Numéro 4 - Avril 2023

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

GARDE A VUE

Crim., 13 avril 2023, n° 22-85.907, (B), FRH

Rejet

Droits de la personne gardée à vue – Mesure de garde à vue notifiée par un service d'enquête et poursuivie par un autre – Nouvelle notification et nouvel exercice des droits du gardé à vue (non)

Si une mesure de garde à vue, notifiée par un service d'enquête, est poursuivie par un autre, la reprise de cette mesure n'a pas à donner lieu à un nouvel exercice des droits énoncés aux articles 63-1 à 63-4 du code de procédure pénale, lesquels n'ont pas à être à nouveau notifiés.

M. [H] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Orléans, en date du 29 septembre 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de viol, menaces de mort et violences, aggravés, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.

Par ordonnance en date du 8 décembre 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 1er juillet 2021, le procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Orléans a requis les fonctionnaires de police du commissariat de [Localité 1] de placer M. [H] [Z] en garde à vue des chefs de violences habituelles sur mineurs de quinze ans par ascendant et menaces de mort sur conjoint.

3. Le même jour, à 15 heures, les policiers de ce service ont interpellé M. [Z], et lui ont notifié les droits en résultant à 15 heures 38, en faisant partir la garde à vue de l'heure de son interpellation.

4. A 15 heures 50, le procureur d'Orléans a été informé de ce placement en garde à vue, et un avis en a été adressé au procureur de Tours, à 16 heures 10.

5. Le procureur d'Orléans ayant alors saisi la police judiciaire de l'enquête, à 17 heures 45, le même jour, un officier de police judiciaire de ce service a établi un procès-verbal de reprise de garde à vue, faisant rétroagir la mesure depuis le même jour à 15 heures.

6. Une information a été ensuite ouverte et M. [Z] a été mis en examen.

7. Par requête du 3 janvier 2022, il a sollicité l'annulation de la procédure.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches, et sur le second moyen

8. Il ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen, pris en ses trois dernières branches

Enoncé du moyen

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'actes et pièces de la procédure à l'exception de la seule mise en examen de M. [Z] du chef de menaces de mort réitérées sur conjoint, alors :

« 4°/ que l'officier de police judiciaire, qui, pour les nécessités de l'enquête, place une personne en garde à vue, doit en aviser le procureur de la République dès le début de cette mesure ; que cet avis à magistrat doit préciser les motifs ayant justifié la mesure et la qualification des faits notifiée à la personne gardée à vue, afin de permettre au ministère public d'exercer effectivement son contrôle ; que cette exigence s'applique également à l'avis délivré au magistrat à l'origine de cette mesure, dès lors qu'il lui appartient de contrôler que la mesure effectivement mise en oeuvre correspond à ses instructions et apparaît toujours nécessaire et proportionnée au but recherché ; qu'il résulte de la procédure que l'avis à magistrat délivré tardivement à 15 heures 50 est incomplet dès lors qu'il ne fait mention ni des motifs justifiant le placement en garde à vue, ni de la qualification des faits notifiée à Monsieur [Z] ; qu'en retenant toutefois que « le procureur de la République d'Orléans, sous la direction duquel l'enquête a été menée, avait donné pour instructions au commissariat de police de [Localité 1] le 1er juillet 2021 à 13 heures 35 de procéder au placement en garde à vue de [H] [Z] des chefs de violences habituelles sur mineurs de quinze ans par ascendant et menaces de mort sur conjoint » et qu' « il n'ignorait pas les motifs du placement en garde à vue pas plus que les infractions reprochées dans la mesure où c'est sur ses instructions que la mesure de garde à vue a été prise », quand ces motifs sont impropres à établir que le ministère public eût-il été à l'origine de la mesure de garde à vue, avait effectivement été avisé de ces éléments dont la transmission était nécessaire à l'exercice de ses prérogatives, la Chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 63, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

5°/ que l'officier de police judiciaire, qui, pour les nécessités de l'enquête, place une personne en garde à vue, doit en aviser le procureur de la République dès le début de cette mesure ; que seul peut recevoir cet avis le procureur de la République sous la direction duquel l'enquête est menée, à l'exclusion du procureur de la République du lieu où est exécutée la garde à vue, dont la compétence est strictement limitée au contrôle et à la prolongation de la mesure ; qu'il résulte de la procédure que si un avis à magistrat complet a bien été délivré, cet avis a été adressé au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Tours, lieu où était exécutée la mesure de garde à vue, et non au procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Orléans, sous la direction duquel l'enquête a été menée ; qu'il s'ensuit que le magistrat compétent n'a jamais été légalement avisé de la mise en oeuvre de la mesure de garde à vue ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter la nullité de la garde à vue de Monsieur [Z] consécutive à l'irrégularité de l'avis à magistrat, que « le procureur de la République de Tours, procureur du lieu où est exécutée la garde à vue, ayant de ce chef une compétence concurrente par application de l'article 63-9 du Code de procédure pénale, a par ailleurs reçu l'information prévue par la loi », la Chambre de l'instruction a statué par un motif inopérant à justifier sa décision et violé les articles 63-9, 63, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

6°/ que les droits attachés à la garde à vue doivent pouvoir être effectivement exercés par la personne privée de liberté chaque fois qu'une nouvelle mesure de garde à vue est mise en oeuvre au cours de la procédure ; qu'il résulte de la procédure que la première garde à vue de Monsieur [Z] a pris fin le 1er juillet 2021 à 17 heures 45 ; qu'il a alors été immédiatement à nouveau placé en garde à vue par d'autres enquêteurs à raison des mêmes faits ; que ce nouveau placement en garde à vue n'a toutefois fait l'objet d'aucun avis à magistrat, et la volonté exprimée par Monsieur [Z] d'exercer les droits liés à ce nouveau placement en garde à vue n'a pas été respectée dès lors que les enquêteurs considéraient que ces droits avaient déjà été exercés dans le cadre de la précédente mesure de garde à vue ; qu'il s'ensuit que cette nouvelle mesure, irrégulière, devait être annulée ; qu'en écartant toutefois ce moyen et en approuvant le raisonnement des enquêteurs la Chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 63-2, 63-3, 63-3-1, 63-4, 64, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches

10. Pour écarter le moyen de nullité de la garde à vue, tiré de l'absence d'avis de cette mesure donné au procureur de la République compétent, l'arrêt attaqué énonce que le procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Orléans, sous la direction duquel l'enquête était menée, a donné pour instructions au commissariat de police de [Localité 1], le 1er juillet 2021 à 13 heures 35, de procéder au placement en garde à vue de M. [Z] des chefs de violences habituelles sur mineurs de quinze ans par ascendant et menaces de mort sur conjoint, et qu'il a été avisé de ce placement en garde à vue à 15 heures 50.

11. Les juges ajoutent que ce magistrat n'ignorait pas les motifs de cette mesure pas plus que les infractions reprochées dès lors que c'est sur ses instructions que la garde à vue a été décidée, ce dont ils déduisent qu'il a reçu l'information prescrite par la loi et nécessaire à l'exercice de ses prérogatives.

12. Ils soulignent que le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Tours, procureur du lieu où était exécutée la garde à vue, ayant de ce chef une compétence concurrente par application de l'article 63-9 du code de procédure pénale, a par ailleurs reçu l'information prévue par la loi.

13. C'est à tort que les juges ont retenu que le procureur de la République du lieu où est exécutée la garde à vue exerce une compétence concurrente avec celui sous la direction duquel l'enquête est menée pour recevoir l'avis de placement en garde à vue, dès lors que l'article 63-9, alinéa 2, du code précité, ne prévoit cette compétence concurrente que pour contrôler et ordonner la prolongation de la garde à vue, alors que l'avis de placement en garde à vue doit être adressé au procureur de la République qui assure la direction de l'enquête.

14. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que cet avis, qui n'est soumis à aucune condition de forme, a été donné sans délai au procureur de la République compétent, la mesure ayant, par ailleurs, été prise conformément à ses instructions.

Sur le moyen, pris en sa sixième branche

15. Pour écarter le moyen de nullité de la garde à vue, tiré de l'impossibilité pour M. [Z] d'exercer ses droits lors de la reprise de garde à vue, l'arrêt attaqué énonce que celle-ci est due au changement de service d'enquête en charge de la mesure.

16. Les juges ajoutent que la qualification, la date et le lieu présumés des infractions et les motifs des placements en garde à vue sont les mêmes et que M. [Z] a souhaité exercer les mêmes droits que ceux qu'il venait d'exercer.

17. Ils rappellent qu'il a désigné le même avocat qui venait de s'entretenir avec lui de 17 heures 15 à 17 heures 45, qu'il a demandé un examen médical qui venait d'être effectué de 16 heures à 16 heures 05, qu'il a demandé un avis à son employeur avec lequel il avait pu s'entretenir téléphoniquement à 16 heures 33, qu'il a sollicité de pouvoir entrer en contact téléphoniquement avec sa soeur, ce qu'il avait fait de 16 heures 38 à 17 heures 05.

18. Ils en concluent qu'aucune atteinte aux droits de M. [Z] n'a été commise.

19. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

20. En effet, si une mesure de garde à vue, notifiée par un service d'enquête, est poursuivie par un autre, la reprise de cette mesure n'a pas à donner lieu à un nouvel exercice des droits énoncés aux articles 63-1 à 63-4 du code de procédure pénale, lesquels n'ont pas à être à nouveau notifiés.

21. Dès lors, le moyen n'est pas fondé.

22. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : M. Mallard - Avocat général : M. Bougy - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles 63-1 à 63-4 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Sur la possibilité d'entendre une personne gardée à vue sur des faits distincts sans qu'il soit nécessaire de notifier une nouvelle garde à vue : Crim., 30 octobre 2012, pourvoi n° 11-87.244, Bull. crim. 2012, n° 228 (cassation partielle).

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