Numéro 12 - Décembre 2022

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES

Crim., 14 décembre 2022, n° 22-80.249, (B), FRH

Cassation

Composition – Cour d'appel – Formation collégiale – Demande expresse de l'appelant – Article 510 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 – Conditions – Défaut – Sanction – Nullité de la décision (oui)

En application de l'article 510, alinéa 2, du code de procédure pénale, doit être cassé l'arrêt d'une cour d'appel ayant statué à juge unique, alors que l'appelant avait expressément demandé, dans le délai prévu par ce texte, que son affaire soit examinée par une formation collégiale.

M. [U] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Limoges, chambre correctionnelle, en date du 25 août 2021, qui, pour menaces de mort et appels téléphoniques malveillants, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis probatoire, trois ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, a ordonné une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par jugement du 12 janvier 2021, le tribunal correctionnel a reconnu M. [U] [D] coupable de menaces de mort et appels téléphoniques malveillants, l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis, trois ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, a ordonné une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.

3. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision. M. [D] a expressément demandé dans son acte d'appel que son affaire soit examinée par la formation collégiale de la cour d'appel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [D] coupable de menaces de mort et d'appels téléphoniques malveillants, alors « que lorsque le jugement attaqué a été rendu selon les modalités prévues au troisième alinéa de l'article 398 du code de procédure pénale, l'appelant peut demander expressément, dans un délai d'un mois à compter de la déclaration d'appel, que l'affaire soit examinée par une formation collégiale ; que la déclaration d'appel mentionne que « l'appelant demande expressément l'examen de l'affaire en formation collégiale devant la cour d'appel » ; que le prévenu ayant ainsi expressément demandé que l'affaire soit examinée par une formation collégiale, en statuant en formation à juge unique, la cour d'appel a méconnu les articles 510 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 510, alinéa 2, du code de procédure pénale :

5. Il résulte de ce texte que lorsque le jugement attaqué a été rendu par le tribunal correctionnel statuant à juge unique, la chambre des appels correctionnels est composée d'un seul conseiller, sauf si le prévenu est en détention provisoire pour les faits qui lui sont reprochés ou si l'appelant demande expressément que l'affaire soit examinée par une formation collégiale.

6. La cour d'appel, statuant à juge unique, a reconnu le prévenu coupable de menaces de mort et appels téléphoniques malveillants, et a prononcé une peine.

7. En statuant dans cette composition, alors que le prévenu avait expressément demandé que son affaire soit examinée par une formation collégiale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

8. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Limoges, en date du 25 août 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Limoges, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Limoges, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : M. Mallard - Avocat général : Mme Bellone - Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 510 du code de procédure pénale.

Crim., 6 décembre 2022, n° 22-85.686, (B), FS

Rejet

Détention provisoire – Demande de mise en liberté – Rejet – Motifs – Constatation de l'insuffisance des obligations de l'assignation à résidence avec surveillance électronique mobile ou du dispositif électronique – Nécessité (non)

Les dispositions de l'article 137-3 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, selon lesquelles, en matière correctionnelle, les décisions du juge des libertés et de la détention prolongeant la détention provisoire au-delà de huit mois ou rejetant une demande de mise en liberté concernant une détention de plus de huit mois doivent également comporter l'énoncé des considérations de fait sur le caractère insuffisant des obligations de l'assignation à résidence avec surveillance électronique mobile ou du dispositif électronique prévu à l'article 138-3 du même code, ne sont plus applicables lorsque le juge d'instruction a rendu son ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement.

M. [K] [T] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 9e chambre, en date du 21 septembre 2022, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef d'agression sexuelle aggravée, a rejeté sa demande de mise en liberté.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Initialement mis en examen du chef de viol par conjoint ou concubin et placé en détention provisoire le 30 octobre 2020, M. [K] [T] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour agression sexuelle par conjoint ou concubin.

3. Par jugement du 17 février 2022, les juges du premier degré l'ont déclaré coupable, condamné à cinq ans d'emprisonnement dont un an avec sursis probatoire et ont ordonné son maintien en détention.

4. Par arrêt du 1er juin 2022, la cour d'appel a confirmé le jugement et maintenu M. [T] en détention.

5. Ce dernier a formé un pourvoi contre cet arrêt, en cours d'examen par la chambre criminelle de la Cour de cassation.

6. Le 16 juin 2022, M. [T] a saisi la chambre correctionnelle de la cour d'appel d'une demande de mise en liberté.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a débouté M. [T] de sa demande de mise en liberté, alors « que la cour d'appel, saisie d'une demande de mise en liberté formée par une personne maintenue en détention depuis plus de huit mois, doit, si elle envisage de rejeter cette demande, motiver sa décision au regard des considérations de fait sur le caractère insuffisant des obligations de l'assignation à résidence avec surveillance électronique mobile, prévue au troisième alinéa de l'article 142-5 et à l'article 142-12-1, ou du dispositif électronique prévu à l'article 138-3 du Code de procédure pénale ; qu'il résulte de la procédure et de sa fiche pénale que Monsieur [T] était, au jour où la Cour d'appel a statué sur sa demande de remise en liberté, maintenu en détention provisoire, dans l'attente de l'arrêt de la Cour de cassation à intervenir sur le pourvoi qu'il a formé contre l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon en date du 1er juin 2022, depuis plus de huit mois pour avoir été placé en détention provisoire le 30 octobre 2020 ; qu'en se bornant, pour rejeter cette demande de mise en liberté, à énoncer que la détention provisoire constitue l'unique moyen de parvenir aux objectifs fixés par l'article 144 du Code de procédure pénale, à l'exclusion du contrôle judiciaire et de l'assignation à résidence sous surveillance électronique, sans motiver sa décision au regard des considérations de fait sur le caractère insuffisant des obligations de l'assignation à résidence avec surveillance électronique mobile, prévue au troisième alinéa de l'article 142-5 et à l'article 142-12-1, ou du dispositif électronique prévu à l'article 138-3 du Code de procédure pénale, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions précitées, ensemble les articles 222-28 et 222-48-1 du Code pénal, 148-1, 137-3, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

8. Pour rejeter la demande de mise en liberté, l'arrêt attaqué retient que M. [T] a commis une agression sexuelle en tentant d'étrangler sa victime, que d'autres femmes ont été victimes de ses violences, que les expertises psychiatriques font craindre un nouveau passage à l'acte, que, contestant les faits, il n'a entrepris ni réflexion ni démarche de soins et qu'il projette de retrouver la situation dans laquelle il se trouvait au moment des faits.

9. Les juges ajoutent que M. [T] ne bénéficie ni d'une insertion socio-professionnelle ni d'attaches familiales à proximité et que la victime réside non loin de son domicile.

10. Ils en déduisent que la détention provisoire est l'unique moyen de parvenir aux objectifs, fixés par l'article 144 du code de procédure pénale, de prévenir le renouvellement de l'infraction, de garantir le maintien de M. [T] à la disposition de la justice et de prévenir le risque de pression sur la victime, et qu'une mesure de contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence sous surveillance électronique ne pourrait, quelles qu'en soient les modalités, permettre d'atteindre ces objectifs, compte tenu de la liberté de mouvement et de communication que conserverait l'intéressé.

11. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction, qui s'est déterminée par des considérations de droit et de fait répondant aux exigences des articles 143-1 et suivants du code de procédure pénale, a justifié sa décision.

12. En effet, les dispositions de l'article 137-3 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, selon lesquelles, en matière correctionnelle, les décisions du juge des libertés et de la détention prolongeant la détention provisoire au-delà de huit mois ou rejetant une demande de mise en liberté concernant une détention de plus de huit mois doivent également comporter l'énoncé des considérations de fait sur le caractère insuffisant des obligations de l'assignation à résidence avec surveillance électronique mobile, prévue au troisième alinéa de l'article 142-5 et à l'article 142-12-1 du même code, ou du dispositif électronique prévu à l'article 138-3, lorsque cette mesure peut être ordonnée au regard de la nature des faits reprochés, ne sont plus applicables lorsque le juge d'instruction a rendu son ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement.

13. Dès lors, le moyen doit être écarté.

14. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : M. Rouvière - Avocat général : M. Tarabeux - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 137-3 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 ; article 143-1 du code de procédure pénale.

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