Numéro 3 - Mars 2023

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

DETENTION PROVISOIRE

Crim., 7 mars 2023, n° 22-87.293, (B), FS

Rejet

Chambre de l'instruction – Appel d'une ordonnance relative à la détention provisoire – Délai pour statuer – Point de départ – Lendemain du jour de transcription au greffe de la juridiction

Il résulte des dispositions des articles 194 et 503 du code de procédure pénale que le point de départ du délai imparti à la chambre de l'instruction pour statuer sur l'appel d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention formulé auprès de l'établissement pénitentiaire doit être fixé au lendemain du jour de sa transcription par le greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée.

Hors le cas de circonstances imprévisibles et insurmontables extérieures au service de la justice, il n'en va autrement que s'il s'est écoulé, entre la manifestation d'intention de la personne détenue et la transcription de l'appel dans le registre de la juridiction, un délai excessif ayant fait obstacle à ce qu'il soit statué sur la détention provisoire dans le bref délai exigé par l'article 5, § 4, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En l'absence de délai excessif, n'encourt pas la cassation l'arrêt de la chambre de l'instruction rendu le 28 novembre 2022 sur l'appel d'un détenu, dont l'intention a été manifestée dans un courrier visé par l'administration pénitentiaire le 4 novembre 2022 et dont la déclaration a été enregistrée par celle-ci le 9 novembre 2022, puis transcrite le même jour par le greffe de la juridiction ayant rendu la décision.

M. [B] [T] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 1re section, en date du 28 novembre 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'importation de stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants et associations de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. [B] [T] a été mis en examen des chefs susvisés, et placé en détention provisoire le 30 mai 2022.

3. Il a formé une demande de mise en liberté qui a été rejetée par ordonnance du juge des libertés et de la détention, notifiée le 28 octobre 2022.

4. L'appel, formé par M. [T] à l'encontre de cette décision, a été enregistré au greffe du tribunal judiciaire, le 9 novembre 2022.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen d'irrégularité tiré de ce que la chambre de l'instruction a statué tardivement sur l'appel de M. [T], alors « que la chambre de l'instruction doit, en matière d'examen d'une demande de mise en liberté, se prononcer dans les plus brefs délais et, au plus tard, dans les vingt jours de l'appel en cas de comparution personnelle, faute de quoi la personne concernée est mise d'office en liberté, sauf si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnées ou si des circonstances imprévisibles et insurmontables mettent obstacle au jugement de l'affaire dans le délai prévu ; que ce délai court en principe à compter du lendemain du jour où cette déclaration a été transcrite sur le registre tenu au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée ; que cependant tout retard dans l'enregistrement de la déclaration d'appel par les services pénitentiaires ne peut, sauf circonstance imprévisible ou insurmontable extérieure au service de la justice, avoir pour effet d'allonger le délai d'examen de l'appel ; qu'à cet égard, en vertu de l'article 503 du code de procédure pénale, il appartient aux services de l'administration pénitentiaire de mettre le détenu ayant fait part de sa volonté non équivoque de faire appel dans les délais légaux en mesure d'exercer son recours dans le délai de l'article 186 du code de procédure pénale, faute de quoi la lettre d'intention produit les effets de la déclaration d'appel à compter de sa date certaine de réception ; que dès lors qu'il n'était pas contesté que les services de l'administration pénitentiaire, informés dès le 4 novembre 2022, soit dans les délais légaux, de ce que M. [T] demandait à interjeter appel du rejet de sa demande de mise en liberté, ont procédé tardivement à l'enregistrement cette demande, le 9 novembre 2022, c'est à tort que la chambre de l'instruction a fixé le point de départ du délai imparti à la chambre de l'instruction pour statuer au 10 novembre 2022, lendemain de la transcription de l'appel par le greffe du tribunal judiciaire de Paris, sans caractériser l'existence d'une circonstance imprévisible et insurmontable, extérieure au service de la justice, ayant différé l'enregistrement de l'appel dans le délai ; que la chambre de l'instruction n'ayant pas statué dans le délai légal de vingt jours à compter de la date à laquelle la transcription aurait été conforme aux prescriptions de l'article 503 du code de procédure pénale, en violation de ce texte, ensemble les articles 5, § 4, de la Convention européenne des droits de l'homme, 194, 199 et 593 du code de procédure pénale, la cassation interviendra sans renvoi, avec remise en liberté immédiate. »

Réponse de la Cour

6. Pour rejeter le moyen tiré de la détention arbitraire de M. [T], l'arrêt attaqué énonce que l'appel de l'ordonnance de rejet de mise en liberté rendue le 26 octobre 2022, notifiée au mis en examen le 28 octobre 2022, a été interjeté par déclaration auprès du chef de l'établissement pénitentiaire le 9 novembre 2022, après que M. [T] a manifesté son intention d'exercer cette voie de recours par courrier réceptionné au greffe pénitentiaire le 4 novembre 2022, soit dans le délai de dix jours prévu par les dispositions de l'article 186 du code de procédure pénale.

7. Les juges ajoutent que la date certaine de la déclaration d'intention de faire appel a été prise en compte pour apprécier la recevabilité de cet appel, et que dès lors que M. [T] a été en mesure d'établir sa déclaration d'appel le 9 novembre 2022, en sollicitant sa comparution personnelle, le délai écoulé entre la réception de son intention d'appel et sa déclaration n'a pas compromis la recevabilité de son appel.

8. Les juges relèvent que la déclaration du 9 novembre 2022 a été transmise sans délai et enregistrée le même jour par le greffier du tribunal judiciaire, et qu'ainsi aucun retard n'a été apporté à la transcription de la déclaration d'appel.

9. Ils en déduisent que le délai de vingt jours imparti à la chambre de l'instruction pour statuer expirant le 29 novembre 2022, il n'y a pas lieu d'ordonner la mise en liberté d'office de M. [T], l'arrêt étant prononcé le 28 novembre 2022.

10. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction n'a pas méconnu le sens et la portée des textes visés au moyen.

11. En effet, le point de départ du délai imparti à la chambre de l'instruction pour statuer sur l'appel d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention formulé auprès de l'établissement pénitentiaire doit être fixé au lendemain du jour de sa transcription par le greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée.

12. Hors le cas de circonstances imprévisibles et insurmontables extérieures au service de la justice, il n'en va autrement que s'il s'est écoulé, entre la manifestation d'intention de la personne détenue et la transcription de l'appel dans le registre de la juridiction, un délai excessif ayant fait obstacle à ce qu'il soit statué sur la détention provisoire dans le bref délai exigé par l'article 5, § 4, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Tel n'est pas le cas en l'espèce.

14. Ainsi, le moyen doit être écarté.

15. Par ailleurs l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : Mme Hairon - Avocat général : M. Lemoine - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

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