Numéro 12 - Décembre 2022

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

DOUANES

Crim., 7 décembre 2022, n° 21-85.993, (B), FRH

Cassation partielle

Peines – Amende – Prononcé – Obligation – Montant – Fixation – Critères

Il se déduit de l'article 369 du code des douanes que le juge, s'il peut réduire le montant de l'amende douanière encourue, eu égard à l'ampleur et à la gravité de l'infraction commise, ainsi qu'à la personnalité de son auteur, ne saurait en dispenser totalement ce dernier.

Encourt la cassation la cour d'appel, qui exclut le prononcé d'une amende douanière à l'encontre des prévenus qu'elle a reconnus coupables de blanchiment douanier, au motif qu'elle ne dispose pas d'élément sur leur situation financière, alors que, d'une part, elle ne pouvait écarter le prononcé de toute amende douanière, fut-elle d'un montant symbolique, d'autre part, n'étant pas tenue de prendre en considération la situation personnelle, familiale et sociale des prévenus pour fixer le montant de cette amende, elle ne pouvait en réduire le montant au motif qu'elle ne disposait pas d'éléments relatifs à celle-ci.

L'administration des douanes et des droits indirects, partie poursuivante et M. [H] [U] [F] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 4e chambre, en date du 1er septembre 2021, qui, pour transfert de capitaux sans déclaration, blanchiment douanier et blanchiment, a condamné le second à trente mois d'emprisonnement, dix ans d'interdiction du territoire français et une amende douanière et M. [H] [X] [R] [S] à douze mois d'emprisonnement, dix ans d'interdiction du territoire français et une amende douanière et a ordonné une mesure de confiscation.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par jugement en date du 7 novembre 2019, le tribunal correctionnel a déclaré les deux prévenus coupables des chefs de transfert de capitaux sans déclaration, blanchiment et blanchiment douanier et les a condamnés, pour ces deux derniers délits, M. [U] [F] à trente mois d'emprisonnement et dix ans d'interdiction du territoire français, M. [R] [S] à dix-huit mois d'emprisonnement et dix ans d'interdiction du territoire français.

3. Les premiers juges ont en outre condamné solidairement les deux prévenus à une amende douanière de 65 000 euros pour le délit de transfert de capitaux sans déclaration et une amende douanière de 130 000 euros pour le délit de blanchiment douanier. Ils ont également ordonné la confiscation au profit des douanes des sommes saisies.

4. Les deux prévenus ont fait appel des dispositions pénales et douanières du jugement.

Le procureur de la République a fait appel des dispositions pénales.

Examen des moyens

Sur les premier et second moyens proposés par M. [U] [F] et sur le moyen unique pris en ses deuxième et troisième branches proposé pour l'administration des douanes et des droits indirects

5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le moyen unique proposé pour l'administration des douanes et des droits indirects pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Le moyen, en sa première branche, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement déféré sur la peine d'amende douanière de 130.000 euros à laquelle MM. [H] [X] [R] [S] et [H] [W] [U] [F] avaient été solidairement condamnés en répression des faits de blanchiment douanier dont ils avaient été reconnus coupables et a dit n'y avoir lieu au prononcé d'une telle amende, alors :

« 1°/ qu'en considérant que MM. [U] [F] et [R] [S] ne devaient pas être condamnés au paiement d'une amende douanière de 130 000 euros en répression du délit de blanchiment douanier dont ils ont été reconnus coupables, en l'absence de justificatifs de la situation personnelle et de la situation financière de M. [U] [F] et en l'absence d'éléments sur la situation professionnelle de M. [R] [S], quand le prononcé d'une amende douanière, qui est fixée en considération de la valeur des marchandises de fraude, ne dépend pas de la situation personnelle, professionnelle ou financière du prévenu, la cour d'appel a violé les articles 369 et 415 du code des douanes. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 369 du code des douanes :

7. Il se déduit de ce texte, d'une part que le juge qui prononce une amende fiscale n'est pas tenu de prendre en considération la situation personnelle, familiale et sociale du contrevenant pour en déterminer le montant.

8. D'autre part, s'il peut réduire le montant de cette amende, eu égard à l'ampleur et à la gravité de l'infraction commise, ainsi qu'à la personnalité de son auteur, il ne saurait en dispenser totalement ce dernier.

9. Pour dire n'y avoir lieu à condamner M. [U] [F] à une amende douanière en répression du délit de blanchiment douanier, l'arrêt attaqué, après avoir relevé des éléments tenant à la gravité des faits et à la personnalité de M. [U] [F], énonce que celui-ci réside en Espagne mais ne produit aucun justificatif de sa situation personnelle ni aucun justificatif de sa situation financière de sorte qu'une sanction financière, complémentaire à l'amende douanière déjà prononcée, ne peut être envisagée.

10. Les juges ajoutent que la gravité de l'infraction retenue et la personnalité du prévenu rendent indispensable de prononcer une peine d'emprisonnement ferme de trente mois, toute autre sanction étant manifestement inadéquate au regard des antécédents de l'intéressé et des éléments déjà rappelés.

11. S'agissant de M. [R] [S], l'arrêt attaqué, après avoir relevé des éléments tenant à sa personnalité, énonce qu'il produit des documents attestant de sa situation familiale en Espagne mais pas de sa situation professionnelle et qu'en l'absence de tels éléments, seule une peine d'emprisonnement peut être envisagée, d'autant qu'il ne comparait pas devant la cour.

12. Les juges ajoutent que la gravité des délits commis par lui, tenant à la nature même de ceux-ci et à l'importance de la somme saisie, et la personnalité de M. [R] [S], dont ils relèvent néanmoins le rôle secondaire par rapport à son coprévenu, rendent indispensable de le condamner à douze mois d'emprisonnement, toute autre sanction étant manifestement inadéquate au regard des éléments ainsi rappelés.

13. En conclusion, la cour d'appel infirme le jugement en ce qu'il a condamné les deux prévenus à une amende douanière de 130 000 euros, les peines d'emprisonnement prononcées à leur encontre étant appliquées au titre des deux délits.

14. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, a méconnu le texte susvisé et les principes ci-dessus rappelés.

15. En effet, d'une part, elle ne pouvait écarter le prononcé de toute amende douanière, fut-elle d'un montant symbolique.

16. D'autre part, n'étant pas tenus de prendre en considération la situation personnelle, familiale et sociale des prévenus pour fixer le montant de cette amende, les juges ne pouvaient en réduire le montant au motif qu'ils n'étaient pas en possession d'éléments relatifs à leur situation financière.

17. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de la cassation

18. Il résulte des motifs de l'arrêt attaqué que les peines prononcées en répression des délits de blanchiment et de blanchiment douanier ont été déterminées en tenant compte de ce qu'il n'était pas infligé d'amende douanière aux prévenus.

19. En conséquence, la cassation à intervenir concernera l'ensemble des peines et sanctions douanières prononcées à l'encontre de MM. [U] [F] et [R] [S] en répression de ces deux délits.

20. Les autres dispositions seront maintenues, dès lors que les déclarations de culpabilité et l'amende douanière prononcée en répression du délit de transfert de capitaux sans déclaration n'encourent pas la censure.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur le pourvoi formé par M. [U] [F] :

LE DÉCLARE non admis ;

Sur le pourvoi formé par l'administration des douanes et des droits indirects :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 1er septembre 2021, mais en ses seules dispositions ayant condamné M. [U] [F] à trente mois d'emprisonnement et dix ans d'interdiction du territoire français, M. [R] [S] à douze mois d'emprisonnement, dix ans d'interdiction du territoire français et ayant ordonné des mesures de confiscation, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : Mme Fouquet - Avocat général : M. Bougy - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 369 du code des douanes.

Rapprochement(s) :

Sur l'inapplicabilité des dispositions des articles 132-1 et 132-20, alinéa 2, du code pénal aux infractions de contrebande et d'importation ou d'exportation sans déclaration de marchandises prohibées, soumises aux dispositions de l'article 369 du code des douanes : Crim., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-84.616, Bull. crim. 2018, n° 187 (déchéance et cassation).

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