Numéro 11 - Novembre 2021

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

JURIDICTIONS DE L'APPLICATION DES PEINES

Crim., 10 novembre 2021, n° 21-80.704, (B)

Rejet

Surveillance judiciaire des personnes dangereuses – Placement – Conditions – Bénéfice effectif de crédit de réduction de peine ou de réduction supplémentaire – Cas – Pluralité de peines exécutées – Absence de crédit de réduction de peine ou de réduction supplémentaire pour la peine permettant une surveillance judiciaire – Exclusion

Il résulte de l'article 723-29 du code de procédure pénale qu'une mesure de surveillance judiciaire s'attache à une peine privative de liberté précise, d'une durée égale ou supérieure à sept ans pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru ou d'une durée supérieure ou égale à cinq ans pour un crime ou un délit commis une nouvelle fois en état de récidive légale. Elle peut être prononcée sous réserve que le condamné ait bénéficié effectivement, pour cette peine, de crédit de réduction de peine ou de réduction de peine supplémentaire.

Le procureur général près la cour d'appel de Rennes a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de ladite cour d'appel, en date du 26 janvier 2021, qui a prononcé sur le placement sous surveillance judiciaire de M. [E] [N].

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [E] [N], écroué le 26 mai 2003, a été détenu en exécution de onze condamnations ainsi qu'à la suite de la mise à exécution partielle de l'emprisonnement prononcé en cas d'inobservation des obligations d'un suivi socio-judiciaire, pour une durée globale de dix-huit ans et huit mois. Il a bénéficié, sur certaines de ces peines, d'un crédit de réduction de peine à hauteur de trois mois et cent-soixante-quinze jours.

3. Au titre de la condamnation à huit ans d'emprisonnement et cinq ans de suivi socio-judiciaire prononcée, le 12 novembre 2010, par la cour d'assises du Doubs, pour des faits de viol, il n'a bénéficié ni de crédit de réduction de peine ni de réduction de peine supplémentaire en raison de son refus de se soumettre à un prélèvement biologique destiné à l'identification de son empreinte génétique.

4. Le ministère public a sollicité le prononcé d'une mesure de surveillance judiciaire le 18 août 2020, avec placement sous surveillance électronique mobile de M. [N] et fixation d'obligations particulières.

5. Le tribunal de l'application des peines, par jugement en date du 23 octobre 2020, a constaté que cette demande était sans objet, car le condamné n'avait bénéficié ni de crédit de réduction de peine ni de réduction de peine supplémentaire attachés à la peine prononcée contre lui le 12 novembre 2010.

6. Le ministère public a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen est pris de la violation de l'article 723-29 du code de procédure pénale.

8. Il critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a constaté que les réquisitions de placement sous surveillance judiciaire étaient sans objet, alors :

1°/ que les textes relatifs à l'application des peines s'appliquent en considération de la situation globale du condamné ;

2°/ que la mesure de surveillance judiciaire, modalité d'exécution de la peine, s'applique en considération de la dangerosité de l'individu, de sorte que l'ordre d'exécution des peines n'apparaît pas devoir être pris en compte. 

Réponse de la Cour

9. Pour confirmer le jugement du tribunal de l'application des peines, l'arrêt attaqué, après avoir constaté que M. [N] n'a obtenu aucune réduction de peine pour la condamnation prononcée, le 12 novembre 2010, par la cour d'assises du Doubs, énonce qu'une mesure de surveillance judiciaire ne peut être prononcée en prenant en considération l'ensemble des réductions et réductions supplémentaires de peine attribuées à un condamné pour toutes les peines qu'il exécute, certaines en répression d'infractions pour lesquelles la surveillance judiciaire n'est pas possible, mais que cette mesure ne peut intervenir que pour la seule durée des réductions de peine et réductions supplémentaires de peine se rapportant à des condamnations pour lesquelles la surveillance judiciaire est encourue.

10. Les juges ajoutent que le Conseil constitutionnel, par décision en date du 8 décembre 2005, a estimé que la mesure de surveillance judiciaire n'a vocation à s'appliquer qu'aux personnes précisément visées par le texte dont il a examiné la constitutionnalité et qu'il n'a admis cette dernière qu'au regard de la limitation de la liste des infractions concernées et de leur gravité particulière.

11. Ils précisent que la mesure de surveillance judiciaire ainsi validée par le Conseil constitutionnel ne saurait donc concerner l'exécution de peines prononcées pour des faits étrangers aux dispositions qui l'ont instituée et, comme en l'espèce, pour des faits d'outrage à dépositaire de l'autorité publique, violence dans un local administratif, évasion par bénéficiaire d'une permission de sortie, non plus que la mise à exécution partielle, à hauteur de sept mois, du suivi socio-judiciaire prononcé, le quantum requis de sept ans n'étant pas atteint en l'espèce.

12. Ils en concluent que la surveillance judiciaire ne pouvait être prononcée pour des crédits de réduction de peine accordés pour de telles infractions.

13. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'application des peines a fait l'exacte application du texte visé au moyen.

14. En effet, selon l'article 723-29 du code de procédure pénale, une mesure de surveillance judiciaire s'attache à une peine privative de liberté précise, d'une durée égale ou supérieure à sept ans pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru ou d'une durée supérieure ou égale à cinq ans pour un crime ou un délit commis une nouvelle fois en état de récidive légale, sous réserve que le condamné ait bénéficié effectivement, pour cette peine, de crédit de réduction de peine ou de réduction de peine supplémentaire.

15. Dès lors, le moyen doit être écarté.

16. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Leprieur - Avocat général : Mme Zientara-Logeay -

Textes visés :

Article 723-29 du code de procédure pénale.

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