Numéro 2 - Février 2022

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

INSTRUCTION

Crim., 2 février 2022, n° 21-86.715, (B), FRH

Rejet

Ordonnances – Ordonnance de réglement – Ordonnance de mise en accusation – Notification – Destinataire – Partie à la procédure – Cas – Absence de notification au mis en cause en fuite – Effet

Aucune disposition n'impose la notification de l'ordonnance de mise en accusation à une personne qui n'est pas partie à la procédure d'information, faute d'avoir été mise en examen par le juge d'instruction à l'issue d'un interrogatoire de première comparution.

Est ainsi justifié l'arrêt qui, constatant que la personne mise en cause n'a pas été mise en examen du fait de sa fuite, puis de son incarcération à l'étranger, refuse de lui notifier cette ordonnance, les conséquences d'un recours ultérieur ne rendant pas illégal le refus critiqué.

Le procureur général près la cour d'appel de Lyon a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 8 octobre 2021, qui a rejeté une demande de supplément d'information et, après non-lieux partiels, a renvoyé M. [R] [E], M. [Y] [S] et M. [U] [V] devant la cour d'assises du Rhône, le premier, sous les accusations de destructions et dégradations par un moyen dangereux, aggravées, et tentative d'escroquerie en bande organisée, les deux derniers, sous les accusations de complicité de destructions et dégradations par un moyen dangereux, aggravées, et tentative d'escroquerie en bande organisée.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 9 février 2019, une boulangerie et un immeuble contigu sis [Adresse 1], ont été incendiés. Deux occupants sont décédés, et un troisième a subi des blessures occasionnant une incapacité totale de travail de trente jours.

3. L'information judiciaire a mis en lumière des éléments permettant de supposer que M. [R] [E] était l'auteur de l'incendie, et que MM. [Y] [S] et [U] [V], respectivement président et directeur général de la société exploitant la boulangerie incendiée, étaient également impliqués dans ces faits, commis pour obtenir une indemnité de l'assurance couvrant le risque d'incendie.

4. MM. [S] et [V] ont été mis en examen le 18 juillet 2019, et placés en détention provisoire le même jour.

5. M. [E] est parti en Tunisie le 10 février 2019, lendemain des faits. Un mandat de recherche a été délivré à son encontre le 14 février 2019, et un mandat d'arrêt le lendemain, puis à nouveau le 5 février 2021.

6. Par ordonnance du 9 juin 2021, le collège de juges d'instruction a prononcé des non-lieux partiels, et ordonné le renvoi de MM. [E], [S] et [V] devant la cour d'assises du Rhône, le premier sous les accusations susvisées.

7. MM. [S] et [V], et le procureur de la République, ont formé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen est pris de la violation des articles 131, 502 et 593 du code de procédure pénale.

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de supplément d'information aux fins de faire notifier l'ordonnance de non-lieu partiel, de mise en accusation et de renvoi devant la cour d'assises du Rhône à M. [E], aux motifs que, étant en fuite hors du territoire français, celui-ci n'a jamais déclaré d'adresse dans le cadre de l'information judiciaire, n'a jamais été entendu, n'a donc pas qualité de partie à qui l'ordonnance de règlement doit être notifiée, mais uniquement de personne mise en examen à raison du mandat d'arrêt délivré à son encontre, alors que l'intéressé n'est plus en fuite, mais a une adresse connue des juges d'instruction, qui en outre sont informés de son lieu de détention en Tunisie, et que l'absence de notification le prive d'un droit de recours effectif contre cette décision, alors que la jurisprudence reconnaît le droit d'appel des personnes visées par un mandat d'arrêt et localisées à l'étranger, ce droit de recours étant susceptible de s'exercer ultérieurement et dans des conditions contraires à une bonne administration de la justice, par voie d'opposition à un arrêt qui aura pu être rendu par défaut, sur la base d'une ordonnance de saisine non définitive.

Réponse de la Cour

10. Pour rejeter la demande de supplément d'information, l'arrêt attaqué rappelle que M. [E] a quitté le territoire français vers la Tunisie dans les heures qui ont suivi l'incendie, qu'il n'a pas déclaré d'adresse puisqu'il n'a pas été mis en examen à l'issue d'un interrogatoire de première comparution, qu'il n'a pas davantage fait connaître aux juges d'instruction en charge de la présente procédure qu'il disposait d'une adresse officielle en Tunisie.

11. La chambre de l'instruction ajoute que l'incarcération de l'intéressé en Tunisie ne saurait davantage être assimilée à une officialisation de son adresse par déclaration car celle-ci peut prendre fin à tout moment et ne saurait valoir ou être assimilée à une adresse déclarée au sens de l'article 116 du code de procédure pénale.

12. Elle retient que l'article 183 du même code ne prévoit pas de modalités de notification de l'ordonnance de mise en accusation rendue contre une personne en fuite, objet d'un mandat d'arrêt, qui n'a jamais été entendue par le juge d'instruction, laquelle ne peut se faire grief du défaut de communication ou de notification d'une ordonnance.

13. Elle en conclut que, la délivrance d'un mandat d'arrêt par le juge d'instruction au cours de l'information et avant tout interrogatoire ne conférant pas à celui qui en est l'objet la qualité de partie à qui l'ordonnance de règlement doit être notifiée, il n'y a pas lieu d'ordonner un supplément d'information aux fins de notification de l'ordonnance de mise en accusation à M. [E].

14. En prononçant ainsi, et dès lors qu'aucune disposition n'impose la notification de l'ordonnance de mise en accusation à une personne qui n'est pas partie à la procédure d'information, faute d'avoir été mise en examen par le juge d'instruction à l'issue d'un interrogatoire de première comparution, la chambre de l'instruction n'a pas encouru le grief allégué.

15. Ainsi le moyen, inopérant en ce qu'il soutient que le défaut de notification de l'ordonnance permettrait à l'intéressé d'exercer une voie de recours dans des conditions préjudiciables à l'intérêt d'une bonne administration de la justice, les conséquences d'un recours ultérieur ne rendant pas illégal le refus critiqué, ne peut être accueilli.

16. Par ailleurs, la procédure est régulière et les faits, objet principal de l'accusation, sont qualifiés crimes par la loi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Mallard - Avocat général : Mme Zientara-Logeay -

Textes visés :

Article 183 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Sur la délivrance d'un mandat d'arrêt dans le cas d'un mis en cause résidant hors du territoire de la république et sur la fuite : Crim., 16 décembre 2020, pourvoi n° 20-85.289, Bull., (cassation).

Crim., 8 février 2022, n° 21-82.237, FRH

Rejet

Partie civile – Constitution – Contestation – Contestation postérieure à l'envoi de l'avis de fin d'information – Examen – Compétence – Juridiction de jugement – Exception – Cas – Ordonnance de non-lieu

L'interdiction, faite aux juridictions d'instruction par le quatrième alinéa de l'article 87 du code de procédure pénale, d'examiner la contestation portant sur une constitution de partie civile lorsque cette contestation a été formée après l'envoi de l'avis de fin d'information n'a pas vocation à s'appliquer dans le cas où la chambre de l'instruction est saisie de l'appel d'une ordonnance de non-lieu.

Dans un tel cas, la contestation ne présente pas le caractère dilatoire, auquel ce texte précité a eu pour seul objet de faire obstacle, qu'elle revêt lorsqu'elle est soulevée tardivement en fin d'information aux seules fins de permettre de relever appel d'une éventuelle ordonnance de renvoi.

Ne méconnaît pas ce texte la chambre de l'instruction qui, saisie d'un moyen pris de l'irrecevabilité des appels des parties civiles contre une ordonnance de non-lieu à raison de l'irrecevabilité de leurs constitutions de partie civile, prononce sur la recevabilité de ces dernières.

M. [I] [O] et l'association [1], parties civiles, ont formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Orléans, en date du 25 mars 2021, qui, dans l'information suivie, sur leur plainte, contre M. [M] [W], des chefs de complicité de contrefaçon par édition ou reproduction d'une oeuvre de l'esprit au mépris des droits de l'auteur, complicité d'apposition de nom usurpé sur une oeuvre artistique, escroqueries et recels, a déclaré irrecevables leurs constitutions de partie civile et leurs appels de l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. A la suite d'une exposition des oeuvres picturales d'[1] organisée par M. [M] [W], l'association [1] et son président, M. [I] [O], ont porté plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction des chefs précités.

3. M. [W] a été mis en examen de ces chefs.

4. A l'issue de l'information, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu.

5. M. [O] et l'association [1] ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le second moyen

6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevables les constitutions de partie civile de M. [O] et de l'association [1] et a, en conséquence, déclaré irrecevable leur appel de l'ordonnance de non-lieu du 9 juin 2020, alors « qu'il résulte du quatrième alinéa de l'article 87 du code de procédure pénale, ajouté par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016, que la recevabilité d'une constitution de partie civile ne peut plus être contestée devant le juge d'instruction ou, en appel, devant la chambre de l'instruction postérieurement à l'envoi de l'avis de fin d'information ; que cette règle, entrée en vigueur le 5 juin 2016, est d'application immédiate, conformément à l'article 112-2, 1°, du code pénal ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que seuls MM. [C], [Y] et [Z], parties civiles, avaient contesté devant le juge d'instruction la recevabilité des constitutions de partie civile de M. [O] et de l'association [1] ; qu'en revanche, devant la chambre de l'instruction, la recevabilité des constitutions de partie civile de M. [O] et de l'association [1] n'était contestée que par M. [W] et ce, pour la première fois en cause d'appel ; qu'en accueillant la contestation de M. [W] élevée après l'avis de fin d'information délivré le 27 décembre 2018, pour en déduire l'irrecevabilité de l'appel formé par M. [O] et l'association [1] contre l'ordonnance de non-lieu du 9 juin 2020, la chambre de l'instruction a violé l'article 87, alinéa 4, du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

8. Pour déclarer irrecevables les appels de M. [O] et de l'association [1] contre l'ordonnance de non-lieu, l'arrêt énonce que la chambre de l'instruction, saisie d'un moyen pris de l'irrecevabilité de ces appels fondée sur l'irrecevabilité des constitutions de partie civile de leurs auteurs, doit se prononcer sur la recevabilité de ces dernières et, par les motifs critiqués par le second moyen, conclut à l'absence de toute qualité de nature à établir l'existence d'un préjudice directement causé par l'infraction.

9. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas méconnu le texte visé au moyen.

10. En effet, l'interdiction faite aux juridictions d'instruction par le quatrième alinéa de l'article 87 du code de procédure pénale d'examiner la contestation portant sur une constitution de partie civile, lorsque cette contestation a été formée après l'envoi de l'avis de fin d'information, n'a pas vocation à s'appliquer dans le cas où la chambre de l'instruction est saisie de l'appel d'une ordonnance de non-lieu.

11. Dans un tel cas, la contestation ne présente pas le caractère dilatoire, auquel le texte précité a eu pour seul objet de faire obstacle, qu'elle revêt lorsqu'elle est soulevée tardivement en fin d'information aux seules fins de permettre de relever appel d'une éventuelle ordonnance de renvoi.

12. Dès lors, le moyen doit être écarté.

13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme globale que M. [I] [O] et l'association [1] devront payer à M. [M] [W] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Samuel - Avocat général : M. Lesclous - Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Spinosi -

Textes visés :

Article 87 du code de procédure pénale.

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