Numéro 12 - Décembre 2021

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE

Crim., 8 décembre 2021, n° 20-86.224

Rejet

Appel incident – Appel de la partie civile – Effets – Remise en cause de toutes les dispositions civiles du jugement – Limites de l'appel principal – Absence d'influence

Dès lors qu'ils ne sont pas limités, les actes d'appel régulièrement formés par les parties civiles dans le délai d'appel supplémentaire de cinq jours, prévu par l'article 500 du code de procédure pénale, remettent en cause toutes les dispositions civiles du jugement, ainsi que le prévoit l'article 509 du même code, sans que les limites de l'acte d'appel du prévenu aient d'incidence sur l'étendue du recours des parties civiles.

Mme [K] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-9, en date du 29 octobre 2020, qui, pour abus de faiblesse et abus de confiance, l'a condamnée à six mois d'emprisonnement avec sursis probatoire, a ordonné une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Mme [K] [X] a été poursuivie sur plainte de M. [D] [U] du chef d'abus de faiblesse commis sur sa soeur, [G] [U], et d'abus de confiance commis sur son père, M. [O] [U].

3. Une information judiciaire a été ouverte, à l'issue de laquelle Mme [X] a été renvoyée devant le tribunal correctionnel des chefs susvisés, outre celui de travail dissimulé par dissimulation d'activité.

4. Par jugement en date du 28 mai 2018, le tribunal correctionnel de Paris a relaxé Mme [X] des chefs de travail dissimulé et d'abus de confiance, l'a déclarée coupable d'abus de faiblesse, l'a condamnée à six mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve devenu sursis probatoire, a prononcé une mesure de confiscation, et statué sur les intérêts civils.

5. Le 4 juin 2018, la prévenue a interjeté appel des dispositions pénales, à l'exception des relaxes prononcées des chefs de travail dissimulé et d'abus de confiance.

Par le même acte, elle a relevé appel des dispositions civiles, à l'exception de celles ayant jugé irrecevables les constitutions de partie civile de MM. [O] et [D] [U].

Le ministère public a relevé appel incident le même jour. [G] [U] et MM. [O] et [D] [U] ont relevé appel incident le 12 juin 2018.

6. MM. [D] et [S] [U] ont déclaré vouloir reprendre l'instance en leur qualité d'héritiers de [G] [U], décédée le [Date décès 1] 2021.

Examen des moyens

Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens

7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement déféré sur la relaxe du chef d'abus de confiance, déclaré la prévenue coupable d'abus de confiance au préjudice de M. [O] [U], infirmé le jugement sur l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de M. [O] [U] et condamné Mme [X] à lui verser 1 euro en réparation du préjudice moral, alors :

« 1°/ que l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans les limites fixées par l'acte d'appel ; que l'appel du procureur de la République, expressément qualifié d'appel incident, postérieur à l'appel limité du prévenu ne peut remettre en cause les dispositions du jugement portant relaxe partielle nécessairement non visées par l'appel principal ; que l'arrêt attaqué constate que le procureur de la République est appelant incident sur l'appel principal de la prévenue, excluant la relaxe pour les faits d'abus de confiance et de travail dissimulé ; qu'en infirmant néanmoins le jugement sur la relaxe et en condamnant la prévenue du chef d'abus de confiance, l'arrêt attaqué a violé les articles 498, 500, 502, 509 et 515 du code de procédure pénale ensemble le principe de l'égalité des armes et l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que la partie civile qui n'a pas dans le délai formé appel du jugement déclarant irrecevable sa constitution de partie civile, n'est plus recevable à le faire hors délai de l'appel principal, par la voie d'un appel incident sur l'appel principal du prévenu qui ne remet pas en cause l'irrecevabilité de la constitution de partie civile ; qu'en l'espèce l'arrêt attaqué constate que seule la prévenue a dans le délai de dix jours, le 4 juin 2018, formé appel du jugement du 28 mai 2018, sur le dispositif civil à l'exclusion des dispositions ayant jugé irrecevables les constitutions de parties civiles de MM. [O] et [D] [U] ; que MM. [O] et [D] [U] ont interjeté des appels incidents le 12 juin 2018 ; qu'en déclarant néanmoins recevables ces appels incidents, en infirmant le jugement sur l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de M. [O] [U] et en condamnant la prévenue à réparer son préjudice moral, l'arrêt attaqué a violé les articles 2, 498, 500, 502, 509 et 515 du code de procédure pénale, ensemble le principe de l'égalité des armes et l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ qu'en déclarant recevable les appels incidents du procureur de la République et de la partie civile, sur les chefs du jugement non visés par l'appel principal du prévenu, la cour d'appel a méconnu le principe d'égalité des armes dès lors que le prévenu sur le seul appel principal de la partie civile ne peut remettre en cause l'action publique et a violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen, pris en sa première branche

9. Pour condamner Mme [X] du chef d'abus de confiance, l'arrêt attaqué énonce que l'appel du ministère public est recevable, car il est régulier en la forme, a été formé dans les délais légaux, et que les faits sont établis à l'encontre de la prévenue.

10. En statuant ainsi, et dès lors que le recours principal ou incident du ministère public saisit la juridiction de l'intégralité de l'action publique, à moins qu'il n'en soit disposé autrement, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen.

11. Le grief doit par conséquent être écarté.

Sur le moyen, pris en ses deux dernières branches

12. Pour déclarer recevable la constitution de partie civile de M. [O] [U], et prononcer sur sa demande d'intérêts civils, l'arrêt attaqué énonce que son appel est recevable, car il est régulier en la forme, et a été formé dans les délais légaux.

13. En prononçant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen, pour les raisons suivantes.

14. Les parties civiles ont relevé régulièrement appel incident du jugement, dans le délai d'appel supplémentaire de cinq jours, prévu par l'article 500 du code de procédure pénale, qui leur était ouvert par l'appel de la prévenue. Leurs actes d'appel, qui n'étaient pas limités, ont remis en cause toutes les dispositions civiles du jugement, ainsi que le prévoit l'article 509 du même code, sans que les limites de l'acte d'appel de la prévenue aient eu d'incidence sur l'étendue du recours des parties civiles.

15. Dès lors, le moyen doit être écarté.

16. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Mallard - Avocat général : Mme Bellone - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Spinosi -

Textes visés :

Article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; articles 498, 500, 502, 509 et 515 du code de procédure pénale.

Crim., 8 décembre 2021, n° 21-83.220, (B)

Cassation partielle sans renvoi

Désistement – Désistement de l'appel principal – Rétractation – Conditions – Rétractation avant la constatation par le président de la chambre des appels correctionnels – Notification de l'ordonnance – Absence d'influence

Il se déduit de l'article 500-1 du code de procédure pénale que le prévenu ne peut plus rétracter son désistement d'appel après qu'il a été constaté par ordonnance du président de la chambre des appels correctionnels, peu important la date à laquelle, le cas échéant, ladite ordonnance a été notifiée.

Le procureur général près la cour d'appel de Cayenne a formé un pourvoi contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 22 avril 2021, qui a relaxé M. [B] [E] du chef de violences aggravées, et a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [B] [E] a été cité devant le tribunal correctionnel du chef de violences suivies d'incapacité n'excédant pas huit jours, commises le 6 janvier 2020, à [Localité 1] (Guyane) sur la personne de Mme [M] [W], avec cette circonstance que les faits ont été commis par une personne étant ou ayant été son conjoint ou son concubin.

3. Par jugement du 17 septembre 2020, le tribunal correctionnel a déclaré M. [E] coupable et l'a condamné à un an d'emprisonnement et à cinq ans d'interdiction de détenir ou porter une arme. Il a délivré un mandat d'arrêt à son encontre et a statué sur les intérêts civils.

4. Le 29 octobre 2020, le prévenu a formé appel de cette décision et le ministère public appel incident.

5. Le prévenu s'est désisté de son appel le 3 février 2021.

6. Le 5 février 2021, le président de la chambre des appels correctionnels a rendu une ordonnance constatant le désistement d'appel du prévenu et du ministère public.

7. Cette ordonnance a été notifiée au prévenu le 8 février 2021.

8. Le même jour, le prévenu s'est rétracté de son désistement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

9. Le moyen est pris de la violation de l'article 500-1 du code de procédure pénale.

10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit l'appel du prévenu recevable, alors que l'ordonnance rendue par le président de la chambre des appels correctionnels tendant à donner acte du désistement d'appel est une mesure d'administration judiciaire qui ne peut faire l'objet d'un recours ; que, dès lors, c'est à la date à laquelle l'ordonnance est rendue qu'elle produit son effet, et non lors de sa notification à l'appelant, ladite notification ne lui ouvrant aucun droit ; qu'en conséquence, le désistement était devenu parfait le 5 février 2021 et le prévenu ne pouvait se rétracter après cette date.

Réponse de la Cour

Vu l'article 500-1 du code de procédure pénale :

11. Il se déduit de cet article que le prévenu ne peut plus rétracter son désistement d'appel après qu'il a été constaté par ordonnance du président de la chambre des appels correctionnels.

12. Pour dire les appels recevables, l'arrêt attaqué relève que, si l'ordonnance de non-admission de l'appel, par laquelle est constaté le désistement, n'est pas susceptible de voie de recours, sauf en cas d'excès de pouvoir du président, il n'en demeure pas moins établi que ce désistement n'est parfait que s'il en a été donné acte par une ordonnance du président de la chambre des appels correctionnels et que la nécessité d'en donner acte implique nécessairement que l'ordonnance soit portée à la connaissance du prévenu.

13. Les juges ajoutent qu'il ne serait pas conforme à l'exigence d'équité de la procédure de priver un justiciable de la possibilité de se rétracter d'un acte important comme le désistement d'appel par une décision dont il n'aurait pas eu connaissance.

14. La cour conclut que l'ordonnance du président de la chambre des appels correctionnels du 5 février 2021, ayant pris acte du désistement d'appel du prévenu, n'ayant été notifiée à celui-ci que le 8 février 2021, le désistement n'était pas devenu parfait au moment de la rétractation puisque rien ne permet d'établir que l'ordonnance du président ait été portée à la connaissance du prévenu avant cette rétractation.

15. En prononçant ainsi, alors qu'aucune disposition n'impose que l'ordonnance du président de la chambre des appels correctionnels constatant un désistement d'appel, qui est insusceptible de recours sauf excès de pouvoir, soit notifiée, et qu'une telle décision produit effet dès sa signature, en l'absence de toute règle contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

16. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de la cassation

17. Le pourvoi du procureur général, limité aux dispositions pénales, ne peut avoir d'effet sur les dispositions civiles de l'arrêt, qui sont devenues définitives.

18. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

L'annulation partielle de la décision de la cour d'appel rend définitives les dispositions pénales du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Cayenne le 17 septembre 2020.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Cayenne, en date du 22 avril 2021, mais en ses seules dispositions relatives à la recevabilité des appels et à l'action publique, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT que les dispositions pénales du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Cayenne le 17 septembre 2020 sont définitives ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Cayenne et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Leprieur - Avocat général : Mme Bellone -

Textes visés :

Article 500-1 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Crim., 28 mai 2013, pourvoi n° 12-86.319, Bull. crim. 2013, n° 117 (rejet).

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