Numéro 3 - Mars 2021

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Numéro 3 - Mars 2021

Partie I - Arrêts et ordonnances

ACTION CIVILE

Crim., 30 mars 2021, n° 17-82.096, n° 20-81.516, (P)

Rejet

Electa una via – Exclusion – Juridictions de l'ordre administratif

L'exception d'irrecevabilité de l'action civile tirée de l'article 5 du code de procédure pénale suppose que les demandes d'indemnisation aient été portées devant le juge civil et devant le juge pénal.

Il en résulte que ce texte n'est pas applicable lorsque le demandeur à l'action civile devant le juge pénal a également saisi le juge administratif.

REJET des pourvois formés par M. M... W... contre les arrêts de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, chambre correctionnelle, en date des 29 décembre 2016 et 11 février 2019, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 15 mars 2016, pourvoi n° 15-80.567), dans la procédure suivie contre lui du chef de harcèlement moral, ont prononcé sur intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires, en demande et en défense, ont été produits.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par arrêt du 18 décembre 2014, la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion a déclaré M. W..., maire de la commune de Petite-Île, coupable du chef de harcèlement moral à l'égard de deux agents municipaux, Mme D... A... et M. G... U..., l'a condamné à dix mois d'emprisonnement avec sursis, 5 000 euros d'amende, deux ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, et a prononcé sur intérêts civils.

3. Par arrêt du 15 mars 2016, la chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt en ses seules dispositions ayant condamné M. W... à la peine complémentaire susvisée et en celles ayant prononcé sur l'action civile, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et a renvoyé l'affaire à la même cour d'appel, autrement composée.

4. Par jugement du 24 août 2016, le tribunal administratif de la Réunion a condamné la commune de Petite-Île à verser à Mme A... et M. U..., au titre de la protection fonctionnelle, à chacun la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi en conséquence du harcèlement moral commis par son maire, M. W....

5. Par arrêt du 29 décembre 2016, la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion a dit n'y avoir lieu de prononcer une peine complémentaire, a écarté l'exception d'irrecevabilité de l'action civile tirée de l'article 5 du code de procédure pénale invoquée par M. W... et renvoyé l'examen des demandes des parties civiles à une audience ultérieure.

6. M. W... a formé un pourvoi contre les dispositions civiles de cet arrêt.

Par ordonnance du 27 octobre 2017 (pourvoi n°17-82.096), le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu à examen immédiat de ce pourvoi.

7. Par arrêt du 11 février 2019, la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion a statué sur intérêts civils.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche et sur le second moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches

8. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen, pris en ses autres branches

Enoncé du moyen

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, sur l'action civile, jugé mal fondée la fin de non-recevoir tirée de l'article 5 du code de procédure pénale et a jugé que la réparation de la faute commise par M. W... relevait de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, alors :

« 1°/ que la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut la porter devant la juridiction répressive ; que la juridiction civile compétente désigne tant les juridictions de l'ordre administratif que celles de l'ordre judiciaire ; que, pour dire non fondée la fin de non-recevoir tirée de l'article 5 du code de procédure pénale, la cour d'appel a retenu que les parties civiles avaient porté leurs demandes de réparation du préjudice résultant des faits de harcèlement devant le tribunal administratif, de sorte que ce n'était pas le juge civil qui s'était prononcé ; qu'en statuant ainsi, tandis que la juridiction civile compétente, au sens de l'article 5 du code de procédure pénale, comprend également les juridictions de l'ordre administratif, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

2°/ que la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut la porter devant la juridiction répressive ; qu'il existe une identité de partie lorsqu'un plaideur saisit la juridiction civile ou administrative afin d'obtenir, contre l'employeur personne privée ou personne publique, la réparation du préjudice résultant du harcèlement exercé par un employé ; que la cour d'appel, a retenu qu'il n'existait pas d'identité de parties car « le tribunal administratif avait tranché un litige opposant Mme A... et M. U... à la commune Petite-Île alors que devant la cour de céans, les parties civiles formulaient leurs demandes contre M. W... » ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'il existait une identité de partie au litige entre les victimes de harcèlement et la commune de Petite-Île et les parties civiles et le maire de la commune de Petite-Île, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

3°/ que la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut la porter devant la juridiction répressive ; que constitue le même fondement la demande d'une partie visant à obtenir l'indemnisation du préjudice résultant de faits de harcèlement, peu important le support juridique de cette demande ; que pour dire non fondée la fin de non-recevoir tirée de l'article 5 du code de procédure pénale, la cour d'appel a retenu que la demande présentée par Mme A... et M. U... devant le tribunal administratif n'avait pas le même fondement que celle qu'ils avaient présentée devant le tribunal correctionnel ; qu'en statuant ainsi tandis que les deux demandes avaient pour objet d'obtenir l'indemnisation du même préjudice résultant des faits de harcèlement, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

4°/ que la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut la porter devant la juridiction répressive ; que pour dire non fondée la fin de non-recevoir tirée de l'article 5 du code de procédure pénale, la cour d'appel a retenu le motif impropre à justifier sa décision selon lequel le tribunal administratif avait statué en sachant que le tribunal correctionnel avait également statué sur les intérêts civils ; qu'il importait peu que le tribunal administratif ait commis une erreur en se prononçant sur les intérêts civils tandis qu'une autre juridiction était saisie de la réparation du même préjudice ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

10. Pour écarter la fin de non-recevoir tirée de l'article 5 du code de procédure pénale, l'arrêt attaqué du 29 décembre 2016 énonce que le tribunal administratif a, par jugement du 24 août 2016, condamné la commune de Petite-Île, sur le fondement de l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales, à verser des sommes à Mme A... et M. U... en réparation de leurs préjudices résultant des manquements volontaires et inexcusables à des obligations d'ordre professionnel et déontologique commis par son maire, M. W....

11. Les juges en déduisent que la juridiction répressive est compétente pour statuer sur l'action civile de Mme A... et M. U..., dans la mesure où la procédure dont ils sont saisis n'oppose pas les mêmes parties et où les demandes présentées au visa des articles 1382 (devenu 1240) du code civil et 2 du code de procédure pénale n'ont pas le même fondement.

12. En prononçant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen.

13. En premier lieu, l'exception d'irrecevabilité de l'action civile tirée de l'article 5 du code de procédure pénale ne peut être utilement opposée devant le juge pénal lorsque celui-ci a été saisi le premier de l'action civile des parties civiles.

14. En second lieu, cette exception suppose que les demandes aient été portées devant le juge civil et devant le juge pénal, ce qui exclut l'application du texte précité lorsque le demandeur à l'action civile devant le juge pénal saisit également le juge administratif.

15. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Sur le second moyen, pris en ses autres branches

Enoncé du moyen

16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. W... à payer au titre de leur préjudice personnel les sommes de 49 000 euros à Mme A... et 49 496,6 euros à M. U..., alors :

« 1°/ que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; que Mme A... et M. U... ont obtenu devant le tribunal administratif la somme de 10 000 euros chacun en réparation du préjudice résultant du harcèlement commis par M. W... ; qu'en allouant, en sus, à Mme A... la somme de 49 000 euros en réparation de son préjudice résultant des mêmes faits de harcèlement et à M. U... la somme de 49 496,6 euros en réparation de son préjudice résultant des mêmes faits de harcèlement, sans prendre en considération les sommes déjà allouées par le juge administratif, la cour d'appel a méconnu le principe de la réparation intégrale et les textes susvisés ;

2°/ que seule constitue une perte de chance la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ; que la chance perdue doit être réelle et sérieuse pour être indemnisable ; que pour allouer à Mme A... la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice professionnel, la cour d'appel a relevé que Mme A... faisait valoir n'avoir pu bénéficier de mutation, sans toutefois « justifier de démarches particulières » qu'elle aurait initiées et que le conflit avec son employeur aurait obéré les opportunités de mutation « car la collectivité qui aurait envisagé de l'employer se serait renseignée auprès de sa collectivité d'origine » ; qu'il en résultait que la perte de chance alléguée par Mme A... n'était ni réelle ni sérieuse, puisqu'aucun élément ne permettait de retenir qu'elle avait cherché à être mutée et qu'une collectivité aurait renoncé à l'employer ; qu'en retenant néanmoins une perte de chance, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a méconnu les textes susvisés ;

3°/ que seule constitue une perte de chance la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ; que la chance perdue doit être réelle et sérieuse pour être indemnisable ; que pour allouer à M. U... la somme de 15 000 euros au titre de son préjudice professionnel, la cour d'appel a relevé que M. U... avait « subi une perte de chance de se reconvertir dans une autre collectivité qui se serait également renseignée auprès de sa collectivité d'origine » ; qu'il en résultait que la perte de chance alléguée par M. U... n'était ni réelle ni sérieuse, puisqu'aucun élément ne permettait de retenir qu'il avait cherché à être muté et qu'une collectivité aurait renoncé à l'employer ; qu'en retenant néanmoins une perte de chance, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a méconnu les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

Sur le second moyen, pris en sa première branche

17. Pour condamner M. W... à payer des sommes à Mme A... et M. U... au titre de leur préjudice personnel sans déduire la somme accordée par la juridiction administrative, l'arrêt attaqué du 11 février 2019 énonce que la condamnation prononcée par le tribunal administratif de la Réunion subroge la commune de Petite-Île dans les droits des victimes, à concurrence des indemnités octroyées en réparation des faits de harcèlement moral commis sur Mme A... et M. U..., par son maire, M. W....

18. En prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision.

19. En effet, la condamnation par une juridiction administrative de la commune, en raison d'une faute personnelle de son maire, détachable du service mais non dénuée de tout lien avec celui-ci, a pour effet de subroger la collectivité dans les droits de la victime. Elle ne saurait donc avoir pour effet de limiter l'appréciation de la juridiction répressive dans la réparation du préjudice résultant de cette faute, constitutive d'une infraction pénale.

20. Ainsi, le grief ne peut être admis.

Sur le second moyen pris en ses autres branches

21. Pour retenir et indemniser la perte de chance de reconversion professionnelle de M. U... et Mme A..., l'arrêt attaqué du 11 février 2019 énonce que tous deux ont été « mis au placard » après avoir présenté un parcours sans faute avec des notations de qualité, des responsabilités importantes et reconnues, ainsi qu'une perspective d'évolution de carrière.

22. Les juges relèvent que Mme A... a expliqué n'avoir pas même initié des démarches de reconversion, dans ce contexte, persuadée de leur inanité, car la collectivité qui aurait envisagé de l'employer se serait renseignée auprès de sa collectivité d'origine.

23. Ils en déduisent que ses opportunités de mutation ont été obérées en raison des faits de harcèlement moral subis d'avril 2008 à octobre 2010, ce qu'ils analysent en une perte de chance de réaliser une mutation professionnelle.

24. Les juges retiennent que M. U... a subi une perte de chance identique de se reconvertir dans une autre collectivité, qui se serait également renseignée auprès de sa collectivité d'origine.

25. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

26. Ainsi, le moyen doit être écarté.

27. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Violeau - Avocat général : M. Aldebert - Avocat(s) : SAS Cabinet Colin - Stoclet ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 5 du code de procédure pénale.

Crim., 30 mars 2021, n° 20-84.472, (P)

Rejet

Préjudice – Préjudice direct – Préjudice résultant de faits délictueux auxquels la partie civile aurait elle-même participé (non)

N'encourt pas la censure l'arrêt de la chambre de l'instruction qui, dans une information ouverte notamment des chefs de faux, présentation de comptes inexacts, banqueroute et abus de bien sociaux, déclare irrecevables les constitutions de partie civile des commissaires aux comptes par des motifs dont il résulte que les intéressés ont participé à un concert frauduleux visant à masquer la situation financière obérée des sociétés contrôlées et qu'ils ne sauraient dès lors se prévaloir d'un préjudice découlant directement des faits d'usage de faux et d'entrave à l'exercice de leurs missions dont le magistrat instructeur était également saisi.

REJET du pourvoi formé par M. E... S... et les cabinets PriceWaterhouseCoopers audit et PriceWaterhouseCoopers entreprises, parties civiles, contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 22 juin 2020, qui, dans l'information suivie contre le premier, du chef de diffusion d'informations mensongères sur la situation d'une personne morale par commissaire aux comptes, et contre personne non dénommée, des chefs notamment de non-révélation au parquet de faits délictueux par commissaire aux comptes, abus de biens sociaux, banqueroute, escroquerie, faux et usage, entrave à l'exercice des fonctions de commissaire aux comptes, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevables leurs constitutions de partie civile.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. À la suite de la révélation de l'existence d'un système de fausses factures au sein du groupe Agripôle/Financière Turenne Lafayette, une enquête préliminaire a été ouverte.

Les investigations diligentées dans ce cadre ont conduit à suspecter une fraude par surévaluation des actifs de plusieurs sociétés du groupe.

3. Les enquêteurs se sont interrogés sur les contrôles réellement effectués au sein de ces sociétés par les commissaires aux comptes et ils ont estimé possible que ceux-ci aient eu connaissance des irrégularités.

4. Le Haut conseil au commissariat aux comptes a de son côté transmis au procureur de la République un signalement sur la base de l'article 40 du code de procédure pénale mettant notamment en cause les cabinets PriceWaterhouseCoopers audit (PWC audit) et PriceWaterhouseCoopers entreprises (PWC entreprises) pour des faits de communication d'informations mensongères et de non-révélation de faits délictueux.

5. Une information a été ouverte des chefs notamment de diffusion d'informations mensongères sur la situation d'une personne morale par commissaire aux comptes, non-révélation au parquet de faits délictueux par commissaire aux comptes, abus de biens sociaux, banqueroute, escroquerie, faux et usage de faux, présentation ou publication de comptes annuels inexacts et entrave à l'exercice des fonctions de commissaire aux comptes.

6. La société PWC audit, M. S..., signataire au nom de celle-ci, et la société PWC entreprises se sont constitués partie civile devant le juge d'instruction des chefs de faux, d'usage de faux et d'obstacle aux vérifications ou contrôle des commissaires aux comptes.

7. Le juge d'instruction a déclaré irrecevables ces constitutions de partie civile.

8. Les intéressés ont interjeté appel de la décision.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen pris en sa troisième branche et sur le quatrième moyen

9. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'ordonnance ayant déclaré les intéressés irrecevables en leurs constitutions de partie civile, alors :

« 1°/ que les dispositions de l'article 87 du code de procédure pénale, dont il résulte que le juge d'instruction peut, d'office ou sur contestation du procureur de la République ou d'une partie, déclarer irrecevable une constitution de partie civile après communication du dossier au ministère public dès lors qu'il a, au préalable, mis en mesure l'intéressé de présenter ses observations (Crim.,13 mars 2014, n° 14-90.014), portent atteinte au droit à une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties, au principe du contradictoire et aux droits de la défense, tels qu'ils sont garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'elles ne prévoient pas, d'une part, que la partie civile concernée puisse prendre connaissance des réquisitions du procureur de la République et, le cas échéant, des écritures déposées par d'autres parties en vue d'influencer la décision du magistrat instructeur sur la recevabilité de sa constitution, d'autre part, qu'elle doive être préalablement informée par le magistrat instructeur, dans le cas où l'irrecevabilité serait relevée d'office, du motif d'irrecevabilité envisagé et, enfin, qu'elle puisse préalablement consulter, à l'instar du ministère public, le dossier de la procédure, en ce compris les pièces sur lesquelles se fondent les réquisitions et, le cas échéant, les écritures déposées par les autres parties ; que, pour refuser d'annuler l'ordonnance entreprise, la chambre de l'instruction a énoncé que « l'ordonnance d'irrecevabilité ayant été rendue conformément à l'article 87 du code de procédure pénale, après communication du dossier au procureur de la République qui a pris ses réquisitions, elle n'est entachée d'aucune nullité » ; que, dès lors, l'arrêt attaqué se trouvera privé de base légale consécutivement à la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra ;

2°/ que d'autre part, en vertu du principe du contradictoire, le juge d'instruction ne peut déclarer, d'office ou sur contestation, la constitution d'une partie civile irrecevable sans l'avoir mise en mesure, au préalable, de présenter ses observations ; que la violation de ce principe procédural affecte la régularité de la décision rendue à son mépris ; que, dès lors, en énonçant, pour refuser d'annuler l'ordonnance entreprise ayant déclaré les exposants irrecevables en leur constitution de partie civile sans qu'ils n'aient été préalablement invités à faire valoir leur observations, que celle-ci n'est entachée d'aucune nullité pour avoir été rendue conformément à l'article 87 du code de procédure pénale et que « les atteintes () au droit au procès équitable du fait de cette décision, invoquées ne sauraient affecter l'existence de l'ordonnance rendue mais relèvent en toute hypothèse de l'appréciation de la motivation de la décision », la chambre de l'instruction a privé d'effectivité le recours dont elle était saisie et a violé les principes du contradictoire et de l'égalité des armes tels qu'ils sont garantis par les articles 6, §1, de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale, ensemble le principe du double degré de juridiction ;

3°/ qu'enfin, en refusant d'annuler l'ordonnance entreprise, bien que celle-ci ait été rendue sans que les exposants aient été préalablement informés par le magistrat instructeur de son intention de déclarer d'office leur constitution de partie civile irrecevable et sans qu'ils aient pu prendre connaissance des réquisitions du procureur de la République du 5 septembre 2019 tendant au constat de l'irrecevabilité de leurs constitutions et des pièces sur lesquelles celles-ci se fondaient, la chambre de l'instruction a privé d'effectivité le recours dont elle était saisie et a violé les principes du contradictoire et de l'égalité des armes tels qu'ils sont garantis par les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale, ensemble le principe du double degré de juridiction. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen, pris en sa première branche

11. Par arrêt du 26 janvier 2021, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu à renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

12. Par conséquent, le grief est devenu sans objet.

Sur le moyen, pris en ses autres branches

13. Selon l'article 87 du code de procédure pénale, en cas de contestation ou s'il déclare irrecevable la constitution de partie civile, le juge d'instruction statue après communication du dossier au ministère public, par ordonnance motivée.

14. Il résulte en outre de la jurisprudence de la Cour de cassation que le juge d'instruction ne peut déclarer irrecevable une constitution de partie civile qu'après avoir au préalable transmis à l'intéressé les réquisitions du procureur de la République (Crim., 26 janvier 2021, QPC n° 20-84.472, en cours de publication) et l'avoir mis en mesure de présenter ses observations (Crim., 3 juin 2014, pourvoi n°14-90.014, Bull. crim. 2014, n° 144).

15. Pour rejeter la demande des requérants tendant à l'annulation de l'ordonnance d'irrecevabilité de leurs constitutions de partie civile au motif qu'ils n'ont pas eu accès aux pièces du dossier fondant les réquisitions du procureur de la République, l'arrêt attaqué se réfère d'une part aux dispositions de l'article 87 du code de procédure pénale et à la nécessité de préserver le secret de l'instruction, d'autre part à la possibilité pour les parties civiles d'interjeter appel de l'ordonnance d'irrecevabilité de leurs constitutions.

16. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

17. En effet, les dispositions de l'article 87 du code de procédure pénale telles qu'interprétées par la Cour de cassation n'envisagent pas la transmission des pièces du dossier à la partie civile dont la constitution est contestée et ce afin de préserver le secret de l'instruction.

18. Par ailleurs, les demandeurs ne sauraient se faire un grief de l'absence d'annulation par la chambre de l'instruction de l'ordonnance d'irrecevabilité de leurs constitutions de partie civile malgré le défaut de transmission préalable des réquisitions du procureur de la République et alors qu'ils n'ont pas été mis en mesure de présenter leurs observations au juge d'instruction, dès lors qu'il revenait aux seconds juges de statuer eux-mêmes sur la recevabilité des constitutions de partie civile en raison de l'effet dévolutif de l'appel.

19. Dès lors, le moyen n'est pas fondé.

Sur le deuxième moyen et le troisième moyen pris en sa première branche

Enoncé des moyens

20. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance ayant déclaré les intéressés irrecevables en leurs constitutions de partie civile, alors :

« 1°/ que les dispositions de l'article 197, alinéa 3, du code de procédure pénale méconnaissent le droit à une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties, le principe du contradictoire, les droits de la défense, et le droit à un recours juridictionnel effectif, tels qu'ils sont garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'elles ne permettent ni à la partie civile appelante d'une ordonnance d'irrecevabilité de sa constitution, ni à son avocat pourtant tenu au secret de l'instruction, de prendre connaissance, avant l'audience, du dossier de la procédure auquel sont jointes les réquisitions du procureur général, y compris les pièces sur lesquelles le magistrat instructeur s'est fondé pour rendre l'ordonnance d'irrecevabilité attaquée et celles sur lesquelles le procureur général, qui, pour sa part, a accès au dossier, s'est fondé pour requérir la confirmation de cette décision ; que, consécutivement à la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, l'arrêt attaqué se trouvera privé de base légale ;

2°/ qu'en confirmant l'ordonnance déférée, sans avoir mis les exposants ou leur avocat en mesure de prendre connaissance, avant l'audience, du dossier de la procédure communiqué au ministère public, en ce compris les pièces sur lesquelles le magistrat instructeur s'était fondé pour les déclarer irrecevables en leur constitution de partie civile et celles sur lesquelles le procureur général s'est fondé dans son réquisitoire écrit du 28 novembre 2019 tendant à la confirmation de cette décision, la chambre de l'instruction a privé d'effectivité le recours dont elle était saisie et a méconnu les principes du contradictoire et de l'égalité des armes tels qu'ils sont garantis par les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale, ensemble le principe du double degré de juridiction ;

3°/ qu'en outre, en retenant, pour confirmer l'ordonnance déférée, que la partie civile appelante d'une ordonnance d'irrecevabilité de sa constitution n'a pas accès au dossier de la procédure « afin d'éviter une atteinte au secret de l'instruction et aux droits des parties régulièrement constituées ou reconnues par la loi », lorsque le secret de l'instruction, auquel l'avocat de cette partie est tenu en application de l'article 5 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, ne peut justifier qu'il ne puisse prendre connaissance des pièces du dossier visées dans les réquisitions et qu'il soit ainsi placé dans l'impossibilité de répliquer efficacement à celles-ci, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des principes du contradictoire et de l'égalité des armes tels qu'ils sont garantis par les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale ;

4°/ qu'en tout état de cause, tout accusé, c'est-à-dire toute personne à laquelle a été faite la notification officielle, émanant de l'autorité compétente, du reproche d'avoir accompli une infraction pénale, a droit à disposer des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; que, dès lors, en confirmant l'ordonnance déférée, sans avoir offert aux exposants la possibilité de prendre connaissance du dossier préalablement à l'audience tenue devant elle, lorsque, pour les déclarer irrecevables en leur constitution de partie civile, le magistrat instructeur avait retenu qu'il existait « une présomption forte que la mission des commissaire aux comptes n'ait pas été faite dans les règles de l'art, susceptible d'entraîner une qualification pénale », la chambre de l'instruction a méconnu les droits de la défense tels qu'ils sont garantis par l'article 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme. »

21. Le troisième moyen pris en sa première branche critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance ayant déclaré les intéressés irrecevables en leurs constitutions de partie civile, alors :

« 1°/ les juges répressifs ne peuvent se fonder sur des pièces qui n'ont pas été soumises au débat contradictoire ; qu'en l'espèce, pour confirmer l'ordonnance entreprise ayant déclaré les exposants irrecevables en leur constitution de partie civile, la chambre de l'instruction retient qu' « il résulte de la procédure, notamment des rapports établis par les mandataires désignés par le tribunal de commerce, les experts désignés par le parquet, notamment le rapport de M. X... D... visé par le magistrat instructeur, les auditions des témoins, les constatations du H3C versées en procédure dans le cadre de l'enquête préliminaire et les constatations des enquêteurs des manquements graves notamment de la part des sociétés PWC audit et PWC entreprises commissaires aux comptes dans la révision des comptes qui leur étaient soumis et notamment de non-révélation d'infractions, notamment de faux, usage de faux, présentation de comptes inexacts, banqueroute, abus de biens sociaux, dont ils ne pouvaient ignorer l'existence » et qu' « une personne qui a activement concouru à la commission d'une infraction ne peut se constituer partie civile » ; qu'en se fondant ainsi sur des pièces de la procédure dont les exposants n'ont pu prendre connaissance avant l'audience pour retenir leur implication dans les faits poursuivis et en déduire l'irrecevabilité de leurs constitutions de partie civile, la chambre de l'instruction a violé le principe du contradictoire et les droits de la défense tels qu'ils sont garantis par les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

22. Les moyens sont réunis.

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

23. Par arrêt du 26 janvier 2021, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu à renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

24. Par conséquent, le grief est devenu sans objet.

Sur le deuxième moyen, pris en ses autres branches et sur le troisième moyen, pris en sa première branche

25. Pour estimer que l'avocat des sociétés PWC entreprises, PWC audit et de M. S... ne pouvait prétendre accéder au dossier de la procédure devant la chambre de l'instruction, à l'exclusion des pièces relatives à la décision attaquée, l'arrêt énonce que lorsque la constitution de partie civile est déclarée irrecevable par le magistrat instructeur, la personne qui entend se constituer partie civile n'a pas accès à la procédure, ceci notamment afin d'éviter une atteinte au secret de l'instruction et aux droits des parties régulièrement constituées ou reconnues par la loi.

26. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application de l'article 197, alinéa 3, du code de procédure pénale dont les dispositions ne sont pas incompatibles avec l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme dès lors que le respect du principe du contradictoire a été assuré par la communication avant l'audience des réquisitions du procureur général aux appelants.

27. Le fait que l'irrecevabilité d'une constitution de partie civile soit motivée par la possible implication de l'intéressé dans les faits à raison desquels l'information a été ouverte ne saurait conduire à un raisonnement différent.

28. Dans cette hypothèse, la communication du dossier à l'avocat de l'intéressé est en effet prévue par l'article 114 du code de procédure pénale dans les conditions fixées par ce texte, lorsque le juge d'instruction envisage de procéder à son audition.

29. D'où il suit que le moyen et le grief doivent être écartés.

Sur le troisième moyen, pris en ses deuxième, quatrième, cinquième et sixième branches

Enoncé du moyen

30. Le troisième moyen, pris en ses deuxième, quatrième, cinquième et sixième branches, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance ayant déclaré les intéressés irrecevables en leurs constitutions de partie civile, alors :

« 2°/ que la présomption d'innocence se trouve méconnue si, sans établissement préalable de la culpabilité d'une personne, une décision judiciaire la concernant reflète le sentiment qu'elle est coupable ; qu'en l'espèce, pour confirmer l'ordonnance entreprise ayant déclaré les exposants irrecevables en leurs constitutions de partie civile, la chambre de l'instruction a notamment énoncé « qu'une personne impliquée dans les faits visés par les poursuites du ministère public n'est pas recevable à se constituer partie civile », que « le caractère de victime cesse lorsque le commissaire aux comptes a personnellement et directement participé à la commission des faits », que « le commissaire aux comptes ne saurait invoquer un préjudice ouvrant droit à se constituer partie civile à raison des faits auxquels il aurait participé », qu' « il résulte de la procédure () des manquements graves notamment de la part de PWC audit et PWC entreprises commissaires aux comptes dans la révision des comptes qui leur étaient soumis et notamment de non-révélation d'infractions, notamment de faux, usage de faux, présentation de comptes inexacts, banqueroute, abus de biens sociaux, dont ils ne pouvaient ignorer l'existence », que « s'agissant des faux, PWC entreprises et PWC audit () ne pouv[aient] ignorer le caractère nécessairement frauduleux d'opérations comptables enregistrées sur des pièces justificatives destinées à dissimuler grossièrement une situation comptable obérée », que « s'agissant des délits d'entrave, () les faits dénoncés ne résultent pas d'une entrave mais d'une abstention fautive de mener leur mission conformément aux normes et exigences de la profession », que « PWC entreprises et PWC audit ne peuvent ainsi invoquer leurs propres manquements pour justifier d'un préjudice personnel et direct à raison des faits délictueux dénoncés », qu' « il apparaît bien au contraire que ce sont les manquements de PWC entreprises et PWC audit qui ont causé un préjudice aux tiers en manquant aux obligations de leur mission et ainsi en ne révélant pas des faits délictueux », que « la plainte de PWC () apparaît manifestement destinée à tenter de s'exonérer de toute responsabilité », que les exposants « sont susceptibles de se voir reprocher toute ou partie des faits dont le magistrat instructeur est saisi, manquements au demeurant à l'origine des faits délictueux plus amples révélés par l'enquête préliminaire » et que « la personne qui a activement concouru à la commission d'une infraction ne peut se constituer partie civile en ce que celle-ci est affectée de manière irrévocable par la fraude à la loi résultant de sa participation à la commission de l'infraction, l'ensemble des faits dont le magistrat instructeur est saisi étant liés par un lien de connexité tel que les manquements aux obligations par les commissaires aux comptes constituent également un instrument de la commission des autres infractions » ; qu'en prononçant ainsi par des motifs donnant à penser que les exposants sont coupables du délit de non-révélation de faits délictueux par commissaire aux comptes dont le magistrat instructeur est saisi, la chambre de l'instruction a violé le principe de la présomption d'innocence tel qu'il est garanti par les articles 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale ;

4°/ qu'en tout état de cause, pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possibles l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale ; qu'en l'espèce, les exposants se sont constitués parties civiles par voie d'intervention des chefs de faux, d'usage de faux et d'obstacle aux vérifications ou contrôles des commissaires aux comptes après avoir exposé que la direction du groupe Agripole dont ils étaient les commissaires aux comptes leur avait remis de faux documents, notamment de faux états de gestion et de fausses factures, qui avaient entravé leur mission de vérification et de contrôle ; qu'en confirmant l'ordonnance entreprise qui les avait déclarés irrecevables en leurs constitutions de partie civile, lorsque, à les supposer établis, les délits de faux, usage de faux et d'entrave aux fonctions de commissaire aux comptes étaient de nature à leur causer un préjudice direct et personnel, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée des articles 2, 3, 85 et 87 du code de procédure pénale et du principe ci-dessus rappelé ;

5°/ qu'en outre, le statut de partie civile n'est pas incompatible avec celui de personne soupçonnée dans le cadre d'une même procédure ; qu'en l'espèce, après avoir retenu qu'« il est de principe qu'une personne impliquée dans les faits visés par les poursuites du ministère public n'est pas recevable à se constituer partie civile en ce qu'elle ne peut être considérée comme victime d'une infraction commise par un tiers », la chambre de l'instruction a déclaré les exposants irrecevables en leur constitution de partie civile, motifs pris qu'ils auraient commis « des manquements graves () dans la révision des comptes qui leur étaient soumis, notamment de non-révélation d'infractions » ; qu'en statuant ainsi, lorsque, même à la supposée avérée, la participation des exposants à des faits de non-révélation d'infractions par commissaire aux comptes ne fait pas en elle-même obstacle à ce qu'ils puissent revendiquer la qualité de partie civile s'agissant des faits distincts de faux, d'usage de faux et d'entrave aux fonctions de commissaire aux comptes dont le magistrat instructeur était également saisi, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des articles 2, 3, 85 et 87 du code de procédure pénale ;

6°/ qu'enfin, il résulte de l'article L. 820-4, 2°, du code de commerce que le délit d'entrave aux fonctions de commissaire aux comptes ne peut être commis que par les dirigeants d'une personne morale ou par toute personne ou entité au service d'une personne ou entité ayant un commissaire aux comptes ; qu'en retenant, pour confirmer l'ordonnance entreprise ayant déclarés les exposants irrecevables en leur constitution de partie civile, que « s'il est de principe que l'article 820-4, 2° du code de commerce ne fait pas obstacle à la constitution de partie civile du commissaire aux comptes qui aurait été directement et personnellement victime des agissements des dirigeants de l'entreprise dont ils avaient mandat de contrôler les comptes, le caractère de victime cesse lorsque le commissaire aux comptes a personnellement et directement participer à la commission des faits » et que « le commissaire aux comptes ne saurait invoquer un préjudice ouvrant droit à se constituer partie civile à raison des faits auxquels il aurait participé », lorsqu'en leur qualité de commissaires aux comptes des sociétés du groupe Agripole, les exposants ne peuvent avoir participé au délit susvisé dont le magistrat instructeur est saisi, mais sont uniquement susceptibles d'en être les victimes potentielles, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des articles 2, 3, 85 et 87 du code de procédure pénale et de l'article L. 820-4, 2° du code de commerce. »

Réponse de la Cour

31. Pour confirmer l'ordonnance d'irrecevabilité des constitutions de partie civile des sociétés PWC audit, PWC entreprises et de M. S..., l'arrêt énonce notamment qu'il résulte de la procédure des manquements graves de la part de ces sociétés dans la révision des comptes qui leur étaient soumis, susceptibles de relever de la qualification de non-révélation des infractions de faux, d'usage de faux, de présentation de comptes inexacts, de banqueroute et d'abus de bien sociaux dont elles ne pouvaient ignorer l'existence.

32. Les juges ajoutent que ces sociétés ne pouvaient ignorer le caractère nécessairement frauduleux d'opérations comptables enregistrées sur des pièces justificatives destinées à dissimuler grossièrement une situation comptable obérée et qu'elles ne peuvent être les victimes personnelles et directes des infractions de faux et d'usage de faux.

33. Ils énoncent également que les faits dénoncés ne résultent pas d'une entrave à l'exercice de leur rôle de commissaires aux comptes mais d'une abstention fautive de mener leur mission conformément aux normes et exigences de la profession et que l'ensemble des faits dont le magistrat instructeur est saisi sont liés par un lien de connexité tel que les manquements à leurs obligations par les commissaires aux comptes constituent également un instrument de la commission des autres infractions.

34. Ils en concluent que les demandeurs ont activement concouru à la commission des infractions et qu'ils ne peuvent invoquer leurs propres manquements pour justifier d'un préjudice personnel et direct à raison des faits délictueux dénoncés.

35. En se déterminant ainsi, par des motifs dont il résulte que les sociétés PWC audit, PWC entreprises et M. S... ont participé à un concert frauduleux visant à masquer une situation financière obérée et qu'ils ne sauraient dès lors se prévaloir d'un préjudice découlant directement des faits d'usage de faux et d'entrave aux missions des commissaires aux comptes, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les textes visés au moyen.

36. D'où il suit que le moyen doit être rejeté.

Sur le cinquième moyen

Enoncé du moyen

37. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance ayant déclaré les sociétés PWC audit et PWC entreprises irrecevables en leurs constitutions de partie civile alors « que, dans leur mémoire régulièrement déposé, les cabinets PWC soutenaient être victimes d'une inégalité de traitement dans l'accès au juge, dans la mesure où leurs constitutions de partie civile était rejetée quand celle du cabinet [...], qui intervenait en co-commissariat avec eux pour les sociétés Agripole, Financière Turenne Lafayette, Madrange et Géo, et qui se prévalait de la qualité de victime à raison des mêmes faits, n'était pas contestée ; que, pour retenir que le cabinet PWC ne saurait invoquer une discrimination dans son traitement par rapport au cabinet [...], la chambre de l'instruction énonce que « la situation des deux cabinets de commissaires aux comptes ne saurait être regardée comme identique s'agissant de deux personnes morales » et que « les faits susceptibles d'être imputés [à Mazars] sont distincts de ceux du cabinet PWC » ; qu'en prononçant ainsi, sans mieux s'expliquer sur la différence de situation de ces deux cabinets, et alors que le fait qu'ils soient susceptibles d'être poursuivis pour des faits distincts n'exclut pas qu'ils aient été par ailleurs victimes des mêmes faits, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision au regard des dispositions combinées des articles 6 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

38. Pour écarter l'argumentation des requérants quant à la rupture du principe d'égalité avec la société [...], troisième société de commissariat aux comptes dont la constitution de partie civile n'a pas été contestée, l'arrêt répond que la situation des cabinets en cause ne saurait être regardée comme identique, en ce que, notamment, les agissements susceptibles d'être imputés à cette troisième société en l'état de l'information judiciaire sont distincts de ceux concernant les sociétés PWC audit et PWC entreprises.

39. Les juges ajoutent qu'en tout état de cause, la recevabilité de la constitution de partie civile de la société [...] est par principe provisoire, tant qu'il n'a pas définitivement été statué sur celle-ci.

40. En l'état de ces motifs, et dès lors qu'aucune rupture d'égalité ne saurait résulter du fait que la constitution de partie civile d'une autre personne, fût-elle placée dans des conditions similaires, n'ait pas été déclarée irrecevable, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

41. Le moyen doit donc être rejeté.

42. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme de Lamarzelle - Avocat général : M. Aldebert - Avocat(s) : SCP Spinosi -

Textes visés :

Article 2 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

S'agissant de l'irrecevablilité des constitutions de partie civile au motif que ladite partie est susceptible d'avoir participé aux faits poursuivis, à rapprocher : Crim., 7 février 2001, pourvoi n° 00-83.023, Bull. crim. 2001, n° 38 (cassation partielle sans renvoi) ; Crim., 13 juin 1978, pourvois n° 77-90.343 et n° 77-91.762, Bull. crim. n° 193 et 194 (cassation), et les arrêts cités.

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