Numéro 3 - Mars 2020

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Numéro 3 - Mars 2020

CIRCULATION ROUTIERE

Crim., 11 mars 2020, n° 19-80.465, (P)

Cassation sans renvoi

Permis de conduire – Permis étranger – Permis délivré par un Etat hors Union européenne – Reconnaissance – Condition

Il résulte des articles R. 221-3 du code de la route et 2 et 4 de l'arrêté du 12 janvier 2012, que tout permis de conduire national en cours de validité, délivré par un État ni membre de l'Union européenne ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen, peut être reconnu en France jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an après l'acquisition de la résidence normale de son titulaire. La date d'acquisition de la résidence normale est celle du début de validité du premier titre de séjour.

Doit être cassé l'arrêt qui juge que ce délai a commencé à courir de la délivrance de l'autorisation provisoire de séjour attestant du dépôt d'une demande d'asile.

CASSATION SANS RENVOI sur le pourvoi formé par M. J... U... contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, chambre des appels correctionnels de Mamoudzou, en date du 6 décembre 2018, qui, pour conduite d'un véhicule sans permis, l'a condamné à 500 euros d'amende.

Un mémoire a été produit.

LA COUR,

La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure :

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. J... U..., ressortissant rwandais, titulaire d'un permis de conduire en cours de validité délivré par les autorités rwandaises le 30 mai 2016, a comparu devant le tribunal correctionnel de Mamoudzou sous la prévention d'avoir, à Mamoudzou, le 18 octobre 2017, conduit un véhicule, sans être titulaire du permis de conduire.

3. Par jugement du 10 avril 2018, le tribunal correctionnel a prononcé sa relaxe après avoir constaté qu'étant demandeur d'asile, le prévenu ne pouvait se prévaloir d'avoir acquis une résidence normale en France, celle-ci ne pouvant l'être qu'à compter du début de validité du premier titre de séjour, et qu'en conséquence, il n'était pas soumis aux obligations administratives prévues à l'article R. 222-1 du code de la route, s'appliquant à tout titulaire d'un permis de conduire d'un Etat n'appartenant pas à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen et avec lequel la France n'a pas conclu d'accord de réciprocité en ce domaine.

4. Le ministère public a formé appel de ce jugement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen est pris de la violation des articles R. 222-3 du code de la route et 591 et 593 du code de procédure pénale.

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré le prévenu coupable de conduite d'un véhicule sans être titulaire du permis de conduire, alors « qu'en jugeant que la date de validité de la première attestation de demande d'asile constituait la date d'acquisition de la résidence normale en France cependant que la « résidence normale » n'est constituée que par un titre de séjour, la cour d'appel a méconnu les articles R. 222-3 du code de la route, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles R. 221-3 du code de la route et 2 et 4 de l'arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les Etats n'appartenant ni à l'Union européenne ni à l'Espace économique européen :

7. Il résulte de ces articles, applicables au moment de la commission des faits, que tout permis de conduire national, en cours de validité, délivré par un État ni membre de l'Union européenne ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen, peut être reconnu en France jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an après l'acquisition de la résidence normale de son titulaire.

La date d'acquisition de la résidence normale est celle du début de validité du premier titre de séjour.

8. Pour déclarer M. U... coupable de conduite d'un véhicule sans permis, l'arrêt relève notamment que la référence au titre de séjour doit s'interpréter comme visant tout document autorisant l'étranger à se maintenir en France et qu'en application des dispositions de l'article L. 743-1 du CESEDA, l'attestation de demande d'asile vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et, le cas échéant, la cour nationale du droit d'asile statuent.

9. Les juges ajoutent que la date de validité de la première attestation de demande d'asile délivrée à M. U..., le 17 mars 2016, constituait ainsi la date d'acquisition de la résidence normale en France, point de départ du délai d'un an pendant lequel son permis rwandais était reconnu en France.

10. Ils concluent que le délai d'un an, pendant lequel le permis de conduire rwandais de M. U... était reconnu en France, a expiré le 16 mars 2017, ce permis n'étant donc plus reconnu le 18 octobre 2017, date des faits poursuivis.

11. En se déterminant ainsi, alors que le délai d'un an dont dispose le titulaire d'un permis de conduire étranger pour demander son échange contre un permis de conduire français a pour point de départ la date d'établissement effectif résultant du premier titre de séjour délivré à l'intéressé, et non la délivrance à ce dernier d'une autorisation provisoire de séjour, renouvelable tous les six mois, attestant du dépôt d'une demande d'asile, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

12. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de la cassation

13. N'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, la cassation aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

PAR CES MOTIFS,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, chambre des appels correctionnels de Mamoudzou, en date du 6 décembre 2018 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Guéry - Avocat général : M. Desportes - Avocat(s) : SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin -

Textes visés :

Article R. 221-3 du code de la route ; articles 2 et 4 de l'arrêté du 12 janvier 2012.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions de reconnaissance d'un permis étranger délivré par un Etat situé hors de l'Union européenne, à rapprocher : Crim., 26 novembre 2019, pourvoi n° 19-80.597, publié au Bulletin (cassation), et l'arrêt cité.

Crim., 17 mars 2020, n° 19-84.399, (P)

Cassation

Titulaire du certificat d'immatriculation redevable pécuniairement – Exonération – Conditions – Contestation de l'existence de l'infraction – Moyen péremptoire – Réponse – Défaut – Portée

Ne justifie pas sa décision le tribunal qui, pour condamner au paiement d'une amende une personne citée comme redevable pécuniairement, omet de répondre à des conclusions qui, fussent-elles fondées sur un moyen de défense autre que ceux énumérés au premier alinéa de l'article L. 121-3 du code de la route, revêtaient un caractère péremptoire en ce qu'elles contestaient l'existence même de l'infraction.

CASSATION sur le pourvoi formé par Mme Q... K... contre le jugement du tribunal de police d'Aix-en-Provence, en date du 29 mai 2019, qui, pour contravention au code de la route, l'a déclarée pécuniairement redevable d'une amende de 130 euros.

LA COUR,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Mme K... a formé une requête en exonération de l'amende forfaitaire qui lui a été délivrée le 6 juillet 2018 à la suite d'un contrôle par radar automatique ayant constaté un excès de vitesse inférieur à 20 km/h.

3. Elle a été citée, en tant que redevable de l'amende encourue, devant le tribunal de police qui l'a déclarée pécuniairement redevable d'une amende de 130 euros.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le moyen est pris de la violation des articles L. 121-3, R. 121-6, R. 413-14 du code de la route et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale.

5. Le moyen critique le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré Mme K... pécuniairement redevable et tenue au paiement de l'amende civile de 130 euros, alors « que Mme K... pour établir qu'elle n'était pas pécuniairement redevable de l'amende, avait fait valoir que la portion d'autoroute A8 sur laquelle le véhicule [...] avait fait l'objet d'un contrôle de vitesse n'était pas limitée à 90 km/h mais à 130 km/h et qu'ainsi nul excès de vitesse n'avait été commis ; que, à l'appui de son argumentation, elle avait produit, d'une part, l'arrêté du 15 mars 2018 DDTM 13-2018-03-15-001, lequel n'avait fait l'objet d'aucune publication et n'avait pas été régulièrement signé par une personne disposant d'une délégation de signature, d'autre part, les photos du contrôle de vitesse établissant qu'il n'existait pas de travaux justifiant une limitation de vitesse et de signalétique limitant la vitesse à 90 km/h ; que pour déclarer Mme K... pécuniairement redevable, le tribunal s'est borné à énoncer que celle-ci ne rapportait pas la preuve du vol du véhicule ou de tout autre événement de force majeure, et n'a pas ainsi répondu, comme il le devait, aux conclusions dont il était saisi, méconnaissant ainsi les articles L. 121-3, R. 121-6, R. 413-14 du code de la route et les articles 591 et 593 du code de procédure pénale ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 593 du code de procédure pénale :

6. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties.

L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

7. Pour déclarer Mme K... pécuniairement redevable de l'amende encourue, le jugement énonce qu'elle est titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule avec lequel il est régulièrement établi qu'a été commise une contravention mentionnée par l'article L. 121-3 du code de la route.

8. Le juge ajoute qu'elle n'apporte ni la preuve du vol du dit véhicule ou de tout autre événement de force majeure, ni d'élément permettant d'établir qu'elle n'est pas l'auteur véritable de l'infraction.

9. En se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de la prévenue qui contestait l'existence d'une limitation temporaire de la vitesse à 90 km/h sur autoroute, le tribunal n'a pas justifié sa décision.

10. Ces conclusions, fussent-elles fondées sur un moyen de défense autre que ceux énumérés au premier alinéa de l'article L. 121-3 du code de la route, revêtaient en effet un caractère péremptoire en ce qu'elles contestaient l'existence même de l'infraction.

11. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE le jugement susvisé du tribunal de police de d'Aix-en-Provence, en date du 29 mai 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant le tribunal de police d'Aix-en-Provence, autrement composé, à ce désigné par délibération spéciale prise en chambre du conseil.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Samuel - Avocat général : Mme Le Dimna - Avocat(s) : SCP Colin-Stoclet -

Textes visés :

Article L. 121-3 du code de la route article 593 du code de procédure pénale.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.