Numéro 2 - Février 2023

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Partie I - Arrêts et ordonnances

APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE

Crim., 14 février 2023, n° 21-85.689, (B), FRH

Cassation partielle

Appel du prévenu – Interdiction d'aggraver son sort – Condamnation à une peine d'emprisonnement avec sursis à la place de jours-amende

Viole les dispositions des articles 131-3 du code pénal et 515 du code de procédure pénale la cour d'appel qui, saisie du seul appel du prévenu, infirme le jugement prononçant une peine de jours-amende et condamne le prévenu à une peine d'emprisonnement avec sursis.

M. [Y] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, chambre correctionnelle, en date du 19 août 2021, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 3 mars 2020, pourvoi n° 19-84.709), notamment pour exécution d'un travail dissimulé et pratique commerciale trompeuse, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis, trois ans d'interdiction de gérer et a ordonné une mesure de confiscation.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [Y] [I] a été poursuivi pour exécution d'un travail dissimulé, obtention d'un paiement ou d'une contrepartie avant la fin d'un délai de sept jours à compter de la conclusion du contrat hors établissement, pratique commerciale trompeuse et abus de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne démarchée.

3. Les juges du premier degré l'ont déclaré coupable de ces quatre chefs de prévention et l'ont condamné à deux cents jours-amende d'un montant unitaire de 50 euros, à une interdiction de gérer pour une durée de trois ans, et à la confiscation des biens ou instruments ayant servi à commettre l'infraction.

4. M. [I], seul, a relevé appel de ce jugement.

5. Par arrêt du 21 février 2019, la cour d'appel l'a relaxé du chef de travail dissimulé, l'a déclaré coupable pour le surplus de la prévention, l'a condamné à deux cents jours-amende d'un montant unitaire de 19 euros et a confirmé les peines complémentaires d'interdiction de gérer et de confiscation.

6. Sur pourvoi de M. [I], cette décision a été cassée, avec renvoi devant la même cour d'appel.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens, et sur le cinquième moyen, pris en sa première branche

7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [I] coupable d'exécution d'un travail dissimulé, alors « que si le pourvoi a pour effet de déférer à la Cour de cassation la décision attaquée dans son intégralité, cet effet est limité par la qualité du demandeur, par sa volonté ou par son intérêt à agir ; qu'après cassation, l'affaire est dévolue à la cour d'appel de renvoi dans les limites fixées par l'acte de pourvoi ; qu'il résulte en l'espèce de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. [I], cité devant le tribunal correctionnel notamment du chef de travail dissimulé, en a été relaxé par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion dans son arrêt du 21 février 2019, à l'encontre duquel il a formé un pourvoi ; qu'il résulte toutefois de la déclaration de pourvoi que son pourvoi était limité « aux seules condamnations pénales » ; que par un arrêt du 3 mars 2020, la chambre criminelle a cassé et annulé l'arrêt du 21 février 2019 en toutes ses dispositions ; que statuant sur renvoi après cassation, la cour d'appel de Saint-Denis a néanmoins cru pouvoir confirmer le jugement du tribunal correctionnel ayant déclaré M. [I] coupable du chef de travail dissimulé ; qu'en statuant ainsi quand elle n'était plus saisie de l'action publique de ce chef, la relaxe du chef de travail dissimulé ayant acquis l'autorité de la chose jugée en l'absence de pourvoi du ministère public, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé et les articles 567, 593 et 609 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 567 et 609 du code de procédure pénale :

9. Il se déduit de ces textes que, d'une part, si le pourvoi a pour effet de déférer à la Cour de cassation la décision attaquée dans son intégralité, cet effet est limité par la qualité du demandeur, par sa volonté ou par son intérêt à agir, d'autre part, après cassation, l'affaire est dévolue à la cour d'appel de renvoi dans les limites fixées par l'acte de pourvoi.

10. L'arrêt attaqué déclare M. [I] coupable de travail dissimulé.

11. En statuant ainsi, alors que la cour d'appel de renvoi n'était plus saisie de l'action publique de ce chef, la relaxe prononcée ayant acquis l'autorité de chose jugée, les juges ont méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

12. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Et sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

13. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [I] à une peine de trois mois d'emprisonnement assortie de sursis, alors « qu'il résulte des dispositions de l'article 515, alinéa 2, du code de procédure pénale que la cour d'appel ne peut, sur le seul appel du prévenu, aggraver le sort de l'appelant ; que de même, la juridiction de renvoi, saisie après cassation sur le seul pourvoi du prévenu, ne saurait aggraver son sort ; que par jugement du tribunal correctionnel de Saint-Pierre du 26 avril 2018, M. [I] a été condamné à deux cents jours-amende d'un montant unitaire de 50 euros des chefs d'exécution d'un travail dissimulé, d'obtention d'un paiement ou d'une contrepartie avant la fin d'un délai de sept jours, d'abus de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne démarchée et de pratique commerciale trompeuse ; que statuant sur renvoi après cassation sur le seul pourvoi du prévenu, la cour d'appel, saisie du seul appel du prévenu, dès lors que le ministère public n'avait pas interjeté appel du jugement entrepris, après avoir annulé la prévention d'abus de faiblesse d'une personne démarchée, et confirmé le jugement sur le surplus de la culpabilité, a infirmé le jugement quant à la peine principale, en condamnant M. [I] à une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis ; qu'en substituant ainsi à une peine de jours-amende une peine d'emprisonnement, indépendamment de ses modalités d'exécution, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et du principe sus-énoncé, ensemble les articles 131-3 du code pénal rappelant la hiérarchie des peines correctionnelles, et les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 515, alinéa 2, du code de procédure pénale et 131-3 du code pénal :

14. Il résulte du premier de ces textes que la cour d'appel ne peut, sur le seul appel du prévenu, aggraver le sort de l'appelant.

15. Selon le second, l'emprisonnement précède le jour-amende dans la hiérarchie des peines correctionnelles.

16. Les premiers juges ont condamné M. [I], à titre de peine principale, à deux cents jours-amende d'un montant unitaire de 50 euros.

17. La cour d'appel, saisie du seul appel du prévenu, a infirmé le jugement sur cette peine principale en prononçant un emprisonnement d'une durée de trois mois avec sursis.

18. En statuant ainsi, alors que le ministère public n'avait pas interjeté appel de la décision entreprise, les juges du second degré ont méconnu le sens et la portée des textes susvisés.

19. La cassation est par conséquent également encourue de ce chef.

Et sur le cinquième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

20. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la confiscation des biens ou instruments ayant servi à commettre l'infraction, alors :

« 2°/ que les juges qui prononcent une peine de confiscation doivent énumérer les objets dont ils ordonnent la confiscation ; qu'en se bornant à confirmer « la confiscation des biens ou instruments ayant servi à commettre l'infraction » sans indiquer la nature et l'origine des biens dont elle a ordonné la confiscation, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de contrôler la légalité de sa décision et n'a pas justifié sa décision au regard des articles 131-21 du code pénal, 485, 485-1, et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1 du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 131-21, 132-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :

21. Il résulte de ces textes qu'hormis le cas où la confiscation, qu'elle soit en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue le produit ou l'objet de l'infraction, le juge, en ordonnant une telle mesure, doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressé lorsqu'une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen lorsqu'il s'agit d'une confiscation de tout ou partie du patrimoine.

22. Il incombe, en conséquence, au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable au regard des dispositions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure, et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu.

23. L'arrêt attaqué confirme, sans aucun motif, la confiscation des scellés ordonnée par le jugement, lui même dépourvu de motivation sur ce point.

24. Il en résulte que la Cour de cassation n'est pas en mesure d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision.

25. La cassation est, dès lors, également encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

26. La cassation sera limitée à la déclaration de culpabilité de M. [I] pour le délit de travail dissimulé et aux peines, incluant la confiscation, dès lors que la déclaration de culpabilité des autres chefs de prévention n'encourt pas la censure.

Les autres dispositions seront donc maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, en date du 19 août 2021, mais en ses seules dispositions relatives à la culpabilité pour le délit de travail dissimulé et aux peines, incluant la confiscation, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : M. Sottet - Avocat général : M. Aubert - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article 131-3 du code pénal ; article 515 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Crim., 16 mars 2021, pourvoi n° 20-82.174, Bull. crim., (cassation partielle), et les arrêts cités.

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