Numéro 12 - Décembre 2019

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

Crim., 11 décembre 2019, n° 19-90.031, (P)

QPC - Renvoi au Conseil constitutionnel

Code de procédure pénale – Article 785 – Article 786 – Réhabilitation – Caractère sérieux – Renvoi au Conseil constitutionnel

La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, par arrêt du 5 septembre 2019, reçu le 13 septembre 2019 à la Cour de cassation, a transmis une question prioritaire de constitutionnalité, déposée par M. X... B... au soutien de sa requête en réhabilitation judiciaire de Z... B....

LA COUR,

Des observations ont été produites pour M. X... B..., dans deux mémoires distincts.

L'un d'eux, émanant d'un avocat au barreau de Paris, est irrecevable, par application des dispositions de l'article R. 49-30 du code de procédure pénale.

L'autre, émanant d'un avocat à la Cour de cassation, est recevable.

Sur les faits et la procédure

1. Z... B... a été condamné à mort par un arrêt prononcé par la cour d'assises de la Seine, le 6 avril 1957. Cette condamnation a été exécutée, le 1er octobre 1957.

2. Son fils, M. X... B..., a formé une demande en réhabilitation judiciaire, de cette condamnation, le 20 mars 2018.

3. Par arrêt du 5 septembre 2019, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, saisie de cette demande, a transmis à la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité déposée par le requérant, dans le cadre de cette procédure.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité

4. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les dispositions des articles 785 et 786, alinéa 1er, du code de procédure pénale, qui font obstacle à une réhabilitation judiciaire consécutive à l'exécution d'une condamnation à la peine de mort, lorsque l'article 133-12 du code pénal et l'article 782 du code de procédure pénale prévoient que toute personne condamnée par un tribunal français à une peine criminelle peut bénéficier d'une telle réhabilitation, portent-elles atteinte au principe de nécessité des peines et au principe d'égalité, tels qu'ils sont garantis par les articles 6 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? ».

5. Les articles 785 et 786, alinéa 1er, du code de procédure pénale sont applicables à la procédure et n'ont pas été déclarés conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

6. La question, en ce qu'elle porte sur la conformité de dispositions législatives aux articles 6 et 8 de la Constitution, n'est pas nouvelle.

7. La question posée présente un caractère sérieux pour les raisons suivantes :

8. En premier lieu, selon les articles 133-12 du code pénal et 782 du code de procédure pénale, toute personne condamnée par un tribunal français à une peine criminelle, correctionnelle ou contraventionnelle peut être réhabilitée.

Or, les articles 785 et 786 du code de procédure pénale subordonnent la recevabilité de la demande en réhabilitation à des exigences de délais cumulées, qui deviennent incompatibles entre elles lorsque la demande concerne un condamné à mort dont la peine a été exécutée.

En effet, l'article 785 prévoit que la demande de réhabilitation doit être présentée du vivant du condamné, ou dans l'année de son décès, alors que l'article 786 exige qu'elle soit présentée après un délai de cinq ans, pour les condamnés à une peine criminelle, ce délai partant, pour les peines autres que l'emprisonnement ou l'amende, prononcées à titre de peine principale, à compter de l'expiration de la sanction subie.

9. En deuxième lieu, le principe constitutionnel d'égalité, posé par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, ne paraît pas conduire à considérer, de manière évidente, que les condamnés à la peine de mort se trouvent, au regard des autres condamnés à des peines criminelles, dans une situation dont la particularité justifie que la réhabilitation leur soit fermée, une telle différence de traitement avec les autres condamnés à une peine criminelle ne paraissant pas en rapport avec l'objet de la loi qui l'a établie.

10. En troisième lieu, cette différence de traitement paraît d'autant moins justifiée que l'interdiction constitutionnelle de la peine de mort, résultant de la loi constitutionnelle n°2007-239 du 23 février 2007, qui a introduit, dans la Constitution, un article 66-1, aux termes duquel nul ne peut être condamné à la peine de mort, peut être de nature à empêcher que les condamnations à mort soient l'objet d'une restriction, conduisant à rendre impossible leur réhabilitation, ouverte à toutes les autres condamnations criminelles.

11. Il convient, en conséquence, de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité susvisée au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

- Président : M. Soulard (président) - Rapporteur : M. de Larosière de Champfeu - Avocat général : Mme Zientara-Logeay - Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau -

Crim., 11 décembre 2019, n° 19-83.475, (P)

Qpc incidente - Non-lieu à renvoi au cc

Preuve – Code de procédure pénale – Articles 656-1, 706-62-1, 706-71 – Principe de nécessité des peines – Droits de la défense – Principe d'égalité devant la loi – Caractère sérieux – Défaut – Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Il appartient au président de la cour d'assises, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, de prendre toutes mesures propres à établir, en cas de contestation survenant à l'audience sur l'authentification de l'identité du témoin anonyme, que le témoin déposant à l'audience, sans que son identité soit révélée, par visioconférence, son visage étant dissimulé et sa voix pouvant être déformée, a bien reçu l'autorisation prévue par l'article 706-58 du code de procédure pénale.

Le président de la cour d'assises peut aussi, sans révéler l'identité du témoin, prendre les mesures permettant de vérifier qu'elle correspond à celle versée au dossier distinct prévu par ce texte, le cas échéant, en le faisant établir par le procureur de la République, le juge d'instruction ou un officier de police judiciaire.

La question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'absence de dispositions législatives permettant des garanties adéquates et suffisantes sur l'authentification de l'identité du témoin anonyme ne présente donc pas de caractère sérieux.

M. Abdelkader Q... a présenté, par mémoire spécial reçu le 16 septembre 2019, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi qu'il a formé contre l'arrêt de la cour d'assises de Paris, spécialement composée, en date du 18 avril 2019, qui, pour complicité d'assassinats et de tentative d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste, complicité d'assassinats et de tentatives d'assassinats en relation avec une entreprise terroriste et commis en raison de l'appartenance à une religion, association de malfaiteurs à caractère terroriste et vol en réunion et en relation avec une entreprise terroriste, l'a condamné à trente ans de réclusion criminelle et fixé la durée de la période de sûreté aux deux-tiers de la peine.

LA COUR,

Des mémoires en réponse ont été produits.

1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les dispositions combinées des articles 656-1, 706-62-1 et 706-71 du code de procédure pénale, en permettant à un témoin de déposer de façon anonyme devant une cour d'assises par l'usage d'un moyen de télécommunication audiovisuelle sans que des garanties adéquates et suffisantes sur l'authentification de son identité soient prévues, portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit et, plus précisément, aux droits de la défense et à l'équilibre des droits des parties ainsi qu'au principe d'égalité devant la loi tels qu'ils sont garantis par les articles 1er, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? »

2. Les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure et n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

3. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

4. Par ailleurs, la question posée ne présente pas de caractère sérieux pour les raisons suivantes :

5. En application de l'article 310 du code de procédure pénale, il appartient au président de la cour d'assises, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, de prendre toutes mesures propres à faire établir, si une contestation apparaît à l'audience sur ce point, qu'un témoin déposant à l'audience de la cour d'assises, sans que son identité soit révélée, par visioconférence, son visage étant dissimulé et sa voix pouvant être déformée, a bien reçu l'autorisation prévue par l'article 706-58 du code de procédure pénale. Il peut aussi, sans révéler l'identité du témoin, prendre les mesures permettant de vérifier qu'elle correspond à celle versée au dossier distinct prévu par ce texte, le cas échéant, en le faisant établir par le procureur de la République, le juge d'instruction ou un officier de police judiciaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N' Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

- Président : M. Soulard (président) - Rapporteur : M. de Larosière de Champfeu - Avocat général : Mme Moracchini - Avocat(s) : Me Laurent Goldman ; SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Spinosi et Sureau ; SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia -

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