Numéro 3 - Mars 2021

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Numéro 3 - Mars 2021

MANDAT D'ARRET EUROPEEN

Crim., 30 mars 2021, n° 21-81.554, (P)

Rejet

Chambre de l'instruction – Mesure de sûreté – Contrôle – Exclusion – Existence d'indices graves ou concordants

Une personne détenue en vue de l'exécution d'un mandat d'arrêt européen ne peut être considérée comme étant détenue en vue d'être conduite devant l'autorité judiciaire compétente compte tenu de l'existence de raisons plausibles de la soupçonner d'avoir commis une infraction, au sens de l'article 5, § 1, c, de la Convention européenne des droits de l'homme, mais relève de l'article 5, § 1, f, de ladite convention.

Il s'ensuit que la chambre de l'instruction, saisie du contentieux de l'exécution d'un mandat d'arrêt européen aux fins de poursuites, n'a pas à s'assurer de l'existence d'indices graves ou concordants à l'encontre de la personne recherchée.

REJET du pourvoi formé par M. H... G... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia, en date du 26 février 2021, qui a autorisé sa remise aux autorités judiciaires italiennes en exécution d'un mandat d'arrêt européen.

Un mémoire a été produit.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 20 décembre 2020, les autorités judiciaires italiennes ont délivré à l'encontre de M. G... un mandat d'arrêt européen aux fins de poursuites pour des faits d'association de malfaiteurs, infractions à la législation sur les stupéfiants, infractions à la législation sur les armes.

3. Le 11 février 2021, M. G... a été interpellé et placé en détention.

4. Il n'a pas consenti à sa remise.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens

5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la remise aux autorités italiennes de M. G... en application d'un mandat d'arrêt européen du 20 décembre 2020 pour permettre la comparution du prévenu devant la justice italienne, alors « que toute personne a droit à la liberté et à la sûreté dans les conditions prévues à l'article 5, § 1, de la Convention européenne des droits de l'hommes et à ce que sa présomption d'innocence soit respectée ; que pour s'assurer de la régularité de la remise d'une personne en vertu d'un mandat d'arrêt européen, il appartient à la chambre de l'instruction de s'assurer de l'existence d'indices graves ou concordants justifiant cette mesure de sûreté ; que dès lors, a méconnu son office et a privé sa décision de base légale au regard des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 695-11, 695-24, 591 et 593 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction qui s'est bornée à énoncer, pour ordonner la remise de M. G... aux autorités judiciaires italiennes, « qu'il ne peut être question d'un contrôle des indices graves et concordants » et que « les faits reprochés à M. G... y sont suffisamment détaillés pour que le fondement des poursuites et les charges retenues contre lui ne puissent être remises en question à ce stade de la procédure » sans contrôler la régularité de cette remise, mesure de sûreté, au regard de l'existence des indices graves ou concordants permettant de la justifier. »

Réponse de la Cour

7. Pour autoriser la remise de M. G... aux autorités judiciaires italiennes et écarter son argumentation selon laquelle elle porterait atteinte à la présomption d'innocence, l'arrêt énonce que la procédure du mandat d'arrêt européen, qui repose sur le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions pénales des États membres de l'Union européenne, a pour objet de faciliter et d'accélérer la remise des personnes recherchées.

8. Les juges relèvent que cette procédure, encadrée par un délai court, constitue une mesure de sûreté nécessaire et justifiée afin de permettre la comparution devant la justice italienne de l'intéressé.

9. Ils ajoutent que la chambre de l'instruction n'a pas à contrôler l'existence d'indices graves ou concordants, cette notion relevant du droit français dans le cadre de l'appréciation, non pas d'une procédure d'exécution d'un mandat d'arrêt européen, mais de la régularité d'une mise en examen et donc de la détention provisoire qui en est le prolongement.

10. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des dispositions visées au moyen.

11. En effet, une personne détenue en vue de l'exécution d'un mandat d'arrêt européen ne peut être considérée comme étant détenue en vue d'être conduite devant l'autorité judiciaire compétente compte tenu de l'existence de raisons plausibles de la soupçonner d'avoir commis une infraction, au sens de l'article 5, § 1, c) de la Convention européenne des droits de l'homme, mais relève de l'article 5, § 1, f) de ladite Convention.

12. Il s'ensuit que la chambre de l'instruction, saisie du contentieux de l'exécution d'un mandat d'arrêt européen aux fins de poursuites, n'a pas à s'assurer de l'existence d'indices graves ou concordants à l'encontre de la personne recherchée.

13. Le moyen ne peut dès lors être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Labrousse - Avocat général : M. Desportes (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Spinosi -

Textes visés :

Article 5, § 1, f, de la Convention européenne des droits de l'homme.

Rapprochement(s) :

Crim., 14 octobre 2020, pourvoi n° 20-82.961, Bull. crim. 2020.

Crim., 17 mars 2021, n° 20-84.365, (P)

Rejet

Emission – Décision-cadre 2002/584/JAI – Article 26, paragraphe 1 – Imputation d'une mesure de surveillance prise dans le cadre d'un mandat d'arrêt européen par l'Etat d'exécution sur la peine d'emprisonnement décidée par l'Etat d'émission du mandat

Une personne ayant été interpellée au Royaume-Uni, en exécution d'un mandat d'arrêt international décerné par un juge d'instruction français a été soumise, au Royaume-Uni, avant sa remise aux autorités françaises, à une mesure restrictive de liberté, dénommée : « bail with curfew conditions ». C'est par une interprétation souveraine des obligations imposées à la personne concernée dans le cadre de cette mesure, et après une analyse détaillée de son contenu, que la cour d'appel a estimé qu'elle devait être assimilée à une mesure d'assignation à résidence sous surveillance électronique, et décidé que sa durée devait être déduite de celle de la peine d'emprisonnement prononcée en France, dans les conditions prévues par l'article 142-11 du code de procédure pénale.

REJET du pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel de Paris contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre 8-2, en date du 3 juillet 2020, qui a statué sur un incident d'exécution de peine.

Des mémoires, en demande et en défense, et des observations complémentaires ont été produits.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. MM. E... et O... W... ont été interpellés au Royaume-Uni, le 26 février 2018, en exécution de mandats d'arrêt européens émis par un juge d'instruction de Paris. Ils ont été placés en détention provisoire du 26 février au 20 mars 2018, puis ont fait l'objet, chacun, à partir de cette date et jusqu'à leur remise aux autorités françaises, le 23 mai 2019, d'une mesure dite de : « bail with curfew electronically monitored ». A leur arrivée en France, ils ont été placés en détention provisoire.

3. Par jugement du tribunal correctionnel de Paris, en date du 20 septembre 2019, devenu définitif, ils ont, chacun, été reconnus coupables d'infraction à la législation sur les étrangers et d'association de malfaiteurs, et condamnés à trois ans d'emprisonnement et 50 000 euros d'amende, la confiscation des scellés étant ordonnée.

4. Le 21 et le 22 janvier 2020, ils ont, chacun, formé une requête en difficulté d'exécution de ce jugement, afin qu'il soit jugé que la période du 26 février 2018 au 23 mai 2019, pendant laquelle ils ont fait l'objet, au Royaume-Uni, d'une mesure restrictive de liberté, soit déduite de la durée de la peine d'emprisonnement restant à purger au titre de la condamnation prononcée en France.

5. Par jugement du 5 juin 2020, le tribunal correctionnel de Paris a accueilli leur requête et décidé que la période précitée devait être déduite de l'emprisonnement restant à accomplir.

6. Le procureur de la République a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen reproche à l'arrêt attaqué de déduire de la peine d'emprisonnement prononcée la durée de la mesure de « bail with curfew conditions » imposée au Royaume-Uni avant la remise des personnes en l'assimilant à de la détention provisoire, alors :

« 1°/ que l'article 716-4 du code de procédure pénale établit une distinction entre la détention provisoire effectuée en France et l'incarcération imposée hors de France en exécution d'un mandat d'arrêt européen ;

2°/ que la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, dans un arrêt C-294/16 PPU du 28 juillet 2016, que « l'article 26 paragraphe 1 de la décision cadre 2002/584 doit être interprété en ce sens que des mesures telles qu'une assignation à résidence d'une durée de neuf heures pendant la nuit, assortie d'une surveillance de la personne concernée au moyen d'un bracelet électronique, d'une obligation à se présenter quotidiennement ou plusieurs fois par semaine à un commissariat de police à des heures fixes ainsi que d'une interdiction de solliciter la délivrance de documents permettant de voyager à l'étranger, ne sont pas, en principe, eu égard au genre, à la durée, aux effets et aux modalités d'exécution de l'ensemble de ces mesures, à ce point contraignantes pour emporter un effet privatif de liberté comparable à celui qui résulte d'une incarcération et pour, ainsi être qualifiées de détention (...) » ;

3°/ que selon cette décision-cadre, c'est à l'Etat d'exécution qu'il revient d'indiquer à l'Etat d'émission la durée de la détention subie en conformité avec la législation qui lui est propre. »

Réponse de la Cour

8. Pour dire que la période du 29 mars 2018 au 23 mai 2019 subie par les requérants au Royaume-Uni, sous le régime du « couvre-feu avec surveillance électronique », devait être, comme celle de la détention provisoire du 26 février au 29 mars 2018, intégralement déduite des peines d'emprisonnement prononcées à leur encontre, l'arrêt attaqué retient de l'arrêt de la Cour de justice du 28 juillet 2016, JZ (C-294/16 PPU) qu'il découle du libellé, du contexte et de l'objectif de l'article 26, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 que la notion de « détention », au sens de cette disposition, désigne une mesure non pas restrictive, mais privative de liberté, qui ne prend pas nécessairement la forme d'une situation d'enfermement et qu'il convient d'examiner la mesure litigieuse, pour déterminer si, en raison de son genre, de sa durée, de ses effets et de ses modalités d'exécution, elle revêt un tel degré d'intensité qu'elle est de nature à priver la personne concernée de sa liberté de manière comparable à une incarcération.

9. Les juges relèvent qu'après une période de détention du 26 février au 29 mars 2018, soit trente-deux jours, les intéressés ont été soumis à une mesure de mise en liberté sous caution assortie d'un couvre-feu imposé sur leur lieu de résidence, de 22 heures à 5 heures le lendemain, et contrôlé de manière électronique, outre l'interdiction de se rendre dans certains lieux et un pointage quotidien au commissariat.

10. Ils ajoutent que ces derniers devaient constamment porter un dispositif de surveillance se matérialisant par un bracelet électronique à la jambe qui ne devait pas être retiré et que leur téléphone devait être allumé en permanence.

11. Ils estiment que même si cette mesure n'est pas déduite, en droit anglais, de la peine d'emprisonnement prononcée, dès lors que le couvre-feu n'est imposé que sur une durée quotidienne inférieure à 9 heures, il y a lieu de l'assimiler, en droit français, à une mesure d'assignation à résidence sous surveillance électronique qui n'opère aucune distinction selon la durée quotidienne de l'obligation de rester au domicile. Ils rappellent que l'article 142-11 du code de procédure pénale français prévoit que l'assignation à résidence avec surveillance électronique est assimilée à une détention provisoire pour l'imputation intégrale de sa durée sur celle d'une peine privative de liberté et que l'article 716-4 du même code, auquel il renvoie, ne distingue pas selon que la mesure de détention provisoire est effectuée en France ou qu'elle est imposée sous la forme d'une incarcération provisoire, en exécution d'un mandat d'arrêt européen, lorsqu'il prévoit cette déduction.

12. En appréciant ainsi, après un débat contradictoire, les circonstances de la cause au vu des informations produites, en particulier par les autorités de l'Etat d'exécution, portant sur le détail des mesures imposées en Grande-Bretagne aux requérants du 29 mars 2018 au 23 mai 2019, et en estimant, par des motifs dénués d'insuffisance ou de contradiction, que la situation en résultant pour les requérants devait être assimilée à une assignation à résidence sous surveillance électronique, dont la durée est déductible de celle de la peine d'emprisonnement prononcée, dans les conditions de l'article 142-11 du code de procédure pénale, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués.

13. Dès lors, le moyen doit être écarté.

14. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Barbé - Avocat général : M. Valat - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 26, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584/JAI DU 13 juin 2002.

Rapprochement(s) :

S'agissant de l'appréciation par l'Etat d'émission du mandat d'arrêt européen, de l'assimilation à une détention des mesures imposées par l'Etat d'exécution aux personnes faisant l'objet du mandat : CJUE, 28 juillet 2016, n° C-294/16 PPU, notamment point 55.

Crim., 24 mars 2021, n° 21-81.361, (P)

Rejet

Exécution – Procédure – Droits de la personne requise – Exclusion – Notification du droit de se taire

L'absence de notification du droit de se taire par la chambre de l'instruction qui statue sur l'exécution d'un mandat d'arrêt européen n'est pas contraire aux droits de la défense, et notamment au droit de la personne de ne pas contribuer à sa propre incrimination.

En effet, l'audition devant la chambre de l'instruction de la personne recherchée ne vise qu'à constater son identité, à recevoir ses observations sur le déroulement de la procédure dont elle fait l'objet, et à lui permettre de consentir ou non à sa remise, et non à la soumettre à un interrogatoire sur les faits objet du mandat d'arrêt.

REJET du pourvoi formé par M. X... K... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Riom, en date du 16 février 2021, qui a autorisé sa remise aux autorités judiciaires tchèques, en exécution d'un mandat d'arrêt européen.

Un mémoire a été produit.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 5 mars 2020, un mandat d'arrêt européen a été délivré à l'encontre de M. K..., de nationalité slovaque, par le tribunal d'arrondissement de Prague pour l'exécution d'une peine d'emprisonnement de dix-huit mois prononcée par jugement en date du 24 octobre 2017 de cette juridiction pour des faits de vols commis le 24 mai 2015 et le 3 août 2015 dans les districts de Prague et de Kolin (République Tchèque).

3. M. K... a été placé sous contrôle judiciaire.

4. Comparant devant la chambre de l'instruction, il a déclaré ne pas accepter sa remise aux autorités tchèques.

Examen des moyens

Sur le deuxième et le troisième moyens

5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen est pris de la violation des articles 199 et 695-46 du code de procédure pénale, de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il en résulte que M. K... a été entendu lors de l'audience publique du 9 février 2021 sans que ne lui ait été donnée aucune information préalable sur ses droits, alors « que tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, il en résulte le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire, protégé notamment par l'article 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme ; que dès lors, en recueillant les déclarations de M. X... K..., sans l'avoir préalablement informé de son droit de se taire, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés, notamment l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble les droits de la défense.»

Réponse de la Cour

8. S'il ne résulte pas des mentions de l'arrêt attaqué que M. K..., lors de sa comparution à l'audience du 9 février 2021, ait été informé de son droit de se taire, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, ni les droits de la défense.

9. En effet, l'audition devant la chambre de l'instruction de la personne recherchée ne vise qu'à constater son identité, à recevoir ses observations sur le déroulement de la procédure dont elle fait l'objet, et à lui permettre de consentir ou non à sa remise, et non à la soumettre à un interrogatoire sur les faits objet du mandat d'arrêt.

10. Ainsi, l'absence de notification du droit de se taire par la chambre de l'instruction qui statue sur l'exécution d'un mandat d'arrêt européen n'est pas contraire aux droits de la défense, et notamment au droit de la personne de ne pas contribuer à sa propre incrimination.

11. Dès lors, le moyen doit être écarté.

12. Par ailleurs l'arrêt a été rendu par une chambre de l'instruction compétente et composée conformément à la loi, et la procédure est régulière.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Turcey - Avocat général : M. Bougy - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 695-27 du code de procédure pénale ; article 10 de la directive 2013/48/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013.

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