Numéro 11 - Novembre 2022

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

SAISIES

Crim., 9 novembre 2022, n° 21-86.996, (B), FRH

Cassation

Saisies spéciales – Saisie immobilière – Recours – Appel devenu sans objet – Exclusion – Cas – Décision non définitive

Il se déduit des articles 706-141, 706-143, 706-145 et 708 du code de procédure pénale qu'une ordonnance de saisie pénale cesse irrévocablement de produire ses effets uniquement lorsque la décision ordonnant la mainlevée de la mesure ou la confiscation du bien saisi est devenue définitive.

Il résulte de l'article 706-150 du même code que l'ordonnance de saisie immobilière est notifiée au ministère public, au propriétaire du bien saisi et, s'ils sont connus, aux tiers ayant des droits sur ce bien, qui peuvent la déférer à la chambre de l'instruction par déclaration au greffe du tribunal dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision.

Encourt la cassation, la chambre de l'instruction qui déclare sans objet l'appel formé contre une ordonnance de saisie pénale au motif que l'appelant a été condamné par le tribunal correctionnel, notamment à la confiscation des biens saisis, tout en constatant qu'un recours ayant été formé contre cette décision, la peine complémentaire prononcée n'est pas définitive.

M. [G] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 18 novembre 2021, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de fraude fiscale, a déclaré sans objet son appel de l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge des libertés et de la détention.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Par ordonnance du 22 mai 2020, le juge des libertés et de la détention a autorisé le maintien de la saisie pénale de sommes inscrites au crédit d'un compte bancaire détenu par M. [G] [I].

3. Ce dernier a formé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que l'appel formé par M. [I] contre l'ordonnance « d'autorisation de maintien d'une saisie pénale de sommes inscrites au crédit du compte bancaire » était devenu sans objet, alors « que la saisie pénale ayant pour objet de garantir l'exécution de la peine de confiscation, ses effets ne cessent que lorsque la peine de confiscation est exécutoire ; que l'appel formé contre l'ordonnance de saisie pénale ou de maintien d'une saisie pénale de sommes inscrites au crédit d'un compte bancaire rendue par le juge des libertés et de la détention au cours d'une enquête préliminaire devient sans objet uniquement si le jugement du tribunal correctionnel, postérieur à cet appel, statuant sur la culpabilité de la personne dont le bien a été saisi et prononçant la confiscation du bien saisi a ordonné l'exécution provisoire de la confiscation ou si, en l'absence de prononcé de l'exécution provisoire, le jugement est devenu définitif au jour de l'examen de l'appel ; qu'en se bornant à retenir, pour dire qu'était devenu sans objet l'appel formé par M. [I] contre l'ordonnance d'autorisation de maintien d'une saisie pénale de sommes inscrites au crédit de son compte bancaire pour un montant de 181 874,56 euros rendue par le juge des libertés et de la détention au cours d'une enquête préliminaire, que par une décision du 24 septembre 2021, la 15e chambre du tribunal correctionnel de Nanterre avait reconnu M. [I] coupable des faits de soustraction frauduleuse à l'établissement de l'impôt et l'avait condamné à la confiscation de la somme de 300 904,67 euros et de celle de 181 874,56 euros à titre de peine complémentaire et que la chambre correctionnelle était désormais saisie de l'appel de ces confiscations (arrêt p.8), sans relever dans ses motifs que le tribunal correctionnel aurait ordonné l'exécution provisoire de la peine de confiscation et cependant qu'elle constatait l'appel formé contre ce jugement (arrêt p. 8) pris en toutes ses dispositions par le prévenu (arrêt p. 4), de sorte que ce jugement n'était pas définitif au jour où elle a statué, la chambre de l'instruction a violé les articles 131-21 du code pénal, 708, 706-153, 706-154, 591 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 708, 706-141, 706-143, 706-145 et 706-150 du code de procédure pénale :

5. Il se déduit des quatre premiers de ces textes qu'une ordonnance de saisie pénale cesse irrévocablement de produire ses effets uniquement lorsque la décision ordonnant la mainlevée de la mesure ou la confiscation du bien saisi est devenue définitive.

6. Il résulte du dernier que l'ordonnance de saisie immobilière est notifiée au ministère public, au propriétaire du bien saisi et, s'ils sont connus, aux tiers ayant des droits sur ce bien, qui peuvent la déférer à la chambre de l'instruction par déclaration au greffe du tribunal dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision.

7. Pour dire que l'appel formé contre l'ordonnance de saisie des sommes figurant sur un compte bancaire appartenant à M. [I] est devenu sans objet, l'arrêt attaqué énonce que par décision du 24 septembre 2021, le tribunal correctionnel a reconnu l'intéressé coupable des faits de soustraction frauduleuse à l'établissement de l'impôt, l'a condamné notamment à la confiscation de la somme de 300 904,67 euros et de celle de 181 874,56 euros à titre de peine complémentaire.

8. Les juges en déduisent que la chambre correctionnelle étant désormais saisie de l'appel de ces confiscations, l'appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention est devenu sans objet.

9. En se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la peine complémentaire de confiscation ne présentait pas un caractère définitif, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés.

10. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 18 novembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : Mme Fouquet - Avocat général : Mme Mathieu - Avocat(s) : SCP Krivine et Viaud -

Textes visés :

Articles 708, 706-141, 706-143, 706-145 et 706-150 du code de procédure pénale.

Crim., 23 novembre 2022, n° 22-80.659, (B), FRH

Cassation

Saisies spéciales – Saisie portant sur certains biens ou droits mobiliers incorporels – Saisie d'une somme d'argent versée sur un compte bancaire – Appel d'une ordonnance de mainlevée ou de maintien de la saisie – Pourvoi en cassation du procureur général – Recevabilité

Le pourvoi formé par le procureur général à l'encontre de l'arrêt de la chambre de l'instruction statuant sur l'appel d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention ordonnant le maintien d'une saisie effectuée sur le fondement de l'article 706-154 du code de procédure pénale, est recevable.

Saisies spéciales – Saisie portant sur certains biens ou droits mobiliers incorporels – Saisie d'une somme d'argent versée sur un compte bancaire – Appel d'une ordonnance de mainlevée ou de maintien de la saisie – Communication des seules pièces du dossier se rapportant à la saisie

Il résulte de l'article 706-154 du code de procédure pénale qu'il appartient à la chambre de l'instruction, saisie d'un recours formé contre une ordonnance de maintien de saisie d'un compte bancaire, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur la légalité et le bien-fondé de cette mesure, au besoin en substituant aux motifs insuffisants, voire erronés, du premier juge des motifs répondant aux exigences légales. Pour ce faire, elle est tenue, lorsqu'elle constate qu'elle n'est pas en mesure de se prononcer en l'état des pièces dont elle dispose, de préciser, avant dire droit, les pièces qui lui paraissent nécessaires pour en demander la production par le ministère public, qui ne peut opposer un refus. A défaut de cette production, la chambre de l'instruction statue au vu des seuls éléments dont elle dispose. Il résulte également du même texte que l'appelant d'une ordonnance de maintien de la saisie d'un compte bancaire effectuée dans le cadre d'une enquête préliminaire, ne peut prétendre, a minima, qu'à la mise à disposition des seules pièces de la procédure se rapportant à la saisie qu'il conteste. Encourt la cassation l'arrêt de cour d'appel qui ordonne la mainlevée de l'ordonnance de maintien de la saisie d'un compte bancaire prise en application de l'article 706-154 du code de procédure pénale en relevant que, d'une part, seule une infime partie de l'enquête préliminaire ayant été portée à leur connaissance, il lui est interdit de procéder à une vérification approfondie des éléments de fait et de droit sur le fondement desquels l'ordonnance a été rendue ainsi que de la mauvaise foi d'un des titulaires du compte, d'autre part, le conseil des appelants subit une rupture d'égalité face à la partie poursuivante, la seule communication des pièces de la procédure se rapportant à la saisie contestée étant insuffisante pour assurer l'exercice, dans toute leur plénitude, des droits de la défense.

Le procureur général près la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 28 décembre 2021, qui, dans la procédure suivie des chefs d'abus de biens sociaux, complicité, blanchiment et recel, a infirmé l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge des libertés et de la détention.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Début 2020, le procureur de la République a diligenté une enquête sur les agissements de Mme [F] [S], présidente de la société [1], ainsi que de M. [E] [D], son concubin, dirigeant du groupe [D], qui a révélé l'existence de détournements commis au préjudice de la société [1] en faveur de M. [D].

3. Les investigations ont révélé qu'un des avocats parisiens de Mme [S], M. [K] [W], aurait établi des conventions fictives dans le but de dissimuler les flux financiers frauduleux, le cabinet [W] étant l'un des principaux bénéficiaires des fonds détournés, les sommes perçues par lui ayant été estimées à 1 389 336,27 euros d'honoraires reversés par la société au profit de M. [D] et à d'autres entités distinctes de la société [1].

4. Le 23 février 2021, les enquêteurs ont procédé à la saisie, sur le compte joint que détient M. [W] avec son épouse, Mme [X] [W], qui est également son assistante, de la somme de 1 110 875,81 euros et le maintien de cette saisie a été prescrit par le juge des libertés et de la détention par ordonnance du 26 février 2021 à l'encontre de laquelle les époux [W] ont interjeté appel.

Examen de la recevabilité du pourvoi formé par le procureur général contestée en défense

5. Le pourvoi formé contre un arrêt de chambre de l'instruction statuant sur l'appel d'une saisie pénale ordonnée dans le cadre d'une enquête préliminaire est immédiatement recevable dès lors que, dans ce cadre, les requérants sont considérés comme des tiers, le fait que le procureur général soit le demandeur au pourvoi étant sans incidence.

6. En conséquence, le pourvoi formé par le procureur général à l'encontre de l'arrêt de la chambre de l'instruction statuant sur l'appel d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention ordonnant le maintien d'une saisie effectuée sur le fondement de l'article 706-154 du code de procédure pénale est recevable.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen est pris de la violation des articles 131-21 du code pénal, 567, 591, 706-153 et 706-154 du code de procédure pénale.

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé l'ordonnance de maintien de la saisie d'une somme inscrite sur un compte bancaire dont sont titulaires conjointement M. [W] et son épouse :

1°/ alors qu'il appartient au co-titulaire d'un compte joint qui revendique les fonds inscrits au crédit de ce compte de démontrer qu'il est un propriétaire ou un tiers de bonne foi et à la chambre de l'instruction d'apprécier si la preuve de sa bonne foi est rapportée et le cas échéant de limiter la saisie aux droits indivis de la personne poursuivie ;

2°/ en constatant, d'une part, que seule une infime partie de l'enquête préliminaire a été portée à sa connaissance, lui interdisant de procéder à une vérification approfondie des éléments de fait et de droit, d'autre part, une rupture d'égalité entre la partie poursuivante et les appelants, alors que l'article 706-153 du code de procédure pénale dispose que le propriétaire d'un bien saisi dans le cadre d'une enquête préliminaire appelant ne peut prétendre dans ce cadre qu'à la mise à disposition des seules pièces de la procédure se rapportant à la saisie qu'il conteste et que le contrôle exercé par la chambre de l'instruction repose sur ces seules pièces et non pas sur l'intégralité de la procédure.

Réponse de la Cour

Vu les articles 706-154 et 593 du code de procédure pénale :

9. Il résulte du premier de ces textes qu'il appartient à la chambre de l'instruction, saisie d'un recours formé contre une ordonnance de maintien de saisie d'un compte bancaire, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur la légalité et le bien-fondé de cette mesure, au besoin en substituant aux motifs insuffisants, voire erronés, du premier juge des motifs répondant aux exigences légales. Pour ce faire, elle est tenue, lorsqu'elle constate qu'elle n'est pas en mesure de se prononcer en l'état des pièces dont elle dispose, de préciser, avant dire droit, les pièces qui lui paraissent nécessaires pour en demander la production par le ministère public, qui ne peut opposer un refus. A défaut de cette production, la chambre de l'instruction statue au vu des seuls éléments dont elle dispose.

10. Il résulte également du même texte que l'appelant d'une ordonnance de maintien de la saisie d'un compte bancaire effectuée dans le cadre d'une enquête préliminaire, ne peut prétendre, a minima, qu'à la mise à disposition des seules pièces de la procédure se rapportant à la saisie qu'il conteste.

11. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision.

L'insuffisance des motifs équivaut à leur absence.

12. Pour infirmer l'ordonnance de maintien de la saisie du compte bancaire dont sont conjointement titulaires M. et Mme [W], l'arrêt attaqué relève que la cour est en droit d'examiner la situation particulière de Mme [W], co-titulaire du compte saisi, et de rechercher le fondement juridique et la légalité de l'ordonnance de maintien de saisie d'un compte bancaire joint dont l'un des co-titulaires, en l'espèce l'intéressée, n'est pas mis en cause dans la commission des infractions éventuellement commises selon les pièces de la procédure soumises à l'examen de la cour d'appel, que ce seul élément suffit à entacher l'ordonnance attaquée dès lors qu'il n'est pas démontré par les pièces de procédure qui lui sont soumises que l'intéressée n'aurait pu ignorer l'origine frauduleuse des fonds versés sur le compte saisi ou qu'elle ne serait pas, en sa qualité de co-titulaire du compte, de collaboratrice de son époux et d'associée du cabinet durant une période recouvrant celle de la prévention, tiers de bonne foi.

13. Les juges ajoutent que l'ordonnance entreprise, qui reprend les quatre chefs de prévention à l'origine de l'ouverture d'une enquête préliminaire, ne qualifie pas la ou les infractions commises tout en indiquant que les sommes saisies seraient le produit potentiel d'une infraction, ce que contestent les époux [W], que ni la décision attaquée ni la requête du procureur de la République ne vise la saisie en valeur prévue par l'article 706-141 du code de procédure pénale, et qu'en l'absence d'identification précise de la ou des infractions reprochées aux époux [W], et notamment à Mme [W], le fondement juridique de la saisie ne peut être modifié sur la seule base des réquisitions du ministère public.

14. Ils observent qu'ils ne sont pas en mesure de rechercher le fondement juridique de la saisie alors que seule une infime partie de l'enquête préliminaire a été portée à leur connaissance, ce qui leur interdit de procéder à une vérification approfondie des éléments de fait et de droit, et que le conseil des appelants subit une rupture d'égalité face à la partie poursuivante, la seule communication des pièces de la procédure se rapportant à la saisie contestée étant insuffisante pour assurer l'exercice, dans toute leur plénitude, des droits de la défense, eu égard à tout ce qui précède.

15. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

16. La cassation est encoure de ce chef.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner l'autre moyen de cassation proposé, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 28 décembre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : Mme Planchon - Avocat général : M. Salomon - Avocat(s) : Me Bouthors -

Textes visés :

Article 706-154 du code de procédure pénale ; articles 706-154 et 593 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Sur la communication des pièces justifiant le maintien d'une saisie, à rapprocher : Crim., 30 janvier 2019, pourvoi n° 18-82.644, Bull. crim. 2019, n° 31 (cassation et désignation de juridiction), et les arrêts cités.

Crim., 23 novembre 2022, n° 22-80.950, (B), FRH

Rejet

Scellés – Destruction – Appel – Moyen critiquant le fondement de la saisie – Irrecevabilité

Est inopérant le moyen qui critique le fondement de la saisie dans le cadre de l'appel contre une mesure de destruction de biens saisis prise en application de l'article 41-5 du code de procédure pénale, cette question relevant du contentieux de la saisie proprement dite.

Scellés – Destruction – Appel – Chambre de l'instruction – Pouvoirs des juges

La contestation prévue au quatrième alinéa de l'article 41-5 du code de procédure pénale ayant la nature et les effets de l'appel, la chambre de l'instruction peut substituer ses motifs à ceux de la décision du procureur de la République prise en application de ce texte.

Scellés – Destruction – Objets qualifiés par la loi de dangereux ou nuisibles – Cas – Armes

La loi qualifie les armes de dangereuses au travers des dispositions de l'article 132-75, alinéa 1er, du code pénal et de celles de l'article L. 311-2 du code de la sécurité intérieure.

M. [G] [F] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bastia, en date du 12 janvier 2022, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de menace de mort et infraction à la législation sur les armes, a confirmé la décision de destruction du bien saisi prise par le procureur de la République.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Dans le cadre d'une procédure d'enquête diligentée du chef de menaces de mort, les enquêteurs ont effectué le 17 mai 2021 une perquisition au domicile de M. [G] [F] au cours de laquelle ils ont procédé à la saisie de trois fusils, armes de catégorie C, dont les investigations ont révélé que le demandeur les détenait sans déclaration.

3. Le 14 juin 2021, le procureur de la République a ordonné la destruction des armes saisies. Cette décision a été notifiée oralement par procès-verbal le lendemain à M. [F] qui en a interjeté appel le 18 juin suivant.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

4. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la décision de destruction des scellés 1 à 3 de la procédure 538/2021 après avoir refusé de prononcer la nullité de la saisie des biens placés sous scellés, alors :

« 1°/ que la saisie de fusils de chasse opérée au cours d'une procédure distincte, initialement suivie du chef de menace de mort avec ordre de remplir une condition, est nulle dès lors que la personne gardée à vue a fait l'objet d'une nouvelle procédure en détention illégale d'arme de catégorie C sans que le procureur de la République n'ait été immédiatement informé de la découverte de faits autres que ceux à l'origine de la mesure de garde à vue précédemment ordonnée ; que la personne intéressée n'a pu bénéficier des droits et garanties octroyés par les articles 65, 61-1, 63.3-1, 63-4-3 du code de procédure pénale relativement à ces faits nouveaux, consistant notamment à être avertie de son droit à être assisté d'un avocat et à s'entretenir avec lui, en violation des textes susvisés et du droit de la défense entrainant la nullité de cet acte ainsi que des actes subséquents qui en découlent ;

2°/ qu'en outre, la saisie opérée dans ces conditions requiert l'assentiment de l'intéressé et la rédaction d'un procès-verbal de saisine distinct ; que M. [F] faisait valoir que lors de la découverte des fusils de chasse à son domicile, les enquêteurs n'avaient aucun élément leur permettant de déterminer l'illicéité de la détention de ces armes de chasse qui n'avait pas de rapport avec les faits poursuivis par ailleurs, et qu'ils devaient donc se conformer aux règles de la saisie incidente prévue par les articles 56 et 76 du code de procédure pénale ; qu'en considérant de façon tout à fait hypothétique et dubitative que la saisie s'avérait utile à la manifestation de la vérité, ces armes étant « de façon vraisemblable » liées aux menaces de mort objets de la poursuite pour considérer la saisie justifiée par référence à la procédure initiale sans justifier du lien existant entre la détention de fusils de chasse et les menaces de mort, la Chambre de l'instruction a ainsi méconnu les textes et principes susvisés. »

Réponse de la Cour

6. Est inopérant le moyen qui critique le fondement de la saisie dans le cadre de l'appel contre une mesure de destruction de biens saisis, cette question relevant du contentieux de la saisie proprement dite.

Sur le second moyen, pris en ses autres branches

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la décision de destruction des scellés 1 à 3 de la procédure 538/2021, alors :

« 1°/ que la décision du procureur de la République d'ordonner la destruction des biens meubles saisis doit aux termes de l'article 41-5 dernier alinéa du code de procédure pénale être motivée ; que l'arrêt attaqué qui constate l'absence de motivation de la décision au demeurant purement orale du procureur de la République de Bastia autorisant la destruction des scellés, ne permettant pas ainsi à M. [F] d'en connaître les raisons exactes, ni de pouvoir exercer son recours en toute connaissance de cause, devait annuler cette décision irrégulière sans pouvoir y substituer sa propre motivation dans le cadre de la « contestation » de cette décision élevée par M. [F], la Chambre de l'instruction étant saisie d'un recours direct et non par l'effet dévolutif d'un appel d'une décision juridictionnelle ; que la Chambre de l'instruction n'a donc pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 41-5 du code de procédure pénale et a excédé ses pouvoirs ;

3°/ que l'arrêt ne pouvait davantage se borner à affirmer que la conservation des armes saisies n'est plus utile à la manifestation de la vérité, et qu'il s'agit d'objets qualifiés de dangereux par la loi qui les catégorise en fonction de leur « dangerosité », alors même qu'elle constatait que les armes saisies au domicile de M. [F] sont de la catégorie C, laquelle n'est pas soumise à autorisation mais à une simple déclaration ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces points, la Chambre de l'instruction a privé sa décision de motifs et violé les articles 41-5 et 593 du code de procédure pénale ;

4°/ que M. [F] non seulement s'opposait à la destruction, mais sollicitait la remise des armes en cause, et soulignait qu'il avait hérité ces fusils de son père, qu'il ne s'en servait pas, mais qu'ils avaient pour lui une valeur sentimentale ; cette demande et cette argumentation impliquaient nécessairement que le juge du fond, avant d'ordonner une destruction privant définitivement l'intéressé de ses droits, examine la décision de destruction au regard du principe de proportionnalité ; le critère légal de dangerosité d'un bien ne pouvant suffire à lui seul à en justifier la destruction sans aucun examen de l'opportunité de préserver les droits du propriétaire sur ce bien ; en se fondant exclusivement sur la dangerosité des fusils, et sur le fait qu'actuellement ils n'étaient pas régulièrement détenus, ce que M. [F] s'engageait à régulariser en les déclarant officiellement, sans réellement se prononcer au regard du principe de proportionnalité, la Chambre de l'instruction a violé le premier protocole additionnel à la Convention européenne, et l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen, pris en sa première branche

8. Pour confirmer la décision de destruction des armes saisies au domicile de M. [F] prise par le procureur de la République, l'arrêt attaqué relève qu'en raison de l'effet dévolutif du recours, il convient d'examiner le bien-fondé de la décision contestée et de statuer, au besoin par motifs propres, sur la nécessité de cette mesure en substituant aux motifs éventuellement insuffisants des motifs répondant aux exigences légales.

9. En prononçant ainsi, et dès lors que la contestation prévue au quatrième alinéa de l'article 41-5 du code de procédure pénale a la nature et les effets de l'appel, la chambre de l'instruction, qui pouvait substituer ses motifs à ceux du procureur de la République, a justifié sa décision.

10. Le grief ne peut être accueilli.

Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

11. Pour confirmer la décision de destruction des armes saisies au domicile de M. [F] prise par le procureur de la République, l'arrêt attaqué relève, après avoir rappelé les dispositions du quatrième alinéa de l'article 41-5 du code de procédure pénale, que le requérant ne conteste pas que la conservation des armes saisies n'est plus utile à la manifestation de la vérité, qu'il s'agit d'objets qualifiés de dangereux par l'article L. 311-2 du code de la sécurité intérieure qui prévoit un classement des armes en fonction de leur dangerosité par catégories en vue de préserver la sécurité et l'ordre publics, et qu'en l'espèce, il est établi, d'une part, que les armes saisies au domicile de M. [F] relèvent de la catégorie C qui est strictement encadrée, d'autre part, que le requérant ne remplissait pas les conditions prévues pour leur détention et qu'il ne les remplit toujours pas.

12. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

13. En effet, d'une part, dès lors que la manifestation de la vérité ne se réduit pas à la seule caractérisation des infractions mais s'étend aux circonstances de leur commission susceptibles d'avoir une influence sur l'appréciation de la gravité des faits, les motifs relatant les circonstances dans lesquelles les armes ont été saisies au cours d'une perquisition au domicile de M. [F], auquel il n'est pas reproché d'en avoir fait usage, mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les conditions de leur détention sont sans incidence sur la gravité des faits.

14. D'autre part, la loi, au travers des dispositions de l'article 132-75, alinéa 1er, du code pénal et de celles de l'article L. 311-2 du code de la sécurité intérieure, qualifie les armes de dangereuses.

15. Enfin, est inopérant le grief qui, dans le cadre du contentieux relatif à une mesure de destruction d'un bien qualifié par la loi de dangereux ou nuisible, ou dont la détention est illicite, ordonnée sur le fondement de l'article 41-5 du code de procédure pénale, invoque une atteinte disproportionnée au droit de propriété.

16. Il s'ensuit que le moyen ne peut qu'être écarté.

17. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : Mme Planchon - Avocat général : M. Salomon - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles 41-5, 56, 61-1, 63-3-1, 63-4-3, 65 et 76 du code de procédure pénale ; premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; articles 41-5 et 593 du code de procédure pénale ; article 41-5 du code de procédure pénale ; article 132-75, alinéa 1er, du code pénal ; article L. 311-2 du code de la sécurité intérieure.

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