Numéro 3 - Mars 2021

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Numéro 3 - Mars 2021

DETENTION PROVISOIRE

Crim., 2 mars 2021, n° 20-86.729, (P)

Rejet

Chambre de l'instruction – Prolongation – Prolongation à titre exceptionnelle – Article 380-3-1 CPP – Président de la chambre de l'instruction – Condition – Indices rendant vraisemblable la participation aux faits – Contrôle (non)

Le président de la chambre de l'instruction qui prolonge, en application de l'article 380-3-1 du code de procédure pénale, à titre exceptionnel, la détention provisoire d'un accusé appelant n'a pas à contrôler l'existence à son encontre de charges rendant vraisemblable sa participation aux faits reprochés. En effet, la détention provisoire d'une personne condamnée en première instance et qui est détenue en attendant l'issue de la procédure d'appel ne relève pas de l'article 5, § 1, c), mais de l'article 5, § 1, a) de la Convention européenne des droits de l'homme.

Chambre de l'instruction – Prolongation – Prolongation à titre exceptionnelle – Article 380-3-1 CPP – Président de la chambre de l'instruction – Motivation – Article 144 CPP (non)

Le président de la chambre de l'instruction qui prolonge, en application de l'article 380-3-1 du code de procédure pénale, à titre exceptionnel, la détention provisoire d'un accusé appelant n'a pas à motiver sa décision au regard des conditions fixées par les articles 137 et 144 du même code.

REJET du pourvoi formé par M. Y... M... contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 26 novembre 2020, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de tentative de meurtre aggravé, a ordonné la prolongation de sa détention provisoire.

Un mémoire a été produit.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Par arrêt en date du 6 novembre 2018, la chambre de l'instruction a ordonné la mise en accusation devant la cour d'assises des mineurs du chef précité de M. M..., placé sous mandat de dépôt depuis le 9 février 2017.

3. Par arrêt de la cour d'assises des mineurs en date du 4 décembre 2019, M. M... a été déclaré coupable et condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle.

4. Il a interjeté appel de cette décision.

5. L'audiencement de cette affaire devant la cour d'assises d'appel a été fixé du 2 mars au 16 avril 2021.

6. Par requête en date du 30 octobre 2020, le procureur général a saisi le président de la chambre de l'instruction pour que soit ordonnée, à titre exceptionnel, sur le fondement de l'article 380-3-1 du code de procédure pénale, la prolongation de la détention provisoire de l'accusé pour une durée de six mois.

Examen des moyens

Enoncé des moyens

7. Le premier moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a ordonné la prolongation de sa détention provisoire pour une durée de six mois à compter de l'expiration du délai d'un an ayant couru à partir de son appel de l'arrêt rendu par la cour d'assises des mineurs de l'Essonne le 4 décembre 2019, alors « que la chambre de l'instruction doit, à chacun des stades de la procédure, s'assurer que les conditions légales de la détention provisoire sont réunies, et notamment de l'existence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de la personne mise en examen aux faits reprochés ; qu'en considérant que la discussion des charges est étrangère à l'unique objet du contentieux dont elle est saisie qui est, en l'espèce, celui des mesures de sûreté, la chambre de l'instruction a méconnu les exigences de l'article 5, § 1, c), de la Convention européenne des droits de l'homme. »

8. Le deuxième moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a ordonné la prolongation de sa détention provisoire pour une durée de six mois à compter de l'expiration du délai d'un an ayant couru à partir de son appel de l'arrêt rendu par la cour d'assises des mineurs de l'Essonne le 4 décembre 2019, alors « qu'en s'abstenant de caractériser les diligences particulières ou les circonstances insurmontables de nature à justifier, au regard de l'exigence conventionnelle du délai raisonnable, la durée de la détention provisoire de M. M... entre la décision de première instance et sa comparution devant la juridiction d'appel, la chambre de l'instruction, qui s'est fondée sur des considérations inopérantes, et en tout cas insuffisantes, relatives à l'urgence sanitaire et à la décision concertée des avocats de France de ne pas assister leurs clients en début d'année 2020, n'a pas justifié sa décision au regard des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et 593 du code de procédure pénale. »

9. Le troisième moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a ordonné la prolongation de sa détention provisoire pour une durée de six mois à compter de l'expiration du délai d'un an ayant couru à partir de son appel de l'arrêt rendu par la cour d'assises des mineurs de l'Essonne le 4 décembre 2019, alors :

« 1°/ qu'en prononçant par des motifs qui n'établissent pas, par des éléments précis et circonstanciés, en quoi, plus de quatre ans après les faits, au-delà de la forte émotion que peut susciter une affaire d'une telle gravité dans l'opinion publique, l'ordre public était troublé de manière exceptionnelle et persistante, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des articles 144 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que la chambre de l'instruction ne pouvait, sans mieux s'expliquer sur les risques de non-représentation en justice de M. M..., se fonder sur la seule importance de la peine encourue et de la peine prononcée en première instance, après avoir constaté qu'il disposait d'un logement et d'un emploi et qu'il avait comparu en première instance ; qu'en statuant ainsi, elle n'a pas justifié sa décision au regard des articles 144 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ qu'en retenant que M. W... aurait rétracté ses premières déclarations mettant M. M... en cause « semble-t-il » sous les pressions exercées sur lui et que M. M... « serait » également lié aux pressions exercées sur M. A..., la chambre de l'instruction, qui a statué par des motifs hypothétiques, en tout cas insuffisants à établir en quoi la liberté de M. M... présenterait un risque de pressions ou de représailles sur les témoins, n'a pas justifié sa décision au regard des articles 144 et 593 du code de procédure pénale ;

4°/ que la chambre de l'instruction ne pouvait, pour retenir l'existence d'un risque de réitération de l'infraction, se fonder sur la seule facilité avec laquelle le passage à l'acte semble s'être produit, tout en constatant l'absence d'antécédents judiciaires de M. M... ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs dubitatifs, inopérants et, en tout cas, insuffisants à caractériser le risque qu'elle évoquait, elle n'a pas justifié sa décision au regard des articles 144 et 593 du code de procédure pénale. »

10. Le quatrième moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a ordonné la prolongation de sa détention provisoire pour une durée de six mois à compter de l'expiration du délai d'un an ayant couru à partir de son appel de l'arrêt rendu par la cour d'assises des mineurs de l'Essonne le 4 décembre 2019, alors « que la chambre de l'instruction ne pouvait, sans se contredire, retenir que la violation du contrôle judiciaire en vigueur au moment de l'infraction montre un mépris pour les décisions judiciaires alternatives à l'emprisonnement, après avoir expressément constaté que M. M... n'avait aucun antécédent judiciaire, ce dont il ressortait qu'il n'avait jamais été placé sous contrôle judiciaire ; qu'en prononçant ainsi, elle a méconnu les exigences de l'article 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

11. Les moyens sont réunis.

12. Pour ordonner la prolongation de la détention provisoire de M. M..., à titre exceptionnel, l'ordonnance attaquée relève que sa durée qui atteindra quatre années au mois de janvier 2021 n'est pas excessive au regard de la gravité des faits, de la comparution en première instance de l'accusé qui a exercé son droit d'appel et enfin des circonstances sanitaires exceptionnelles qui, à la suite de la décision concertée des avocats de France de ne pas assister leurs clients en début d'année 2020, ont renforcé l'encombrement des rôles.

13. En l'état de ces seuls motifs, explicitant les raisons justifiant la durée de la détention, le président de la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

14. En effet, en premier lieu, une personne condamnée en première instance et qui est détenue en attendant l'issue de la procédure d'appel ne saurait être considérée comme étant détenue en vue d'être conduite devant l'autorité judiciaire compétente du chef de raisons plausibles de la soupçonner d'avoir commis une infraction, au sens de l'article 5, § 1, c) de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH, arrêt du 4 juin 2015, Ruslan Yakovenko c. Ukraine, n° 5425/11).

15. Dès lors, le premier moyen qui invoque la violation des dispositions de l'article 5, § 1, c) précité, inapplicable en l'espèce, est inopérant.

16. En deuxième lieu, par la motivation précitée, l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction, rendue en application de l'article 380-3-1 du code de procédure pénale, a exposé, sans insuffisance ni contradiction, les raisons de fait et de droit faisant obstacle au jugement de l'affaire dans le délai légal.

17. En troisième lieu, il résulte des termes mêmes de l'article 380-3-1 du code de procédure pénale que le juge qui prononce, dans ce cadre, à titre exceptionnel, la prolongation de la détention provisoire d'un accusé n'a pas à motiver sa décision au regard des conditions fixées par les articles 137 et 144 du même code.

18. Il s'ensuit que les moyens doivent être écartés.

19. Par ailleurs, l'ordonnance est régulière en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Labrousse - Avocat général : M. Aldebert - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier -

Textes visés :

Article 380-3-1 du code de procédure pénale ; article 5 de la convention européenne des droits de l'homme ; article 380-3-1 du code de procédure pénale ; article 144 du code de procédure pénale ; article 137 du code de procédure pénale ; article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Rapprochement(s) :

Crim., 21 avril 2020, pourvoi n° 20-80.950, Bull. crim. 2020.

Crim., 30 mars 2021, n° 21-80.421, (P)

Rejet

Ecrou extraditionnel – Chambre de l'instruction – Demande de mise en liberté – Condition de détention indignes – Description des conditions personnelles de détention – Nécessité

Le juge judiciaire a l'obligation de garantir à la personne placée dans des conditions indignes de détention un recours préventif et effectif permettant de mettre un terme à la violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et il incombe à ce juge, en tant que gardien de la liberté individuelle, de veiller à ce que la détention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en oeuvre dans des conditions respectant la dignité des personnes et de s'assurer que cette privation de liberté est exempte de tout traitement inhumain et dégradant. Lorsque la description faite par le demandeur de ses conditions personnelles de détention est suffisamment crédible, précise et actuelle, de sorte qu'elle constitue un commencement de preuve de leur caractère indigne, la juridiction est tenue de faire procéder à des vérifications complémentaires afin d'en apprécier la réalité. Ces principes, énoncés au bénéfice des personnes placées en détention provisoire, valent également pour les personnes placées sous le régime de l'écrou extraditionnel. Justifie en conséquence sa décision la chambre de l'instruction qui, saisie d'une demande de mise en liberté d'une personne placée sous écrou extraditionnel au motif de conditions inhumaines ou dégradantes de détention, énonce que celle-ci doit donner une description de ses conditions personnelles de détention suffisamment crédible, précise et actuelle pour constituer un commencement de preuve et estime que tel n'a pas été le cas.

REJET du pourvoi formé par M. Q... H... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 5e section, en date du 30 décembre 2020, qui, dans la procédure d'extradition suivie contre lui à la demande du gouvernement des Etats-Unis d'Amérique, a rejeté sa demande de mise en liberté.

Un mémoire personnel a été produit.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 17 août 2020, le gouvernement américain a formé contre M. H..., de nationalité russe, une demande d'arrestation provisoire aux fins d'extradition, fondée sur le mandat d'arrêt du 17 août 2020 d'un juge fédéral, en vue de l'exercice de poursuites pénales du chef de dissimulation de blanchiment d'argent, faits commis au moins depuis le mois de mai 2018 aux Etats-Unis, prévus et réprimés par l'article 1956(a)(1)(B)(i) du chapitre 18 du code des Etats-Unis d'Amérique, la peine encourue étant de vingt ans d'emprisonnement.

3. Le 15 novembre 2020, M. H... a été interpellé à l'aéroport français de Roissy-Charles de Gaulle, en provenance du Brésil.

4. Le 16 novembre 2020, le procureur général a notifié la demande d'arrestation provisoire à M. H... et procédé à son interrogatoire. Celui-ci a déclaré ne pas consentir à sa remise aux autorités requérantes.

5. Le même jour, M. H... a été placé sous écrou extraditionnel par le magistrat délégué par le premier président de la cour d'appel.

6. Le 14 décembre 2020, M. H... a formé une demande de mise en liberté.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a considéré que M. H... n'est pas détenu arbitrairement, alors que l'article 696 du code de procédure pénale prévoit que les conditions, la procédure et les effets de l'extradition sont déterminés par ce code en l'absence de convention internationale en stipulant autrement ou si celles-ci ne réglementent pas certains points, qu'au cas d'espèce, la procédure est régie par la Convention bilatérale d'extradition entre la France et les Etats-Unis, signée à Paris le 23 avril 1996, que son article 13 prévoit un délai maximum de soixante jours au cours duquel les Etats-Unis doivent adresser l'entier dossier à la France faute de quoi l'arrestation provisoire prend fin, que ce délai est plus long que celui de trente jours prévu à l'article 696-24 du code de procédure pénale, que les articles 696-13 et 696-15 de ce code trouvent à s'appliquer en l'absence de précision de la Convention bilatérale en cause, que M. H... a été présenté au procureur général le 16 novembre 2020 et lui a déclaré ne pas consentir à son extradition et qu'en conséquence, l'article 696-15 du code de procédure pénale selon lequel il aurait dû comparaître devant la chambre de l'instruction dans le délai de dix jours ouvrables à compter de cette date a été méconnu.

Réponse de la Cour

9. Pour dire que M. H... n'est pas arbitrairement détenu, la chambre de l'instruction énonce qu'il résulte de l'article 696 du code de procédure pénale que les dispositions de ce code relatives à l'extradition ne s'appliquent qu'en l'absence de convention internationale en disposant autrement, qu'en l'espèce, le texte applicable est l'article 13 du Traité d'extradition entre la France et les Etats-Unis d'Amérique signé à Paris le 23 avril 1996, selon lequel un Etat contractant peut, en cas d'urgence, demander l'arrestation provisoire de la personne réclamée en attendant la transmission de la demande d'extradition, l'arrestation provisoire prenant fin si, dans le délai de soixante jours, l'Etat requis n'a pas été saisi de la demande d'extradition officielle.

10. Les juges ajoutent que cette disposition conventionnelle ne souffre aucune ambiguïté ou imprécision et est seule applicable à la demande d'arrestation provisoire visant M. H..., l'article 696-15 du code de procédure pénale ne concernant que la demande d'extradition une fois transmise.

11. Ils en concluent que M. H..., arrêté le 15 novembre 2020, présenté au procureur général le 16 novembre 2020, avisé des raisons de son arrestation, informé du délai conventionnel de soixante jours pour la transmission de la demande d'extradition et placé sous écrou extraditionnel par un juge auquel il a donc eu accès, a fait l'objet d'une procédure régulière.

12. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas méconnu le texte visé au moyen.

13. En effet, lorsqu'une convention d'extradition autorise l'Etat requérant à solliciter, en cas d'urgence, l'arrestation provisoire d'une personne dans l'attente de la transmission d'une demande d'extradition, le procureur général territorialement compétent peut, en application de l'article 696-23 du code de procédure pénale, dont les dispositions sont exclusives de celles des articles 696-10 et suivants, ordonner l'arrestation provisoire de la personne en cause.

14. En conséquence, la chambre de l'instruction n'était pas compétente pour donner son avis sur une telle demande et n'avait pas à être saisie à cette fin.

15. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

16. Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir considéré que M. H... n'était pas soumis à des conditions indignes de détention, alors que la maison d'arrêt de Fresnes est connue pour sa surpopulation, le manque de surveillants et la présence de nuisibles, que dès son arrivée, l'intéressé, qui était légèrement vêtu comme arrivant de l'hémisphère sud où c'est l'été, a tenté de demander des vêtements chauds et qu'en raison de la barrière de la langue et de la mauvaise volonté du centre pénitentiaire, il n'a obtenu aucun vêtement adapté ni à ce moment, ni ultérieurement, en violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Réponse de la Cour

17. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation (Crim., 8 juillet 2020, n° 20-81.739, en cours de publication) que le juge judiciaire a l'obligation de garantir à la personne placée dans des conditions indignes de détention un recours préventif et effectif permettant de mettre un terme à la violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, qu'il incombe à ce juge, en tant que gardien de la liberté individuelle, de veiller à ce que la détention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en oeuvre dans des conditions respectant la dignité des personnes et de s'assurer que cette privation de liberté est exempte de tout traitement inhumain et dégradant. Lorsque la description faite par le demandeur de ses conditions personnelles de détention est suffisamment crédible, précise et actuelle, de sorte qu'elle constitue un commencement de preuve de leur caractère indigne, la juridiction est tenue de faire procéder à des vérifications complémentaires afin d'en apprécier la réalité.

18. Ces principes, énoncés au bénéfice des personnes placées en détention provisoire, valent également pour les personnes placées sous le régime de l'écrou extraditionnel.

19. Pour rejeter le moyen pris de conditions indignes de détention à la maison d'arrêt de Fresnes où M. H... est placé sous écrou extraditionnel, la chambre de l'instruction énonce que pour recevoir une telle qualification, les conditions de détention doivent être de nature à créer chez la victime des sentiments de peur, d'angoisse et d'infériorité propres à l'humilier, à l'avilir et à briser éventuellement sa résistance morale et physique (CEDH, arrêt du 19 avril 2001, Peers c. Grèce, n° 28524/95, § 75) et que la personne intéressée doit donner une description de ses conditions personnelles de détention suffisamment crédible, précise et actuelle pour constituer un commencement de preuve.

20. Les juges ajoutent que la difficulté que M. H... aurait éprouvée pour obtenir du linge chaud n'est étayée par aucun élément de preuve pour caractériser et expliciter cet incident et son issue, que le mémoire indique que l'administration pénitentiaire aurait donné son accord pour apporter du linge et qu'à supposer qu'il soit véridique, un tel incident ne caractériserait pas suffisamment par lui-même des conditions indignes de détention.

21. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas méconnu le texte conventionnel visé au moyen, pour les raisons qui suivent.

22. D'une part, M. H... s'est limité à faire état des conditions générales de détention à la maison d'arrêt de Fresnes telles qu'elles ont pu être antérieurement observées en matière de surpopulation carcérale, de manque de surveillants et de présence de nuisibles, sans donner de précisions sur ses conditions personnelles et actuelles de détention à cet égard.

23. D'autre part, si c'est à tort que la chambre de l'instruction a écarté les allégations du demandeur sur le manque de vêtements chauds comme motif inopérant à caractériser des conditions inhumaines ou dégradantes de détention, l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors que l'intéressé s'est limité à affirmer qu'effectuant un voyage entre le Brésil et la Russie, il était légèrement vêtu comme provenant de l'hémisphère sud où c'est l'été et qu'ainsi, il n'a pas donné de ses conditions personnelles de détention en la matière une description suffisamment précise et crédible de nature à constituer un commencement de preuve de leur caractère inhumain ou dégradant, justifiant des vérifications sur son degré de dénuement.

24. Ainsi, le moyen doit encore être écarté.

25. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Thomas - Avocat général : M. Desportes (premier avocat général) -

Textes visés :

Article 696-23 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Crim., 7 avril 2009, pourvoi n° 09-80.703, Bull. crim. 2009, n° 71. Crim., 8 juillet 2020, pourvoi n° 20-81.739, Bull. crim. 2020 ; Crim., 15 décembre 2020, pourvoi n° 20-85.461, Bull. crim. 2021.

Crim., 16 mars 2021, n° 20-87.141, (P)

Cassation

Ordonnances – Ordonnance du juge des libertés et de la détention – Ordonnance de prolongation de la détention provisoire – Durée de la détention – Pouvoirs du juge des libertés et de la détention

Il se déduit de l'article 145-2 du code de procédure pénale que le juge des libertés et de la détention qui ordonne, en matière criminelle, la prolongation de la détention provisoire d'une personne mise en examen ne peut, sans excéder ses pouvoirs, limiter à l'avance cette mesure à une durée inférieure à celle de six mois prévue par cette disposition.

De ce fait, la mention, dans l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, d'une telle prolongation pour une durée de quatre mois est inopérante et insusceptible de produire des effets.

Encourt en conséquence la censure l'arrêt d'une chambre de l'instruction qui affirme que l'ordonnance prolongeant une nouvelle fois la détention provisoire à compter de l'expiration du délai de six mois est entachée de nullité comme concernant un titre de détention inexistant, expiré à l'issue de la période de quatre mois fixée par la précédente prolongation, et ordonne la mise en liberté de la personne ainsi que son placement sous contrôle judiciaire.

Le procureur général près la cour d'appel de Douai a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 18 décembre 2020, qui, dans l'information suivie contre M. C... R... des chefs de direction et organisation d'un groupement ayant pour objet une activité illicite liée aux stupéfiants en récidive, complicité de blanchiment et association de malfaiteurs en récidive, a infirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire et l'a placé sous contrôle judiciaire.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Mis en examen des chefs des crimes et délits précités le 6 juin 2019, M. R... a fait l'objet d'une incarcération provisoire le même jour puis a été placé en détention provisoire le 11 juin 2019.

3. Par ordonnance du 3 juin 2020, le juge des libertés et de la détention a prolongé sa détention pour une durée de quatre mois.

4. Le 4 juin 2020, ce magistrat a adressé à l'établissement pénitentiaire détenant M. R... une note pour indiquer que s'agissant d'un mandat de dépôt criminel, la durée de quatre mois indiquée par erreur dans l'ordonnance devait être remplacée par celle de six mois.

5. Par ordonnance du 26 novembre 2020, le juge des libertés et de la détention a ordonné une nouvelle prolongation de la détention provisoire de M. R....

6. Celui-ci a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen, pris de la violation des articles 145-2 et 591 du code de procédure pénale, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrégulière l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire en date du 26 novembre 2020, alors que, lorsque le juge des libertés et de la détention ordonne le placement en détention provisoire, il ne tient d'aucune disposition légale le pouvoir de fixer à l'avance une durée de détention inférieure à celle prévue par la loi, qu'il en va de même en matière de prolongation de la détention provisoire, l'article 145-2 ne conférant pas de pouvoir plus étendu à ce magistrat en la matière et qu'en l'espèce, la prolongation, intervenant en matière criminelle, était nécessairement ordonnée pour la durée de six mois fixée par la loi.

Réponse de la Cour

Vu l'article 145-2 du code de procédure pénale :

8. Il se déduit de ce texte que le juge des libertés et de la détention qui ordonne, en matière criminelle, la prolongation de la détention provisoire d'une personne ne peut, sans excéder ses pouvoirs, limiter à l'avance cette mesure à une durée inférieure à celle de six mois prévue par cette disposition.

9. Pour constater que le titre de détention de M. R... est venu à expiration le 6 octobre 2020, ordonner sa mise en liberté et le placer sous contrôle judiciaire, l'arrêt attaqué énonce que si, lors d'un placement en détention provisoire, le juge des libertés et de la détention ne peut fixer à l'avance une durée de détention inférieure à celle prévue par la loi, l'examen d'un dossier instruit depuis plusieurs mois permet à ce magistrat de disposer d'éléments d'appréciation et de fixer la durée de la prolongation en fonction de sa propre analyse, sans qu'aucune disposition du code de procédure pénale ne lui interdise de prévoir, en matière criminelle, une durée de prolongation inférieure à six mois.

10. Les juges ajoutent que la mention dans l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 3 juin 2020 d'une prolongation de la détention pour une durée de quatre mois ne peut dès lors être analysée comme une erreur matérielle et que l'information communiquée à l'établissement pénitentiaire n'a ni valeur juridique ni effet sur l'ordonnance.

11. Ils en concluent que le titre de détention de M. R... est venu à expiration le 6 octobre 2020 et que la seconde ordonnance de prolongation du 26 novembre 2020, qui concerne un titre de détention inexistant, est dès lors entachée de nullité.

12. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

13. En effet, la prolongation de la détention provisoire criminelle étant nécessairement de six mois, sans préjudice d'une mise en liberté avant l'expiration de cette durée, la mention, dans l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, d'une telle prolongation pour une durée de quatre mois était inopérante et insusceptible de produire des effets.

14. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, en date du 18 décembre 2020, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Thomas - Avocat général : M. Croizier - Avocat(s) : SCP Spinosi -

Textes visés :

Article 145-2 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Crim., 21 novembre 2006, pourvoi n° 06-86.937, Bull. crim. 2006, n° 291 (rejet), et l'arrêt cité ; Crim., 7 février 2017, pourvoi n° 16-86.761, Bull. crim. 2017, n° 36 (rejet).

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