Numéro 12 - Décembre 2022

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

INSTRUCTION

Crim., 13 décembre 2022, n° 22-81.851, (B), FRH

Rejet

Recours au système de lecture automatisée des plaques d'immatriculation – Personnes habilitées – Précision de la consultation par le juge d'instruction – Défaut – Portée

La consultation du système de lecture automatisée des plaques d'immatriculation (dit LAPI) est régulière lorsqu'elle est effectuée par une personne requise à cette fin par un enquêteur autorisé par commission rogatoire du juge d'instruction, en application des articles 99-3 et 99-4 du code de procédure pénale, peu important que l'autorisation du juge d'instruction ne vise pas spécifiquement la consultation dudit système.

M. [W] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble, en date du 8 mars 2022, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants en récidive, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.

Par ordonnance en date du 10 juin 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. [W] [H] a été mis en examen du chef précité le 9 avril 2021, dans le cadre d'une information judiciaire ouverte le 8 juillet 2018.

3. Par requête déposée le lundi 11 octobre 2021, il a soulevé la nullité de pièces de la procédure.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de toutes les pièces se rattachant à la consultation du fichier LAPI concernant le véhicule Citroën C3, alors :

« 1°/ que seuls les agents des services de police individuellement désignés et dûment habilités par leur chef de service peuvent accéder au fichier de lecture automatisé des plaques d'immatriculation de véhicules (LAPI) ; qu'à défaut, la consultation de ce fichier peut résulter de réquisitions délivrées sur le fondement de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale ; qu'en l'espèce il résulte de l'arrêt attaqué que selon un procès-verbal du 30 mars 2021 des renseignements ont été donnés sur les mouvements du véhicule Citroën immatriculé [Immatriculation 1], à partir des enregistrements effectués au fichier des immatriculations ; que l'arrêt attaqué constate également qu'il ne figure au dossier aucun procès-verbal relatif à la consultation du fichier LAPI ; qu'en refusant d'annuler les pièces se rattachant à la consultation du Fichier LAPI concernant ce véhicule, malgré l'absence au dossier d'acte justifiant que la consultation a été régulièrement faite par un agent régulièrement habilité ou sur des réquisitions conformes à l'article 77-1-1 du code de procédure pénale, l'arrêt attaqué a violé les articles L. 233-1, 233-2 du code de la sécurité intérieure, 5 de l'arrêté du 18 mai 2009 portant création d'un traitement automatisé de contrôles des données signalétiques de véhicules, 81, 170 du code de procédure pénale, 6 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ que le dossier de la procédure doit contenir toutes les pièces nécessaires à justifier de la régularité des actes accomplis ; que l'exposant demandait à la chambre de l'instruction de « constater que la consultation faite par les enquêteurs du fichier LAPI est irrégulière en ce qu'aucune pièce de la procédure ne mentionne l'identité de l'agent qui a procédé à cette consultation et n'établit point l'existence de l'habilitation et désignation spéciale de cet agent à cet effet » (mémoire de l'exposant devant la chambre de l'instruction, p. 7) ; qu'en énonçant que la « Cour de cassation a jugé que le demandeur n'est pas fondé à critiquer, par une requête en annulation, l'absence au dossier des pièces de l'information judiciaire initiale, dès lors qu'il dispose du droit de présenter une demande auprès du juge d'instruction à cette fin et d'interjeter appel de l'ordonnance de refus qui pourrait lui être opposé » (arrêt attaqué, p. 16) et qu'il « appartenait donc à M. [H] de demander la pièce manquante » (ibidem), la chambre de l'instruction a violé l'article 81 du code de procédure pénale ensemble l'article 5 de l'arrêté du 18 mai 2009 et les articles L. 233-1 et L. 233-2 du code de la sécurité intérieure. »

Réponse de la Cour

5. C'est à tort que les juges ont rejeté la demande de nullité de la consultation du système de lecture automatisé des plaques d'immatriculation de véhicules (LAPI) au motif que M. [H] n'avait pas présenté de demande d'acte tendant à voir verser aux débats les pièces justifiant de sa régularité.

6. En effet, il n'appartient pas à la personne mise en examen de demander la communication de pièces nécessaires à la régularité de la procédure, qui doivent y figurer et dont, le cas échéant, la chambre de l'instruction doit ordonner le versement.

7. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que la Cour de cassation, qui a le contrôle des pièces de la procédure, est en mesure de s'assurer que les actes d'investigation contestés ont été accomplis dans le cadre d'une commission rogatoire, laquelle autorisait, notamment, les enquêteurs à délivrer toutes réquisitions utiles à la manifestation de la vérité (D. 141/2), de sorte qu'en application des articles 99-3 et 99-4 du code de procédure pénale, la consultation du traitement automatisé de données que constitue le système LAPI était régulière.

8. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation des vérifications opérées au fichier ADOC et de la mise sous surveillance d'un véhicule au fichier FOVeS, alors :

« 1°/ que l'article 99-4 du code de procédure pénale soumet aux réquisitions de l'officier de police judiciaire agissant pour les nécessités de l'exécution de la commission rogatoire la communication d'éléments utiles à la manifestation de la vérité issus d'un système informatique ou de traitement de données ; qu'en l'espèce l'arrêt attaqué constate qu'il résulte d'un procès-verbal de recherches qu'un officier de police judiciaire a consulté le fichier « accès au dossier des contraventions » (ADOC) et le système d'immatriculation des véhicules (SIV) et que le véhicule utilisé par M. [H] avait été placé sous surveillance au fichier « FOVES » des véhicules volés ; qu'en écartant néanmoins toute nullité au motif qu'aucun texte n'impose de réquisition judiciaire, l'arrêt attaqué a violé l'article 99-4 et les articles 6 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; qu'il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure proportionnée et nécessaire ; que l'article 4 de l'arrêté du 13 octobre 2004 portant création du système de contrôle automatisé n'autorise l'accès aux données à caractère personnel que pour les infractions relatives à la circulation routière ou les infractions faisant l'objet d'une amende forfaitaire ; que l'arrêté du 7 juillet 2017 relatif au fichier FOVES précise que ce fichier a pour finalité la découverte et la restitution des véhicules volés ou des objets perdus ou volés et la surveillance des véhicules signalés ; qu'en revanche ces arrêtés ne comportent aucune autorisation d'accéder aux données personnelles collectées pour la recherche d'autres infractions ou pour d'autres fins que celles qui sont précisées ; que l'article 6 de la loi n° 78-17 relative à l'informatique aux fichiers et aux libertés n'autorise la collecte de données personnelles que pour des « finalités déterminées, explicites et légitimes » ; que dès lors en l'absence de loi autorisant la consultation et l'utilisation des fichiers ADOC, SIV, et FOVES par un officier de police judiciaire pour les besoins d'une enquête ayant un objet ou une finalité autre que ceux limitativement énumérés par les arrêtés précités, la chambre de l'instruction ne pouvait refuser d'annuler tous les actes résultant de la consultation ou de l'utilisation desdits fichiers ; qu'elle a ainsi violé outre les textes susvisés l'article 81 du code de procédure pénale, les articles 6 et 8 de la convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

10. Pour écarter le moyen de nullité, selon lequel les actes d'investigation contestés violent l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'ils n'ont fait l'objet ni de réquisitions judiciaires ni d'une information préalable du juge mandant, l'arrêt attaqué énonce notamment que les consultations litigieuses ressortent d'un procès-verbal du 2 mars 2021, lequel précise que l'officier de police judiciaire a agi en exécution d'une commission rogatoire.

11. Les juges ajoutent qu'aucun texte n'impose des réquisitions judiciaires ou une information préalable du juge mandant pour consulter le fichier d'accès aux dossiers de contraventions (ADOC) et mettre sous surveillance un véhicule au fichier des objets et véhicules volés (fichier FOVeS).

12. Ils précisent que la consultation du fichier ADOC et la mise sous surveillance du véhicule au FOVeS constituent une ingérence dans le droit du requérant à la vie privée mais sont prévues par la loi, poursuivent les buts légitimes de défense de l'ordre et de prévention des infractions pénales et apparaissent également proportionnées au but poursuivi.

13. En se déterminant ainsi, et dès lors que, d'une part, les articles 99-3 et 99-4 du code de procédure pénale, fondement légal des investigations opérées dans le cadre de la commission rogatoire, laquelle autorisait, notamment, toutes réquisitions utiles (D. 141/2), sont de nature législative et que, d'autre part, aucun des actes contestés ne nécessitait d'autorisation spécifique et préalable du juge d'instruction, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

14. Dès lors, le moyen n'est pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du réquisitoire supplétif du 8 avril 2021, alors « qu'est nul le réquisitoire introductif ou supplétif qui ne supporte ni le visa des faits, ni la mention des pièces jointes, ni le visa d'enregistrement des pièces justifiant l'élargissement de la saisine du juge d'instruction ; que pour rejeter la demande d'annulation du réquisitoire supplétif du 8 avril 2021, la chambre de l'instruction a énoncé que ces réquisitions s'appuyaient « implicitement sur les pièces figurant au dossier auquel le procureur de la République a un accès permanent » (arrêt attaqué, p. 20) ; qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 80 du code de procédure pénale ensemble le principe de séparation des fonctions de poursuite et d'instruction. »

Réponse de la Cour

16. Pour écarter le moyen de nullité, selon lequel le réquisitoire supplétif ne remplirait pas les conditions essentielles de son existence légale, l'arrêt attaqué énonce notamment que, par ordonnance de soit-communiqué, en date du 8 avril 2021, le juge d'instruction a transmis le dossier au procureur de la République pour « réquisitions ou avis aux fins de réquisitions supplétives (extension de la période de prévention au 8 avril 2021) ».

17. Les juges ajoutent que, par mention manuscrite au bas de cette pièce, un substitut du procureur de la République a indiqué, en date du 8 avril 2021, qu'il requérait de bien vouloir instruire par toutes voies de droit contre personne non dénommée, jusqu'à cette date, pour des infractions à la législation sur les stupéfiants.

18. Ils précisent que ces réquisitions supplétives interviennent après les interpellations de MM. [H], [R] [Y] et [J] [T], et qu'elles s'appuient implicitement sur les pièces figurant au dossier, auquel le procureur de la République a un accès permanent, même si elles ne les visent pas, de telle sorte que la saisine du juge d'instruction apparaît circonscrite aux faits identiques commis jusqu'au 8 avril 2021.

19. Ils en déduisent que le réquisitoire supplétif satisfait aux conditions essentielles de son existence légale.

20. En se déterminant ainsi, et dès lors que le réquisitoire supplétif daté et signé visait les qualifications retenues et la date de fin de prévention, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

21. Ainsi, le moyen doit être écarté.

22. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : M. Michon - Avocat général : M. Lesclous - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles 99-3 et 99-4 du code de procédure pénale.

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