Numéro 12 - Décembre 2022

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

DROITS DE LA DEFENSE

Crim., 13 décembre 2022, n° 22-85.810, (B), FS

Rejet

Instruction – Détention provisoire – Débat contradictoire – Placement en détention provisoire – Permis de communiquer – Délivrance – Défaut – Défaut de délivrance du permis de communiquer aux collaborateurs et associés de l'avocat désigné – Effet

Il se déduit de la décision du Conseil constitutionnel du 20 mai 2022 (Cons. const., 20 mai 2022, décision n° 2022-994 QPC) que l'absence de délivrance du permis de communiquer aux collaborateurs et associés de l'avocat choisi, en conformité avec les dispositions de l'article 115 du code de procédure pénale, ne saurait constituer une atteinte aux droits de la défense, garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ceux-ci étant pleinement préservés par la délivrance d'un permis de communiquer aux seuls avocats qu'a choisis la personne mise en examen.

Dès lors, le demandeur ne saurait se prévaloir d'une violation des droits de la défense, prise de la seule absence de délivrance du permis de communiquer aux avocats collaborateurs ou associés de l'avocat choisi, en méconnaissance des dispositions de l'article D. 32-1-2 du code de procédure pénale, issu du décret n° 2022-95 du 31 janvier 2022.

Justifie sa décision, la chambre de l'instruction, devant laquelle le mineur appelant a été représenté par un avocat commis d'office, qui, pour écarter l'argumentation tirée de la violation de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, prise de l'absence de délivrance d'un permis de communiquer aux avocats collaborateurs ou associés de l'avocat choisi, et confirmer l'ordonnance de placement en détention provisoire, constate l'absence de toute atteinte aux droits de la défense de la personne détenue, un permis de communiquer ayant été délivré, dès le lendemain de sa demande, au seul avocat nommément désigné par l'intéressé, et cet avocat, qui se savait indisponible, n'ayant fait aucune diligence pour en faire état.

[O] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar, en date du 15 septembre 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'assassinat et infractions à la législation sur les armes, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 26 août 2022, [O] [Z], mineur, a été mis en examen des chefs susvisés.

3. Devant le juge d'instruction, [O] [Z] a été assisté de M. [L], avocat substituant M. [T], ce dernier ayant été désigné par le mineur comme avocat choisi.

4. Au cours du débat contradictoire qui s'est tenu le même jour devant le juge des libertés et de la détention, [O] [Z] a confirmé la désignation de M. [T], et il a été assisté de M. [L], substituant M. [T]. Il a été placé en détention provisoire.

5. Le 30 août 2022, M. [T], seul avocat désigné par le mineur, a sollicité un permis de communiquer à son nom ainsi qu'à celui de l'ensemble des avocats associés et collaborateurs de son cabinet.

6. Le 31 août 2022, un avis de libre communication au seul nom de M. [T] a été délivré par le juge d'instruction, qui, par ordonnance en date du 5 septembre 2022, a dit n'y avoir lieu à l'établissement d'un permis de communiquer pour l'ensemble des avocats du cabinet de M. [T].

7. Le même jour, [O] [Z] a relevé appel de la décision de placement en détention provisoire, ne demandant pas à comparaître devant la chambre de l'instruction.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les demandes formulées par la défense et a confirmé l'ordonnance de placement en détention provisoire, alors :

« 1°/ que la délivrance d'un permis de communiquer est indispensable à l'exercice des droits de la défense ; que le défaut de délivrance de ce permis à l'avocat désigné par la personne mise en examen ou, si cet avocat en fait la demande, à ses associés et collaborateurs, avant une audience relative à la détention provisoire, fait nécessairement grief à la personne mise en examen ; qu'il s'ensuit que lorsque l'avocat désigné par la personne mise en examen ne peut être présent à l'audience, la seule absence de délivrance d'un permis de communiquer à ses associés et collaborateurs aux noms desquelles une demande de permis de communiquer avait été formulée, avant le débat contradictoire méconnaît les droits de la défense, peu importe que l'avocat désigné par la personne mise en examen se soit personnellement vu délivrer un tel permis ; qu'au cas d'espèce, l'exposant faisait valoir que la demande de permis de communiquer formée en temps utile par Maître [T], au nom des collaborateurs et associés de son cabinets, a fait l'objet d'un refus de la part du juge d'instruction, de sorte qu'aucun des collaborateurs ou associés de Maître [T] n'a été mis en mesure de s'entretenir avec Monsieur [Z] en vue de l'audience relative à l'appel de son ordonnance de placement en détention provisoire, alors même que Maître [T] se trouvait dans l'impossibilité d'assister à cette audience ; qu'il incombait dès lors à la Chambre de l'instruction de constater la méconnaissance des droits de la défense et d'ordonner la remise en liberté de Monsieur [Z] ; qu'en retenant toutefois, pour rejeter cette demande de remise en liberté, que Maître [T], qui s'était vu délivrer un permis de communiquer, avait eu librement accès au mineur détenu à compter du 31 août 2022, quand ce motif est impropre à écarter l'atteinte aux droits de la défense caractérisée par le défaut de délivrance du permis de communiquer sollicité au nom des associés et collaborateurs de Maître [T] en amont de l'audience relative à l'appel interjeté contre l'ordonnance de placement en détention provisoire, de sorte que, celui-ci n'ayant pu être personnellement présent à l'audience, aucun autre avocat ayant pu s'entretenir avec Monsieur [Z] ne pouvait assurer sa défense, la Chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 115, 145, D. 32-1-2, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

2°/ que la délivrance d'un permis de communiquer est indispensable à l'exercice des droits de la défense ; que le défaut de délivrance de ce permis à l'avocat désigné par la personne mise en examen ou, si cet avocat en fait la demande, à ses associés et collaborateurs, avant une audience relative à la détention provisoire, fait nécessairement grief à la personne mise en examen ; qu'il s'ensuit que lorsque l'avocat désigné par la personne mise en examen ne peut être présent à l'audience, la seule absence de délivrance d'un permis de communiquer à ses associés et collaborateurs aux noms desquelles une demande de permis de communiquer avait été formulée, avant le débat contradictoire méconnaît les droits de la défense, sans qu'il ne puisse être reproché à la défense de ne pas avoir effectué d'autres démarches ; qu'au cas d'espèce, l'exposant faisait valoir que la demande de permis de communiquer formée en temps utile par Maître [T], au nom des collaborateurs et associés de son cabinets, avait fait l'objet d'un refus de la part du juge d'instruction, de sorte qu'aucun des collaborateurs ou associés de Maître [T] n'a été mis en mesure de s'entretenir avec Monsieur [Z] en vue de l'audience relative à l'appel de son ordonnance de placement en détention provisoire, alors même que Maître [T] se trouvait dans l'impossibilité d'assister à cette audience ; qu'il incombait dès lors à la Chambre de l'instruction de constater la méconnaissance des droits de la défense et d'ordonner la remise en liberté de Monsieur [Z] ; qu'en retenant toutefois, pour rejeter cette demande de remise en liberté et confirmer le placement en détention provisoire de l'exposant, qu'il incombait à la défense de Monsieur [Z] d'effectuer en temps utile les démarches nécessaires permettant à l'un des collaborateurs ou associés de Maître [T] d'obtenir un permis de communiquer, quand ces motifs sont impropres à écarter l'atteinte aux droits de la défense résultant justement du défaut de délivrance du permis de communiquer aux associés et collaborateurs de celui-ci, en dépit de la demande en ce sens formée dès le 30 août 2022 et alors que l'avocat de Monsieur [Z] n'avait aucune autre démarche à accomplir que cette demande à laquelle il aurait dû être spontanément fait droit, la Chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 115, 145, D. 32-1-2, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

9. La Cour de cassation a jugé que si, en vertu du principe de la libre communication entre la personne mise en examen et son avocat, résultant de l'article 6, § 3, c, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la délivrance d'un permis de communiquer entre une personne détenue et son avocat est indispensable à l'exercice des droits de la défense, de telle sorte que le défaut de délivrance de cette autorisation à chacun des avocats désignés qui en a fait la demande, avant une audience en matière de détention provisoire, fait nécessairement grief à la personne mise en examen, sauf s'il résulte d'une circonstance insurmontable, aucune disposition conventionnelle ou légale ne fait obligation au juge d'instruction de délivrer un permis de communiquer aux collaborateurs ou associés d'un avocat choisi, dès lors que ceux-ci n'ont pas été personnellement désignés par l'intéressé dans les formes prévues par l'article 115 du code de procédure pénale (Crim., 15 décembre 2021, pourvoi n° 21-85.670, publié au Bulletin).

10. L'article D. 32-1-2 du code de procédure pénale, issu du décret n° 2022-95 du 31 janvier 2022, prévoit que le juge d'instruction établit un permis de communiquer pour les associés et collaborateurs de l'avocat choisi, désignés nominativement par ce dernier, lorsqu'il le sollicite.

11. Le moyen pose la question de savoir si la méconnaissance de ces dispositions fait nécessairement grief à la personne détenue.

12. Le Conseil constitutionnel juge que les dispositions de l'article 115 du code de procédure pénale, telles qu'interprétées par la Cour de cassation, en ce qu'elles permettent au juge d'instruction de refuser la délivrance d'un permis de communiquer à un avocat qui n'a pas été nominativement désigné selon les modalités prévues par cet article par la personne détenue, ne méconnaissent pas les droits de la défense dès lors que, d'une part, elles tendent à garantir la liberté de la personne mise en examen de choisir son avocat, d'autre part, la personne mise en examen peut à tout moment de l'information désigner un ou plusieurs avocats, appartenant le cas échéant à un même cabinet, qu'ils soient salariés, collaborateurs ou associés, lesquels peuvent alors solliciter la délivrance d'un permis de communiquer que le juge d'instruction est tenu de leur délivrer (Cons. const., 20 mai 2022, décision n° 2022-994 QPC).

13. Il se déduit de cette décision, qui entend garantir le libre choix de son avocat par la personne mise en examen, que l'absence de délivrance du permis de communiquer aux collaborateurs et associés de l'avocat choisi, en conformité avec les dispositions de l'article 115 du code de procédure pénale, ne saurait constituer une atteinte aux droits de la défense, garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ceux-ci étant pleinement préservés par la délivrance d'un permis de communiquer aux seuls avocats qu'a choisis la personne mise en examen.

14. Dès lors, le demandeur ne saurait se prévaloir d'une violation des droits de la défense prise de la seule absence de délivrance du permis de communiquer aux avocats collaborateurs et associés de l'avocat choisi.

15. En l'espèce, pour écarter l'argumentation tirée de la violation de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, rejeter la demande de mise en liberté d'office de [O] [Z] et confirmer l'ordonnance de placement en détention provisoire, l'arrêt attaqué énonce qu'un permis de communiquer a été délivré à M. [T], seul avocat nommément désigné par l'intéressé, le 31 août 2022, lendemain de sa demande, et que cet avocat avait dès lors, depuis cette date, librement accès au mineur détenu.

16. Les juges ajoutent que, depuis l'appel interjeté contre l'ordonnance de placement en détention provisoire, le 5 septembre 2022, l'avocat désigné, qui se savait indisponible depuis le 7 avril 2022, n'a fait aucune diligence pour en faire état.

17. En prononçant par ces seuls motifs, la chambre de l'instruction, devant laquelle, au surplus, le mineur a été représenté par un avocat commis d'office, et qui a constaté l'absence de toute atteinte aux droits de la défense de la personne détenue, a justifié sa décision.

18. Le moyen ne peut qu'être écarté.

19. Par ailleurs l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : Mme Merloz - Avocat général : M. Aldebert - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 6, § 3, c, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article D. 32-1-2 du code de procédure pénale, issu du décret n° 2022-95 du 31 janvier 2022.

Crim., 13 décembre 2022, n° 21-87.435, (B), FS

Cassation partielle

Interdiction de transcription des correspondances entre un avocat et son client – Etendue – Détermination – Correspondances échangées entre l'avocat et les proches de son client – Interdiction de transcription – Limites

Il résulte des articles 6, § 3, et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 100-5 du code de procédure pénale, issu de la loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010, que l'interdiction de la transcription des correspondances entre un avocat et son client relevant de l'exercice des droits de la défense s'étend à celles échangées à ce sujet entre l'avocat et les proches de celui-ci. Il n'en va autrement que s'il apparaît que le contenu et la nature des échanges sont propres à faire présumer la participation de cet avocat à une infraction.

Encourt, dès lors, la cassation l'arrêt qui retient que les conversations interceptées entre la compagne de la personne placée sous surveillance et des avocats qu'elle a successivement sollicités pour assurer la défense de son compagnon ne concernent pas la défense de celui-ci, aux motifs que, pour l'un, il n'a été donné aucune suite à cet échange et que, pour l'autre, la personne placée sous surveillance n'était pas son client à la date de la communication, alors que, en premier lieu, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer, par l'examen des pièces dont elle a le contrôle, que ces conversations relèvent de l'exercice des droits de la défense de l'intéressé, en second lieu, qu'il n'en résulte pas qu'elles soient de nature à faire présumer la participation de l'un ou l'autre des avocats à une infraction.

En revanche, n'entre pas dans le champ d'interdiction de ces textes, la transcription des conversations interceptées avec les secrétariats des avocats sollicités.

M. [E] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers, en date du 7 décembre 2021, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de torture et actes de barbarie aggravés et arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.

Par ordonnance en date du 31 mars 2022, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Dans le cadre de l'information judiciaire ouverte des chefs susvisés, le juge d'instruction a prescrit l'interception des communications téléphoniques sur la ligne attribuée à Mme [F] [S], compagne de M. [E] [X], alors en fuite au Maroc.

3. Interpellé, celui-ci a été mis en examen, le 23 novembre 2020, des chefs précités.

4. Par requête déclarée le 3 mars 2021, il a formé une demande d'annulation de la transcription des conversations interceptées entre le 31 août et le 30 septembre 2020.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens

5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de M. [E] [X] tendant à voir prononcer la nullité des procès-verbaux portant retranscription des conversations téléphoniques des 3 août, 16 et 30 septembre 2020, entre sa compagne Mme [F] [S], et les différents cabinets d'avocats, alors « qu'en vertu du principe de confidentialité des échanges entre l'avocat et son client, qui est à la fois absolu et d'ordre public, la retranscription des conversations échangées entre l'avocat et son client, ne peut être effectuée que s'il existe, au préalable, des indices plausibles de participation de l'avocat à une infraction ; que M. [X] faisait valoir (requête en nullité, p. 3 et s) que les quatre procès-verbaux portant retranscription des conversations téléphoniques des 3 août, 16 et 30 septembre 2020, entre sa compagne, Mme [F] [S], qui intervenait pour son compte comme intermédiaire et différents cabinets d'avocats, n'avaient révélé aucune participation desdits avocats à des infractions et qu'il s'en inférait la nullité de ces procès-verbaux de retranscription ainsi que de toute la procédure subséquente ; qu'en refusant pourtant de prononcer une telle nullité, en subordonnant expressément l'applicabilité de cette garantie de confidentialité à la désignation officielle de l'avocat dans le cadre d'une procédure pénale, la chambre de l'instruction a ajouté une condition à la loi, en violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, préliminaire, 100-5, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Sur les conversations transcrites entre les secrétaires des avocats et Mme [S] (cotes D 395 et D 396)

7. Pour rejeter le moyen d'annulation pris de l'irrégularité de la transcription de deux conversations interceptées sur la ligne téléphonique de Mme [S], l'arrêt attaqué retient qu'elles ne concernent pas des échanges avec des avocats mais avec leur secrétariat et qu'elles n'entrent pas dans le champ de l'interdiction de la loi.

8. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des dispositions de l'article 100-5, alinéa 3, du code de procédure pénale.

Mais sur les conversations transcrites entre les avocats et Mme [S] (cotes D 397 et D 401)

Vu les articles 6, § 3, et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 100-5 du code de procédure pénale, issu de la loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010 :

9. Il résulte de ces textes que l'interdiction de la transcription des correspondances entre un avocat et son client, relevant de l'exercice des droits de la défense, s'étend à celles échangées à ce sujet entre l'avocat et les proches de celui-ci. Il n'en va autrement que s'il apparaît que le contenu et la nature des échanges sont propres à faire présumer la participation de cet avocat à une infraction.

10. Pour rejeter le moyen d'annulation pris de l'irrégularité de la transcription de deux autres conversations interceptées sur la ligne téléphonique de Mme [S], entre celle-ci et des avocats, qu'elle a successivement sollicités afin que l'un d'eux assure la défense de son compagnon, M. [X], l'arrêt attaqué retient qu'elles ne concernent pas la défense de la personne placée sous surveillance.

11. Les juges constatent que, pour l'un, il n'a été donné aucune suite à cet échange et que, pour l'autre, M. [X] n'était pas encore son client à la date de la communication.

12. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés pour les motifs qui suivent.

13. En premier lieu, il ressort des procès-verbaux de transcription de ces conversations, dont la Cour de cassation a le contrôle, qu'elles relèvent de l'exercice des droits de la défense de M. [X].

14. En second lieu, il ne résulte pas des conversations transcrites qu'elles sont de nature à faire présumer la participation de l'un ou l'autre des avocats à une infraction.

15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers, en date du 7 décembre 2021, mais en ses seules dispositions relatives à l'irrégularité de la transcription des deux communications entre Mme [S] et des avocats (cotes D 397 et D 401), toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Limoges, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : M. Dary - Avocat général : M. Croizier - Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh -

Textes visés :

Articles 6, § 3, et 8, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ; article 100-5 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Sur la dérogation au principe d'interdiction d'ordonner l'interception de correspondances téléphoniques lorsqu'elles font présumer la participation de l'avocat à une infraction : Crim., 15 janvier 1997, pourvoi n° 96-83.753, Bull. crim. 1997, n° 14 (cassation) ; Crim., 15 juin 2016, pourvoi n° 15-86.043, Bull. crim. 2016, n° 186 (cassation partielle).

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