Numéro 3 - Mars 2020

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Numéro 3 - Mars 2020

ATTEINTE A L'AUTORITE DE L'ETAT

Crim., 4 mars 2020, n° 19-83.446, (P)

Rejet

Atteinte à l'administration publique commise par des personnes exerçant une fonction publique – Manquement au devoir de probité – Atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public – Eléments constitutifs – Elément légal – Définition

Une collectivité locale, qui a décidé, bien qu'elle n'y soit pas légalement tenue, de recourir à la procédure d'appel d'offres prévue par le code des marchés publics, doit se conformer aux règles imposées par cette dernière.

La méconnaissance des dispositions du code des marchés publics qui énoncent les principes fondamentaux gouvernant la commande publique que sont le principe de liberté d'accès à la commande publique et le principe d'égalité de traitement, applicables à tous les marchés publics, entre dans les prévisions de l'article 432-14 du code pénal.

Ces solutions sont transposables à la situation des personnes dont les marchés sont soumis à l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 dont l'article 6 prescrivait, dans les mêmes termes que les dispositions du code des marchés publics susvisé, le respect des principes fondamentaux de la commande publique.

C'est à bon droit qu'une cour d'appel a déclaré la société France Télévisions, soumise aux règles de l'ordonnance susvisée pour la passation de ses marchés, coupable du délit prévu par l'article 432-14 du code pénal dès lors que, d'une part, il se déduit des dispositions des articles 2, 3 et 47 du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 fixant les règles applicables aux marchés régis par ladite ordonnance que la conclusion de ces contrats est soumise à une mise en concurrence, d'autre part, cette société se devait de respecter les principes à valeur constitutionnelle édictés par l'article 6 susvisé et rappelés dans le manuel de mise en oeuvre des règles de publicité et de mise en concurrence applicables au groupe France Télévisions et élaboré par celui-ci.

REJET du pourvoi formé par M. A... C... contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 5-12, en date du 17 avril 2019, qui, pour recel d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics, l'a condamné à cinq mois d'emprisonnement avec sursis, 100 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils

Un mémoire a été produit.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 30 août 2011, le parquet de Paris a diligenté une enquête préliminaire à la suite de la plainte du Syndicat national des personnels de la communication et de l'audiovisuel CFE-CGC (ci après désigné le « SNPCA-CFE-CGC ») du chef de prise illégale d'intérêts et d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics qui signalait, notamment, la situation de la société Bygmalion, créée en 2008 et dirigée par M. C..., ancien membre de la direction de la société France Télévision (FTV) jusqu'en 2008, qui aurait bénéficié de contrats de prestations de « veille internet, courrier au téléspectateur, préparation de dossiers et d'éléments de langage pour le directeur général, accompagnement stratégique du groupe FTV » prévoyant une rémunération annuelle respectivement de 90 000 euros et 72 000 euros, et ce hors toute procédure préalable de mise en concurrence.

3. Le 10 janvier 2013, le procureur de la République a procédé au classement sans suite de la plainte au motif que les contrats litigieux ne pouvant être qualifiés ni de marchés publics, ni de délégation de service public, ils ne tombaient pas sous le coup des dispositions de l'article 432-14 du code pénal.

4. Le 10 février suivant, le SNPCA-CFE-CGC a porté plainte avec constitution de partie civile des chefs de prise illégale d'intérêt et d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics visant les mêmes faits, en précisant que la société FTV est soumise, pour la passation de ses marchés, aux dispositions de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 soumise à l'ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics.

5. Le 23 mai 2013, le procureur de la République a ouvert une information des chefs d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics, prise illégale d'intérêt et complicité de ces délits.

6. Par arrêt du 17 février 2016 (Crim., 17 février 2016, pourvoi n° 15-85.363, Bull. crim. 2016, n° 53), la Cour de cassation, statuant sur les pourvois formés par M. T... S... et M... Y..., respectivement président et secrétaire général de la société FTV, à l'encontre de l'arrêt de la chambre de l'instruction ayant refusé de faire droit à leur requête en nullité, a jugé que la méconnaissance des dispositions de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, et notamment de son article 6, qui impose à celles-ci le respect des principes à valeur constitutionnelle de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, entre dans les prévisions de l'article 432-14 du code pénal.

7. A l'issue de l'information, MM. S... et Y... ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel du chef de favoritisme, M. C... et la société Bygmalion l'étant également pour avoir à Paris, courant 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, bénéficié en connaissance de cause, le premier en sa qualité d'associé et de dirigeant de la seconde, de contrats, relatifs notamment à des prestations de veille internet, réponses au courrier des téléspectateurs, préparation de dossiers et rédactions d'éléments de langage, conseil stratégique ayant donné lieu à une facturation de 1 486 760 euros pour les exercices 2009 à 2013, conclus sans mise en concurrence, avec la société FTV, portant atteinte à la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public.

8. Par jugement en date du 19 janvier 2017, le tribunal correctionnel a déclaré les prévenus coupables des délits reprochés et a condamné, notamment, M. C... à cinq mois d'emprisonnement avec sursis, à 75 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils en le condamnant solidairement avec les autres prévenus à payer à titre de dommages-intérêts, la somme de 1 euro à la société FTV et 5 000 euros au Syndicat national des médias CFDT Médias.

9. MM. C..., S... et le ministère public, ainsi que certaines parties civiles ont interjeté appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le second moyen pris en sa troisième branche

10. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen et sur le second moyen pris en ses deux premières branches

Enoncé des moyens

11. Le premier moyen est pris de la violation des articles 34 de la Constitution, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 15, § 1er, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 6, § 1er, et 7 de la Convention des droits de l'homme, 111-3, 111-4, 112-1, 321-1 et 432-14 du code pénal, 1er, 3 et 6 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005, 8 et 9 du décret no 2005-1742 du 30 décembre 2005, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale.

12. Le moyen critique l'arrêt attaqué « en ce qu'il a déclaré M. C... coupable de recel de biens provenant d'atteinte à la liberté d'accès ou à l'égalité des candidats dans les marchés publics, alors :

« 1°/ que l'article 432-14 du code pénal, tel qu'interprété par la Cour de cassation, porte atteinte au principe de clarté et de précision de la loi pénale en ce que, bien que le texte d'incrimination ne vise que les atteintes à la liberté d'accès et l'égalité des candidats « dans les marchés publics et les délégations de service public », la méconnaissance des dispositions de l'ordonnance no 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics entre dans les prévisions de l'article 432-14 ; qu'il y a lieu, dès lors, de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel et de constater, à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, que l'arrêt attaqué se trouve privé de base légale au regard des articles 34 de la Constitution et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

2°/ que la loi pénale est d'interprétation stricte ; qu'en retenant, pour caractériser le délit de d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés p du recel duquel elle a déclaré M. C... coupable, que « l'article 432-14 du code pénal vise à garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats gouvernant la commande publique en sanctionnant l'octroi d'un avantage indu résultant d'actes contraires aux dispositions législatives ou réglementaires édictées à cette fin, intégrant nécessairement la norme européenne au travers des dispositions de l'ordonnance [du 6 juin 2005] » (arrêt, p. 31, § 4), quand n'entrent dans les prévisions de l'article 432-14 du code pénal, parmi les contrats relevant de la commande publique, que ceux qui constituent des « marchés publics », soumis au code des marchés publics, ou des « délégations de service public », et non les contrats de prestation de service soumis à l'ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, la cour d'appel, qui a procédé à une interprétation extensive du texte d'incrimination, a violé les textes susvisés ;

3°/ que le principe de la légalité des délits et des peines interdit que le droit pénal soit interprété extensivement au détriment du prévenu et qu'il en résulte que, faute au minimum d'une interprétation jurisprudentielle accessible et raisonnablement prévisible, les exigences de l'article 7 de la Convention de sauvegarde ne sauraient être regardées comme respectées ; qu'en retenant que l'inclusion des contrats relevant de l'ordonnance du 6 juin 2005 dans le champ d'application du délit de favoritisme, consacrée par les arrêts rendus le 17 février 2016 par la Cour de cassation, était raisonnablement prévisible (arrêt, p. 31, § 5, à p. 32, § 4 ; p. 38, § 3 et 4), après avoir elle-même relevé que, antérieurement, « la question n'avait pas encore été tranchée par la jurisprudence » (arrêt, p. 32, § 2) et aux motifs inopérants que des documents internes à l'entreprise, pour partie postérieurs aux faits poursuivis, avaient prévu une mise en concurrence sur certains contrats, cependant que, antérieurement aux arrêts du 17 février 2016, la doctrine excluait une telle extension du champ d'application du délit de favoritisme en raison du principe d'interprétation stricte de la loi pénale, que des juridictions du fond avaient statué en sens contraire par des décisions non censurées, que le Conseil d'État, dans l'exercice de ses fonctions consultatives, avait invité le législateur à « clarifier » le champ d'application du texte d'incrimination et que le rapport sur l'exemplarité des responsables publics, remis au Président de la République en janvier 2015, invitait encore le législateur à modifier l'article 432-14 du code pénal pour étendre ses prévisions aux contrats relevant de l'ordonnance du 6 juin 2005, en sorte que, même en tant que professionnel qui pouvait s'entourer de conseils de juristes, il était difficile, voire impossible pour M. C... de prévoir le revirement de jurisprudence de la Cour de cassation et donc de savoir, au moment où il les a commis, que ses actes pouvaient entraîner une sanction pénale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

4°/ que, subsidiairement, les arrêts en dernier ressort sont déclarés nuls s'ils ne permettent pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle et de reconnaître si la loi a été respectée dans le dispositif ; qu'en affirmant, pour caractériser la violation d'une disposition législative ou réglementaire, qu'« il [était] établi au terme des débats et au vu des pièces soumises au débat contradictoire que les prestations de veille quotidienne sur internet et la constitution de sites internet constituent des prestations annexes aux services informatiques prévues au 7° de l'article 8 précité[,] que les réponses aux courriers des téléspectateurs ressortissent à la catégorie des services d'étude de marché et de sondages prévus au 10° de l'article 8[,] que les conseils en stratégie, communication sensible, veille parlementaire et organisation de la filière communication aux services connexes au conseil en gestion prévus au 11° de cet article [et] que la préparation de dossiers et la rédaction d'éléments de langage ressortissent aux services de publicité visés au 13° de l'article 8 » (arrêt, p. 33, § 3), sans assortir ces motifs de constatations de fait précises relatives aux prestations réalisées, en sorte qu'elle n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la qualification opérée et le rattachement des contrats conclus entre les sociétés de droit privé France Télévisions et Bygmalion à la liste limitative des catégories de prestations de services que l'article 8 du décret du 30 décembre 2005 soumet à une obligation de mise en concurrence, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

5°/ que, très subsidiairement, sont passés selon des modalités librement définies par le pouvoir adjudicateur les marchés de service ayant pour objet des prestations non mentionnées à l'article 8 du décret du 30 décembre 2005 ; qu'en retenant, pour caractériser le délit de favoritisme du recel duquel elle a déclaré M. C... coupable, que « les prestations de veille quotidienne sur internet [...] constitu[aient] des prestations annexes aux services informatiques prévues au 7° de l'article 8 précité » (arrêt, p. 33, § 3), cependant que cet article vise les prestations « connexes », qu'elle avait énoncé, dans le rappel des faits liminaire, que le contrat portait sur « une mission de veille quotidienne sur internet et envoi d'alertes en temps réel et l'établissement d'un rapport hebdomadaire concernant France Télévisions et ses dirigeants » (arrêt, p. 14, § 6) et que la « veille internet » constitue une prestation intellectuelle sans autre rapport avec les attributions d'une direction des services informatiques ou les prestations d'une société de services en ingénierie informatique que l'utilisation d'un ordinateur, en sorte que le contrat ne portait pas sur une prestation de service informatique ou de service connexe soumise à l'obligation de mise en concurrence, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

6°/ que, très subsidiairement, sont passés selon des modalités librement définies par le pouvoir adjudicateur les marchés de service ayant pour objet des prestations non mentionnées à l'article 8 du décret du 30 décembre 2005 ; qu'en retenant, pour caractériser le délit de favoritisme du recel duquel elle a déclaré M. C... coupable, que « les réponses aux courriers des téléspectateurs ressortissent à la catégorie des services d'étude de marché et de sondages prévus au 10o de l'article 8 » (arrêt, p. 33, § 3), quand elle avait liminairement rappelé que ce contrat « a[vait] pour objet la rédaction des réponses aux courriers téléspectateurs adressés au président et emails des téléspectateurs envoyés via le site internet du groupe » (arrêt, p. 14, antépénultième paragraphe), en sorte que le contrat ne portait pas sur une prestation de services d'étude de marché ou de sondage soumise à l'obligation de mise en concurrence, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

7°/ que, très subsidiairement, sont passés selon des modalités librement définies par le pouvoir adjudicateur les marchés de service ayant pour objet des prestations non mentionnées à l'article 8 du décret du 30 décembre 2005 ; qu'en retenant, pour caractériser le délit de favoritisme du recel duquel elle a déclaré M. C... coupable, que « la préparation de dossiers et la rédaction d'éléments de langage ressortiss[ait] aux services de publicité visés au 13° de l'article 8 » (arrêt, p. 33, § 3), quand elle avait liminairement rappelé que « ces prestations [étaient] à destination du secrétaire général de France Télévisions » (arrêt, p. 15, § 7), ce dont il résultait qu'elles ne tendaient ni à procéder à de la réclame publicitaire, ni à faire connaître une marque à des clients potentiels, ni à leur vanter les mérites d'un produit, en sorte que le contrat ne portait pas sur une prestation de services de publicité soumise à l'obligation de mise en concurrence, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

13. Le second moyen est pris de la violation des articles 6, § 1er, et 7 de la Convention des droits de l'homme, 4 du code civil, 111-4, 321-1 et 432-14 du code pénal, 1er, 3 et 6 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005, 8 et 9 du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005, préliminaire, 463, 470, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale.

14. Le moyen, en ses première et troisième branches, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. C... coupable de recel de biens provenant d'atteinte à la liberté d'accès ou à l'égalité des candidats dans les marchés publics, alors :

« 1°/ que la présomption d'innocence commande que la charge de la preuve pèse sur l'accusation et que le doute profite au prévenu ; que lorsqu'un marché a pour objet à la fois des services mentionnés à l'article 8 et des services n'en relevant pas, il est passé conformément aux dispositions de l'article 8 si la valeur des services mentionnés à cet article dépasse la valeur de ceux qui n'en relèvent pas ; qu'en retenant, pour caractériser le délit de favoritisme du recel duquel elle a déclaré M. C... coupable, que l'état du dossier l'« empêch[ait] de rechercher la qualification de chaque contrat en considération de la part représentative [dans] chaque contrat des services relevant ou non de l'article 8, suivant en cela les prescriptions du 2e alinéa de l'article 9 du décret » (arrêt, p. 33, § 4), quand il en résultait qu'il n'était pas établi que les contrats étaient soumis aux exigences posées à l'article 8 du décret et qu'elle devait, en cet état, renvoyer le prévenu des fins de la poursuite, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les textes susvisés ;

2°/ que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en retenant tout à la fois que certains contrats avaient pour objet des prestations de service ne relevant pas de l'article 8 du décret (arrêt, p. 33, § 4) et que « l'ensemble des contrats visés à la prévention rel[evaient] de l'application des prescriptions du décret » (arrêt, p. 33, dernier paragraphe), la cour d'appel s'est contredite et n'a pas légalement justifié sa décision. »

Réponse de la Cour

15. Les moyens sont réunis

Sur le premier moyen pris en ses trois premières branches

16. Pour dire établi l'élément légal du délit d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé que l'article 432-14 du code s'applique à la société FTV, personne chargée d'une mission de service public, relève que ces dispositions, dont l'objet est de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats gouvernant la commande publique en sanctionnant l'octroi d'un avantage indu résultant d'actes contraires aux dispositions législatives ou réglementaires édictées à cette fin, intègrent nécessairement la norme européenne au travers de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005, laquelle en son article 6, à l'instar de l'article 1er du code des marchés publics, énonce ces principes qui s'imposent aux personnes non soumises au dit code.

17. Les juges relèvent que cette interprétation est conforme à celle de la Cour de cassation qui, dans son rapport annuel de 2008, invitait les juges du fond saisis de faits de favoritisme à préciser le cadre juridique du marché concerné et les obligations légales ou réglementaires qui auraient été violées « peu important à cet égard que la norme violée soit une disposition du code des marchés publics stricto sensu ou une norme légale ou réglementaire complémentaire soumettant des personnes publiques ou privées non assujetties à un tel code à des obligations de mise en concurrence imposées par le droit communautaire », visant ainsi expressément l'ordonnance du 6 juin 2005.

18. Les juges constatent ensuite que, d'une part, dès le mois d'avril 2006, un « manuel de mise en oeuvre des règles de publicité et de mise en concurrence applicables au groupe France Télévisions » a été diffusé au sein de l'entreprise, d'autre part, en octobre 2011, la société FTV a élaboré un « Guide pratique de passation des marchés », précisant que la commande publique englobait plusieurs formes telles que les marchés publics et les marchés soumis à l'ordonnance du 6 juin 2005, et que le délit de favoritisme sanctionnait les atteintes portées aux principes et aux règles qui garantissent la liberté d'accès à la commande publique, l'égalité des candidats et la transparence des procédures.

19. La cour d'appel conclut qu'il est ainsi démontré que l'interprétation critiquée était raisonnablement prévisible dès l'époque où les contrats litigieux ont été conclus et que c'est à bon droit que les premiers juges ont jugé que, loin de constituer un revirement de jurisprudence, la solution adoptée dans les seules décisions rendues par la chambre criminelle le 17 février 2016 était raisonnablement prévisible.

20. En prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision.

21. En effet, la méconnaissance des dispositions de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, et notamment de son article 6, qui imposent à celles-ci le respect des principes à valeur constitutionnelle de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, entre dans les prévisions de l'article 432-14 du code pénal.

Sur le premier moyen pris en ses quatre dernières branches et sur le second moyen pris en ses deux premières branches

22. Pour caractériser le délit d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics, l'arrêt attaqué énonce que les contrats passés par la société FTV répondent aux critères énoncés aux articles 1er et 3 de l'ordonnance de 2005 à laquelle cette société devait se conformer à compter de son entrée en vigueur.

23. Les juges relèvent que les contrats conclus entre les sociétés FTV et Bygmalion ont donné lieu à une facturation de 1 486 760 euros pour les exercices 2009 à 2013 et qu'il est établi au terme des débats et au vu des pièces soumises au débat contradictoire que les prestations de veille quotidienne sur internet et de constitution de sites internet constituent des prestations annexes aux services informatiques prévues au 7° de l'article 8 du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 fixant les règles applicables aux marchés régis par l'ordonnance précitée, que les réponses aux courriers des téléspectateurs ressortissent à la catégorie des services d'étude de marché et de sondages prévus au 10° du même texte, que les conseils en stratégie, communication sensible, veille parlementaire et organisation de la filière communication aux services connexes au conseil en gestion prévus au 11° de cet article, et que la préparation de dossiers et la rédaction d'éléments de langage ressortissent aux services de publicité visés au 13° de ce texte.

24. Ils ajoutent que le caractère elliptique du libellé tant des seuls contrats appréhendés que des bons de commande et des factures établies par cette société empêche de rechercher la qualification de chaque contrat en application du 2e alinéa de l'article 9 du décret.

25. Les juges retiennent que l'ensemble des contrats visés à la prévention sont soumis aux prescriptions du décret, reprises dans le manuel instauré par la société FTV en 2006 et que le pouvoir adjudicateur devait les soumettre, au regard du seuil de 210 000 euros HT ou de 193 000 euros HT selon l'année considérée, à l'une des modalités prescrites à l'article 7 de ce texte, les modalités de passation des contrats en dessous de ce seuil restant librement définies par le pouvoir adjudicateur dans le respect des principes régissant la commande publique rappelés par l'article 6 de l'ordonnance, conformément aux dispositions du manuel interne de la société FTV qui prescrivait une procédure rappelant l'obligation de mise en concurrence.

26. Les juges relèvent qu'il est établi qu'au cours des années 2008, 2009 et 2010, aucune des prestations fournies à la société FTV par la société Bygmalion n'a fait l'objet ni d'une mesure de publicité ni d'une procédure de mise en concurrence à l'exception de celle relative au traitement du courrier des téléspectateurs qui a donné lieu à l'établissement d'un devis par la société Laser contact daté de décembre 2008, postérieurement au commencement d'exécution des prestations de Bygmalion en novembre 2008, les factures de la société Bygmalion sur l'année 2008 visant un contrat conclu le 31 octobre de la même année qui n'a pas été retrouvé.

27. La cour d'appel conclut qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que les règles instaurées par l'ordonnance du 6 juin 2005 et du décret du 30 décembre 2005 ainsi que les principes rappelés par l'article 6 du premier de ces textes et repris dans le manuel interne de la société FTV n'ont pas été respectés, les prestations, bien qu'indissociables les unes des autres, ayant par ailleurs fait l'objet d'un fractionnement afin de s'affranchir des seuils légaux.

28. En l'état de ces énonciations, relevant de son appréciation souveraine des faits et des preuves contradictoirement débattus devant elle, la cour d'appel a justifié sa décision.

29. En effet, aux termes d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation, applicable aux personnes soumises au code des marchés publics en vigueur à la date des faits, d'une part, une collectivité locale, qui a décidé, bien qu'elle n'y soit pas légalement tenue, de recourir à la procédure d'appel d'offres, doit se conformer aux règles imposées par cette dernière, d'autre part, la méconnaissance de l'article 1er du code des marchés publics, en vigueur à la date des faits, qui énonce les principes fondamentaux gouvernant la commande publique que sont le principe de liberté d'accès à la commande publique et le principe d'égalité de traitement, applicables à tous les marchés publics, entre dans les prévisions de l'article 432-14 du code pénal (Crim., 14 février 2007, pourvoi n° 06-81.924, Bull. crim. 2007, n° 47 ; Crim., 20 mars 2019, pourvoi n° 17-81.975, Bull. crim. 2019, n° 57).

30. Ces solutions sont transposables à la situation des personnes dont les marchés sont soumis à l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 dont l'article 6 prescrit, dans les mêmes termes que l'article 1er du code des marchés publics, le respect des principes fondamentaux de la commande publique.

31. A supposer qu'en application de l'alinéa 2 de l'article 9 du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 fixant les règles applicables aux marchés régis par l'ordonnance susvisée, les contrats litigieux ne soient pas soumis aux formalités prévues par l'article 7 de ce texte, en tout état de cause, d'une part, il se déduit des dispositions des articles 2, 3 et 47 dudit décret, que la passation de ces contrats est soumise à une mise en concurrence, d'autre part, la société FTV se devait de respecter, lors de la passation d'un marché, les principes à valeur constitutionnelle édictés par l'article 6 susvisé et rappelés dans le manuel de mise en oeuvre des règles de publicité et de mise en concurrence applicables au groupe France Télévisions élaboré par celui-ci.

32. Les moyens ne sauraient donc être accueillis.

33. L'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Planchon - Avocat général : Mme Zientara-Logeay - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 432-14 du code pénal ; article 6 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 ; articles 2, 3 et 47 du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005.

Rapprochement(s) :

Sur l'élément légal du délit de favoristime à rapprocher : Crim., 20 mars 2019, pourvoi n° 17-81.975, Bull. crim. 2019, n° 57 (cassation), et l'arrêt cité.

Crim., 4 mars 2020, n° 19-83.390, (P)

Cassation partielle

Atteinte à l'administration publique commise par des personnes exerçant une fonction publique – Manquement au devoir de probité – Prise illégale d'intérêts – Applications diverses

Le fait qu'un prévenu, en sa qualité de maire, se soit soumis aux règles de recrutement instaurées par la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et le décret n° 86-68 du 10 janvier 1986 pour désigner le directeur général des services de sa commune, est sans incidence sur la caractérisation du délit de prise illégale d'intérêt dès lors qu'il est, en toute connaissance de cause, intervenu à tous les stades de la procédure ayant abouti au recrutement à ce poste d'un membre de sa famille, quelles que soient les compétences professionnelles de celui-ci.

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par M. M... T... et Mme V... T..., épouse I..., contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 7e chambre, en date du 11 avril 2019, qui les a condamnés, le premier, pour prise illégale d'intérêt, à six mois d'emprisonnement avec sursis et à un an d'inéligibilité, la seconde, pour recel, à quatre mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

La chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Entre février et août 2015, le procureur de la République de Lyon a été destinataire de plusieurs courriers dénonçant les agissements de M. T..., maire de la commune de Givors, qui venait de nommer sa soeur, Mme I..., en qualité de directrice générale des services de la mairie.

3. L'enquête, diligentée le 27 avril 2015, a permis d'établir qu'en septembre 2014, dans la lettre du maire au personnel de la mairie de Givors, M. T... a annoncé la nomination de Mme I... au poste de directeur général des services.

4. Toutefois, le 27 novembre 2014, après une intervention des syndicats, le profil de poste correspondant à cette fonction été diffusé auprès du centre de gestion de la fonction publique territoriale en vue d'un recrutement.

5. A l'issue d'une préselection, le maire a retenu six candidats, dont Mme I..., qui ont été reçus pour un entretien par un jury de cinq personnes, auquel a participé le demandeur, et qui s'est prononcé à l'unanimité en faveur de Mme I....

6. M. T... a été cité pour avoir à Givors, courant 2014 et 2015, étant investi d'un mandat électif public, en l'espèce en sa qualité de maire de la commune de Givors, pris, reçu ou conservé, directement ou indirectement, un intérêt quelconque, dans une entreprise ou dans une opération dont il avait, au moment de l'acte, en tout ou en partie, la charge d'assurer la surveillance ou l'administration, en l'espèce en prenant un intérêt moral à la nomination de sa soeur, Mme I..., en qualité de directrice générale des services de la commune de Givors, alors qu'il avait la surveillance de ces opérations de nomination, après avoir notamment, d'une part, participé activement à la sélection des candidats, aux entretiens du jury de recrutement et au vote de ce dernier, d'autre part, signé personnellement les arrêtés municipaux de nomination de sa soeur.

7. Mme I... a été citée pour avoir à Givors, à compter du 22 janvier 2015, sciemment recelé les fonctions de directrice générale des services et l'ensemble des salaires versés au titre de la rétribution de ces fonctions, qu'elle savait provenir du délit de prise illégale d'intérêt commis par son frère M. T....

8. Le 6 juillet 2017, le tribunal correctionnel a déclaré les deux prévenus coupables des faits et les a condamnés, le premier, à six mois d'emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d'amende et à trois ans d'inéligibilité, la seconde, à quatre mois d'emprisonnement avec sursis, à 5 000 euros d'amende et à une interdiction d'exercer une fonction publique pendant dix-huit mois, par un jugement à l'encontre duquel les prévenus et le ministère public ont interjeté appel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

9. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de Convention des droits de l'homme, 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 111-4, 321-1, 432-12 et 432-17 du code pénal, de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, du décret n° 86-68 du 10 janvier 1986 relatif au détachement des fonctionnaires territoriaux, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale.

10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a retenu la culpabilité du maire du chef de prise illégale d'intérêts pour la période écoulée « courant 2014 et 2015 » et de la directrice générale des services du chef de recel de prise illégale d'intérêts à compter du 22 janvier 2015, alors :

« 1°/ que l'élément légal de la prise illégale d'intérêts au sens de l'article 432-12 du code pénal s'entend exclusivement des règles de droit public gouvernant la compétence de l'autorité ou de l'organe poursuivi ; qu'au sein d'une collectivité territoriale, le poste de directeur général des services est à la discrétion du maire dès lors qu'en vertu de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et du décret n° 86-68 du 10 janvier 1986, une déclaration de vacance a eu lieu et que la commission administrative paritaire a donné son avis ; que ces deux exigences ayant été respectées en l'espèce, le fait à lui seul pour la directrice générale ainsi désignée d'être la soeur du maire n'entrait pas dans le champ de l'article 432-12 du code pénal ;

2°/ qu'en l'état des compétences indiscutées de la personne nommée en qualité de directeur général des services, le seul lien de parenté entre celle-ci et le maire ne peut constituer un intérêt moral entrant dans les prévisions de l'incrimination de prise illégale d'intérêts en l'absence d'éléments complémentaires de nature à établir un abus de fonction ; que sur ce point également, l'arrêt manque de toute base légale ;

3°/ qu'il ne saurait y avoir de recel, infraction de conséquence, en l'absence d'infraction principale punissable ; que la cassation à intervenir sur les 1ère et 2ème branches du moyen développera les effets nécessaires sur la déclaration de culpabilité de la directrice générale du chef de recel. »

Réponse de la Cour

11. Pour déclarer M. T... coupable de prise illégale d'intérêt et Mme I..., coupable de recel de ce délit l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les termes de l'article 432-12 du code pénal, énonce que le prévenu avait la charge d'assurer la surveillance et l'administration de l'opération de recrutement au poste fonctionnel de directeur général des services de la commune dont il était le maire et qu'il a ainsi accompli, entre le 27 novembre 2014 et le 22 janvier 2015, les formalités procédurales de publicité et de sélection des candidats, la désignation, puis la nomination par arrêté de la nouvelle directrice générale des services, seul ou en tant que membre du jury de recrutement qu'il avait mis en place.

12. Ils relèvent ensuite qu'indépendamment des incompatibilités légales rappelées par les prévenus, indifférentes quant aux faits, le lien familial unissant les deux prévenus, frère et soeur, constitue un intérêt moral et suffit à caractériser l'intérêt quelconque exigé par le texte.

13. La cour d'appel conclut que Mme I... a sciemment bénéficié du produit du délit commis par son frère, dont elle n'a pu ignorer l'existence compte tenu de leur lien familial, étant relevé qu'elle a signé, sous la qualité de directrice générale des services, les lettres d'information dénommées « Servir le public », datées de juillet et août 2014, révélant ainsi une décision prise, en accord avec son frère, antérieurement aux opérations mêmes de recrutement.

14. En l'état de ces seules énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision.

15. En vertu d'une jurisprudence constante, l'abus de fonction ainsi caractérisé suffit à lui seul pour consommer le délit de prise illégale d'intérêts et l'intention coupable est constituée par le seul fait que l'auteur a accompli sciemment l'acte constituant l'élément matériel du délit. Il n'est pas nécessaire qu'il ait agi dans une intention frauduleuse.

16. Le fait qu'un prévenu, maire d'une commune, se soit soumis aux règles de recrutement instaurées par la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et le décret n° 86-68 du 10 janvier 1986, est sans incidence sur la caractérisation de l'infraction dès lors qu'il est, en toute connaissance de cause, intervenu à tous les stades de la procédure ayant abouti au recrutement d'un membre de sa famille, quelles que soient les compétences professionnelles de celui-ci.

17. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

18. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de Convention des droits de l'homme, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 131-26, 132-1, 132-19 et 132-24 du code pénal, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale.

19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis assortie d'une privation du droit d'éligibilité durant un an à l'encontre du prévenu condamné du chef de prise illégale d'intérêts, et quatre mois d'emprisonnement avec sursis à la co-prévenue poursuivie du chef de recel de ce délit, alors :

« 1°/ que le prononcé d'une peine d'emprisonnement avec sursis doit répondre à l'exigence de motivation des peines en tenant compte de la gravité des faits, mais aussi de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle ; que faute de s'être expliqué davantage sur ces dernières exigences, l'arrêt confirmatif attaqué manque de base légale ;

2°/ que la peine complémentaire de privation du droit d'éligibilité n'a pas davantage été motivée conformément aux règles de l'individualisation des peines ; qu'en se déterminant abstraitement comme elle l'a fait, au regard de la nature de la prévention, sans autre examen de la personnalité ni de la situation du prévenu, la cour a derechef privé sa décision de toute base légale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 132-1 du code pénal et les articles 485, 512 et 593 du code de procédure pénale :

20. En matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle.

21. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision.

L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

22. Pour condamner M. T... à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et à un an d'inéligibilité et Mme I... à quatre mois d'emprisonnement avec sursis, l'arrêt attaqué énonce que chacune de ces peines apparaît proportionnée à la nature et à la gravité des faits, ainsi qu'à la personnalité de leur auteur, jamais condamné.

23. En l'état de ces seules énonciations, sans mieux s'expliquer sur la gravité des faits, les éléments de personnalité des deux prévenus et leurs situations personnelles respectives, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

24. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

25. La cassation sera limitée au prononcé des peines, dès lors que les déclarations de culpabilité n'encourent pas la censure.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 11 avril 2019, mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Planchon - Avocat général : Mme Zientara-Logeay - Avocat(s) : Me Bouthors -

Textes visés :

Article 432-12 du code pénal.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.