Numéro 2 - Février 2021

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Partie I - Arrêts et ordonnances

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION

Crim., 9 février 2021, n° 20-86.339, (P)

Rejet

Mesure de sûreté – Existence d'indices graves ou concordants – Contrôle d'office – Portée

La chambre de l'instruction, à chacun des stades de la procédure, doit s'assurer, même d'office, que les conditions légales de la détention provisoire sont réunies, et notamment de l'existence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de la personne mise en examen aux faits reprochés.

Ce contrôle fait obligation aux juges de vérifier, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure au moment où ils statuent, que les pièces du dossier établissent, d'une part, l'existence d'agissements susceptibles de caractériser les infractions pour lesquelles la personne est mise en examen selon les qualifications notifiées à ce stade, d'autre part, la vraisemblance de leur imputabilité à celle-ci.

Les juges, lorsqu'ils concluent souverainement à la vraisemblance de la participation de la personne à la commission d'une ou plusieurs infractions, ne sont tenus, en cas de contestation, que d'exposer les éléments du dossier par lesquels ils se déterminent.

Justifie sa décision la chambre de l'instruction qui, en présence d'une contestation sur la pertinence d'un indice et sur la circonstance aggravante de bande organisée attachée à l'une des infractions poursuivies, relève les éléments du dossier sur lesquels elle se fonde pour conclure à l'existence d'indices graves ou concordants, dès lors qu'elle n'était pas tenue de suivre la personne mise en examen dans le détail de son argumentation sur la valeur d'un indice particulier et n'avait pas, à ce stade, à caractériser au-delà de la vraisemblance la circonstance aggravante contestée.

REJET du pourvoi formé par M. J... O... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 5e section, en date du 26 octobre 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de complicité de vol en bande organisée et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.

Un mémoire a été produit.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 8 octobre 2020, M. O... a été mis en examen des chefs précités et placé en détention provisoire.

3. Il a interjeté appel de cette décision.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, sixième et septième branches

4. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le moyen, pris en ses autres branches

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance ayant ordonné le placement en détention provisoire de M. O..., avec placement sous mandat de dépôt, alors ;

« 2°/ que la chambre de l'instruction, à chacun des stades de la procédure, doit s'assurer que les conditions légales de la détention provisoire sont réunies, et notamment de l'existence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de la personne mise en examen aux faits reprochés ; que tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que M. O... faisait valoir, dans ses écritures d'appel, que la matérialité des faits reposait sur un indice contesté, à savoir une mauvaise traduction orale d'un message vocal en penjabi indien, ce qui l'avait conduit à déposer une demande d'acte re-traduction le 23 octobre 2020 ; qu'en omettant de répondre à ce moyen essentiel des écritures de M. O... pour apprécier sa participation aux faits reprochés, à les supposer déterminés, la cour d'appel a violé ensemble l'article 593 du code de procédure pénale et l'article 5. 1, c de la Convention européenne des droits de l'homme ;

3°/ que la circonstance aggravante réelle de bande organisée suppose l'existence d'une organisation structurée et durable entre plusieurs membres, agissant de concert dans le but de commettre les infractions ; que M. O... faisait valoir, dans ses écritures d'appel, que la qualification de vol « en bande organisée » ne pouvait être retenue à son encontre dès lors que le dossier de procédure ne faisait apparaître aucun vol en bande organisée ni aucune organisation au stade de l'infraction de vol ; qu'il exposait également que l'infraction d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime manquait de support puisqu'aucun vol en bande organisée n'était caractérisé ; qu'à supposer que la Cour se soit fondée sur les qualifications de complicité de vol en bande organisée et de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime, en statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'une organisation structurée et durable entre plusieurs membres, agissant de concert dans le but de commettre les infractions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 132-71 du code pénal et 137-3 du code de procédure pénale ;

4°/ que la détention provisoire ne peut être ordonnée que s'il est démontré au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu'elle constitue l'unique moyen de mettre fin à l'infraction ou prévenir son renouvellement ; qu'en se bornant à retenir que l'infraction prétendue aurait peut-être permis à M. O... de se constituer un patrimoine et qu'il « pourrait être tenté » de poursuivre ses prétendues activités illicites, la cour d'appel a statué par des motifs purement hypothétiques, quand il lui appartenait de se fonder sur des éléments concrets propres aux faits de l'espèce et qui auraient établi un risque de renouvellement de l'infraction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 137-3 et 144 du code de procédure pénale ;

5°/ que la détention provisoire ne peut être ordonnée que s'il est démontré au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu'elle constitue l'unique moyen de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction, les circonstances de sa commission ou l'importance du préjudice qu'elle a causé ; que M. O... faisait valoir, dans ses écritures d'appel, que son activité n'est pas une activité de trafic de cartes Vigik aux fins de commettre un cambriolage et que l'un des co-mis en examen, qui exerce la même activité que lui, M. G... O..., a été libéré et placé sous contrôle judiciaire ; qu'en se bornant à retenir que le prétendu trafic de clés Vigik favoriserait la multiplication des faits de cambriolages, lesquels troubleraient de façon importante l'ordre public, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'un trouble exceptionnel et persistant actuellement causé par l'infraction, a privé sa décision de base légale au regard des articles 137-3 et 144 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

6. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation (Crim., 14 octobre 2020, n° 20-82.961, en cours de publication ; Crim., 27 janvier 2021, n° 20-85.990, en cours de publication) que la chambre de l'instruction, à chacun des stades de la procédure, doit s'assurer, même d'office, que les conditions légales de la détention provisoire sont réunies, et notamment de l'existence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de la personne mise en examen aux faits reprochés.

7. Ce contrôle fait obligation aux juges de vérifier, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure au moment où ils statuent, que les pièces du dossier établissent, d'une part, l'existence d'agissements susceptibles de caractériser les infractions pour lesquelles la personne est mise en examen, selon la qualification notifiée à ce stade, et, d'autre part, la vraisemblance de leur imputabilité à celle-ci.

8. Les juges, lorsqu'ils concluent souverainement à la vraisemblance de la participation de la personne à la commission d'une ou plusieurs infractions, ne sont tenus, en cas de contestation, que d'exposer les éléments du dossier par lesquels ils se déterminent.

9. Pour confirmer l'ordonnance de placement en détention provisoire, la chambre de l'instruction énonce qu'il existe à l'encontre de M. O... des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'il ait pu commettre les infractions de complicité de vol en bande organisée par fourniture de moyens et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime.

10. Les juges relèvent qu'il est mis en cause par les investigations téléphoniques le faisant apparaître, sous le surnom de « Tinko », comme fournisseur de badges « Vigik » copiés, ainsi que par les surveillances et filatures couplées avec la téléphonie qui ont mis en évidence que le lieu de revente des badges se trouvait être le box dont il était locataire.

11. Ils retiennent encore les éléments découverts en perquisition, ses rencontres régulières avec une autre personne mise en examen dont le rôle consistait à copier les badges litigieux, les déclarations de ses co-mis en examen et enfin l'inadéquation de sa situation au regard de ses avoirs mobiliers et immobiliers.

12. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction, qui n'avait pas à suivre la personne mise en examen dans le détail de son argumentation relative à la pertinence d'un indice particulier, ni n'avait, à ce stade, à caractériser au-delà de sa vraisemblance la circonstance aggravante de bande organisée, n'a méconnu ni les textes visés au moyen, ni les principes ci-dessus énoncés.

13. Ainsi, les griefs doivent être écartés.

Sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches

14. Pour confirmer l'ordonnance de placement en détention provisoire, l'arrêt énonce encore que cette mesure constitue en l'état l'unique moyen de mettre fin à l'infraction ou de prévenir son renouvellement, en ce qu'il ressort des éléments de téléphonie, de la perquisition réalisée au domicile de l'intéressé et des investigations patrimoniales que la revente de badges « Vigik » copiés a manifestement rapporté à celui-ci durant de longs mois un complément substantiel de revenus, voire lui aurait permis de se constituer un patrimoine en inadéquation avec la situation professionnelle qu'il décrit et qu'il pourrait être tenté, s'il était laissé en liberté, de poursuivre ses activités illicites, particulièrement lucratives.

15. Les juges ajoutent que la détention provisoire est également l'unique moyen de faire cesser le trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction, les circonstances de sa commission et l'importance du préjudice qu'elle a causé, en ce que le trafic de clés « Vigik » mis au jour favorise la multiplication des cambriolages qui, par leur nombre et l'importance du préjudice matériel cumulé, outre les préjudices moraux et le sentiment d'insécurité que ces cambriolages engendrent, troublent de façon importante l'ordre public.

16. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction, qui s'est déterminée par des considérations de droit et de fait répondant aux exigences des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale, en fonction d'éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, a justifié sa décision sans encourir les griefs visés au moyen.

17. Ainsi, ceux-ci doivent aussi être écartés.

18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Thomas - Avocat général : M. Lemoine - Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin -

Rapprochement(s) :

S'agissant du contrôle de la chambre de l'instruction sur l'existence d'indices graves ou concordants à l'encontre du mis en examen, qui conteste sa participation aux faits, suite à un appel sur l'ordonnance de placement en détention provisoire : Crim., 14 octobre 2020, n° 20-82.961. S'agissant du contrôle d'office de la chambre de l'instruction, statuant sur les mesures de sûreté, concernant l'existence d'indices graves ou concordants à l'encontre du mis en examen : Crim., 27 janvier 2021, n° 20-85.990.

Crim., 24 février 2021, n° 20-86.537, (P)

Rejet

Mesure de sûreté – Notification du droit de se taire – Défaut – Portée – Irrégularité de la décision rendue (non)

Le droit de faire des déclarations, de répondre aux question posées ou de se taire doit être porté à la connaissance de la personne qui comparait devant le chambre de l'instruction saisie du contentieux d'une mesure de sûreté.

Toutefois le défaut de notification de ce droit est sans incidence sur la régularité de la décision rendue en matière de mesure de sûreté ; il a pour seule conséquence qu'une juridiction prononçant le renvoi devant une juridiction de jugement ou une déclaration de culpabilité ne pourra tenir compte, à l'encontre de la personne poursuivie, des déclarations sur les faits ainsi recueillies.

REJET du pourvoi formé par M. J... L... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 13 novembre 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de vol avec arme, arrestation, enlèvement, détention ou séquestration, en bande organisée et association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté.

Un mémoire a été produit.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. A la suite de la plainte déposée par Mme C... I..., M. L... a été mis en examen des chefs susvisés le 22 juillet 2018 et placé en détention provisoire le même jour.

3. L'intéressé a présenté une demande de mise en liberté qui a été rejetée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention datée du 13 octobre 2020.

4. M. L... a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le second moyen

5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de remise en liberté de Monsieur L..., alors :

« 1°/ que la déclaration d'inconstitutionnalité des dispositions de l'article 199 du code de procédure pénale qui sera prononcée au terme de la question prioritaire de constitutionnalité incidente privera la décision attaquée de toute base légale en tant que la chambre de l'instruction n'a pas informé Monsieur L... de son droit, au cours des débats, de se taire ;

2°/ que la personne qui comparaît devant la chambre de l'instruction, en matière de détention provisoire, doit être informée de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ; que la méconnaissance de l'obligation d'informer l'intéressée du droit de se taire lui fait nécessairement grief ; qu'en se prononçant sur la demande de mise en liberté de Monsieur L..., sans que son droit de se taire ne lui ait été notifié, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 199 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen pris en sa première branche

7. Par un arrêt du 16 février 2021, la Cour de cassation a décidé de ne pas renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. L... au Conseil constitutionnel, déjà saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, transmise par la Cour de cassation par décision du 9 février 2021 (n° 20-86.533) et mettant en cause, pour les mêmes motifs, la constitutionnalité de cet article.

8. L'article 23-5, alinéa 4, de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, dispose que, lorsque le Conseil constitutionnel a été saisi, le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation sursoit à statuer jusqu'à ce qu'il se soit prononcé. Il en va autrement quand l'intéressé est privé de liberté à raison de l'instance et que la loi prévoit que la Cour de cassation statue dans un délai déterminé. Tel est le cas en l'espèce.

9. Il est rappelé que, dans sa décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, le Conseil constitutionnel a jugé que si l'alinéa 4 de l'article précité peut conduire à ce qu'une décision définitive soit rendue dans une instance à l'occasion de laquelle le Conseil constitutionnel a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité et sans attendre qu'il ait statué, dans une telle hypothèse, ni cette disposition, ni l'autorité de la chose jugée ne sauraient priver le justiciable de la faculté d'introduire une nouvelle instance pour qu'il puisse être tenu compte de la décision du Conseil constitutionnel.

10. Il ne peut qu'en être de même dans le cas où la Cour de cassation a fait usage de l'article R. 49-33 du code de procédure pénale.

Sur le moyen pris en sa seconde branche

11. Il se déduit des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale qu'une juridiction prononçant un renvoi devant la juridiction de jugement ou une déclaration de culpabilité ne peut tenir compte, à l'encontre de la personne poursuivie, de déclarations sur les faits effectuées par celle-ci devant cette juridiction ou devant une juridiction différente sans que l'intéressé ait été informé, par la juridiction qui les a recueillies, de son droit de se taire, lorsqu'une telle information était nécessaire.

12. La Cour de cassation a jusqu'à présent considéré que cette information n'avait pas à être donnée lors d'une audience au cours de laquelle est examinée la détention provisoire de la personne mise en examen, car son audition a pour objet non pas d'apprécier la nature des indices pesant sur elle, mais d'examiner la nécessité d'un placement ou d'un maintien en détention (Crim. 7 août 2019, pourvoi n° 19-83.508).

13. Cependant, la Cour de cassation juge désormais qu'il se déduit de l'article 5 1. c de la Convention européenne des droits de l'homme que la chambre de l'instruction, à chacun des stades de la procédure, doit s'assurer, même d'office, que les conditions légales des mesures de sûreté sont réunies, en constatant expressément l'existence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation comme auteur ou complice de la personne mise en examen à la commission des infractions dont le juge d'instruction est saisi (Crim. 27 janvier 2021, pourvoi n° 20-85.990, en cours de publication).

14. Il s'ensuit que l'existence de ces indices est dans les débats devant la chambre de l'instruction saisie du contentieux des mesures de sûreté.

15. Dès lors, la personne concernée peut être amenée à faire des déclarations qui, si elles figurent au dossier de la procédure, sont susceptibles d'être prises en considération par les juridictions prononçant un renvoi devant la juridiction de jugement ou une déclaration de culpabilité.

16. Il résulte de ce qui précède que le droit de faire des déclarations, de répondre aux questions posées ou de se taire doit être porté à la connaissance de la personne qui comparaît devant la chambre de l'instruction saisie du contentieux d'une mesure de sûreté.

17. Toutefois, l'évolution de la jurisprudence rappelée aux paragraphes 12 à 14 n'implique pas que la chambre de l'instruction soit amenée à statuer sur le bien-fondé de la mise en examen, qui relève d'un contentieux distinct de celui des mesures de sûreté.

18. Dans ces conditions, le défaut d'information du droit de se taire est sans incidence sur la régularité de la décision rendue en matière de mesure de sûreté.

19. En revanche, à défaut d'une telle information, les déclarations de l'intéressé ne pourront, en application du principe posé au paragraphe 11, être utilisées à son encontre par les juridictions appelées à prononcer un renvoi devant la juridiction de jugement ou une déclaration de culpabilité.

20. En l'espèce, il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que la chambre de l'instruction a entendu la personne mise en examen, qui avait demandé à comparaître devant elle, sans l'informer de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions posées ou de se taire.

21. Cependant, il ne peut en être tiré aucune conséquence sur la régularité de la décision qui a confirmé le rejet de la demande de mise en liberté.

22. Le moyen, inopérant en sa seconde branche, doit, dès lors, être écarté.

23. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Leblanc - Avocat général : M. Aubert - Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet -

Rapprochement(s) :

En sens contraire, à rapprocher : Crim., 7 août 2019, pourvoi n° 19-83.508, Bull. crim. 2019.

Crim., 17 février 2021, n° 20-83.504, (P)

Annulation

Saisie pénale – Appel contre une ordonnance de saisie – Pouvoirs du président de la chambre de l'instruction – Ordonnance de non-admission (non)

Il se déduit de l'article 186 du code de procédure pénale que le président de la chambre de l'instruction ne détient pas le pouvoir de rendre une ordonnance de non-admission d'un appel formé contre une ordonnance de saisie pénale.

Mme M... F... V... a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, en date du 12 mai 2020, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée notamment des chefs d'escroquerie en bande organisée et de blanchiment en bande organisée, a déclaré non admis son appel d'une ordonnance de saisie pénale du juge d'instruction.

Un mémoire a été produit.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Par ordonnance en date du 19 décembre 2019, intervenue dans le cadre d'une information judiciaire ouverte contre personne non dénommée notamment des chefs d'escroquerie en bande organisée et de blanchiment en bande organisée, le juge d'instruction a ordonné la saisie pénale de la créance figurant sur un contrat d'assurance-vie dont est titulaire Mme F... V..., épouse de l'un des mis en cause.

3. Cette ordonnance a été notifiée à Mme F... V... par lettre recommandée envoyée le 20 décembre 2019.

4. Mme F... V... a formé appel de cette décision par déclaration du 13 janvier 2020.

Examen des moyens

Sur le moyen relevé d'office et mis dans le débat et sur le moyen proposé pour Mme F... V...

Enoncé du moyen proposé pour Mme F... V...

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré non admis l'appel formé par Mme F... V..., alors :

« 1°/ que le délai d'appel contre une ordonnance non contradictoire de saisie pénale court à compter de la réception de la notification ou de la signification au destinataire, non partie dans la procédure d'information judiciaire ; qu'en effet, seule la réception de la notification ou de la signification informe ce tiers à la procédure de l'existence d'une saisie le concernant ; qu'en faisant courir le délai d'appel de l'envoi de la notification, la cour d'appel a violé les articles 186, 706-148 et 593 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ que, à tout le moins, le délai d'appel contre une ordonnance non contradictoire de saisie pénale ne peut expirer avant même que le destinataire non partie dans la procédure d'information judiciaire en ait eu connaissance ; que la chambre de I'instruction a déclaré expiré le 30 décembre 2019 le délai d'appel contre la décision du 19 décembre 2019, notifiée par un courrier recommandé envoyé le 20 décembre 2019 présenté au destinataire seulement le 8 janvier 2020 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé le justiciable de tout recours effectif et d'accès au juge, et a violé les articles 186, 706-148, 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ;

3°/ que, à tout le moins, le délai d'appel contre une ordonnance non contradictoire de saisie pénale ne peut expirer avant même que le destinataire de cette décision, non partie dans la procédure d'information judiciaire, en ait eu connaissance ; qu'en déclarant l'appel non admis en raison de sa tardiveté sans rechercher si le destinataire avait eu connaissance de la décision avant l'expiration de ce délai, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 186, 706-148, 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme et 186 du code de procédure pénale :

6. Il se déduit du second de ces textes que le président de la chambre de l'instruction ne détient pas le pouvoir de rendre une ordonnance de non-admission d'un appel formé contre une ordonnance de saisie pénale.

7. Il se déduit du premier qu'il est dérogé aux prescriptions légales relatives aux délais d'appel lorsque l'appelant démontre l'existence d'un obstacle de nature à le mettre dans l'impossibilité d'exercer son recours en temps utile.

8. Pour déclarer non-admis l'appel formé par Mme F... V... contre l'ordonnance de saisie pénale de la créance figurant sur un contrat d'assurance-vie dont elle est titulaire, le président de la chambre de l'instruction constate que l'appel, en date du 13 janvier 2020, a été interjeté hors le délai de dix jours prévu par l'article 186 du code de procédure pénale, ce délai, dont le point de départ court à compter de la date d'envoi de la notification, ayant expiré le 30 décembre 2019.

9. En statuant ainsi, le président de la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs.

10. En effet, il ne détenait pas le pouvoir de déclarer non-admis l'appel formé par Mme F... V....

11. Au surplus, il résulte de l'avis de passage du facteur et d'une attestation de La Poste, que ce courrier a été présenté pour la première fois à Mme F... V... le 8 janvier 2020, postérieurement à l'expiration du délai de recours de dix jours prévu par l'article 706-153 du code de procédure pénale.

12. L'annulation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de l'annulation

13. En application des articles 706-153 et D 43-5 du code de procédure pénale, le président de la chambre de l'instruction est compétent pour statuer seul sur l'appel de l'ordonnance de saisie de biens ou droits incorporels, sauf si l'auteur du recours a précisé qu'il saisit la chambre de l'instruction dans sa formation collégiale.

14. Il en résulte que, du fait de l'annulation de l'ordonnance de non-admission attaquée et faute de précision dans le recours formé par Mme F... V..., le président de la chambre de l'instruction se trouve saisi, au fond et selon la procédure applicable devant la chambre de l'instruction, de l'appel formé contre l'ordonnance de saisie pénale du juge d'instruction.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance susvisée du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, en date du 12 mai 2020, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

CONSTATE que, du fait de l'annulation de cette ordonnance, la juridiction du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, autrement composée, se trouve saisie de l'appel ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier et sa mention en marge ou à la suite de l'ordonnance annulée.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Fouquet - Avocat général : M. Petitprez - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 186 du code de procédure pénale.

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