Numéro 2 - Février 2022

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION

Crim., 23 février 2022, n° 21-82.588, (B), FRH

Cassation sans renvoi

Perquisition et saisie – Annulation de la saisie – Arrêt prononçant l'annulation exécutoire et définitif – Conséquences – Restitution d'office

Il se déduit de l'article 174 du code de procédure pénale que le juge qui constate l'annulation d'une saisie et, partant, l'inexistence de tout titre permettant de conserver le bien concerné sous main de justice, est tenu au préalable de restituer celui-ci avant de procéder, le cas échéant, à une nouvelle saisie.

Encourt la cassation l'arrêt de la chambre de l'instruction qui confirme l'ordonnance du juge d'instruction prescrivant la saisie pénale de biens meubles corporels dont la saisie initiale a été annulée par un arrêt précédent et refusant la restitution desdits biens.

M. [P] [O] et Mme [C] [U], épouse [O], ont formé des pourvois contre l'arrêt n° 556 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 25 mars 2021, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs, notamment, d'association de malfaiteurs, importation sans déclaration de marchandises prohibées en bande organisée, détention sans justification d'origine de marchandises prohibées, vol et recel aggravés, a confirmé l'ordonnance de saisie et de refus de restitution de biens saisis rendue par le juge d'instruction.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. En 2013 et 2015, de nombreux fossiles en provenance du Brésil ont été découverts, d'une part, dissimulés dans des fûts entreposés dans le port du [Localité 3], d'autre part, conservés dans les locaux de la société [1], tous destinés à la société [2], qui a pour objet social la production de spectacles de théâtre, de concerts, de conteurs et l'activité de conférenciers, dont le dirigeant est M. [P] [O], également associé, les deux autres associés étant Mme [C] [O] et M. [H] [M] [G].

3. Le 8 octobre 2015, une information a été ouverte des chefs d'association de malfaiteurs, détention de trésor national et de bien culturel sans document justificatif régulier, importation en bande organisée sans déclaration en douane applicable à une marchandise prohibée et recel, faits commis de courant 2012 au 16 février 2015. Elle a été étendue le 15 octobre suivant à des faits de détention sans justification d'origine de marchandises prohibées, recel et vols aggravés.

4. M. [G] et M. et Mme [O], mis en examen de ces chefs, ont demandé l'annulation de leurs mises en examen pour absence de texte fondant les poursuites, ainsi que du rapport d'expertise, des opérations d'ouverture des scellés, de la traduction du rapport d'enquête de police brésilienne, et de tous les actes subséquents.

5. La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon a fait droit partiellement aux requêtes susvisées par un arrêt du 6 octobre 2017 qui a été cassé par la Cour de cassation (Crim., 12 septembre 2018, pourvoi n° 17-87.510) aux motifs pris de l'absence de texte de répression applicable à la date des faits et de l'omission par la juridiction de se prononcer sur les conséquences de l'annulation.

6. A la suite de l'arrêt du 28 mai 2019 de la chambre de l'instruction de renvoi, qui a prononcé l'annulation partielle et la cancellation de certains procès-verbaux d'audition, l'annulation et le retrait de la procédure des procès-verbaux relatifs aux perquisitions irrégulières et des mises en examen des demandeurs, ceux-ci ont adressé des courriers au juge d'instruction sollicitant l'autorisation de venir récupérer les biens dont la saisie avait été annulée.

7. Le 25 juillet suivant, ce magistrat a rendu une ordonnance constatant l'invalidation des saisies par l'effet de l'arrêt du 28 mai 2019, ordonnant la saisie des documents placés sous scellés constituant l'instrument de l'infraction, celle des spécimens de fossiles constituant l'objet ou le produit de l'infraction et leur conservation dans leur état de scellés antérieurs sous les mêmes numéros et appellations, restituant un scellé et rejetant le surplus de la demande de M. et Mme [O] qui ont interjeté appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen

8. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur les premier et deuxième moyens

Enoncé des moyens

9. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance ayant constaté l'invalidation des saisies résultant des procès-verbaux de perquisition annulés, hormis s'agissant du scellé n° ELD 116 entre-temps restitué au Brésil, et procédé à la saisie des scellés n° ESC 15, 16, 53, 69, 70, 71, n° ELD 14, 28, 104, n° GEODOC 01 à 04, n° ESC 06 à 14, 17 à 52, 54 à 68, 72 à 100, n° ELD 15 à 27, 29 à 103, 105, 105 à 115, n° GEO 001 à 027, alors :

« 1°/ que les dispositions des articles 174, alinéa 3, et 99 du code de procédure pénale, en ce qu'elles ne prévoient pas que les biens placés sous scellés en application d'une saisie dont l'annulation est prononcée sont restitués d'office à la personne entre les mains desquelles ils ont été saisis, portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et plus exactement au droit de propriété ainsi qu'au droit à un recours effectif devant une juridiction, garantis par les articles 2, 16 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'à la suite de l'inconstitutionnalité qui sera constatée à la suite de l'examen de la question prioritaire déposée en ce sens par mémoire distinct, l'arrêt qui a refusé la restitution de biens dont la saisie a été annulée mais dont le placement sous scellé n'a jamais été levé se trouvera privé de base légale ; que la cassation sera dès lors encourue ;

2°/ qu'en confirmant une ordonnance refusant de faire droit à une demande de restitution lorsque le magistrat instructeur, non contredit par la chambre de l'instruction, constatait que des scellés dont la restitution était sollicitée « ont été constitués à la suite de perquisitions réalisées le 26, 27, 28 janvier, 9 mars 2016 (D171, 174, 176, 183), qui ont fait l'objet d'une annulation par arrêt de la cour d'appel de Riom en date du 28 mai 2019 et que les saisies afférentes ne paraissent donc plus valides », de sorte que la restitution sollicitée s'imposait en exécution de cette décision d'annulation, exécutoire en vertu de l'article 570 du code de procédure pénale pris en son troisième alinéa, la chambre de l'instruction a violé la loi, et n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations ;

3°/ qu'en se prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a également méconnu le droit au respect des biens et le droit au recours effectif garantis par les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, et 1er de son premier Protocole additionnel, dès lors qu'elle s'est opposée à ce que les propriétaires des biens soient replacés dans l'état où ils se trouvaient avant les perquisitions jugées irrégulières et frappées d'annulation. »

10. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance ayant constaté l'invalidation des saisies résultant des procès-verbaux de perquisition annulés, hormis s'agissant du scellé n° ELD 116 entre-temps restitué au Brésil, et procédé à la saisie des scellés n° ESC 15, 16, 53, 69, 70, 71, n° ELD 14, 28, 104, n° GEODOC 01 à 04, n° ESC 06 à 14, 17 à 52, 54 à 68, 72 à 100, n° ELD 15 à 27, 29 à 103, 105, 105 à 115, n° GEO 001 à 027, alors :

« 1°/ qu'il résulte des articles 706-141 et suivants du code de procédure pénale que des biens meubles, sauf dans le cas où ils sont saisis pour garantir une confiscation générale de patrimoine, ne sont pas susceptibles d'être saisis par voie d'ordonnance ; qu'en prononçant la saisie de biens meubles (documents et fossiles) considérés comme étant l'instrument ou l'objet des infractions poursuivies, le juge d'instruction a commis un excès de pouvoir, de sorte que l'arrêt qui s'est abstenu d'annuler cette ordonnance encourt la censure ;

2°/ qu'en vertu de l'article 99 alinéa 2 du code de procédure pénale, le juge d'instruction « statue, par ordonnance motivée, soit sur réquisitions du procureur de la République, soit, après avis de ce dernier, d'office ou sur requête de la personne mise en examen, de la partie civile ou de toute autre personne qui prétend avoir droit sur l'objet » ; qu'en validant une ordonnance de saisie rendue sans aucune consultation du parquet, la chambre de l'instruction a encore exposé sa décision à la cassation ;

3°/ qu'en application de l'article 99 du code de procédure pénale, le juge d'instruction saisi d'une requête restitution doit statuer sur cette demande – en y faisant droit ou en la refusant – sans pouvoir, aux termes de cette décision, ordonner une saisie et créer ainsi un fondement juridique lui permettant de refuser la restitution ; qu'a commis un excès de pouvoir le juge d'instruction qui, saisi d'une requête en restitution du 24 juin 2019, a rendu une ordonnance « de saisie et de refus de restitution » ; qu'en conséquence, l'arrêt confirmatif de cette ordonnance encourt lui-même la censure ;

4°/ qu'il résulte des articles 94 et 97 du code de procédure pénale qu'une saisie ne peut porter sur des objets préalablement saisis mais non restitués entre-temps, et se trouvant toujours au service des scellés ; que c'est à tort que la chambre de l'instruction a jugé que « ces saisies à nouveau, directement effectuées dans les locaux du tribunal judiciaire de Lyon où les documents et objets se trouvaient de fait, étaient possibles dès lors qu'elles intervenaient dans le cadre juridique rappelé supra ». »

Réponse de la Cour

11. Les moyens sont réunis

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

12. Le grief est devenu sans objet dès lors que, par arrêt du 17 novembre 2021, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu à transmettre la question prioritaire de constitutionnalité posée par les demandeurs relative aux dispositions des articles 99 et 174, alinéa 3, du code de procédure pénale.

Mais sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, et le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche

Vu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 174 et 570 du code de procédure pénale :

13. Aux termes du troisième de ces textes, lorsque la chambre de l'instruction, saisie en application de l'article 171 du code de procédure pénale, annule des actes de la procédure, son arrêt devient exécutoire en l'absence de tout pourvoi formé à l'issue du délai prévu à cet effet.

14. En application du premier de ces textes, le juge est tenu de tirer les conséquences d'une décision judiciaire exécutoire et définitive.

15. Il se déduit de l'article 174 du code de procédure pénale que le juge qui constate l'annulation d'une saisie et, partant, l'inexistence de tout titre permettant de conserver le bien concerné sous main de justice, est tenu au préalable de restituer celui-ci avant de procéder, le cas échéant, à une nouvelle saisie.

16. Pour confirmer l'ordonnance de saisie et de refus de restitution rendue par le juge d'instruction, l'arrêt attaqué relève que le 25 juillet 2019, le juge d'instruction a procédé à la saisie à nouveau de divers documents et pièces dont la saisie initiale avait été annulée, que cette nouvelle saisie se rapporte, d'une part, à des fossiles pouvant provenir de plusieurs pays, dont la Chine, la Mongolie, le Brésil, le Pakistan et Madagascar, et qu'en l'état, l'information n'a pas permis d'établir précisément les conditions dans lesquelles ces biens avaient pu quitter leur pays d'origine ou avaient pu être acquis par les personnes mises en examen et qu'ils résulte de divers éléments du dossier que ces pièces sont susceptibles d'avoir été dérobées à l'étranger et recelées en France dans le cadre des infractions dont le juge d'instruction a été régulièrement saisi, et d'en constituer l'objet.

17. Les juges ajoutent que la nouvelle saisie se rapporte à des documents relatifs à un commerce de fossiles dont la sincérité, ou l'insincérité pourra être vérifiée, dont l'analyse est de nature, le cas échéant, à établir la régularité des activités et des sociétés impliquées et de leurs opérateurs, dont la société [2] et M. et Mme [O], et de la détention des fossiles par ces derniers, et que leur saisie, qui se rapporte à un instrument des infractions dont le juge d'instruction est régulièrement saisi apparaît donc directement utile à la manifestation de la vérité.

18. Ils énoncent que ces saisies à nouveau, directement effectuées dans les locaux du tribunal judiciaire de Lyon où les documents et objets se trouvaient de fait, étaient possibles dès lors qu'elles intervenaient dans le cadre juridique rappelé supra et concernaient des documents et des biens susceptibles de constituer l'objet ou l'instrument de l'une des infractions poursuivies ou dont la conservation sous main de justice était directement utile à la manifestation de la vérité, qu'elles n'étaient pas subordonnées à une restitution préalable que la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Riom n'a au demeurant pas expressément ordonnée.

19. En prononçant ainsi, alors que l'arrêt du 28 mai 2019, en l'absence de tout pourvoi, étant devenu exécutoire le 27 juin 2019, à l'issue du délai de cinq jours franc prévu par l'article 568 du code de procédure pénale qui a commencé à courir le 20 juin 2019, date à laquelle M. et Mme [O] ont adressé le premier courrier au juge d'instruction l'informant qu'ils souhaitaient récupérer les biens dont la saisie avait été annulée, elle devait, après avoir rappelé le prononcé de l'annulation de certaines saisies, ordonner d'office la restitution des biens concernés aux demandeurs, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

20. D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Vu l'article 706-141 du code de procédure pénale :

21. Il résulte de ce texte que les dispositions des articles 706-141 à 706-158 du code de procédure pénale s'appliquent aux saisies réalisées en application de ce code lorsqu'elles portent sur tout ou partie des biens d'une personne, sur un bien immobilier, sur un bien ou un droit mobilier incorporel ou une créance ainsi qu'aux saisies qui n'entraînent pas de dépossession du bien.

22. Pour confirmer l'ordonnance de saisie et de refus de restitution rendue par le juge d'instruction, l'arrêt prononce par les motifs repris aux paragraphes 16 à 18 du présent arrêt.

23. En prononçant ainsi, alors que les biens objet de la saisie étaient des biens meubles corporels saisis à titre d'instrument, d'objet ou de produit de l'infraction, de sorte que leur saisie ne pouvait intervenir qu'en application de l'article 97 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

24. La cassation est par conséquent à nouveau encourue de ce chef.

Et sur le moyen relevé d'office et mis dans le débat

Vu l'article 174, alinéa 3, du code de procédure pénale :

25. Aux termes de cet article les actes annulés sont retirés du dossier d'information et il est interdit d'y puiser aucun renseignement contre les parties au débat ; cette interdiction doit s'étendre à tout procédé ou artifice qui serait de nature à reconstituer, au mépris de ce texte, la substance des actes annulés.

26. Pour confirmer l'ordonnance de saisie et de refus de restitution rendue par le juge d'instruction, l'arrêt prononce par les motifs repris aux paragraphes 16 à 18 du présent arrêt.

27. En statuant ainsi, alors que l'ordonnance attaquée, en ne modifiant pas les numéros de scellés enregistrés lors de la saisie qui a fait l'objet d'une annulation, revient à maintenir la saisie initiale, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

28. D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

29. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 25 mars 2021 ;

ANNULE l'ordonnance du juge d'instruction du 25 juillet 2019 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE la restitution des biens dont la saisie a été annulée par l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Riom du 28 mai 2019 à l'exception du ptérosaure qui faisait l'objet du scellé n° ELD 116 et qui à ce jour n'est plus placé sous scellé et ne peut donc faire l'objet d'une restitution ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme de la Lance (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Planchon - Avocat général : M. Salomon - Avocat(s) : SCP Spinosi -

Textes visés :

Article 174 du code de procédure pénale.

Crim., 23 février 2022, n° 21-86.897, (B), FS

Rejet

Procédure – Mémoire – Dépôt – Modalités – Transmission par voie électronique – Mémoire transmis après la fermeture du greffe – Irrecevabilité – Cas – Accusé de réception électronique ne valant pas visa du mémoire par le greffier

Il ne résulte d'aucune disposition du code de procédure pénale que l'accusé de réception électronique prévu à l'article D. 591 dudit code remplace le visa du mémoire par le greffier exigé à l'article 198 du même code.

Le mémoire adressé par voie de communication électronique, parvenu au greffe de la chambre de l'instruction après la fermeture de ce service et visé par le greffier le lendemain, jour de l'audience, est irrecevable comme tardif.

M. [I] [F] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 6e section, en date du 9 novembre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions aux législations sur les stupéfiants et sur les substances psychotropes, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 20 octobre 2021, M. [I] [F] a été mis en examen des chefs susvisés et placé en détention provisoire par une ordonnance du juge des libertés et de la détention dont il a relevé appel.

3. Le 8 novembre 2021, veille de l'audience de la chambre de l'instruction, l'avocat de M. [F] a adressé un mémoire au greffe par voie de communication électronique, parvenu, selon l'accusé de réception électronique, à 17 heures 31, après la fermeture du service.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable le mémoire adressé par voie électronique par le conseil de M. [F], dit l'appel mal fondé et confirmé l'ordonnance entreprise, alors :

« 1°/ qu'il résulte des dispositions de l'article 198 du code de procédure pénale que sont recevables devant la chambre de l'instruction les mémoires, produits par les parties, qui ont été déposés au greffe de cette juridiction et visés par le greffier au plus tard la veille de l'audience ; que l'article 6.3 de la convention concernant la communication électronique en matière pénale conclue le 5 février 2021 en application des articles D. 591 et D. 592 du code de procédure pénale permet à l'avocat d'adresser un mémoire par voie électronique au greffe de la chambre de l'instruction ; que cet envoi donne lieu à un accusé de réception électronique technique automatiquement adressé à l'avocat, cet accusé de réception électronique technique valant visa du mémoire par le greffe ; qu'au présent cas, le conseil de M. [F] a transmis par voie électronique au greffe de la chambre de l'instruction le 8 novembre 2021, soit la veille de l'audience, à 16 heures 46, un mémoire dont le greffe a automatiquement accusé réception le même jour, à 17 heures 31 ; que cet accusé de réception électronique valait visa du mémoire par le greffe, la veille de l'audience ; qu'en retenant toutefois, pour déclarer ce mémoire irrecevable, qu'il n'aurait été visé par le greffe que le 9 novembre 2021, jour de l'audience, la chambre de l'instruction a violé les articles 198, D. 591 et D. 592 du code de procédure pénale ;

2°/ qu'il résulte des dispositions de l'article 198 du code de procédure pénale que sont recevables devant la chambre de l'instruction les mémoires, produits par les parties, qui ont été déposés au greffe de cette juridiction et visés par le greffier au plus tard la veille de l'audience, peu important que le visa ait été apposé après l'heure de fermeture du greffe ; que l'article 6.3 de la convention concernant la communication électronique en matière pénale conclue le 5 février 2021 en application des articles D. 591 et D. 592 du code de procédure pénale permet à l'avocat d'adresser un mémoire par voie électronique au greffe de la chambre de l'instruction ; que cet envoi donne lieu à un accusé de réception électronique technique automatiquement adressé à l'avocat, cet accusé de réception électronique technique valant visa du mémoire par le greffe ; qu'au présent cas, le conseil de M. [F] a transmis par voie électronique au greffe de la chambre de l'instruction le 8 novembre 2021, soit la veille de l'audience, à 16 heures 46, un mémoire dont le greffe a automatiquement accusé réception le même jour, à 17 heures 31 ; qu'en déclarant ce mémoire irrecevable, au prétexte qu'il était parvenu au greffe la veille de l'audience « après sa fermeture », quand l'accusé de réception électronique adressé à l'avocat le 8 novembre 2021, fût-ce après la fermeture du greffe, valait visa du mémoire par le greffe la veille de l'audience, de sorte que ce mémoire était recevable, la chambre de l'instruction a violé les articles 198, D. 591 et D. 592 du code de procédure pénale.»

Réponse de la Cour

5. Pour déclarer irrecevable le mémoire déposé par l'avocat de M. [F], la chambre de l'instruction retient qu'il est parvenu au greffe la veille de l'audience après la fermeture.

6. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen pour les motifs qui suivent.

7. En premier lieu, il ne résulte d'aucune disposition du code de procédure pénale que l'accusé de réception électronique prévu à l'article D. 591 dudit code remplace le visa du mémoire par le greffier exigé à l'article 198 du même code.

8. En second lieu, le mémoire produit au nom de M. [F], parvenu au greffe de la chambre de l'instruction, après la fermeture de ce service, et visé par le greffier le lendemain, jour de l'audience, était irrecevable comme tardif.

9. Ainsi, le moyen doit être écarté.

10. Par ailleurs, l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Dary - Avocat général : M. Aldebert - Avocat(s) : SCP Marlange et de La Burgade -

Crim., 23 février 2022, n° 21-86.762, (B), FS

Annulation

Procédure – Mémoire – Dépôt – Modalités – Transmission par voie électronique – Signature de l'avocat – Nécéssité (non) – Condition

La communication des mémoires au greffe de la chambre de l'instruction, prévue à l'article 198 du code de procédure pénale, peut être effectuée par un moyen de télécommunication sécurisé, en application des articles D. 591 et D. 592 du même code, selon des modalités précisées dans la convention nationale du 5 février 2021 qui garantissent la sécurité des échanges et l'authenticité des actes et pièces échangés entre avocats et juridictions.

Encourt ainsi l'annulation l'arrêt de la chambre de l'instruction qui déclare irrecevable un mémoire transmis au greffe par l'avocat de la personne déférée au moyen de sa messagerie sécurisée, au motif qu'il n'est pas signé, dès lors que cette modalité de transmission ne laisse aucun doute sur l'identité de l'auteur des documents transmis, ni sur l'authenticité de ces derniers.

M. [L] [S] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, en date du 18 août 2021, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises de Meurthe-et-Moselle sous l'accusation de tentative de meurtre et agression sexuelle, aggravées.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 10 mai 2021, le juge d'instruction a ordonné le renvoi de M. [L] [S] devant la cour d'assises de Meurthe-et-Moselle sous l'accusation de tentative de meurtre et agression sexuelle, aggravées.

3. Le 12 mai 2021, M. [S] a formé appel de cette décision.

4. La veille de l'audience devant la chambre de l'instruction, l'avocat de M. [S] a fait parvenir au greffe de ladite chambre un mémoire par messagerie e-barreau.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable le mémoire déposé par Mme [P] [U], avocat, pour M. [S], alors :

« 1°/ que l'arrêt est entaché d'une contradiction au regard des pièces du dossier lorsqu'il énonce en page 3 que Mme [U] a fait parvenir un mémoire par télécopie (PLEX) quand Mme [U] a transmis son mémoire au greffe par sa messagerie e-barreau ; qu'ainsi, l'arrêt n'est pas légalement justifié au regard des exigences de l'article 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que la transmission des mémoires devant la chambre de l'instruction peut intervenir régulièrement grâce à l'emploi de la messagerie e-barreau dont l'authentification est assurée par son hébergement sur le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) ; qu'en n'examinant pas ce même mémoire, transmis par le procédé électronique sécurisé e-barreau le 21 juin 2021 par Mme [U], qui attestait de son authenticité, et peu important qu'il ne soit pas signé manuscritement, la chambre de l'instruction a violé les articles 198 et D. 592 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 198, D. 591 et D. 592 du code de procédure pénale :

6. Il résulte de ces textes que les mémoires produits devant la chambre de l'instruction peuvent être transmis par un moyen de télécommunication sécurisé à l'adresse électronique de ladite chambre.

7. La Cour de cassation juge jusqu'à présent qu'un mémoire transmis au moyen de la messagerie sécurisée de l'avocat d'une personne mise en examen n'est pas recevable s'il n'est pas revêtu de la signature de cet avocat, au motif que cette exigence, déduite de l'article 198 précité, est destinée à garantir l'authenticité de l'acte, ce dont le demandeur ne peut se faire un grief (Crim., 21 septembre 2016, pourvoi n° 16-82.635, Bull. crim. 2016, n° 247).

8. Cependant, la communication électronique, y compris pour le dépôt de mémoires devant la chambre de l'instruction, est désormais possible devant toutes les juridictions, par l'effet des articles D. 591 et D. 592 du code de procédure pénale, modifiés en vue de permettre la signature d'une convention nationale, intervenue le 5 février 2021, selon des modalités qui garantissent la sécurité des échanges et l'authenticité des actes et pièces échangés entre avocats et juridictions.

9. En effet, le dépôt d'un mémoire par voie électronique par un avocat suppose pour ce dernier, d'une part, l'obtention d'un code unique et personnel d'accès au réseau privé virtuel des avocats, d'autre part, la création d'une adresse selon un format standardisé, ce qui garantit l'authenticité des courriels émanant de cette boîte dédiée à la communication électronique avec les juridictions, et des pièces qui peuvent y être jointes.

10. Ainsi, l'identité de l'auteur des documents transmis selon ces modalités est établie par l'identification à laquelle l'avocat a dû nécessairement procéder afin de se connecter à son adresse sécurisée, et effectuer l'envoi.

11. Par conséquent, il n'est plus possible de considérer qu'un doute existe sur l'authenticité d'un mémoire non signé manuscritement, dès lors qu'il est transmis à la chambre de l'instruction selon les modalités précitées.

12. Pour déclarer irrecevable le mémoire transmis par l'avocat de M. [S] par voie électronique, l'arrêt attaqué énonce que, si un avocat qui n'exerce pas dans la ville où siège la chambre de l'instruction peut adresser son mémoire par télécopie ou via la plate-forme PLEX, celui-ci doit notamment, pour être valable, être pourvu de la signature de la partie ou de son conseil, cette signature pouvant être apposée sur la lettre d'accompagnement du mémoire ne laissant ainsi aucun doute sur l'identité de l'auteur du mémoire.

13. Les juges relèvent que le greffe de la chambre de l'instruction a été destinataire d'un mémoire formé pour le compte de M. [S] mais ne comportant aucune signature en sa dernière page et seulement le nom de l'avocat, et ajoutent que ce mémoire n'est accompagné d'aucun courrier portant une signature.

14. Ils en concluent qu'en l'absence d'authentification de l'auteur du mémoire adressé à la chambre de l'instruction par PLEX, ce dernier doit être déclaré irrecevable.

15. En se déterminant ainsi, alors que le mémoire avait été envoyé par l'avocat du demandeur à partir de sa messagerie sécurisée, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés.

16. L'annulation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, en date du 18 août 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Besançon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Mallard - Avocat général : M. Bougy - Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés -

Textes visés :

Articles 198, D. 591 et D. 592 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

En sens contraire : Crim., 21 septembre 2016, pourvoi n° 16-82.635, Bull. crim. 2016, n° 247 (cassation), et les arrêts cités.

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