n'a excipé d'aucune circonstance exceptionnelle, tenant à son emploi ou à sa situation professionnelle, qui rendrait disproportionnée la confiscation de ce véhicule.

13. Ils concluent qu'au regard du temps écoulé, et afin de garantir l'exécution de cette peine, il y a lieu de procéder à son exécution provisoire en application de l'article 471, alinéa 4, du code de procédure pénale.

14. En prononçant ainsi, nonobstant des motifs erronés mais surabondants qualifiant la décision de confiscation du véhicule de mesure de sûreté, la cour d'appel, qui a pris en considération la personnalité et la situation personnelle du prévenu, ses ressources et ses charges, a analysé la mesure au regard de sa proportionnalité, et a ordonné son exécution provisoire en relevant expressément qu'il s'agit d'une peine, a justifié sa décision.

15. Le moyen doit être écarté.

16. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal (conseiller le plus ancien faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Maziau - Avocat général : M. Lemoine - Avocat(s) : SCP Richard -

Textes visés :

Article L. 223-5 du code de la route, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 ; article 593 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Dans le cas d'un permis étranger obtenu après expiration de la période d'interdiction, à rapprocher : Crim., 9 mars 2022, pourvoi n° 21-84.021, Bull. crim. (cassation partielle), et l'arrêt cité.

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