Numéro 4 - Avril 2022

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

PEINES

Crim., 6 avril 2022, n° 21-83.457, (B), FRH

Cassation partielle

Peine correctionnelle – Peine d'emprisonnement sans sursis prononcée par la juridiction correctionnelle – Aménagement de peine – Aménagement ab initio – Dispositions de l'article 464-2 du code de procédure pénale – Effets – Aménagement de principe par le tribunal correctionnel

Dès lors que ni la situation ou la personnalité du condamné, ni une impossibilité matérielle empêchent l'aménagement de la peine, il appartient à la juridiction correctionnelle, d'une part, de l'ordonner explicitement, dans son principe, et, d'autre part, soit de déterminer la forme de cet aménagement si elle obtient les éléments d'appréciation nécessaires à cette fin, en interrogeant le prévenu présent à l'audience, soit, dans le cas inverse, d'ordonner sa convocation devant le juge de l'application des peines pour qu'il en règle les modalités, conformément aux dispositions de l'article 464-2, I, 1° et 2°, du code de procédure pénale.

Méconnaît ce texte une cour d'appel qui, ayant prononcé une peine et constaté qu'il n'existait aucune raison pour priver le condamné d'une mesure d'aménagement, renvoie au juge de l'application des peines la décision d'aménager ou non cette peine.

M. [R] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Metz, chambre correctionnelle, en date du 25 mars 2021, qui, pour agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à trente mois d'emprisonnement dont quinze mois avec sursis et cinq ans d'interdiction professionnelle, a ordonné sa convocation devant le juge d'application des peines pour un éventuel aménagement de la partie ferme de l'emprisonnement et une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par jugement du 18 juin 2019, le tribunal correctionnel de Thionville a reconnu M. [R] [X] coupable d'agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à trente mois d'emprisonnement dont quinze mois avec sursis, a ordonné une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.

3. Le prévenu, le ministère public et les parties civiles ont relevé appel de ce jugement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

4. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [X] à un emprisonnement délictuel de trente mois, dit qu'il sera sursis partiellement pour une durée de quinze mois et ordonné la convocation de M. [X] devant le juge de l'application des peines pour un éventuel aménagement de la partie ferme de la peine d'emprisonnement, alors : « que l'aménagement des peines relève à titre principal de l'office du juge correctionnel qui doit soit décider de celui-ci dans ses modalités ou dans son seul principe, soit, dans les cas prévus, décerner mandat de dépôt ou mandat d'arrêt, soit, pour les peines d'au moins six mois, décerner un mandat de dépôt à effet différé, faisant obstacle à un aménagement ultérieur de la peine ; qu'afin d'exclure toute impossibilité d'aménager la peine d'emprisonnement ferme prononcée, la juridiction de jugement doit interroger le prévenu comparant sur sa situation personnelle et, le cas échéant, ordonner un ajournement de la peine aux fins d'investigations sur sa personnalité ou sa situation, en application de l'article 132-70-1 du code pénal ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui a prononcé une peine d'emprisonnement de trente mois, dont quinze mois assortis d'un sursis simple, s'est contentée d'ordonner « la convocation de [R] [X] devant le juge de l'application des peines pour un éventuel aménagement de la partie ferme de la peine d'emprisonnement » ; qu'en abandonnant ainsi au juge de l'application des peines le soin de dire si la partie ferme de la peine d'emprisonnement prononcée était effectivement aménageable, quand il lui appartenait de statuer elle-même sur le principe de cet aménagement en interrogeant M. [X], présent à l'audience et, au besoin, en ajournant le prononcé de la peine aux fins d'investigation sur sa situation personnelle et familiale, la cour d'appel a violé les articles 132-19 et 132-25 du code pénal, 464-2 du code de procédure pénale dans leur rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 132-19, dans ses rédactions antérieure et postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, et 132-25 du code pénal et 464-2 du code de procédure pénale :

6. Il se déduit de ces textes que si la peine d'emprisonnement ferme est supérieure à un an et inférieure ou égale à deux ans au sens de l'article D. 48-1-1 du code de procédure pénale, et à deux ans lorsque les faits ont été commis avant le 24 mars 2020 (Crim., 20 octobre 2020, pourvoi n° 19-84.754, publié au Bulletin), son aménagement est le principe et le juge ne peut l'écarter que s'il constate que la situation ou la personnalité du condamné ne permettent pas son prononcé ou s'il relève une impossibilité matérielle de le faire. Dans ce cas, le juge doit motiver spécialement sa décision, de façon précise et circonstanciée, au regard des faits de l'espèce, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné.

7. Il s'ensuit que le juge ne peut refuser d'aménager la peine au motif qu'il ne serait pas en possession d'éléments lui permettant d'apprécier la mesure d'aménagement adaptée ; dans ce cas, il doit ordonner, d'une part, l'aménagement de la peine, d'autre part, la convocation du prévenu devant le juge de l'application des peines qui déterminera cette mesure, en application de l'article 464-2, I, 1° et 2°, du code de procédure pénale.

8. Après avoir condamné M. [X] à une peine d'emprisonnement dont la partie ferme est de quinze mois, la cour d'appel constate que cette peine est aménageable et qu'il n'existe aucune raison pour priver celui-ci d'une telle mesure.

9. Les juges ajoutent qu'ils ne disposent pas d'éléments suffisants, notamment au regard des conditions de logement de M. [X] pour déterminer la forme d'aménagement de la peine la plus adaptée.

10. Ils en concluent que M. [X] devra être convoqué par le juge de l'application des peines, et ordonnent cette convocation pour un éventuel aménagement de la partie ferme de l'emprisonnement.

11. En renvoyant ainsi au juge de l'application des peines la décision d'aménager la peine, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

12. En effet, dès lors que la cour d'appel estimait que ni la situation ou la personnalité du condamné, ni une impossibilité matérielle empêchaient l'aménagement de la peine, il lui appartenait, d'une part, de l'ordonner explicitement, dans son principe, et, d'autre part, soit de déterminer la forme de cet aménagement si elle obtenait les éléments d'appréciation nécessaires à cette fin, en interrogeant le prévenu présent à l'audience, soit, dans le cas inverse, d'ordonner sa convocation devant le juge de l'application des peines pour qu'il en règle les modalités conformément aux dispositions de l'article 464-2, I, 1° et 2°, précité.

13. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

14. La cassation sera limitée aux peines, dès lors que les autres dispositions n'encourent pas la censure.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Metz, en date du 25 mars 2021, mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Metz, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Metz et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Mallard - Avocat général : Mme Zientara-Logeay - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

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