Numéro 4 - Avril 2020

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Partie I - Arrêts et ordonnances

ACTION CIVILE

Crim., 1 avril 2020, n° 19-80.069, (P)

Cassation partielle

Extinction de l'action publique – Survie de l'action civile – Conditions – Appel – Action publique non éteinte – Constatation – Défaut – Portée

Selon l'article 3 du code de procédure pénale, les tribunaux répressifs ne sont compétents pour connaître de l'action civile en réparation du dommage né d'une infraction qu'accessoirement à l'action publique.

Il s'en déduit que, lorsqu'elle est saisie du seul appel de la partie civile formé à l'encontre d'un jugement ayant constaté l'extinction de l'action publique et débouté l'intéressée de ses demandes, la cour d'appel n'est compétente pour prononcer sur le droit à réparation de la partie civile à partir et dans les limites des faits objet de la poursuite, que si elle a préalablement constaté que c'est à tort que les premiers juges ont déclaré l'action publique éteinte.

Encourt la cassation l'arrêt de la cour d'appel qui, saisie du seul appel de la partie civile à l'encontre du jugement ayant constaté l'extinction de l'action publique du fait de l'autorité de la chose jugée, statue sur le droit à réparation de la partie civile sans s'être préalablement prononcée sur l'extinction de l'action publique retenue par les premiers juges.

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par M. L... S... contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 5-14, en date du 26 septembre 2018, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'escroquerie, abus de biens sociaux et blanchiment, a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires, en demande et en défense, et des observations complémentaires ont été produits.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. S..., en sa qualité de président, puis d'administrateur, de la société anonyme d'investissement Global Equities, a été poursuivi devant le tribunal correctionnel des chefs d'escroquerie commise au préjudice de la caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile (ci-après « la CRPN »), abus de biens sociaux au préjudice de la société Global Equities, et blanchiment.

3. Il lui était notamment reproché d'avoir trompé la CRPN pour la déterminer à lui remettre des fonds, en l'espèce, des courtages excessifs eu égard aux pratiques en vigueur et dont le taux était déterminé arbitrairement par lui seul, de façon occulte, et en profitant de la pratique des opérations en net, à hauteur de 2 759 959 euros sur les opérations actions, 1 886 753 euros sur les opérations réalisées sur les US Strips et 817 716 euros sur les opérations réalisées dans le cadre de la gestion du fonds commun de placement Socrate.

4. Il lui était par ailleurs reproché, en sa qualité de président, puis d'administrateur, de la société Global Equities, d'avoir détourné une partie du chiffre d'affaires de cette société émanant de la société Pershing à hauteur de la somme de 339 059,26 euros, sans intégrer cette somme en comptabilité et en procédant à son virement vers un compte à l'étranger ouvert au nom de la société.

5. Il lui était enfin reproché d'avoir blanchi le produit du délit d'abus de biens sociaux en faisant échapper à la comptabilité de la société Global Equities 30 % du chiffre d'affaires émanant de la société Pershing et revenant à la société en ne l'entrant pas en comptabilité et en le faisant virer directement sur un compte ouvert au nom de la société dans les livres de la Banque générale du Luxembourg, et ce en utilisant les facilités procurées par l'exercice de l'activité professionnelle de la société Global Equities, société d'investissement.

6. Par jugement du 23 février 2016, le tribunal correctionnel a constaté l'extinction de l'action publique du fait de l'autorité de la chose jugée s'agissant des faits d'escroquerie, et est entré en voie de condamnation pour le surplus des faits reprochés à M. S....

7. Sur les intérêts civils, le tribunal a débouté la CRPN de ses demandes en raison de l'extinction de l'action publique.

8. M. S... a par ailleurs été condamné à payer à la société EMJ, en sa qualité de liquidateur de la société Global Equities, la somme de 339 059,26 euros à titre de dommages et intérêts.

9. La CRPN a relevé appel de la décision, ainsi que M. S..., qui a précisé que son appel portait uniquement sur les intérêts civils dus à la société EMJ en sa qualité de liquidateur de la société Global Equities.

10. Le ministère public n'a pas relevé appel de la décision.

Examen des moyens

Sur le second moyen

11. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

12. Le moyen est pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 2, 3, 6, 459, 464, 497 et 512 du code de procédure pénale, 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code, 591 et 593 du code de procédure pénale, défauts de motifs et manque de base légale.

13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la Caisse de retraite du personnel navigant (CRPN) recevable en sa constitution de partie civile et a condamné M. S... à lui payer la somme de 6 545 673,40 euros à titre de dommages et intérêts, alors :

« 1°/ que les tribunaux répressifs ne sont compétents pour connaître de l'action civile en réparation du dommage né d'une infraction qu'accessoirement à l'action publique ; qu'il en résulte qu'ils ne peuvent se prononcer sur l'action civile qu'autant qu'il a été préalablement statué au fond sur l'action publique ; qu'en l'espèce, le tribunal correctionnel a constaté l'extinction de l'action publique à l'égard de M. S... du chef d'escroquerie ; que le ministère public n'a pas interjeté appel ; que l'action publique dirigée contre M. S... de ce chef est donc définitivement éteinte, sans qu'il ait jamais été statué au fond sur ce point par une juridiction répressive ; que par conséquent, la cour d'appel ne pouvait déclarer recevable l'action civile exercée par la CRPN à l'encontre de M. S... pour l'indemnisation du préjudice causé par les faits visés dans la prévention d'escroquerie ;

2°/ que, subsidiairement, M. S... faisait valoir qu'à compter de 1997, les opérations sur actions réalisées par la société Global Equities pour le compte de la CRPN n'était plus rémunérées par un taux de courtage, mais par des écarts de cours, entre le cours brut tel que pratiqué par le marché et le cours net accepté par le client (concl., p. 16 § 4 et s.) ; qu'il soutenait ainsi que depuis 1997, la rémunération de la société Global Equities résultait du bénéfice tiré d'opérations d'achat et de revente, et non d'une « rémunération par commission de courtage » (concl., p. 16 § 5) ; qu'il en déduisait que depuis 1997, le mode de rémunération de la société Global Equities avait été totalement modifié, entraînant « un bouleversement des relations contractuelles » entre les parties auquel la CRPN avait pleinement consenti dans le but de bénéficier d'une exemption de TVA (concl., p. 16 § 6) ; que cependant, la cour d'appel, pour évaluer le montant de l'indemnisation allouée à la CRPN, s'est bornée à se référer au taux de courtage qui aurait été convenu entre les parties en 1998 ; qu'elle ne pouvait statuer ainsi sans répondre aux conclusions de M. S..., qui faisait au contraire valoir que depuis 1997 il n'était plus rémunéré par une commission de courtage ;

3°/ que, en toute hypothèse, le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour la victime ; qu'en l'espèce, s'agissant des demandes formulées par la CRPN au titre des opérations sur actions, la cour d'appel a relevé que M. S... avait indiqué que dans ses relations avec la CRPN, les taux de courtage négociés de 0,25 % et de 0,20 % étaient « indicatifs » ; qu'il en résultait, ainsi que le soutenait M. S..., que le taux de 0,20 % n'avait pas fait l'objet d'un accord de volonté et qu'il pouvait être dépassé, en raison notamment de la qualité des prestations fournies (concl., p. 29 § 2 et s.) ; que cependant, la cour d'appel, pour évaluer le montant de l'indemnisation allouée à la CRPN, a calculé la différence entre la commission décidée par M. S..., « et celle qui aurait dû être appliquée, soit 0,25 % puis 0,20 % à partir de janvier 2001 » ; que la cour d'appel ne pouvait statuer ainsi sans répondre aux conclusions de M. S... qui faisait valoir que le taux de 0,2 % n'avait jamais été contractualisé entre les parties ;

4°/ que, subsidiairement, au titre de la rémunération des opérations réalisées sur le marché des « US Strips », M. S... soutenait qu'il n'existait aucun usage déterminé pour ce type de transaction, particulièrement complexes (concl., p. 31 § 5) ; qu'il faisait notamment valoir à ce titre que le taux de commission d'usage de 0,005 % retenu par la Commission des opérations de bourse, devenue l'Autorité des marchés financiers, était artificiel (concl., p. 31 § 4) et que l'application de ce taux était dénuée de caractère sérieux (concl., p. 31 § 2) ; que cependant, la cour d'appel s'est bornée à se fonder, pour évaluer le montant des sommes dues par M. S... au titre des opérations sur le marché des « US Strips », sur ce prétendu taux de commission d'usage de 0,005 % (arrêt, p. 21 § 1) ; que la cour d'appel ne pouvait statuer ainsi sans répondre aux conclusions de M. S... qui contestait l'existence d'un « taux d'usage » pour ce type d'opérations ;

5°/ que, subsidiairement, M. S... faisait valoir que la détermination du « taux d'usage » sur un marché financier supposait au préalable d'identifier le marché concerné ; qu'il soutenait ainsi que les opérations financières litigieuses étaient susceptibles d'être échangées sur deux marchés financiers distincts, celui de New York et celui de Paris, dont le taux d'usage en vigueur pouvait être différent (concl., p. 31 § 6) ; que l'identification du marché financier en cause était ainsi déterminante pour fixer le taux d'usage en vigueur et évaluer les sommes mises à la charge de M. S... ; que la cour d'appel ne pouvait donc se borner à faire application d'un taux d'usage de 0,005 % sans préciser, d'une part, sur quel marché financier ce taux était d'usage, et sans rechercher, d'autre part, sur quel marché financier les opérations financières litigieuses avaient été échangées ;

6°/ que M. S... faisait valoir que les opérations réalisées sur le marché « US Strips » avaient été particulièrement lucratives pour la CRPN, de sorte que la qualité des prestations était indiscutable (concl., p. 30 § 13 et s.) ; que par conséquent la cour d'appel ne pouvait calculer l'indemnisation allouée à la société Global Equities en appliquant le taux de commission d'usage de l'intermédiaire courtier pour les opérations sur le marché « US Strips » sans rechercher si la qualité des prestations de M. S... était de nature à justifier l'application d'un taux de commission de courtage supérieur au taux d'usage ;

7°/ que, en toute hypothèse, en se bornant à motiver sa décision par référence au rapport d'enquête de la Commission des opérations de bourse (D 377/31, D 377/35 et D 377/47) et ainsi retenir un montant de commissions excessivement perçues de, respectivement, 2 759 959 euros au titre des opérations sur actions, 1.886.753 euros au titre des opérations sur le marché « US Strips » (arrêt, p. 21 § 1) et 817.716 euros pour la gestion du fonds Socrate, tandis que ces montants étaient contestés par M. S... (concl., p. 10 § 9, p. 28 § 13 et s., p. 30 § 7 et p. 33 § 4), la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

8°/ que, enfin, pour condamner M. S... à verser à la CRPN la somme de 817 716 euros au titre de la gestion du fonds Socrate, la cour d'appel a jugé qu'il ressortait de l'enquête menée par la Commission des opérations de bourse que les taux de courtage pratiqués étaient excessifs ; qu'elle ne pouvait cependant statuer ainsi quand la décision de l'Autorité des marchés financiers du 4 novembre 2008 a au contraire retenu qu'il n'était pas établi que ces taux fussent excessifs. »

Réponse au moyen

Vu l'article 3 du code de procédure pénale :

14. Selon ce texte, les tribunaux répressifs ne sont compétents pour connaître de l'action civile en réparation du dommage né d'une infraction qu'accessoirement à l'action publique.

15. Il s'en déduit que, lorsqu'elle est saisie du seul appel de la partie civile formé à l'encontre d'un jugement ayant constaté l'extinction de l'action publique et débouté l'intéressée de ses demandes, la cour d'appel n'est compétente pour prononcer sur le droit à réparation de la partie civile à partir et dans la limite des faits objets de la poursuite, que si elle a préalablement constaté que c'est à tort que les premiers juges ont déclaré l'action publique éteinte.

16. Pour déclarer recevable l'action civile de la CRPN et condamner M. S... à lui payer 6 545 673,40 euros à titre de dommages et intérêt, l'arrêt retient que nonobstant l'absence d'appel du ministère public ou du prévenu sur l'action publique, la CRPN tenait des dispositions de l'article 497, 3°, du code de procédure pénale, le droit de voir rechercher par la juridiction répressive si les faits poursuivis étaient susceptibles d'engager la responsabilité de leur auteur et de lui ouvrir droit à réparation.

17. Les juges ajoutent qu'exercée devant la juridiction pénale avant que soit énoncée cette extinction des poursuites, l'action civile de la CRPN ne saurait être atteinte par la prescription et la juridiction répressive demeure compétente pour en connaître.

18. Ils concluent que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a déclaré la constitution de partie civile de la CRPN recevable, mais infirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en réparation, de sorte qu'il appartient à la cour d'apprécier les faits dans le cadre de la prévention pour se déterminer sur le mérite des demandes civiles présentées par la CRPN.

20. En se déterminant ainsi, sans s'être préalablement prononcée sur l'extinction de l'action publique du fait de l'autorité de la chose jugée retenue par les premiers juges, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

21. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de la cassation

19. Les dispositions de l'article 618-1 du code de procédure pénale sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel.

Le moyen de cassation du demandeur relatif à sa condamnation au paiement de dommages- intérêts au liquidateur de la société Global Equities n'étant pas de nature à permettre l'admission du pourvoi, il y a lieu de faire partiellement droit à la demande de cette dernière.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 26 septembre 2018, mais en ses seules dispositions relatives à l'action civile de la CRPN ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de PARIS, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Ascensi - Avocat général : M. Valat - Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; Me Bouthors ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 3 du code de procédure pénale.

Crim., 22 avril 2020, n° 19-81.273, (P)

Cassation sans renvoi

Recevabilité – Association – Association française des victimes du terrorisme – Article 2-9 du code de procédure pénale – Victime – Défaut – Portée

L'article 2-9 du code de procédure pénale ne subordonne pas la recevabilité de la constitution de partie civile d'une association à la nécessité d'assister une victime dans l'affaire dans laquelle l'action civile est exercée, mais seulement à l'objet statutaire de l'association, qui doit tendre à l'assistance des victimes d'infractions, et à la date de sa déclaration.

Encourt en conséquence la cassation l'arrêt qui pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de l'association française des victimes de terrorisme (AFVT) énonce que l'infraction de participation à une association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme constitue une infraction d'intérêt général dont la protection ne relève que du ministère public, alors que ladite infraction entre dans le champ d'application de l'article 706-16 du code de procédure pénale.

CASSATION SANS RENVOI sur le pourvoi formé par l'association française des victimes de terrorisme (AFVT), partie civile, contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, section 1, en date du 25 janvier 2019, qui, dans l'information suivie contre MM. K... G... W..., U... N..., A... Y..., C... F..., Q... F..., V... F..., J... M... et Mme B... R..., des chefs d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes de terrorisme, d'infraction à la législation sur les armes et détention et transport de substance ou produit incendiaire ou explosif, infractions en relation avec une entreprise terroriste, a déclaré irrecevable sa constitution de partie civile.

LA COUR,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Par lettre du 28 mai 2018, l'association française des victimes du terrorisme (AFVT) s'est constituée partie civile dans l'information suivie contre M. K... et autres des chefs susvisés.

3. Par une ordonnance du 6 septembre 2018, les juges d'instruction co-saisis ont déclaré irrecevable cette constitution de partie civile.

L'AFVT a interjeté appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le moyen est pris de la violation des articles 421-1, 421-2-1 du code pénal, 2, 2-9, 591, 593, 706-16 du code de procédure pénale, insuffisance de motifs, défaut de motifs.

Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance en date du 6 septembre 2018 ayant déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l'AFVT, alors :

« 1°/ que, toute association régulièrement déclarée depuis au moins 5 ans à la date des faits qui se propose, par ses statuts, d'assister les victimes d'infractions, tient de l'article 2-9 du code de procédure pénale le pouvoir d'exercer les droits reconnus à la partie civile, pour les infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-16 du même code ; qu'en déclarant irrecevable la constitution de partie civile de l'AFVT, après avoir pourtant constaté qu'elle remplissait « les conditions de déclaration, d'ancienneté et d'objet statutaire prévues par l'article 2-9 du code de procédure pénale » (arrêt, p. 4, al. 5), sachant que la procédure concernait l'infraction d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme et des infractions en matière d'armes et produits explosifs en lien avec une entreprise terroriste, toutes visées par l'article 706-16 du code de procédure pénale, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;

2°/ qu'en statuant comme ils l'ont fait, au motif impropre que l'AFVT ne justifiait pas « de l'existence possible d'un préjudice distinct de celui résultant de l'atteinte à l'intérêt général » (arrêt, p. 4, al 5), les juges du fond ont violé les textes susvisés ;

3°/ qu'en statuant comme ils l'ont fait, au motif impropre que les infractions en cause, d'intérêt général, « ne supportent pas la constitution de partie civile » (ordonnance, p. 2, in fine), les juges du fond ont violé les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2-9 et 706-16 du code de procédure pénale, 421-2-1 du code pénal :

5. Il résulte de ces textes que toute association régulièrement déclarée depuis au moins 5 ans à la date des faits qui se propose, par ses statuts, d'assister les victimes d'infractions, tient de l'article 2-9 du code de procédure pénale le pouvoir d'exercer les droits reconnus à la partie civile, pour les infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-16 du même code, qui vise expressément le délit de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, prévu par l'article 421-2-1 du code pénal.

6. Pour déclarer la constitution de partie civile de l'AFVT irrecevable, l'arrêt retient que les infractions de participation à une association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme ayant pour objet la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes et de direction ou organisation d'une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes visées au 1° de l'article 421-1 du code pénal et de financement d'une entreprise terroriste, constituent des infractions dites d'intérêt général.

7. Les juges ajoutent que si l'AFVT remplit les conditions de déclaration, d'ancienneté et d'objet statutaire prévues par l'article 2-9 du code de procédure pénale, il n'est pas démontré l'existence possible d'un préjudice distinct de celui résultant d'une atteinte à l'intérêt général dont la protection ne relève que du ministère public, et prenant directement sa source dans les actes caractérisant les infractions susvisées.

8. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés.

9. En effet, l'article 2-9 du code de procédure pénale ne subordonne pas la recevabilité de la constitution de partie civile d'une association à la nécessité d'assister une victime dans l'affaire dans laquelle l'action civile est exercée, mais seulement à l'objet statutaire de l'association, qui doit tendre à l'assistance des victimes d'infractions, et à la date de sa déclaration.

10. D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef. Elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 25 janvier 2019 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Slove - Avocat général : M. Petitprez - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 2-9 du code de procédure pénale.

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