Numéro 5 - Mai 2021

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

INSTRUCTION

Crim., 11 mai 2021, n° 21-81.277, (P)

Rejet

Détention provisoire – Juge des libertés et de la détention – Débat contradictoire – Notification du droit de se taire – Défaut – Portée – Irrégularité de la décision rendue (non)

Le droit de faire des déclarations, de répondre aux questions posées ou de se taire doit être notifié à la personne mise en examen lors du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention, tenu de s'assurer, parmi les conditions légales de la détention provisoire, de l'existence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable que la personne ait pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge d'instruction est saisi.

Cette formalité doit être accomplie par ce magistrat nonobstant la notification du droit de se taire par l'officier de police judiciaire lors de la garde à vue, ou par le juge d'instruction lors de l'interrogatoire de première comparution, ou nonobstant la remise, lors de la première comparution devant le juge des libertés et de la détention, du document énonçant les droits prévu à l'article 803-6 du code de procédure pénale.

Le défaut de notification à la personne mise en examen, par le juge des libertés et de la détention, du droit de se taire est sans incidence sur la régularité de sa décision dès lors qu'il n'appartient pas à ce magistrat de statuer sur le bien-fondé d'une accusation en matière pénale.

REJET du pourvoi formé par M. [D] [Y] contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 12 février 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. [Y] a été mis en examen des chefs précités le 25 septembre 2020 et placé en détention provisoire.

3. Par ordonnance en date du 22 janvier 2021, le juge des libertés et de la

détention a prolongé sa détention provisoire pour une durée de quatre mois.

4. M. [Y] a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a écarté l'exception de nullité tiré de l'absence de notification du droit au silence, alors :

« 1°/ qu'à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité à intervenir de l'article 145 du code de procédure pénale, qui, en ce qu'il ne prévoit pas que devant le juge des libertés et de la détention statuant sur le placement en détention provisoire de la personne mise en examen ou la prolongation de celle-ci, cette personne doit être informée de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire, méconnaît les droits et libertés constitutionnellement garantis, et plus particulièrement les articles 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, l'arrêt attaqué se trouvera privé de base légale ;

2°/ que en tout état de cause, à peine de nullité du titre de l'ordonnance, la personne qui comparaît devant le juge des libertés et de la détention en vue de son placement en détention provisoire ou de la prolongation de celle-ci, doit être informée de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ; qu'en retenant, pour écarter la nullité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, tirée de ce que M. [Y], qui comparaissait sans l'assistance d'un avocat, ne s'était pas vu notifier, au début des débats, son droit au silence, qu'une information relative à ce droit avait été délivrée au mis en examen lors de son interrogatoire de première comparution et en garde à vue, puis qu'il lui avait été remis lors de sa première comparution devant le juge des libertés et de la détention un formulaire de déclaration des droits l'informant également de son droit « au cours de la procédure » de garder le silence, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale ;

3°/ que la méconnaissance de l'obligation d'informer la personne qui comparaît devant le juge des libertés et de la détention en vue de son placement en détention provisoire ou de la prolongation de celle-ci de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire lui fait nécessairement grief ; qu'en retenant pourtant, pour écarter l'existence d'une atteinte aux droits de la défense, que les déclarations faites par M. [Y] devant le juge des libertés et de la détention étaient spontanées et identiques à celles qu'il avait déjà faites lors d'un précédent débat contradictoire, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen pris en sa première branche

7. Par arrêt de ce jour, la Cour de cassation a décidé de ne pas transmettre la question prioritaire de constitutionnalité, posée par le demandeur et portant sur l'insuffisance de l'article 145 du code de procédure pénale lors de l'examen du placement en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention.

8. Cette décision rend sans objet le grief tiré de l'inconstitutionnalité de cet

article.

Sur le moyen pris en ses autres branches

9. La Cour de cassation juge désormais (Crim., 27 janvier 2021, pourvoi n° 20-85.990, en cours de publication) qu'il résulte des articles 80-1 et 137 du code de procédure pénale que les mesures de sûreté ne peuvent être prononcées qu'à l'égard des personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont le juge d'instruction est saisi et qu'il en découle le droit, pour la personne mise en examen comparaissant à l'audience de la chambre de l'instruction et pouvant être amenée à faire des déclarations qui, si elles figurent au dossier de la procédure, sont susceptibles d'être prises en considération par les juridictions prononçant un renvoi devant la juridiction de jugement ou une déclaration de culpabilité, de se voir notifier son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions posées ou de se taire (Crim., 24 février 2021, pourvoi n° 20-86.537, en cours de publication).

10. Ce droit doit également être notifié lors du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention, tenu par la même exigence de s'assurer, parmi les conditions légales de la détention provisoire, de l'existence de tels indices graves ou concordants à l'encontre de la personne déférée et ce, à tous les stades de la procédure.

11. Cette formalité doit être accomplie par ce magistrat nonobstant la notification du droit de se taire par l'officier de police judiciaire lors de la garde à vue, ou par le juge d'instruction lors de l'interrogatoire de première comparution, ou nonobstant la remise, lors de la première comparution devant le juge des libertés et de la détention, du document énonçant les droits prévu à l'article 803-6 du code de procédure pénale.

12. Cependant, la Cour de cassation juge aussi (Crim., 24 février 2021, précité) que le défaut de notification, à la personne mise en examen qui comparaît devant la chambre de l'instruction saisie du contentieux d'une mesure de sûreté, de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions posées ou de se taire, est sans incidence sur la régularité de la décision de la chambre de l'instruction, qui n'est pas amenée à statuer sur le bien-fondé de la mise en examen, lequel relève d'un contentieux distinct de celui des mesures de sûreté. Il a pour seule conséquence que les déclarations faites à l'audience par l'intéressé ne pourront être utilisées à son encontre par les juridictions appelées à prononcer un renvoi devant la juridiction de jugement ou une déclaration de culpabilité.

13. Il en va de même en cas de défaut de notification du droit de se taire devant le juge des libertés et de la détention, auquel il n'appartient pas davantage de statuer sur le bien-fondé d'une accusation en matière pénale.

14. Ce principe ne fait pas obstacle à ce que, conformément à l'article 802 du code de procédure pénale, la personne concernée excipe dans les suites de la procédure, en cas d'utilisation de propos irrégulièrement recueillis devant le juge des libertés et de la détention, d'une atteinte à ses intérêts dans l'administration de la preuve par les juridictions prononçant un renvoi devant la juridiction de jugement ou une déclaration de culpabilité, les juges devant alors apprécier l'équité de la procédure dans sa globalité.

15. En conséquence, le moyen est inopérant.

16. Par ailleurs, l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des articles

137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Thomas - Avocat général : M. Aldebert - Avocat(s) : Me Laurent Goldman -

Textes visés :

Articles 80-1, 137, 802 et 803-6 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Sur l'obligation du juge des libertés et de la détention de s'assurer de l'existence d'indices graves et concordants, à rapprocher : Crim., 27 janvier 2021, pourvoi n° 20-85.990, Bull. crim. 2021 (rejet). Sur les effets du défaut de notification du droit de se taire sur les mesures de sûreté en cours d'instruction, à rapprocher : Crim., 24 février 2021, pourvoi n° 20-86.537, Bull. crim. 2021 (rejet).

Crim., 11 mai 2021, n° 21-81.148, (P)

Rejet

Mandat – Mandat d'arrêt – Personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt – Personne en fuite (non) – Personne résidant hors du territoire de la République – Cas – Personne détenue hors du territoire de la République

Une personne détenue hors de France doit être considérée, au sens de l'article 131 du code de procédure pénale, comme résidant à l'étranger.

Dès lors, justifie sa décision la chambre de l'instruction, qui, pour écarter la nullité du mandat d'arrêt délivré à l'encontre du prévenu, détenu à l'étranger, énonce que son incarcération au jour de la délivrance dudit mandat était provisoire et pouvait prendre fin à tout moment et qu'au vu de la gravité et de la multiplicité des faits dont le juge d'instruction était saisi et du comportement des malfaiteurs qui étaient toujours en action au moment de leur interpellation en Belgique, le recours à cette mesure de contrainte était nécessaire et proportionné.

REJET du pourvoi formé par M. [F] [N] contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar, en date du 4 février 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs notamment de vols aggravés, tentative de vols aggravés, association de malfaiteurs, usurpation de plaques d'immatriculation, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Entre novembre 2019 et le 1er mars 2020, une centaine de vols aggravés et tentatives de vols aggravés ont été commis dans l'est de la France, selon un même mode opératoire.

3. M. [N] a été identifié par sa photographie anthropométrique sur les lieux de plusieurs faits délictueux au cours desquels il avait été filmé.

4. Le 3 mars 2020, il a été interpellé en Belgique, à bord d'un véhicule faussement immatriculé, après un refus d'obtempérer qui conduisait les policiers belges, à l'issue d'une course poursuite, à faire usage de leur arme.

5. M. [N], blessé, a été incarcéré à la prison [Établissement 1] (Belgique).

6. Le 1er avril 2020, après regroupement de l'ensemble des procédures, le procureur de la République a ouvert notamment contre M. [N] une information judiciaire des chefs précités.

7. Les 7 avril et le 8 octobre 2020, le juge d'instruction a délivré deux mandats d'arrêt à l'encontre de M. [N] puis, sur la base de ceux-ci, les 8 avril et 25 novembre 2020, deux mandats d'arrêt européens.

8. Le 19 janvier 2021, M. [N] a été remis aux autorités judiciaires françaises en exécution du mandat d'arrêt européen du 25 novembre 2020.

9. Le 22 janvier 2021, il a été mis en examen des chefs précités.

10. Le même jour, le juge des libertés et de la détention a ordonné son placement en détention provisoire.

11. M. [N] a formé appel de cette ordonnance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, et le second moyen

12. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen, pris en ses autres branches

Enoncé du moyen

13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de placement en détention provisoire de M. [N] après avoir écarté les exceptions de nullité de cette ordonnance tirée de l'illégalité des mandats d'arrêt délivrés par le juge d'instruction, de l'absence de notification de l'un de ces mandats et de l'irrégularité du procès-verbal d'audition sur mandat d'arrêt, alors :

« 1°/ que le juge d'instruction ne peut décerner mandat d'arrêt que si la personne est en fuite ou réside à l'étranger ; que tel n'est pas le cas, par hypothèse, d'une personne détenue à l'étranger en toute connaissance de cette situation par le juge d'instruction ; qu'ainsi, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 131, 137 à 145, 591 et 593 du code de procédure pénale et n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, la chambre de l'instruction qui a constaté « l'incarcération à la prison [Établissement 1] en Belgique au moment de la délivrance des mandats », cette seule constatation excluant tant son état prétendu de « fuite » que sa « résidence à l'étranger » au sens de la loi, le juge d'instruction ayant été informé de cette situation, le simple fait que cette incarcération soit « provisoire » et « pouvait prendre fin à tout moment » constituant des circonstances radicalement inopérantes à justifier le recours à une telle mesure sans respect des conditions légales requises ;

2°/ que le recours au mandat d'arrêt, mesure de contrainte, doit être nécessaire et proportionné, ces caractères s'appréciant au regard de la personne même qui en fait l'objet ; que n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 131, 137 à 145, 591 et 593 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction qui a confirmé l'ordonnance de placement en détention provisoire fondée sur les mandats d'arrêt aux motifs péremptoires et, partant radicalement inopérants, qu'« au vu de la gravité des faits dont il était saisi, au vu du comportement des malfaiteurs qui étaient toujours en action au moment de leur interpellation en Belgique, le recours à cette mesure de contrainte était nécessaire et proportionné » sans jamais dire en quoi, s'agissant de M. [N], ce mandat était nécessaire et proportionné, ce dernier étant détenu en Belgique et le magistrat, clairement informé de sa situation, n'ayant jamais entrepris les démarches requises pour l'entendre ;

4°/ qu'en vertu de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne a le droit à un procès équitable ce qui comprend le fait d'être mis en capacité d'écouter la lecture du procès-verbal de l'audition quand la personne ne sait ni lire ni écrire ; qu'a méconnu son office et a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 106, 121, 133, 137 à 145, 591 et 593 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction qui a considéré que le procès-verbal d'audition sur mandat d'arrêt était régulier aux motifs, totalement inopérants, que M. [N], ne sachant ni lire ni écrire, n'avait pas fait valoir qu'il était dans l'incapacité de relire ses déclarations quand il lui appartenait de l'inviter à s'exprimer à ce sujet. »

Réponse de la Cour

Sur le premier moyen, pris en ses premières et deuxième branches

14. Pour écarter la nullité des mandats d'arrêt décernés à l'encontre de M. [N], l'arrêt énonce que tant l'usage qu'il a fait de plusieurs véhicules volés et faussement immatriculés que sa mobilité constante depuis plusieurs mois, son absence récurrente à son adresse déclarée et enfin les circonstances de son interpellation établissent sa présence à l'étranger ainsi que son état de fuite.

15. Les juges ajoutent que son incarcération à la prison [Établissement 1] au moment de la délivrance des mandats était provisoire et pouvait prendre fin à tout moment.

16. Ils relèvent que le juge d'instruction, saisi par réquisitoire introductif contre personne dénommée, n'avait pas d'autre choix pour assurer la représentation en justice de M. [N] et pour l'entendre que de délivrer un mandat d'arrêt, étant donné que sa remise en liberté signifiait immédiatement un retour à la clandestinité.

17. Ils concluent qu'au vu de la gravité et de la multiplicité des faits dont le juge d'instruction était saisi et du comportement des malfaiteurs qui étaient toujours en action au moment de leur interpellation en Belgique, le recours à cette mesure de contrainte était nécessaire et proportionné.

18. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a, sans insuffisance, justifié sa décision.

19. En effet, d'une part, une personne détenue hors de France doit être considérée, au sens de l'article 131 du code de procédure pénale, comme résidant à l'étranger.

20. D'autre part, la chambre de l'instruction qui, à juste titre, s'est référée au caractère provisoire de l'incarcération de M. [N] en Belgique qui pouvait prendre fin à tout moment sans que le juge d'instruction français n'ait légalement à en être informé, à la personnalité et au comportement de la personne recherchée de nature à faire craindre qu'il ne prenne à nouveau la fuite, et enfin à la gravité des faits qui lui étaient reprochés, a caractérisé sans insuffisance la nécessité et la proportionnalité du recours à un mandat d'arrêt.

21. Il s'ensuit que les griefs doivent être écartés.

Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche

22. Pour écarter la nullité du procès-verbal d'audition sur mandat d'arrêt du juge des libertés et de la détention, l'arrêt énonce que ce magistrat a donné lecture à M. [N] du mandat et l'a averti de ce qu'il était libre de ne faire aucune déclaration.

23. Les juges relèvent que les seules déclarations actées, relatives à l'état de santé de M. [N], à sa situation familiale et à son souhait d'être incarcéré à proximité de sa famille, sont étrangères aux faits qui sont à l'origine de la délivrance du mandat d'arrêt et ne peuvent porter atteinte à ses intérêts.

24. Ils concluent que l'absence de mention de la relecture de l'intégralité du procès-verbal par le juge ne saurait remettre en cause sa régularité et fonder son annulation.

25. En l'état de ces seules énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

26. En effet, si, le procès-verbal antérieur de notification de placement en rétention judiciaire mentionnant que M. [N] ne savait pas lire le français, il appartenait au greffier du juge des libertés et de la détention de procéder à la relecture de son procès-verbal d'audition, le demandeur ne justifie ni même n'allègue que cette irrégularité a porté atteinte aux droits de la défense.

27. Le grief doit dès lors être écarté.

28. Par ailleurs, l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Labrousse - Avocat général : M. Aldebert - Avocat(s) : SCP Spinosi -

Textes visés :

Article 131 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Sur le contrôle de proportionnalité lors de la délivrance d'un mandat d'arrêt, cf. : Cons. const., 27 février 2015, décision n° 2014-452 QPC. A rapprocher : Crim., 11 janvier 2017, pourvoi n° 16-80.619, Bull. crim. 2017, n° 16 (cassation) ; Crim., 16 décembre 2020, pourvoi n° 20-85.289, Bull. crim. 2020 (cassation).

Crim., 26 mai 2021, n° 21-81.320, (P)

Rejet

Mise en examen – Mise en examen d'un témoin assisté – Convocation – Application de l'article 80-2 du code de procédure pénale (non)

Les dispositions de l'article 80-2 du code de procédure pénale ne sont pas applicables au témoin assisté convoqué devant le juge d'instruction. Il s'ensuit que le juge d'instruction qui envisage de mettre en examen un témoin assisté, lors d'un interrogatoire en application de l'article 113-8 du même code, n'a pas à l'en informer dans la convocation.

REJET du pourvoi formé par M. [J] [R] contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 17 février 2021, qui, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure et l'a renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la prévention de recel et violation du secret professionnel.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Dans le cadre d'une information judiciaire ouverte le 11 octobre 2018, M. [R], avocat, a été mis en examen des chefs de violation du secret professionnel et recel.

3. Par arrêt définitif en date du 14 novembre 2019, la chambre de l'instruction a annulé la mise en examen de M. [R] pour défaut d'indices graves ou concordants et l'a placé sous le statut de témoin assisté.

4. Le 17 juin 2020, M. [R] a été à nouveau mis en examen des mêmes chefs, après que le juge d'instruction a procédé à des actes supplémentaires.

5. Le 19 juin 2020, le juge d'instruction a délivré l'avis de fin d'information.

6. Par ordonnance en date du 3 novembre 2020, le juge d'instruction a ordonné le renvoi devant le tribunal correctionnel de M. [R] des chefs pour lesquels il avait été mis en examen.

7. Le procureur de la République a fait appel de cette décision.

8. M.[R] a déposé une requête en nullité notamment de sa mise en examen prise, d'une part, de l'absence d'indices graves ou concordants, d'autre part, de la violation de l'article 80-2 du code de procédure pénale.

9. La chambre de l'instruction a joint l'examen de l'appel précité et la requête de M. [R].

Examen des moyens

Sur les deuxième et quatrième moyens

10. Il ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en annulation de la mise en examen de M. [R] et l'a renvoyé devant la juridiction correctionnelle, alors « que les dispositions de l'article 80-2 du code de procédure pénale sont générales et concernent toutes les mises en examen, sans distinguer selon que la personne concernée serait déjà ou non témoin assisté, ou que les faits seraient ou non identiques à ceux pour lesquels il a ce statut ; que l'article 113-8 du code de procédure pénale n'exclut pas le jeu de l'article 80-2 précité ; que la chambre de l'instruction a donc violé lesdits textes, les droits de la défense, et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

12. Pour écarter le moyen de nullité de la mise en examen de M. [R], pris de ce que le juge d'instruction ne l'avait pas informé dans sa convocation qu'il envisageait sa mise en examen, l'arrêt énonce que l'article 113-8 du code de procédure pénale ne fait aucun renvoi au respect du formalisme de la convocation et de l'information prévu par l'article 80-2 dudit code, qui ne s'applique qu'à la personne qui n'est ni partie à la procédure ni témoin assisté.

13. Les juges ajoutent que lorsqu'il procède, lors d'un interrogatoire, à la mise en examen du témoin assisté, le juge d'instruction est seulement tenu de respecter les huitième et neuvième alinéas de l'article 116 du code de procédure pénale relatifs à l'adresse déclarée.

14. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des dispositions visées au moyen.

15. Il s'ensuit que le moyen ne peut être accueilli.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les requêtes en nullité, notamment la demande d'annulation de la mise en examen de M. [R] pour défaut d'indices graves ou concordants et l'a renvoyé devant la juridiction correctionnelle, alors « que ne peuvent être renvoyées devant la juridiction correctionnelle que des personnes qui ont été régulièrement attraites à la procédure, ce qui suppose que leur mise en examen ait été légale et fondée au moment où elle est intervenue, et impose donc à la chambre de l'instruction d'examiner la légalité de la mise en examen avant de se prononcer sur les charges et sur le renvoi devant la juridiction de jugement ; que la chambre de l'instruction ne peut en aucun cas se dispenser de cet examen ; que la chambre de l'instruction a ainsi méconnu l'étendue de ses obligations, excédé ses pouvoirs, et violé les articles 80-1, 173, 179, 184, 388 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

17. Aux termes de l'article 80-1 du code de procédure pénale, à peine de nullité, le juge d'instruction ne peut mettre en examen que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi.

18. Par ailleurs, en vertu de l'article 113-5 dudit code, le témoin assisté ne peut faire l'objet d'une ordonnance de renvoi ou de mise en accusation. Dès lors, la chambre de l'instruction ne peut ordonner le renvoi devant le tribunal correctionnel d'un témoin assisté sans avoir fait préalablement notifier, par supplément d'information, sa mise en examen à la personne concernée.

19. Il s'ensuit que, saisie d'une requête en nullité de la mise en examen d'une personne, prise du défaut d'indices graves ou concordants, et de l'appel formé par le procureur de la République contre l'ordonnance renvoyant celle-ci devant le tribunal correctionnel des mêmes chefs, la chambre de l'instruction doit d'abord examiner la requête en nullité et, si elle n'y fait pas droit, rechercher ensuite s'il existe à l'encontre de l'intéressé des charges suffisantes d'avoir commis les faits qui lui sont reprochés.

20. En l'espèce, c'est à tort que, pour ne pas faire droit à la requête en nullité de la personne mise en examen prise de l'absence d'indices graves ou concordants, l'arrêt énonce que l'examen des charges suffisantes fondant le renvoi de l'affaire devant le tribunal correctionnel n'est pas subordonné à l'examen préalable des indices graves ou concordants à l'encontre des personnes mises en examen.

21. L'arrêt n'encourt pas néanmoins la censure.

22. En effet, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer de l'absence de tout acte d'information postérieur à la mise en examen de M. [R], de sorte qu'il se déduit nécessairement de l'existence de charges suffisantes contre celui-ci d'avoir commis les faits de violation du secret professionnel et recel, qu'au jour de sa mise en examen, il existait des indices graves ou concordants de sa participation aux mêmes faits.

23. Dès lors, le moyen doit être écarté.

24. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Labrousse - Avocat général : M. Croizier - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Rapprochement(s) :

S'agissant de la mise en examen par lettre recommandée d'un témoin assisté, à rapprocher : Crim., 28 mai 2015, pourvoi n° 15-80.929, Bull. crim. 2015, n° 131 (cassation).

Crim., 26 mai 2021, n° 20-86.011, (P)

Annulation

Nullités – Chambre de l'instruction – Computation du délai de six mois – Point de départ – Confrontation de la personne mise en examen (oui)

Bien que les termes de l'article 173-1 du code de procédure pénale fassent état d'une computation du délai de six mois à compter de chaque interrogatoire, l'esprit du texte permet de considérer qu'il en va de même pour chaque confrontation qui, réunissant plusieurs intervenants, n'en constitue pas moins un interrogatoire pour la personne mise en examen.

M. [D] [L] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 2 octobre 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de blanchiment aggravé, escroquerie en bande organisée et association de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.

Par ordonnance en date du 4 janvier 2021, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 24 janvier 2014, M. [L] a été mis en examen des chefs susvisés, puis placé en détention provisoire.

3. Après avoir fait l'objet d'interrogatoires les 12 mai 2014 et 10 février 2015, puis de confrontations les 12 décembre 2017 et 1er juillet 2020, il a reçu un avis de fin d'information le 31 juillet 2020.

3. Le 25 septembre 2020, M. [L] a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en nullité invoquant la partialité d'un enquêteur caractérisée, selon lui, par un courriel de celui-ci du 21 octobre 2014, qu'il disait avoir obtenu dans le cadre d'une procédure civile l'ayant opposé à un tiers en 2017, et qu'il communiquait au juge d'instruction, lequel le recevait le 11 septembre 2020 et le versait au dossier (D1174).

Sur le moyen unique de cassation

Enoncé du moyen

4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la requête aux fins d'annulation de la procédure déposée par M. [L] le 25 septembre 2020, et a en conséquence dit n'y avoir lieu à ordonner la suspension de l'information, alors :

« 1°/ que s'il résulte de l'article 173-1 du code de procédure pénale que, sous peine d'irrecevabilité, la personne mise en examen doit faire état des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant son interrogatoire de première comparution ou de cet interrogatoire lui-même, dans un délai de six mois à compter de la notification de sa mise en examen, une telle irrecevabilité ne peut lui être opposée dans le cas où elle n'aurait pu en connaître ; que pour déclarer irrecevable la requête aux fins de nullité déposée par M. [L] le 25 septembre 2020, le président de la chambre de l'instruction rappelle les termes de l'article 173-1 susvisé et considère qu'elle est intervenue plus de six mois après le « dernier interrogatoire de [D] [L] en date du 12 mai 2014 » ; qu'en se déterminant ainsi quand le requérant soutenait que sa requête était fondée sur des moyens de nullité remettant en cause l'impartialité et la loyauté des enquêteurs, qui n'avaient été portés à sa connaissance que postérieurement à l'envoi de l'avis de fin d'information, de sorte qu'il n'avait pu les soulever dans le délai de six mois ayant suivi son interrogatoire de première comparution du 12 mai 2014, faute d'avoir pu en connaître, le président de la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs, et méconnu le sens et la portée des articles 173 et 173-1 du code de procédure pénale ;

2°/ qu'une confrontation au cours de laquelle le mis en examen est interrogé par le juge d'instruction sur les derniers actes d'enquête qui ont été portés à sa connaissance constitue bien un interrogatoire susceptible de faire courir le délai de forclusion de six mois au sens des dispositions de l'article 173-1 du code de procédure pénale ; qu'en déclarant irrecevable la requête aux fins de nullité présentée le 25 septembre 2020 par le mis en examen, dans les six mois suivant sa dernière confrontation-interrogatoire en date du 1er juillet 2020, après avoir affirmé que l'article précité « prévoit que le délai de six mois doit être calculé à compter de la date d'un interrogatoire et non d'une confrontation, une distinction s'imposant nécessairement entre ces actes d'instruction », le président a excédé ses pouvoirs et méconnu les articles 173-1 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ que même lorsque plus de six mois se sont écoulés depuis le dernier interrogatoire du mis en examen, ce dernier dispose de la faculté de déposer un requête en annulation des actes de la procédure dans le délai légalement prévu à compter l'envoi de l'avis de d'information, sur le fondement des dispositions de l'alinéa 4 de l'article 175 du code de procédure pénale ; qu'en se bornant à déclarer irrecevable la requête en nullité déposée par M. [L] le 25 septembre 2020 sur le fondement des articles 173 et 175 du code de procédure pénale, plus de six ans après son « dernier interrogatoire en date du 12 mai 2014 », en s'abstenant de toute référence à l'avis de fin d'information adressé le 31 juillet 2020 par le magistrat instructeur marquant le point de départ d'un délai de forclusion de trois mois pour M. [L] pour déposer une requête en nullité des actes de procédure antérieurs à l'avis de fin d'information, le président a excédé ses pouvoirs et méconnu les articles 175 et 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 173-1 du code de procédure pénale ;

5. Bien que les termes de l'article 173-1 du code de procédure pénale fassent état d'une computation du délai de six mois à compter de chaque interrogatoire, l'esprit du texte permet de considérer qu'il en va de même pour chaque confrontation qui, réunissant plusieurs intervenants, n'en constitue pas moins un interrogatoire pour la personne mise en examen.

6. Par ailleurs, si cette dernière doit faire état, à peine de forclusion, des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant chaque interrogatoire ou confrontation dans un délai de six mois suivant celui-ci, c'est à la condition qu'elle ait pu en avoir connaissance.

7. Pour déclarer irrecevable comme tardive la requête en nullité déposée par M. [L] le 25 septembre 2020, l'ordonnance attaquée énonce que le délai de six mois doit être calculé à compter de la date de l'interrogatoire du 12 mai 2014 et non pas de celle de la confrontation du 1er juillet 2020, insusceptible d'être prise en compte s'agissant d'un acte différent, de sorte que le délai était expiré lors du dépôt de la requête du 25 septembre 2020.

8. En se déterminant ainsi, le président de la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs.

9. En effet, dès lors qu'était en cause un courriel du 21 octobre 2014, celui-ci pouvait fonder une requête en nullité dans les six mois suivant, non pas l'interrogatoire du 12 mai 2014, mais celui du 10 février 2015 qui avait suivi l'acte contesté.

10. Par ailleurs, il appartenait au président de la chambre de l'instruction de répondre aux conclusions du requérant qui affirmait n'avoir eu connaissance dudit courriel qu'à l'occasion d'une procédure civile l'ayant opposé à un tiers en 2017.

11. En outre, un nouveau délai de six mois a couru à compter de la confrontation du 1er juillet 2020 et n'était donc pas expiré lors du dépôt de la requête en nullité.

12. Enfin et en tout état de cause, la requête en nullité a été déposée dans le délai de trois mois suivant la délivrance de l'avis de fin d'information du 31 juillet 2020, lequel permettait à l'intéressé d'invoquer toute cause de nullité non encore couverte par la forclusion.

13. L'annulation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance susvisée du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 2 octobre 2020 ;

Constate que, du fait de l'annulation prononcée, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux se trouve saisie de la requête déposée par le demandeur ;

ORDONNE le retour de la procédure à cette juridiction, autrement présidée.

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'ordonnance annulée.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Ménotti - Avocat général : M. Aubert - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 173-1 du code de procédure pénale.

Crim., 11 mai 2021, n° 20-82.415, n° 20-86.182, (P)

Cassation partielle

Pièces – Versement au dossier de pièces extraites d'une autre procédure – Exploitation d'une mesure de sonorisation – Possibilité

Aucune disposition conventionnelle ou légale n'interdit au juge d'instruction, agissant en application de l'article 81 du code de procédure pénale, d'exploiter dans le cadre d'une procédure pénale une mesure de sonorisation ordonnée dans le cadre d'une autre procédure.

REJET du pourvoi formé par M. [J] [C] contre l'arrêt n° 178/2020 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 2 mars 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs notamment de recel en bande organisée en récidive, infractions à la législation sur les armes en récidive, association de malfaiteurs en récidive, a prononcé avant dire droit sur la nullité d'actes de la procédure.

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par M. [J] [C] et rejet du pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence contre l'arrêt n° 826/2020 de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 19 octobre 2020, qui, dans l'information suivie contre le premier des chefs précités, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure.

Par ordonnance en date du 18 décembre 2020, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat des pourvois formés contre l'arrêt du 19 octobre 2020 et a joint les pourvois formés contre cet arrêt.

Par ordonnance en date du 18 février 2021, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi formé contre l'arrêt du 2 mars 2020 et a joint celui-ci aux pourvois formés contre l'arrêt du 19 octobre 2020.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 8 février 2018, le procureur de la République a ordonné une enquête préliminaire sur des faits d'association de malfaiteurs en vue de commettre une tentative d'extorsion à l'encontre d'un entrepreneur.

3. A l'issue de cette enquête préliminaire, par réquisitoire en date du 4 mai 2018, le procureur de la République a ouvert une information judiciaire contre personne non dénommée des chefs de tentatives d'extorsion en bande organisée, non-justification de ressources, association de malfaiteurs en vue de commettre notamment les crimes de tentatives d'extorsion de fonds en bande organisée.

4. Le 13 septembre 2018, M. [C], susceptible d'être mis en cause dans le cadre de cette information judiciaire, a été l'objet d'une tentative d'assassinat.

5. Par réquisitoire supplétif en date du 25 octobre 2018, la saisine du juge d'instruction a été étendue à des faits commis courant 2018 et jusqu'au 19 octobre 2018 de non-justification de ressources aggravée, recel en bande organisée, infractions à la législation sur les armes, association de malfaiteurs en vue de la préparation et la commission de crimes et de délits, en particulier d'homicide volontaire avec préméditation en bande organisée, en récidive.

6. Le 25 octobre 2018, M. [C] a été mis en examen des chefs précités.

7. Le 19 avril 2019, il a déposé une requête en nullité d'actes de la procédure en exposant notamment que depuis sa tentative d'assassinat, les enquêteurs avaient effectué, hors saisine, des investigations sur la préparation d'une action criminelle en représailles de celle-ci, faits sans lien avec les extorsions de fonds et trafic de stupéfiants visés au réquisitoire introductif.

8. A l'issue de l'audience devant la chambre de l'instruction qui s'est tenue le 6 janvier 2020, l'affaire a été mise en délibéré.

9. Durant le délibéré, la chambre de l'instruction a constaté qu'avaient été versés en procédure un réquisitoire supplétif en date du 17 octobre 2018 faisant mention de faits nouveaux, à savoir une « enquête préliminaire diligentée par la DRPJ Ajaccio - Antenne Bastia, sous le n° de PV 2018/236 » ainsi que les procès-verbaux de cette enquête, datés du 10 octobre 2018 au 16 octobre 2018.

10. Après une deuxième audience au cours de laquelle ont été recueillies les observations des parties, le 3 février 2020, l'affaire a été mise à nouveau en délibéré.

11. Par arrêt en date du 2 mars 2020, la chambre de l'instruction, avant dire droit, a invité le juge d'instruction à verser en procédure toutes les pièces qui seraient de nature à confirmer ou à infirmer la date d'établissement du réquisitoire supplétif et de l'enquête préliminaire précités et à exposer par une note versée au dossier les circonstances et les motifs de leur versement et de leur cotation tardifs.

12. Le 3 avril 2020, le juge d'instruction a versé en procédure une telle note.

Sur le premier moyen du pourvoi formé contre l'arrêt en date du 19 octobre 2020, proposé pour M. [C]

13. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le moyen unique du pourvoi formé contre l'arrêt en date du 2 mars 2020

Enoncé du moyen

14. Le moyen critique l'arrêt attaqué du 2 mars 2020 en ce qu'il a invité le magistrat instructeur à veiller à ce que soient versées au dossier de la procédure dans les meilleurs délais toutes les pièces, notamment établies par le ou les services en charge de l'exécution des commissions rogatoires qu'il a décernées, qui seraient de nature à confirmer ou à infirmer la date d'établissement des pièces cotées D4366 à D4547 et a indiqué que ce magistrat pourrait exposer par une note versée au dossier tous éléments de nature à éclairer les circonstances et les motifs de leur versement et de leur cotation tardifs sans se prononcer sur les nullités dont la chambre de l'instruction était saisie, alors :

« 1°/ que lorsque la chambre de l'instruction est avisée que des pièces sont manquantes, elle doit renvoyer l'affaire à une date ultérieure ; que lorsque des pièces sont disparues ou égarées, il convient de procéder conformément aux articles 648 et suivants du code de procédure pénale ; qu'en l'espèce l'ajout au dossier, en cours de délibéré dans des conditions non révélées par l'arrêt attaqué, de pièces nouvelles, dont le ministère public ni quiconque d'autre n'avait signalé à la chambre de l'instruction qu'elles étaient manquantes ou égarées, est irrégulier et porte directement atteinte aux droits de la défense en raison du caractère occulte de la procédure suivie pour faire arriver ces pièces ; que l'arrêt attaqué ne pouvait en conséquence se fonder sur les pièces irrégulièrement parvenues au dossier ; qu'il a ainsi violé les articles préliminaire et 197, dernier alinéa, 648 et suivants du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ qu'il appartient à la chambre de l'instruction de se prononcer en l'état du dossier tel qu'il lui est soumis et si elle découvre une cause de nullité, de prononcer la nullité de l'acte qui en est entaché ; qu'en l'espèce la chambre de l'instruction, dans son arrêt du 2 mars 2020, constate, après avoir ajouté ou fait ajouter de nouvelles pièces qui ne figuraient pas au dossier de l'information, qu'elle ne peut s'assurer de la date d'établissement de ces pièces et notamment du réquisitoire supplétif justifiant de l'élargissement de la saisine du juge d'instruction ; qu'elle ne pouvait dès lors que prononcer la nullité du réquisitoire supplétif, et des actes de procédure effectués hors saisine faute de date certaine sur la transmission au juge d'instruction du réquisitoire supplétif ; qu'en refusant d'annuler la procédure la chambre de l'instruction a violé les articles 80, 170, 197, 206, 592 et 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

3°/ que la chambre de l'instruction est seule compétente durant l'instruction préparatoire pour apprécier la régularité des actes de l'information ; que le juge d'instruction ne peut se faire juge de la régularité des actes qu'il accomplit ; qu'en demandant au juge d'instruction une note « d'explication » sur les actes cotés à son dossier, la chambre de l'instruction a méconnu ses propres pouvoirs, les principes d'équité et d'impartialité et ainsi violé les articles préliminaire, 170 et suivants, 206 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

4°/ qu'en donnant injonction au juge d'instruction de compléter le dossier de l'information judiciaire, c'est-à-dire de réaliser des actes d'information supplémentaires au sens de l'article 201 du code de procédure pénale, sans avoir au préalable évoqué la procédure, la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs et violé l'article 206 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

15. Pour ne pas prononcer sur la nullité, en l'état du dossier mis à disposition des parties en vue de l'audience du 6 janvier 2020, et inviter le juge d'instruction à compléter la procédure des pièces dont il serait en possession ainsi qu'à exposer dans une note versée au dossier les raisons du versement durant le délibéré du réquisitoire supplétif et des pièces de l'enquête préliminaire précités, l'arrêt énonce qu'en raison des contestations soulevées sur la date réelle d'établissement de ces pièces et des moyens qui en sont tirés, il convient de recueillir tous éléments de nature à confirmer ou à infirmer leur date d'établissement et à éclairer les circonstances et les motifs de leur versement au dossier en janvier 2020.

16. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction, qui a fait l'exacte application de l'article 197, alinéa 4, du code de procédure pénale, n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

17. En effet, en premier lieu, aucune disposition légale ou conventionnelle n'interdit à la chambre de l'instruction, lors de l'examen d'une requête en nullité, de prononcer au vu de pièces versées au dossier en cours de délibéré, à la condition de rouvrir les débats afin de soumettre celles-ci au débat contradictoire.

18. Par voie de conséquence, dès lors que la chambre de l'instruction constatait que les pièces cotées D4386 à D4547 avaient été versées en procédure durant le délibéré, de sorte que le dossier mis à la disposition des parties lors de l'audience du 6 janvier 2020 était incomplet, c'est à bon droit qu'elle a renvoyé l'affaire à une audience ultérieure, sans statuer sur la requête, après avoir estimé que la connaissance de ces pièces était indispensable à son examen.

19. En deuxième lieu, la chambre de l'instruction n'a pas méconnu ses pouvoirs en invitant le juge d'instruction à préciser dans une note versée au dossier les circonstances du versement en cours de délibéré du réquisitoire supplétif et des pièces de l'enquête préliminaire sur lequel il repose.

20. Une telle note ne constitue pas en effet un acte juridictionnel du juge d'instruction par lequel il statuerait lui-même sur la régularité de la procédure.

21. Enfin, ne constitue pas un acte d'information complémentaire, au sens de l'article 201 du code de procédure pénale, l'invitation faite au juge d'instruction de verser en procédure les pièces qui seraient en sa possession.

22. Dès lors, le moyen ne peut être accueilli.

Sur le deuxième moyen du pourvoi formé contre l'arrêt en date du 19 octobre 2020, proposé pour M. [C]

Enoncé du moyen

23. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il n'a annulé que partiellement les actes de la procédure et a rejeté les demandes présentées dans l'intérêt de M. [C], alors « que la procédure doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties et celui d'être entendu par une juridiction indépendante et impartiale et de bénéficier d'un recours juridictionnel effectif ; que le juge d'instruction ne peut, sous quelque forme que ce soit, intervenir dans les débats devant la chambre de l'instruction pour défendre la régularité des actes qu'il a accomplis ; qu'en l'espèce le juge d'instruction a établi une « note », par laquelle il répond et argumente sur les moyens soulevés par la défense dans la requête en nullité et les mémoires complémentaires ; qu'en se prononçant au vu de cette note établie à sa demande, versée au dossier, la chambre de l'instruction a méconnu les règles fondamentales d'équité du procès, d'impartialité et d'indépendance des juridictions, d'effectivité du droit au recours et violé les articles 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, préliminaire du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

24. Le moyen, en ce qu'il reproche à la chambre de l'instruction de s'être prononcée au vu de la note établie par le juge d'instruction, manque en fait, les juges n'ayant pas motivé leur décision en se référant à ce document.

Sur les troisième et quatrième moyens du pourvoi formé contre l'arrêt en date du 19 octobre 2020, proposés pour M. [C]

Énoncé des moyens

25. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a refusé de constater la nullité des pièces rajoutées au dossier, soit le réquisitoire supplétif daté du 17 octobre 2018 et les pièces qui y auraient été annexées, et de prononcer la nullité des actes d'enquête effectués sur commission rogatoire à partir du 11 octobre 2018, hors saisine, en l'absence de réquisitoire supplétif communiqué au juge d'instruction et élargissant sa compétence, alors :

« 1°/ que lorsque la chambre de l'instruction est avisée que des pièces sont manquantes, elle doit renvoyer l'affaire à une date ultérieure ; que lorsque des pièces sont disparues ou égarées, il convient de procéder conformément aux articles 648 et suivants du code de procédure pénale ; qu'en l'espèce l'ajout au dossier, en cours de délibéré dans des conditions non révélées par l'arrêt attaqué, de pièces nouvelles, dont le ministère public ni quiconque d'autre n'avait signalé à la chambre de l'instruction qu'elles étaient manquantes ou égarées, est irrégulier et porte directement atteinte aux droits de la défense en raison du caractère occulte de la procédure suivie pour faire arriver ces pièces ; que l'arrêt attaqué ne pouvait en conséquence se fonder sur les pièces irrégulièrement parvenues au dossier ; qu'il a ainsi violé les articles préliminaire et 197, dernier alinéa, du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ qu'en toute hypothèse l'existence d'une pièce absente du dossier ne peut être établie que si d'autres pièces mentionnent son existence et en reproduisent la teneur ; qu'en l'espèce l'arrêt constate que le réquisitoire supplétif du 17 octobre 2018 et les pièces sur lesquelles il se fonde ne sont apparus au dossier que quinze mois après la date qu'ils portent ; que l'arrêt attaqué considère cependant que l'existence de ces pièces à la date qu'elles portent et leur communication au juge d'instruction et aux enquêteurs résultent du visa, dans la commission rogatoire du 18 octobre 2018 et dans le procès-verbal « prenant acte de l'élargissement de la saisine » du réquisitoire du 17 octobre 2018 ; que toutefois ces simples visas, qui ne reproduisent pas la teneur des actes manquants, notamment des pièces jointes au réquisitoire qui selon l'arrêt lui-même déterminent l'objet et l'étendue de la saisine, ne suffisent pas à établir que le juge d'instruction ait été dès le 18 octobre 2018 en possession desdites pièces ; qu'en décidant le contraire l'arrêt attaqué s'est mis en contradiction avec les pièces du dossier et a violé les articles 592 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ qu'au surplus un procès-verbal fait foi de ce qu'il constate et non de ce qu'il ne constate pas ; qu'en l'espèce le procès-verbal visé par l'arrêt mentionne pour objet : « Réception d'une nouvelle pièce » et constate la réception de la seule commission rogatoire visant le réquisitoire supplétif, mais non la réception du réquisitoire supplétif ni des pièces qui y sont jointes ; qu'en déduisant de ce que le procès-verbal ne mentionnait pas ne pas avoir reçu le réquisitoire supplétif et les pièces jointes que les enquêteurs en avaient bien été destinataires, pour en conclure que le juge d'instruction leur envoyant ces éléments en disposait nécessairement, l'arrêt attaqué a violé l'article 429 du code de procédure pénale et s'est mis en contradiction avec les pièces du dossier en violation des articles 592 et 593 du même code ;

4°/ que M. [C] faisait valoir dans des mémoires régulièrement déposés que les procès-verbaux des enquêteurs ne visaient que la commission rogatoire et non le réquisitoire du 17 octobre 2018 dont ils ne reproduisaient pas la teneur ; que ce réquisitoire, absent du dossier jusqu'à son apparition en cours de délibéré devant la chambre de l'instruction, n'était mentionné ni dans le réquisitoire supplétif du 25 octobre 2018 ni dans l'ordonnance de soit-communiqué le précédant, ni dans l'interrogatoire de première comparution de M. [C], ni dans l'ordonnance de saisine du juge des libertés et de la détention consécutive, ni dans le procès-verbal de débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention, ni dans le premier réquisitoire du parquet général du 30 décembre 2019 devant la chambre de l'instruction devant laquelle était invoqué le défaut de saisine du juge d'instruction ; que ce réquisitoire n'était coté au dossier ainsi que ses pièces jointes qu'après les actes d'exécution de la commission rogatoire, après l'interrogatoire de première comparution et après les actes susmentionnés ; qu'il n'avait été coté au dossier qu'après l'audience du 6 janvier 2020 ; qu'en déduisant l'existence du réquisitoire du 17 octobre 2018 et sa communication au juge d'instruction dès cette date des visas figurant sur deux pièces au dossier sans s'expliquer sur le silence de toutes les autres pièces de la procédure et notamment celles invoquées par la défense, ni sur la cotation tardive dudit réquisitoire et de ses annexes au dossier, la chambre de l'instruction n'a pas suffisamment motivé sa décision et l'a privée de base légale au regard de l'article 80 du code de procédure pénale. »

26. Le quatrième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a refusé d'annuler le réquisitoire supplétif du 17 octobre 2018 et toute la procédure subséquente, alors :

« 1°/ qu'est nul le réquisitoire dont le contenu est équivoque et qui ne permet pas de déterminer l'objet exact et l'étendue de la saisine du juge d'instruction ; qu'en l'absence d'énoncé par le réquisitoire lui-même des faits, seul le visa précis des pièces qui y sont annexées et leur transmission au juge d'instruction avec ledit réquisitoire permet de déterminer l'objet exact et l'étendue de la saisine ; qu'en l'espèce il résulte des propres mentions de l'arrêt attaqué que le réquisitoire du 17 octobre 2018 ne vise que « la procédure en cours » et se réfère à une « enquête préliminaire diligentée par la DRPJ AJACCIO - Antenne BASTIA sous le n° de PV 2018/236 », sans viser les pièces de cette enquête préliminaire ni mentionner qu'elles sont jointes ; que la commission rogatoire du 18 octobre 2018 ne vise que le réquisitoire supplétif sans viser aucune pièce jointe ; que de même le procès-verbal du 18 octobre 2018 coté D2780 accusant réception de la seule commission rogatoire ne mentionne ni ne vise aucune pièce jointe au réquisitoire supplétif ; que les pièces prétendument jointes au réquisitoire supplétif ne sont apparues au dossier avec le réquisitoire qu'après le retour de la commission rogatoire du 18 octobre 2018 ; que ces pièces sont cotées après les actes d'exécution de ladite commission rogatoire et ne sont visées par aucun autre acte antérieur à leur apparition au dossier suite à l'audience du 6 janvier 2020 devant la chambre de l'instruction ; qu'en affirmant néanmoins que ce réquisitoire supplétif visait des pièces qui y étaient jointes, qu'il n'existait aucun doute sur la réalité de la transmission de ces pièces au magistrat instructeur avec le réquisitoire supplétif et que l'étendue de la saisine du juge d'instruction avait ainsi été déterminée sans ambiguïté, l'arrêt attaqué s'est mis en contradiction avec les pièces du dossier en violation de l'article 593 du code de procédure pénale et a violé l'article 80 du code de procédure pénale ;

2°/ que M. [C] faisait valoir dans des mémoires régulièrement déposés que les prétendues pièces jointes au réquisitoire supplétif du 17 octobre 2018, absentes du dossier jusqu'à leur apparition en cours de délibéré devant la chambre de l'instruction, n'étaient visées ou mentionnées ni dans l'ordonnance de soit-communiqué précédant le réquisitoire supplétif du 25 octobre 2018, ni dans les réquisitions aux fins de placement en détention provisoire du 25 octobre 2018, ni dans l'ordonnance de saisine du juge des libertés et de la détention du 25 octobre 2018, ni dans les réquisitions aux fins de prolongation de la détention provisoire du 16 septembre 2019, ni dans l'ordonnance de saisine du juge des libertés et de la détention du 17 septembre 2019, ni dans le premier réquisitoire du parquet général du 30 décembre 2019 devant la chambre de l'instruction devant laquelle était invoqué le défaut de saisine du juge d'instruction ; que les pièces jointes au réquisitoire supplétif n'avaient été cotées au dossier qu'en même temps que ce réquisitoire, soit après les actes d'exécution de la commission rogatoire, après l'interrogatoire de première comparution et après les actes susmentionnés ; qu'elles n'avait été coté au dossier qu'après l'audience du 6 janvier 2020 ; qu'en affirmant néanmoins qu'il n'existait aucun doute sur la réalité de la transmission des pièces jointes au magistrat instructeur avec le réquisitoire supplétif et que l'étendue de la saisine du juge d'instruction avait ainsi été déterminée sans ambiguïté, sans s'expliquer sur le silence de toutes les autres pièces de la procédure et notamment celles invoquées par la défense, ni sur la cotation tardive des prétendues pièces jointes, la chambre de l'instruction n'a pas suffisamment motivé sa décision et l'a privée de base légale au regard de l'article 80 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

27. Les moyens sont réunis

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

28. Le moyen se borne à reprendre l'argumentation du moyen unique du pourvoi formé contre l'arrêt du 2 mars 2020.

29. Il ne peut dès lors être accueilli, pour les raisons mentionnées aux paragraphes 17 à 21.

Sur le troisième moyen, pris en ses autres branches, et sur le quatrième moyen

30. Pour écarter la nullité du réquisitoire supplétif du 17 octobre 2018 et des pièces de la procédure annexées, prise du caractère incertain de sa date, l'arrêt énonce que le visa et la teneur de ce réquisitoire établissent suffisamment que le procureur de la République avait reçu, lu et analysé les pièces sur lesquelles il s'est fondé pour délivrer celui-ci, à savoir la procédure n° 2018/236 établie par l'antenne de [Localité 1] de la direction régionale de la police judiciaire d'[Localité 2].

31. Les juges ajoutent qu'il résulte des pièces de la procédure que dès le lendemain de ce réquisitoire, soit le 18 octobre 2018, le juge d'instruction a adressé aux enquêteurs une commission rogatoire complémentaire qui portait mention de la jonction à cet acte du réquisitoire supplétif et qu'en outre plusieurs pièces établies par ces enquêteurs, pour l'exécution de ce mandat judiciaire, font expressément référence à ce réquisitoire supplétif.

32. Ils en déduisent que, s'il peut être regretté que ce réquisitoire et les pièces sur lesquelles il est fondé aient été versés en procédure quinze mois plus tard, les éléments du dossier permettent de tenir pour établi, de façon certaine, que cet acte et ces pièces existaient à la date qu'ils portent.

33. Examinant ensuite la régularité dudit réquisitoire, ils relèvent que celui-ci vise explicitement les pièces de l'enquête préliminaire diligentée par la direction régionale de la police judiciaire d'[Localité 2] (antenne de [Localité 1]) sous le numéro de PV 2018/236 et que ces pièces sont cotées à sa suite (D4366 pour le réquisitoire et D4367 à D4547 pour les pièces).

34. Ils en concluent que le ministère public a bien saisi le juge d'instruction des faits visés par ce réquisitoire supplétif avec ses pièces jointes, lesquelles permettent de déterminer sans ambiguïté l'objet exact et l'étendue de la saisine du juge d'instruction.

35. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a, sans insuffisance, justifié sa décision.

36. En effet, d'une part, la date apposée par un magistrat sur un acte de procédure et authentifiée par sa signature fait foi jusqu'à inscription de faux.

37. Dès lors, en l'absence d'une telle procédure, il ne peut être contesté que le procureur de la République a bien établi le réquisitoire supplétif daté du 17 octobre 2018 ce jour-là et, le juge d'instruction, la commission rogatoire datée du lendemain, à cette date-là.

38. D'autre part, la circonstance que, contrairement aux prescriptions du deuxième alinéa de l'article 81 du code de procédure pénale, les pièces du dossier n'aient pas été cotées au fur et à mesure de leur rédaction ou de leur réception par le juge d'instruction n'est pas, en soi, une cause de nullité de la procédure.

39. Enfin, un réquisitoire introductif ne peut être annulé que s'il ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale.

40. Dès lors, les moyens peuvent être écartés.

Sur le cinquième moyen du pourvoi formé contre l'arrêt en date du 19 octobre 2020, proposé pour M. [C]

Énoncé du moyen

41. Le cinquième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de l'irrégularité de la géolocalisation du véhicule Mercedes utilisé par M. [C], et a refusé de prononcer la nullité des actes relatifs à cette géolocalisation et des actes qui leur sont subséquents, alors :

« 1°/ que les opérations de géolocalisation doivent être conduites sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées ; qu'un procès-verbal doit être dressé par l'officier de police judiciaire pour chaque opération de mise en place du dispositif de géolocalisation, mentionnant la date et l'heure auxquelles l'opération a commencé et celles auxquelles elle s'est terminée ; qu'il en est de même pour les opérations d'enregistrement ; que ces dispositions touchent directement à la compétence du magistrat qui a autorisé la mesure puisqu'elles sont destinées à lui permettre d'exercer son contrôle ; que l'inobservation de ces formalités doit dès lors être sanctionnée par la nullité ; qu'en l'espèce il résulte des pièces du dossier comme des mentions de l'arrêt attaqué que la date et l'heure de la pose du dispositif sur le véhicule utilisé par M. [C] comme la date et l'heure du début de l'enregistrement ne sont pas précisées ; qu'en déclarant néanmoins qu'il a été satisfait aux exigences légales et jurisprudentielles et qu'aucune irrégularité ne justifie l'annulation de la procédure, l'arrêt attaqué a violé les articles 230-32, 230-37, 230-38, 170 et 173 du code de procédure pénale, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ que l'arrêt attaqué qui ne comporte aucune explication sur l'absence de la date et de l'heure de la pose du dispositif et l'absence de la date et de l'heure du début d'enregistrement, dénoncée dans la requête en nullité, est privé de motif en violation des articles 592 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ que les opérations de géolocalisation doivent être conduites sous le contrôle du magistrat qui les a autorisées ; que la géolocalisation est mise en place par l'officier de police judiciaire ou sous sa responsabilité par un agent de police judiciaire, l'officier de police judiciaire commis par le juge d'instruction pouvant requérir tout agent qualifié d'un service, d'une unité ou d'un organisme placé sous l'autorité du ministre de l'intérieur et dont la liste est fixée par décret, en vue de procéder à l'installation du matériel de géolocalisation sur le véhicule à surveiller ; que, pour permettre le contrôle du magistrat, le procès-verbal dressé par l'officier de police relatant les opérations de géolocalisation doit mentionner l'identité de celui ou ceux qui procèdent à la mise en place du dispositif de géolocalisation ; que ces dispositions touchent directement à la compétence du magistrat qui a autorisé la mesure puisqu'elles sont destinées à lui permettre d'exercer son contrôle ; que l'inobservation de ces formalités doit dès lors être sanctionnée par la nullité ; qu'en l'espèce il résulte des pièces du dossier comme des mentions de l'arrêt attaqué que l'identité de celui ou ceux qui ont procédé à la mise en place du dispositif de géolocalisation sur le véhicule utilisé par M. [C] n'est pas précisée ; que ces irrégularités portent nécessairement atteinte au droit au respect de la vie privée de l'exposant ; qu'en déclarant néanmoins qu'il a été satisfait aux exigences légales et jurisprudentielles et qu'aucune irrégularité ne justifie l'annulation de la procédure, l'arrêt attaqué a violé les articles 230-32, 230-36, 230-37, 230-38, 170 et 173 du code de procédure pénale, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

4°/ que l'arrêt attaqué qui ne comporte pas la moindre explication sur l'absence de mention de l'identité de celui ou ceux qui ont procédé à la mise en place du dispositif de géolocalisation sur le véhicule utilisé par M. [C], dénoncée dans la requête en nullité, est privé de motif en violation des articles 592 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

42. Pour écarter la nullité des opérations de géolocalisation du véhicule de M. [C], l'arrêt énonce qu'il résulte des éléments de la procédure que la pose du dispositif a été réalisée le 6 août 2018, alors que le véhicule était stationné [Adresse 1], l'officier de police judiciaire en étant informé à 12 heures par le technicien dûment habilité de la direction centrale de la police judiciaire.

43. Les juges ajoutent que l'enregistrement des données de géolocalisation a porté sur la période du 6 août 2018 au 13 septembre 2018, le matériel ayant été retiré le 14 septembre 2018.

44. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

45. En effet, le demandeur ne saurait se faire un grief que ne figure en procédure ni l'heure de l'installation effective du dispositif mais seule celle à laquelle l'officier de police judiciaire en a été informé, ni celle de début d'enregistrement, pour les raisons suivantes.

46. D'une part, il résulte des mentions des procès-verbaux que les opérations de mise en place du dispositif de géolocalisation n'ont eu lieu ni en urgence, en application de l'article 230-35 du code de procédure pénale et ne nécessitaient dès lors pas une décision écrite du magistrat dans un délai de vingt-quatre heures pour la poursuite des opérations, ni dans un lieu privé, au sens de l'article 230-34 dudit code, imposant une autorisation écrite du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention, selon l'heure de pose.

47. D'autre part, les données de géolocalisation exploitées en procédure ont été enregistrées le 7 août 2018 et le 4 septembre 2018, soit durant la période d'enregistrement mentionnée au procès-verbal.

48. Enfin, il résulte de l'article 230-36 du code de procédure pénale que seule doit figurer en procédure la mention du service auquel appartient l'agent ayant procédé à l'opération, qui doit être un de ceux énumérés à l'article D 15-1-7 du code précité.

49. Tel est le cas en l'espèce.

50. Le moyen n'est dès lors pas fondé.

Sur le septième moyen du pourvoi formé contre l'arrêt en date du 19 octobre 2020, proposé pour M. [C]

Enoncé du moyen

51. Le septième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a refusé d'annuler le versement au dossier de la procédure de l'intégralité des enregistrements réalisés dans le cadre d'une autre procédure lors de la sonorisation d'une cellule à la prison des Baumettes ainsi que les actes d'exploitation de cet enregistrement et tous les actes subséquents, alors « que selon l'article 706-96 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi 2015-993 du 17 août 2015, applicable en l'espèce, la mise en place des dispositifs techniques autorisant l'enregistrement sans leur consentement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé est autorisée dans le cadre d'une information ouverte concernant un crime ou un délit entrant dans le champ d'application des articles 706-73 et 706-73-1 lorsque les nécessités de cette information l'exigent ; que selon l'article 706-101 dans sa version issue de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, applicable en l'espèce seules sont transcrites dans un procès-verbal versé au dossier les conversations enregistrées, utiles à la manifestation de la vérité, l'article 706-100, dans sa rédaction issue de la même loi prévoyant pour sa part que les enregistrements sont placés sous scellés fermés ; qu'aucun texte ne prévoit que les enregistrements ainsi autorisés dans le cadre d'une procédure et au regard des nécessités de cette procédure puissent, malgré leur mise sous scellés fermés, être copiés, puis versés au dossier d'une autre procédure et exploités directement pour les besoins de cette procédure ouverte contre une personne dont les propos ont été à cette occasion enregistrés ; qu'en décidant le contraire l'arrêt attaqué a violé les articles 81, alinéa 1er, et 151, 706-96 susvisé, 706-100 et 706-101 susvisés du code de procédure pénale, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

52. Pour écarter la nullité de l'exploitation par les enquêteurs d'une copie réalisée par un expert du scellé de la sonorisation de la cellule d'un détenu à la prison des Baumettes ordonnée dans une procédure distincte, l'arrêt énonce que cette exploitation a été effectuée dans le cadre d'une commission rogatoire du juge d'instruction, sous l'autorité et le contrôle effectif de ce magistrat et que seules les conversations utiles à la manifestation de la vérité sur les faits, objet du présent dossier ont été retranscrites.

53. Les juges ajoutent que cette exploitation a été réalisée conformément aux dispositions des articles 81, alinéa 1er, et 151 et suivants du code de procédure pénale.

54. Ils soulignent encore que ces investigations, diligentées dans le cadre d'une instruction portant sur des faits de tentative d'extorsion en bande organisée, d'association de malfaiteurs en vue de commettre des crimes en bande organisée et des délits punis de dix ans d'emprisonnement et de non- justification de ressources, infractions d'une particulière gravité relevant de la criminalité organisée, n'ont pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée des personnes concernées.

55. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

56. En effet, aucune disposition conventionnelle ou légale n'interdit au juge d'instruction, agissant en application de l'article 81 du code de procédure pénale, d'exploiter dans le cadre d'une procédure pénale une mesure de sonorisation ordonnée dans le cadre d'une autre procédure.

57. Le moyen ne peut dès lors être accueilli.

Sur les premier et second moyens de cassation du pourvoi formé contre l'arrêt en date du 19 octobre 2020, proposés par le procureur général

Enoncé des moyens

58. Le premier moyen est pris de la violation des articles préliminaire, 171, 173, 591, 802 du code de procédure pénale.

59. Il fait grief à l'arrêt d'avoir ordonné l'annulation de l'interrogatoire de première comparution de M. [C] et de sa mise en examen alors qu'en application des dispositions susvisées, il appartenait à la chambre de l'instruction de vérifier si l'absence en procédure du réquisitoire supplétif du 17 octobre 2018 et des pièces annexées, au moment de la première comparution de l'intéressé, était de nature à lui porter grief.

60. Le second moyen est pris de la violation des articles préliminaire, 171,173, 591,802 du code de procédure pénale.

61. Il reproche à l'arrêt d'avoir également annulé les interrogatoires de première comparution de M. [R] [X] et de M. [F] [B] et les pièces dont ils sont le support nécessaire alors qu'en application des dispositions susvisées, il appartenait à la chambre de l'instruction de vérifier si l'absence en procédure du réquisitoire supplétif du 17 octobre 2018 et des pièces annexées, au moment de la première comparution des intéressés, était de nature à leur porter grief.

Réponse de la Cour

62. Les moyens sont réunis.

63. Pour prononcer l'annulation de l'interrogatoire de première comparution de M. [C] et de sa mise en examen, l'arrêt énonce que la teneur des pièces sur la base desquelles le réquisitoire du 17 octobre 2018 a été pris n'était aucunement accessible à l'intéressé et à sa défense lors de ces actes.

64. Les juges en déduisent qu'au regard du principe du contradictoire, il y a lieu de constater que l'absence de mise à disposition d'une partie de la procédure avant l'interrogatoire de première comparution porte nécessairement atteinte aux droits de l'intéressé, peu important qu'il ait exercé son droit de garder le silence, fait des déclarations ou accepté de répondre à des questions.

65. Ils ajoutent que cette cause d'irrégularité de la procédure n'étant pas propre au seul requérant, les conséquences en seront tirées à l'égard de M. [X] et de M. [B].

66. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés aux moyens.

67. En effet, l'absence de mise à la disposition des parties et de leurs conseils des pièces de l'enquête sur la base desquelles le réquisitoire supplétif du 17 octobre 2018 a été délivré, déterminantes de l'étendue de la saisine du juge d'instruction et de leur mise en examen, ainsi que le défaut de mention de ce réquisitoire dans les procès-verbaux des interrogatoires de première comparution des personnes mises en examen précitées, ont nécessairement porté atteinte aux droits de la défense.

68. Il s'ensuit que les moyens ne peuvent être accueillis.

Mais sur le sixième moyen du pourvoi formé contre l'arrêt en date du 19 octobre 2020, proposé pour M. [C]

Enoncé du moyen

69. Le sixième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a refusé d'annuler l'exploitation par un officier de police judiciaire, le 25 septembre 2018, d'une copie de travail des enregistrements provenant de la sonorisation d'une cellule à la prison des Baumettes postérieurement au placement sous scellés de ces enregistrements le 19 avril 2016, et tous les actes subséquents, alors « que les enregistrements issus de la sonorisation de lieux privés constituent des atteintes à la vie privée et familiale ; que les conditions de leur mise en place et de leur conservation doivent à ce titre, en vertu de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, être prévues par la loi ; que selon l'article 706-100 du code de procédure pénale dans sa version issue de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, applicable en l'espèce, ces enregistrements doivent être placés sous scellés fermés ; que les officiers de police judiciaire ne peuvent détenir une copie de ces enregistrements que pour les besoins et dans le temps de l'exécution de la mission confiée par le juge d'instruction en application de l'article 706-96 du code de procédure pénale et qu'ils ne peuvent, une fois placés sous scellés fermés les enregistrements, en conserver une copie de travail pour en faire une exploitation ultérieure ; qu'en l'espèce l'arrêt constate que dans le cadre de la procédure diligentée par le juge [Q] l'officier de police judiciaire a conservé une copie de travail des enregistrements de la sonorisation de la cellule de M. [W] à la prison des Baumettes effectuée du 2 septembre 2015 au 2 mars 2016 et placés sous scellés le 19 avril 2016 ; que dans un rapport du 25 septembre 2018 le même service de police a informé le juge [Q] de la teneur d'échanges captés dans ces enregistrements, sans lien avec les faits dont le magistrat était saisi, mais révélateurs d'autres infractions ; qu'en refusant d'annuler ce rapport établi par le service de police qui avait conservé une copie de travail des enregistrements après leur mise sous scellés et après l'achèvement de la mission de sonorisation confiée par le juge d'instruction, l'arrêt attaqué a violé les articles 151, 706-96 susvisé et 706-100 susvisé du code de procédure pénale, 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 706-100 du code de procédure pénale :

70. Aux termes de ce texte, les enregistrements sonores ou audiovisuels résultant de l'exploitation d'un dispositif de sonorisation ou de fixation d'images doivent être placés sous scellés.

71. Il s'ensuit que les officiers de police judiciaire ne peuvent détenir une copie de ces enregistrements que pour les besoins et dans le temps de l'exécution de la mission confiée par le juge d'instruction en application de l'article 706-96 du même code.

72. Pour ne pas faire droit à l'annulation de l'exploitation de la copie de travail des enregistrements effectués dans le cadre d'une procédure distincte, l'arrêt énonce que la conservation d'une telle copie, après la retranscription des seules conversations estimées utiles pour l'exécution du mandat judiciaire, n'affecte la régularité ni des opérations de sonorisation légalement ordonnées et réalisées ni du placement des enregistrements sous scellés fermés.

73. Les juges ajoutent que dans le procès-verbal critiqué les enquêteurs ont relaté à l'attention du juge d'instruction la teneur d'échanges captés dans le cadre de la sonorisation mise en place sur ses instructions du 2 septembre 2015 au 2 mars 2016 qui, pour être sans lien avec les faits dont ce magistrat était saisi, apparaissaient révélateurs d'autres infractions pénales d'une toute particulière gravité, notamment des homicides.

74. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de ses propres constatations que les enquêteurs ont procédé à la rédaction de ce procès-verbal sur la base d'une copie de travail qu'ils avaient conservée alors qu'ils avaient achevé la mission que leur avait confiée le juge d'instruction, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

75. La cassation est dès lors encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur le pourvoi formé par M. [C] contre l'arrêt du 2 mars 2020

Le REJETTE ;

Sur le pourvoi formé par le procureur général contre l'arrêt du 19 octobre 2020

Le REJETTE ;

Sur le pourvoi formé par M.[C] contre l'arrêt du 19 octobre 2020

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 19 octobre 2020, mais en ses seules dispositions ayant prononcé sur la nullité de la pièce cotée D4169 à D4195, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Labrousse - Avocat général : M. Desportes (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 201 du code de procédure pénale ; article 81 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

S'agissant de l'exploitation par le juge d'instruction d'écoutes téléphoniques tirées d'une autre procédure, à rapprocher : Crim., 16 mai 2000, pourvoi n° 00-80.905, Bull. crim. 2000, n° 190 (rejet).

Crim., 11 mai 2021, n° 20-82.267, (P)

Rejet

Réquisitoire – Réquisitoire introductif – Validité – Conditions – Absence de vice de forme

REJET du pourvoi formé par M. [I] [M] contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 30 janvier 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de viol aggravé, agression sexuelle aggravée, pédopornographie, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes de la procédure.

Par ordonnance en date du 6 juillet 2020, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Dans le cadre d'une enquête préliminaire du chef de viol sur mineur de 15 ans, M. [M], placé sous la curatelle renforcée de sa mère, a fait l'objet d'un placement en garde à vue le 9 juillet 2019, à 10 heures 15 et, dès notification de ses droits, a demandé à être examiné par un médecin.

3. De 10 heures 15 à 13 heures 55, les enquêteurs ont procédé, en la présence de M. [M], à la perquisition de son casier professionnel et de son domicile ainsi qu'à la fouille de son véhicule, après avoir recueilli son accord écrit.

4. De 14 heures 55 à 16 heures 25, le médecin requis par les enquêteurs a examiné M. [M] et a établi un certificat médical aux termes duquel son état de santé était « non compatible » avec une mesure de garde à vue « sans traitement (ordonnance délivrée par le Dr [W]) » et « avant examen par un médecin psychiatre ».

5. Après que l'ordonnance précitée eut été adressée aux enquêteurs, ce même médecin a établi, à 17 heures 30, un nouveau certificat médical mentionnant que l'état de santé de l'intéressé était compatible avec la mesure privative de liberté, à condition que le traitement prescrit fût délivré.

6. M. [M] a été entendu pour la première fois par les enquêteurs le 9 juillet 2019, à 17 heures 45.

7. Le 11 juillet 2019, le procureur de la République a ouvert une information judiciaire contre M. [M] des chefs de viol sur mineur de 15 ans, agression sexuelle sur mineur de 15 ans, pédopornographie.

8. M. [M] a été mis en examen de ces chefs le même jour.

9. Le 30 juillet 2019, il a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en nullité du réquisitoire introductif et de son interrogatoire de première comparution.

10. Par mémoire en date du 5 novembre 2019, il a également sollicité que soit prononcée la nullité de sa garde à vue ainsi que des perquisitions et fouille réalisées par les enquêteurs.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les demandes de nullité de la garde à vue, des perquisitions et du réquisitoire introductif du procureur de la République, alors :

« 1°/ que l'arrêt attaqué a constaté que M. [M] a été placé sous curatelle renforcée par décision du juge des tutelles de Montbrison du 11 juin 2019, que les enquêteurs le savaient le 9 juillet 2019 ainsi que l'autorité judiciaire avant le réquisitoire introductif et la première comparution de l'exposant devant le juge d'instruction, et qu'il n'était pas établi que la curatrice de l'exposant eût été avisée des poursuites ; qu'il en résultait que le réquisitoire introductif du procureur de la République était nul ; qu'en décidant le contraire au prétexte qu'il était régulier en la forme, la chambre de l'instruction a violé l'article 706-113 du code de procédure pénale ;

2°/ que pour écarter la nullité de la garde à vue, la chambre de l'instruction a avancé que le retard de trois heures avant le premier examen médical de M. [M] n'avait pas porté atteinte à ses droits, quand selon ses propres constatations la garde à vue s'était poursuivie après que son incompatibilité avec l'état de santé de l'exposant fut affirmée par le premier certificat médical, rédigé à 16 heures 25, ce qui avait nécessairement porté atteinte aux intérêts de M. [M] ; qu'ainsi l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 63-3 du code de procédure pénale ;

3°/ qu'en se bornant à affirmer, pour refuser d'annuler les perquisitions, que lorsqu'elles avaient été effectuées les policiers ignoraient la mise sous curatelle de M. [M], sans constater qu'à cet instant la mesure de curatelle n'avait pas fait l'objet d'une publication, les policiers étant censés connaître cette mesure dans le cas contraire, la chambre de l'instruction a privé sa décision de motifs et de base légale en violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire et 593 du code de procédure pénale ainsi que des droits de la défense ;

4°/ que le curateur doit être avisé d'une perquisition menée en phase d'enquête concernant le majeur protégé, lequel ne peut donner son assentiment à la perquisition sans l'assistance de son curateur ; qu'en n'annulant pas les perquisitions au motif que l'assentiment que M. [M] y avait donné n'était pas vicié et qu'aucune disposition n'imposait la présence du curateur ou du tuteur lors de la perquisition au domicile d'un majeur protégé, la chambre de l'instruction a violé les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire du code de procédure pénale, 440 et 425 du code civil ainsi que le principe susmentionné et les droits de la défense. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen, pris en sa première branche

12. Selon l'article 706-113 du code de procédure pénale, le curateur ou le tuteur d'une personne majeure protégée doit être avisé des poursuites dont elle fait l'objet.

13. Pour écarter le moyen de nullité du réquisitoire introductif, pris de ce que la curatrice de M. [M] n'a pas été informée de cet acte, l'arrêt énonce que si le procureur de la République avait connaissance de la mesure de curatelle avant de le délivrer, pour autant un tel réquisitoire ne peut être annulé que s'il ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale.

14. Si le réquisitoire introductif, lorsqu'il est pris contre personne dénommée, constitue à l'égard des personnes qu'il vise un acte de poursuite au sens du texte susvisé et si, au cas présent, le réquisitoire a été pris contre M. [M], l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure.

15. C'est, en effet, seulement au moment où ledit réquisitoire introductif est porté à la connaissance du majeur protégé, par la mise en examen de celui-ci pour tout ou partie des faits visés à cet acte, que le curateur ou le tuteur de l'intéressé doit être avisé, afin d'être mis en mesure de l'assister dans les choix qu'il devra exercer en application des articles 80-2 et 116 du code de procédure pénale.

16. C'est donc au juge d'instruction qu'il incombe de procéder à cet avis.

17. Il en résulte que la délivrance du réquisitoire introductif ne saurait être entachée de nullité par la méconnaissance de cette obligation et que cet acte saisit régulièrement le juge d'instruction des faits qui y sont visés.

18. Le grief doit dès lors être écarté.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

19. Pour ne pas faire droit au moyen de nullité de la garde à vue pris, d'une part, de la tardiveté de l'examen médical de M. [M], d'autre part, de la poursuite de cette mesure alors que le certificat médical établi le 9 juillet 2019 à 16 heures 25 concluait que l'état de santé du suspect n'était pas compatible avec celle-ci, l'arrêt énonce qu'il ne résulte d'aucune pièce de la procédure que l'officier de police judiciaire ait requis un médecin dans le délai de trois heures prévu à l'article 63-3 du code de procédure pénale ou que des circonstances insurmontables aient contraint les enquêteurs à différer la réquisition aux fins d'examen médical.

20. Les juges relèvent néanmoins que cette incertitude sur l'heure à laquelle le médecin a été requis ne peut entacher d'irrégularité la mesure de garde à vue qu'autant qu'elle aurait causé à M. [M] une atteinte à ses droits.

21. Ils constatent que M. [M] a été entendu pour la première fois le 9 juillet 2019, à 17 heures 45, soit après que le médecin requis eut constaté que l'état de santé de l'intéressé était compatible avec la mesure de garde à vue.

22. Ils en déduisent qu'à supposer que la réquisition à médecin ait été établie après l'expiration du délai de trois heures, il n'apparaît pas que cet éventuel retard ait été la cause d'une atteinte aux droits de M. [M].

23. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

24. En effet, si avant d'avoir pris connaissance du traitement médical de M. [M], le médecin requis a subordonné la poursuite de la mesure de garde à vue à l'examen de celui-ci par un psychiatre, ce même médecin, après avoir pris connaissance du traitement de l'intéressé, a conclu que son état de santé était compatible avec cette mesure sous réserve du respect de ce traitement et sans qu'il soit nécessaire de procéder à un examen psychiatrique.

25. Dès lors, le grief peut être écarté.

Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

26. Pour écarter le moyen de nullité des perquisitions, pris de ce que la curatrice de M. [M] n'avait pas été informée au préalable de ces actes, l'arrêt, après avoir relevé que les enquêteurs avaient pris soin d'expliquer au suspect précisément l'objet et le cadre de leurs diligences, énonce qu'il ne résulte pas de la procédure d'élément permettant de supposer qu'il n'aurait pas été apte à consentir et à assister de façon éclairée aux perquisitions.

27. Les juges ajoutent que lors de ces actes, les enquêteurs se sont limités à présenter à M. [M] les objets saisis à fin de reconnaissance et que ses indications, outre qu'elles ne l'ont pas conduit à s'incriminer, n'ont été la cause pour lui d'aucun grief.

28. Ils en déduisent qu'elles ne sauraient avoir la moindre incidence sur la validité de la perquisition elle-même et des saisies réalisées.

29. Ils énoncent encore que les déclarations faites par M. [M] durant les perquisitions ne peuvent être assimilées à un interrogatoire ou à une confrontation au sens de l'article 63-4-2 du code de procédure pénale nécessitant la présence d'un avocat à ses côtés.

30. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a, sans méconnaître la disposition conventionnelle invoquée au moyen, justifié sa décision.

31. En effet, il résulte de ces énonciations que l'absence d'information de la curatrice de M. [M] n'a pas porté atteinte à son droit à un procès équitable pour les raisons suivantes.

32. D'une part, aucun interrogatoire n'a eu lieu lors de ces mesures, de sorte que les droits de la défense ont été respectés.

33. D'autre part, M. [M] n'a pas contesté l'authenticité des biens saisis.

34. Enfin, les enquêteurs qui ignoraient la mesure de protection dont M. [M] faisait l'objet, aucun élément recueilli au cours de l'enquête, avant les perquisitions, n'étant de nature à faire naître un doute sur l'existence de celle-ci, n'ont pas agi de façon déloyale.

35. Il s'ensuit que le moyen doit être écarté.

36. Par ailleurs l''arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE LE POURVOI.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Labrousse - Avocat général : M. Desportes - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Article 706-113 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions de nullité d'un réquisitoire introductif d'instance, à rapprocher : Crim., 10 janvier 2007, pourvoi n° 04-87.245, Bull. crim. 2007, n° 7 (2) (irrecevabilité et cassation).

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