Numéro 2 - Février 2021

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

DETENTION PROVISOIRE

Crim., 9 février 2021, n° 20-86.558, (P)

Rejet

Chambre de l'instruction – Appel d'une ordonnance relative à la détention provisoire – Désistement d'appel – Délai pour constater le désistement – Rétractation du désistement – Délai pour statuer sur l'appel – Point de départ

Lorsque la personne mise en examen se désiste, de façon non équivoque, de son appel d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention statuant en matière de détention provisoire, durant le délai prévu à l'article 194, alinéa 4 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction n'est pas tenue de constater ce désistement dans ce délai.

Néanmoins, le désistement d'appel, tant que sa régularité n'a pas été constatée et qu'il n'en a pas été donné acte, peut être rétracté et ne dessaisit pas la chambre de l'instruction.

Il s'ensuit qu'en cas de rétractation du désistement d'appel dont il n'a pas été donné acte, la chambre de l'instruction reste tenue de statuer dans le délai prévu à l'article 194, alinéa 4 du code de procédure pénale qui court à compter de cette rétractation.

REJET du pourvoi formé par M. O... H... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 19 novembre 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'assassinat en bande organisée en récidive, infractions à la législation sur les armes en récidive, destruction aggravée en bande organisée en récidive, recel en bande organisée en récidive, association de malfaiteurs, a constaté son désistement de l'appel formé contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté.

Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 19 décembre 2019, M. H... a été mis en examen des chefs précités et placé en détention provisoire.

3. Par ordonnance du 22 juillet 2020, le juge des libertés et de la détention a rejeté sa demande de mise en liberté.

4. Le 24 juillet 2020, par déclaration au greffe de la maison d'arrêt, M. H... a formé appel de cette ordonnance.

5. Par un écrit daté du même jour, revêtu du cachet de la maison d'arrêt, également du même jour, M. H... a déclaré se désister de son appel.

6. Le greffe de la maison d'arrêt n'a transmis ni la déclaration d'appel ni le désistement au greffe de la chambre de l'instruction.

7. Par un courrier en date du 21 octobre 2020, un avocat de M. H... a appelé l'attention du procureur général sur l'absence de décision de la chambre de l'instruction, dans le délai prévu à l'article 194 du code de procédure pénale, sur l'appel formé par son client et a sollicité la mise en liberté immédiate de celui-ci.

8. Le 22 octobre 2020, le procureur général a indiqué à cet avocat que son client s'était désisté de son appel.

9. Par réquisitions en date du 3 novembre 2020, le procureur général a saisi le président de la chambre de l'instruction aux fins de voir constater le désistement d'appel de M. H....

Examen du moyen

Enoncé du moyen

10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a constaté que M. H... s'est désisté le 24 juillet 2020 de l'appel qu'il avait formé le même jour d'une ordonnance de rejet de demande de mise en liberté rendue le 22 juillet 2020, dit qu'il n'y a en conséquence pas lieu de statuer sur cet appel, que M. H... n'est pas détenu arbitrairement et qu'il n'y a par conséquent pas lieu d'ordonner sa remise en liberté, alors :

« 1°/ que la chambre de l'instruction doit, en matière de détention provisoire, se prononcer dans les plus brefs délais et, au plus tard, dans les quinze jours de l'appel prévu par l'article 186 du code de procédure pénale, ce délai étant prolongé de cinq jours en cas de comparution personnelle de la personne concernée et majoré d'un mois par l'article 18 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 ; qu'à défaut, celle-ci est remise d'office en liberté, sauf si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnées ou si des circonstances imprévisibles et insurmontables mettent obstacle au jugement de l'affaire dans le délai légal ; qu'en refusant, en l'absence de circonstance imprévisible et insurmontable extérieure au service de la justice, de constater que, faute pour la chambre de l'instruction d'avoir statué dans le délai légal sur l'appel enregistré par le greffe pénitentiaire le 24 juillet 2020, M. H... était arbitrairement détenu, l'arrêt attaqué a violé l'article 194 alinéa 4 du code de procédure pénale ;

2°/ que tant que sa régularité n'a pas été constatée et qu'il n'en a pas été donné acte, le désistement d'appel peut être rétracté et ne dessaisit pas la chambre de l'instruction tenue, sur l'appel d'une ordonnance de rejet d'une demande de mise en liberté, de statuer dans le délai légal, à moins que son président n'ait entre temps, c'est-à-dire dans ledit délai, sur le fondement de l'article 186 dernier alinéa du code de procédure pénale, constaté ce désistement, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ; qu'en refusant dès lors de constater que faute pour la chambre de l'instruction d'avoir statué dans le délai légal, M. H... était arbitrairement détenu au motif inopérant qu'il s'était désisté le jour même de sa déclaration d'appel, la chambre de l'instruction a derechef violé l'article 194 du code de procédure pénale ;

3°/ qu'en s'abstenant, une fois connue l'existence de cet appel, de procéder comme il est dit à l'article 194 du code de procédure pénale pour en saisir la chambre de l'instruction et en saisissant directement, en l'absence de texte l'y autorisant, le président de la chambre de l'instruction sur le fondement de l'article 186 du code de procédure pénale aux seules fins de faire constater le désistement, le procureur général a violé l'article 194 alinéa 1 du code de procédure pénale par refus d'application et l'article 186 dernier du code de procédure pénale par fausse application, de sorte que la chambre de l'instruction qui s'est consécutivement prononcée, n'avait pas été régulièrement saisie. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

11. Les dispositions de l'article 194, alinéa 4, du code de procédure pénale ont pour objet de permettre à la personne mise en examen détenue de faire examiner par la chambre de l'instruction, dans les plus brefs délais, et au plus tard dans les délais prescrits par cet article, le bien-fondé de sa détention.

12. Or, cette exigence de célérité devient sans objet lorsque la personne détenue renonce de façon non équivoque à exercer un tel recours, en se désistant de son appel.

13. Il s'ensuit que lorsque la personne mise en examen se désiste de son appel durant le délai prévu à l'article 194, alinéa 4, la chambre de l'instruction n'est pas tenue de constater ce désistement dans ce délai.

14. Néanmoins, le désistement d'appel, tant que sa régularité n'a pas été constatée et qu'il n'en a pas été donné acte, peut être rétracté et ne dessaisit pas la chambre de l'instruction.

15. Dès lors, en cas de rétractation du désistement d'appel dont il n'a pas été donné acte, la chambre de l'instruction reste tenue de statuer dans le délai prévu à l'article 194, alinéa 4 du code de procédure pénale qui court à compter de cette rétractation.

16. En l'espèce, pour constater le désistement de M. H... et ne pas faire droit à sa demande de mise en liberté immédiate, faute pour la chambre de l'instruction d'avoir constaté le désistement de celui-ci dans le délai prévu à l'article 194 précité, l'arrêt énonce que l'exercice par la personne mise en examen de la voie de l'appel contre l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention a été suivi le jour même de sa rétractation de ce recours par la manifestation univoque de la volonté de son auteur de s'en désister.

17. Les juges ajoutent qu'il n'existe aucun élément objectif permettant de conclure que M. H... a rétracté ce désistement.

18. En l'état de ces seules énonciations, d'où il se déduit que le délai prévu à l'article 194, alinéa 4 n'avait pas commencé à courir en raison du désistement de M. H..., dépourvu de tout équivoque, la chambre de l'instruction a justifié sa décision, sans méconnaître les dispositions invoquées au moyen.

19. Il s'ensuit que les griefs ne peuvent être accueillis.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

20. Pour écarter l'argumentation du demandeur prise de l'irrégularité de la saisine par le procureur général du président de la chambre de l'instruction, l'arrêt énonce que l'exercice par ce dernier des attributions particulières prévues par l'article 186, alinéa 6, du code de procédure pénale relève d'une simple faculté et n'a aucunement pour conséquence de priver la chambre dans sa formation collégiale de la possibilité de connaître des situations envisagées par lesdites dispositions.

21. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

22. En effet, l'article 186 du code de procédure pénale ne prévoit pas que le président de la chambre de l'instruction saisisse cette chambre par ordonnance.

23. Dès lors, le moyen n'est pas fondé.

24. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Labrousse - Avocat général : M. Lemoine - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 194, alinéa 4 du code de procédure pénale.

Crim., 3 février 2021, n° 20-86.338, (P)

Rejet

Ordonnance de mise en accusation – Appel des co-accusés – Application des dispositions de l'article 186-2 du Code de procédure pénale à l'accusé non appelant (non)

L'application des dispositions de l'article 186-2 du code de procédure pénale ne peut être revendiquée par l'accusé détenu non appelant en cas d'appel de ses coaccusés de l'ordonnance de mise en accusation.

REJET du pourvoi formé par M. U... B... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 3e section, en date du 3 novembre 2020, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de viols et agressions sexuelles aggravés, corruption de mineur, détention et enregistrement de représentation pornographique de mineurs et recel, a rejeté sa demande de mise en liberté.

Un mémoire a été produit.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. U... B... a été mis en examen et placé en détention provisoire le 8 février 2018. Il a été mis en accusation devant la cour d'assises des chefs précités par ordonnance du juge d'instruction en date du 7 mai 2020.

3. En application de l'article 148-1 du code de procédure pénale, il a fait déposer par son avocat une demande de mise en liberté devant la chambre de l'instruction le 19 octobre 2020.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens

4. Il ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté formée le 19 octobre 2020 par M. B... en écartant le moyen tiré de la violation de l'article 186-2 du code de procédure pénale, alors « que les dispositions de l'article 186-2 du code de procédure pénale prévoient qu'en cas d'appel contre une ordonnance de mise en accusation, la chambre de l'instruction statue dans les quatre mois suivant la date de la déclaration d'appel, faute de quoi, si la personne est détenue, elle est mise d'office en liberté ; que n'a pas légalement justifié sa décision et a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 148, 148-1, 181, 186, 186-2, 591 et 593 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction qui a refusé de faire application des dispositions de l'article 186-2 aux motifs, radicalement inopérants, que « U... B... n'ayant pas formé appel de sa mise en accusation, compte tenu de l'effet dévolutif de l'appel, l'ordonnance, qui est devenue définitive à son égard, a conservé la force exécutoire du mandat de dépôt décerné contre lui » et qu'« il ne peut en conséquence se prévaloir des dispositions de l'article 186-2 » quand il devait être statué sur l'appel de l'ordonnance de mise en accusation avant le 15 octobre 2020, dont les deux co-mis en examen avaient interjeté appel, l'arrêt rendu le 12 novembre 2020 étant de ce point de vue tardif, peu importe l'absence d'appel de l'exposant, le texte de l'article 186-2 ne distinguant pas. »

Réponse de la Cour

6. Pour retenir que M. B... ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article 186-2 du code de procédure pénale, l'arrêt attaqué énonce que l'article 181 du même code dispose que si l'accusé est placé en détention provisoire, le mandat de dépôt décerné contre lui conserve sa force exécutoire et l'intéressé demeure détenu, sous réserve des dispositions lui permettant de former des demandes de mise en liberté, jusqu'à son jugement devant la cour d'assises, et qu'en l'absence de sa comparution devant celle-ci dans le délai d'un an, il est immédiatement remis en liberté.

7. Il ajoute qu'il résulte des articles 186 et 186-2 du code de procédure pénale que le mis en examen peut faire appel de l'ordonnance de mise en accusation et que, dans ce cas, la chambre de l'instruction doit statuer dans un délai de quatre mois suivant la date de déclaration d'appel, faute de quoi, si la personne est détenue, elle est mise d'office en liberté.

8. Les juges indiquent qu'il se déduit de l'application combinée de ces trois articles que le mandat de dépôt antérieur à l'ordonnance de mise en accusation ne perd sa force exécutoire qu'en cas d'appel de l'ordonnance de mise en accusation, qui fixe un délai maximal de quatre mois dans l'attente de l'arrêt statuant sur celui-ci et que les dispositions de l'article 186-2 du code de procédure pénale supposent nécessairement que le mandat de dépôt ait été privé de sa force exécutoire pour retenir une durée maximale de quatre mois de la détention.

9. Ils en déduisent que, M. B... n'ayant pas formé appel de sa mise en accusation, l'ordonnance qui, compte tenu de l'effet dévolutif de l'appel est devenue définitive à son égard, a conservé la force exécutoire du mandat de dépôt décerné contre lui et qu'il ne peut en conséquence se prévaloir des dispositions de l'article 186-2 précité.

10. En l'état de ces énonciations, et dès lors que l'application des dispositions de l'article 186-2 du code de procédure pénale ne peut être revendiquée par l'accusé détenu non appelant en cas d'appel de ses co-accusés de l'ordonnance de mise en accusation, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen.

11. Dès lors, le moyen n'est pas fondé.

12. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. d'Huy - Avocat général : M. Valleix - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Article 186-2 du code de procédure pénale.

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