Numéro 4 - Avril 2021

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

INSTRUCTION

Crim., 13 avril 2021, n° 21-80.989, (P)

Rejet

Détention provisoire – Juge des libertés et de la détention – Débat contradictoire – Phase préparatoire – Principe de la libre communication entre la personne mise en examen et son avocat – Droit de s'entretenir avec un avocat – Mise en oeuvre – Permis de communiquer – Délivrance – Cas – Visite au parloir non assurée par l'avocat – Absence d'entretien téléphonique entre la personne détenue et l'avocat – Violation des droits de la défense (non)

Il résulte de l'article 6, § 3, b) et c), de la Convention européenne des droits de l'homme que le droit pour l'accusé de s'entretenir avec son avocat, essentiel à l'exercice des droits de la défense, doit être effectif et concret.

Ni la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2019 ni aucune autre disposition du code de procédure pénale n'organise, en l'état, la communication téléphonique pour les besoins de la défense entre le détenu et l'avocat.

Il s'ensuit que la personne mise en examen dont l'avocat ne s'est pas présenté au débat contradictoire différé devant le juge des libertés et de la détention, au motif qu'il n'avait pu contacter son client téléphoniquement en raison d'une carence de l'administration pénitentiaire, ne saurait invoquer une violation des droits de la défense dès lors que le juge d'instruction a délivré en temps utile un permis de communiquer à cet avocat, propre à assurer un exercice effectif de ces droits, sauf pour ce dernier à établir l'existence de circonstances insurmontables ayant fait obstacle à son déplacement au parloir de l'établissement pénitentiaire.

REJET du pourvoi formé par M. [O] [Q] contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 15 janvier 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs notamment de vol en bande organisée avec arme en récidive, destruction en bande organisée en récidive, vol en bande organisée en récidive, recel en bande organisée, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 31 décembre 2020, M. [Q] a été mis en examen des chefs précités par le juge d'instruction du tribunal judiciaire de Lyon.

3. Lors de son interrogatoire de première comparution, M. [Q] a désigné pour l'assister Mes [D] et [F], tous deux avocats au barreau de Paris.

4. Le même jour, il a comparu devant le juge des libertés et de la détention et a sollicité un débat différé qui a été fixé au 6 janvier 2021.

5. Le 1er janvier 2021, Me [D] a écrit au juge d'instruction afin qu'il autorise M. [Q] à l'appeler depuis le centre pénitentiaire sur ses numéros de téléphone fixe et portable qu'il mentionnait.

6. Par courriel en date du lundi 4 janvier 2021, le juge d'instruction a informé Me [D] qu'il autorisait la personne mise en examen à agir ainsi, l'invitant à faire toutes démarches nécessaires à cette fin.

7. Par télécopie en date du 6 janvier 2021, Me [D] a fait savoir au juge des libertés et de la détention que M. [Q] ne l'ayant pas contacté, il ne se présenterait pas à l'audience.

8. Par ordonnance du même jour, le juge des libertés et de la détention a placé la personne mise en examen en détention provisoire.

9. M. [Q] a formé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de M. [Q] tendant à l'annulation du débat contradictoire tenu devant le juge des libertés et de la détention et de l'ordonnance le plaçant en détention provisoire, et a confirmé cette ordonnance, alors :

« 1°/ que l'exercice effectif des droits de la défense suppose que le détenu qui sollicite la possibilité de contacter téléphoniquement son avocat soit mis en mesure de le faire sans retard ; qu'au cas d'espèce, M. [Q] faisait valoir qu'ayant demandé dès le 31 décembre 2020 à l'administration pénitentiaire à pouvoir contacter téléphoniquement son avocat, il n'avait pu le faire que le 6 janvier 2021 en début d'après-midi, soit postérieurement au débat relatif à son placement en détention provisoire ; qu'en retenant, pour dire n'y avoir lieu à annulation dudit débat et de l'ordonnance prise à l'issue, que le juge d'instruction avait, le 4 janvier 2021, autorisé M. [Q] à communiquer téléphoniquement avec son avocat, invitant celui-ci à se rapprocher à cette fin de la maison d'arrêt, quand il appartenait à l'administration pénitentiaire de faire toutes diligences pour permettre à M. [Q], qui l'avait demandé, de communiquer téléphoniquement avec son avocat, une telle communication n'étant pas subordonnée à une autorisation du juge d'instruction, de sorte que l'ordonnance rendue sans que M. [Q] ait pu bénéficier d'une telle communication préalablement au débat contradictoire devait être annulée, la chambre de l'instruction a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 25 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, préliminaire, R. 57-6-5, 145, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

2°/ que l'exercice effectif des droits de la défense suppose que le détenu qui sollicite la possibilité de contacter téléphoniquement son avocat soit mis en mesure de le faire sans retard, sans que puisse lui être opposée la faculté pour son avocat de communiquer avec lui en lui rendant visite, ces deux modes de communication concourant cumulativement à l'exercice de ces droits ; qu'au cas d'espèce, M. [Q] faisait valoir qu'ayant demandé dès le 31 décembre 2020 à l'administration pénitentiaire à pouvoir contacter son avocat, il n'avait pu le faire que le 6 janvier 2021 en début d'après-midi, soit postérieurement au débat relatif à son placement en détention provisoire ; qu'en retenant, pour dire n'y avoir lieu à annulation dudit débat et de l'ordonnance prise à l'issue, que la libre communication de M. [Q] avec son avocat avait été respectée par la possibilité d'une visite au parloir, « le choix opéré quant au mode de communication relevant de la seule responsabilité de la défense », quant il appartenait à l'administration pénitentiaire de permettre à M. [Q] et son avocat de déterminer librement quel mode de communication (courrier, parloir ou téléphone) ils souhaitaient employer sans que ce droit puisse être restreint, la chambre de l'instruction a statué par des motifs inopérants en violation des articles 6 de la CEDH, 25 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, préliminaire, R. 57-6-5, 145, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

11. Il résulte de l'article 6, § 3, b) et c) de la Convention européenne des droits de l'homme que le droit pour l'accusé de s'entretenir avec son avocat, essentiel à l'exercice des droits de la défense, doit être effectif et concret.

11. Cet article ne précise néanmoins pas les conditions d'exercice de ce droit, laissant aux Etats le choix des moyens propres à permettre à leur système judiciaire de le garantir.

12. Si la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2019 consacre le droit des détenus à téléphoner aux membres de leur famille ou pour préparer leur réinsertion et rappelle par ailleurs le principe de la libre communication entre le détenu et son avocat, ni ce texte ni aucune autre disposition du code de procédure pénale n'organise en l'état la communication téléphonique pour les besoins de la défense entre le détenu et l'avocat.

13. Il s'ensuit que la personne mise en examen dont l'avocat ne s'est pas présenté au débat contradictoire différé devant le juge des libertés et de la détention au motif qu'il n'avait pu contacter son client téléphoniquement, en raison d'une carence de l'administration pénitentiaire, ne saurait invoquer une violation des droits de la défense dès lors que le juge d'instruction a délivré en temps utile un permis de communiquer à cet avocat, propre à assurer un exercice effectif de ces droits, sauf pour ce dernier à établir l'existence de circonstances insurmontables ayant fait obstacle à son déplacement au parloir de l'établissement pénitentiaire.

14. En l'espèce, pour écarter le moyen de nullité, pris de ce que la personne mise en examen n'a pu téléphoner à son avocat qu'après le débat contradictoire différé, l'arrêt énonce que les avocats choisis par M. [Q] ont été avisés dès le 31 décembre 2020 de leur libre communication avec la personne mise en examen.

15. Les juges ajoutent que, le 4 janvier 2021, le juge d'instruction a informé Me [D] que M. [Q] était, « bien entendu », autorisé à le joindre téléphoniquement et a invité cet avocat à se rapprocher de la maison d'arrêt.

16. Ils relèvent que le choix opéré quant au mode de communication relevant de la seule responsabilité de la défense, il ne saurait être retenu une quelconque atteinte à l'exercice des droits de la défense, au seul motif allégué de l'absence d'un échange téléphonique dont rien ne permet de s'assurer qu'il résultait bien d'une intention commune.

17. Ils en déduisent que le mis en examen et son conseil ont été mis en mesure de communiquer de manière effective avant le débat contradictoire.

18. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucune des dispositions invoquées au moyen.

19. En effet, l'avocat de la personne mise en examen, destinataire du permis de communiquer, n'a pas justifié ni même allégué qu'il avait été dans l'impossibilité de se rendre à la maison d'arrêt où était détenu son client.

20. Le moyen doit dès lors être écarté.

21. Par ailleurs l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Labrousse - Avocat général : M. Aubert - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2019.

Rapprochement(s) :

S'agissant des conséquences du défaut de délivrance d'un permis de communiquer avant un débat contradictoire différé, à rapprocher : Crim., 7 janvier 2020, pourvoi n° 19-86.465, Bull. crim. 2020 (cassation sans renvoi), et l'arrêt cité.

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