Numéro 3 - Mars 2022

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

CIRCULATION ROUTIERE

Crim., 9 mars 2022, n° 21-84.021, (B), FRH

Cassation partielle

Permis de conduire – Annulation – Effets – Interdiction de conduire sur le territoire national – Exception – Délivrance par un Etat membre de l'Union européenne d'un permis après expiration de la période d'interdiction

L'article L. 223-5 du code de la route prévoit que la personne qui perd la totalité des points perd le droit de conduire et ne peut obtenir un nouveau permis avant un délai de six mois, voire un an. Selon les articles R. 222-1, R. 222-2 du code de la route et l'arrêté du 8 février 1999 relatif à la reconnaissance des permis délivrés par les Etats membre de l'Union européenne, pour être reconnu, un permis obtenu dans un autre Etat membre ne doit pas l'avoir été pendant une période d'interdiction de solliciter ou d'obtenir le permis de conduire ; une mesure de retrait de point résultant d'une infraction commise sur le territoire français implique l'échange du permis.

Méconnaît ces dispositions la cour d'appel qui déclare un conducteur coupable de conduite sans permis, alors qu'elle constate qu'il avait restitué son permis, annulé pour perte totale des points, puis passé, dans un autre Etat membre, un nouveau permis de conduire après que la période d'interdiction avait expiré.

Mme [D] [K] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Riom, chambre correctionnelle, en date du 24 juin 2021, qui, pour violences aggravées en récidive, outrage et conduite sans permis, l'a condamnée à un an d'emprisonnement dont six mois avec sursis probatoire et a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Mme [D] [K] a été poursuivie pour des faits commis le 25 juillet 2019, des chefs de conduite sans permis, conduite en état d'ivresse manifeste, outrage à personne dépositaire de l'autorité publique et violences aggravées.

3. Par jugement du 13 novembre 2019, le tribunal correctionnel a relaxé la prévenue du chef de conduite en état d'ivresse, l'a déclarée coupable pour le surplus, et a statué sur l'action civile.

4. Mme [K] et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

5. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement entrepris sur la culpabilité de Mme [K], alors :

« 2°/ que s'agissant en particulier de l'infraction de conduite d'un véhicule sans permis de conduire valable, prétendument commise le 25 juillet 2019 à la Bourboule, Mme [K] faisait valoir qu'elle était titulaire à cette date d'un permis de conduire britannique obtenu le 11 février 2016 et valable jusqu'au 10 février 2025, que le 8 janvier 2019 elle a fait une demande d'échange contre un permis français et a reçu une attestation valable jusqu'au 8 septembre 2019 précisant qu'elle est titulaire du droit de conduire ; que l'arrêt constate d'ailleurs que Mme [K] est de nouveau titulaire du permis de conduire français ; qu'ainsi, en affirmant que le permis de conduire anglais ne pouvait être reconnu sur le territoire français et que Mme [K] s'est gardée d'en demander l'échange avant le 8 janvier 2019, alors même que les faits de la prévention qui datent du 25 juillet 2019, étaient postérieurs à cette demande d'échange et qu'à la date des faits, Mme [K] disposait bien d'un permis de conduire valide délivré par un Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'espace économique européen, nonobstant les retraits de points dont le nombre n'affectait pas sa validité, la cour d'appel a méconnu les éléments du litige et violé les articles L. 222-5.II, R. 222-1, R. 222-2, R. 223-1 du code de la route, et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 223-5, R. 222-1, R. 222-2 du code de la route et 2 de l'arrêté du 8 février 1999 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats appartenant à l'Union européenne et à l'espace économique européen :

7. Selon le premier de ces textes, en cas de retrait de la totalité des points, le titulaire du permis de conduire doit remettre celui-ci et perd le droit de conduire. Il ne peut obtenir un nouveau permis avant l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date de remise, délai qui peut être porté à un an, et sous réserve d'être reconnu apte après un examen médical.

8. Selon les deux suivants, tout permis de conduire régulièrement délivré dans un Etat membre de l'Union européenne est reconnu en France sous réserve d'être en cours de validité.

L'échange d'un tel permis est obligatoire lorsque son titulaire a commis, sur le territoire français, une infraction au code de la route entraînant une mesure de restriction, de suspension, de retrait du droit de conduire ou de retrait de points.

9. Le dernier précise notamment que le titulaire d'un tel permis ne doit pas avoir obtenu le permis de conduire dans un autre Etat membre pendant une période d'interdiction de solliciter ou d'obtenir un permis de conduire, accompagnant une peine d'annulation du permis ou résultant d'une décision d'invalidation prise en application des dispositions de l'article L. 223-5 du code de la route.

10. Pour déclarer la prévenue coupable de conduite sans permis, l'arrêt attaqué énonce que l'article 2 de l'arrêté du 8 février 1999 susvisé prévoit que pour que ce permis étranger soit reconnu, son titulaire ne doit pas avoir fait l'objet d'une décision d'invalidation prise en application des dispositions de l'article L. 223-5 du code de la route.

11. Les juges ajoutent que, sachant ne pas être titulaire d'une autorisation de conduire en France, Mme [K] a passé un permis de conduire en Angleterre, permis obtenu le 11 février 2016, qui ne pouvait être reconnu sur le territoire français.

12. En se déterminant ainsi, alors que ledit permis de conduire avait été obtenu après que la période d'interdiction de solliciter ou d'obtenir un permis de conduire avait expiré, le précédent permis ayant été restitué, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, le 31 mars 2008, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés.

13. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Riom, en date du 24 juin 2021, mais en ses seules dispositions relatives à la déclaration de culpabilité du chef de conduite sans permis, et aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Riom, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Riom, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Turbeaux - Avocat général : Mme Zientara-Logeay - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles L. 223-5, R. 222-1 et R. 222-2 du code de la route ; arrêté du 8 février 1999 relatif à la reconnaissance des permis délivrés par les Etats membre de l'Union européenne.

Rapprochement(s) :

Crim., 22 octobre 2013, pourvoi n° 12-83.112, Bull. crim. 2013, n° 195 (rejet), et l'arrêt cité.

Crim., 8 mars 2022, n° 21-84.723, (B), FRH

Rejet

Stationnement – Trottoir – Définition

Constitue un trottoir, au sens des articles R. 412-7, R.412-34, R. 417-10 et R. 417-11 du code de la route, la partie d'une voie urbaine qui longe la chaussée et qui, surélevée ou non, mais distinguée de celle-ci par une bordure ou tout autre marquage ou dispositif, est réservée à la circulation des piétons.

M. [L] [M] a formé un pourvoi contre le jugement du tribunal de police de Toulon, en date du 23 avril 2021, qui pour contravention au code de la route, l'a condamné à 150 euros d'amende.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Un véhicule appartenant à M. [L] [M] a fait l'objet, le 11 août 2020, d'un procès-verbal pour stationnement très gênant sur un trottoir.

3. M. [M] a été cité de ce chef devant le tribunal de police.

Examen des moyens

Enoncé des moyens

4. Le premier moyen est pris de la violation des principes de la Commission de Venise, de l'article 2 du Traité sur l'Union européenne et de la Convention européenne des droits de l'homme.

5. Le moyen critique le jugement attaqué en ce qu'il a condamné M. [M] sur la base d'une interprétation de la notion de « trottoir » arbitraire et sans fondement.

6. Le second moyen est pris de la violation de l'article 459 du code de procédure pénale.

7. Le moyen critique le jugement attaqué en ce qu'il a insuffisamment répondu aux arguments de M. [M].

Réponse de la Cour

8. Les moyens sont réunis.

9. Si la loi pénale est d'interprétation stricte, l'interprétation d'un terme peut résulter de la mise en cohérence de plusieurs textes.

10. Le code de la route utilise, aux articles R. 412-7 et R. 412-34, puis R. 417-1 à R. 417-7, le terme « trottoir » pour définir une zone principalement affectée aux piétons et, à l'inverse des aires piétonnières, longeant une voie affectée à la circulation des véhicules.

11. Ce code réprime d'autant plus sévèrement les infractions au stationnement qu'elles contraignent les piétons à circuler sur la chaussée, ainsi qu'il résulte de la comparaison entre les contraventions de la deuxième classe prévues par les articles R. 417-5 et R. 417-10 II 1°, et les contraventions de la quatrième classe des articles R. 417-11 I 5° et 8°, a.

12. Par ailleurs, des circonstances fortuites tenant aux particularités du terrain peuvent interdire que la zone affectée aux piétons longeant la chaussée soit surélevée, de sorte qu'exiger qu'un trottoir présente une telle caractéristique entraînerait une insécurité juridique et ne serait pas « cohérent avec la substance de l'infraction » (CEDH, arrêt du 12 juillet 2007, Jorgic c. Allemagne, n° 74613/01, §§ 100 - 116).

13. Il en résulte que constitue un trottoir, au sens des textes susvisés, la partie d'une voie urbaine qui longe la chaussée et qui, surélevée ou non, mais distinguée de celle-ci par une bordure ou tout autre marquage ou dispositif, est réservée à la circulation des piétons.

14. Pour déclarer le prévenu coupable de stationnement très gênant, le tribunal relève que les usagers de la route savent distinguer entre la chaussée centrale réservée aux véhicules terrestres à moteur et les parties latérales extérieures réservées à la circulation des piétons.

15. Il ajoute qu'au vu tant des procès-verbaux que des photographies produites, le véhicule du prévenu était garé sur la partie latérale de la chaussée, nettement différenciée de sa partie centrale.

16. Il en conclut que l'endroit où le véhicule du prévenu était garé était bien un passage réservé à la circulation des piétons, pas nécessairement surélevé, et faisant l'objet d'une nette démarcation par rapport à la chaussée.

17. En statuant ainsi, le tribunal a fait l'exacte application des textes visés aux moyens.

18. Ainsi, les moyens ne sont pas fondés.

19. Par ailleurs le jugement est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Michon - Avocat général : M. Lagauche -

Textes visés :

Articles R. 412-7, R. 412-34, R. 417-1 et R. 417-7 du code de la route.

Rapprochement(s) :

CEDH, arrêt du 12 juillet 2007, Jorgic c. Allemagne, n° 74613/01.

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