Numéro 11 - Novembre 2021

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

ATTEINTE A L'INTEGRITE PHYSIQUE OU PSYCHIQUE DE LA PERSONNE

Crim., 24 novembre 2021, n° 21-85.347, (B)

Rejet

Atteinte volontaire à l'intégrité de la personne – Violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente – Éléments constitutifs – Éléments matériels – Infirmité permanente

Une atteinte majeure et irréversible d'un membre ou d'une fonction organique caractérise une infirmité permanente au sens de l'article 222-9 du code pénal.

M. [O] [E] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, en date du 23 juin 2021, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises de la Haute-Marne sous l'accusation de violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, aggravées.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 11 mars 2017, M. [K] [W] a été blessé par arme à feu.

3. Par ordonnance du 13 avril 2021, le juge d'instruction a ordonné la mise en accusation de M. [O] [E] du chef de violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, aggravées.

4. L'accusé a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé la décision déférée et a ordonné la mise en accusation de M. [E] devant la cour d'assises de la Haute-Marne pour violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente sur la personne de M. [W], avec préméditation et usage ou menace d'une arme, alors :

« 1°/ que l'infirmité permanente, au sens de l'article 222-9 du code pénal, n'est constituée que s'il y a une perte totale et irréversible d'un membre ou d'une fonction organique ; que la seule diminution de l'usage d'un membre constitue une incapacité permanente ; qu'en jugeant dès lors qu'une infirmité permanente pouvait être retenue, M. [W], partie civile, étant atteint d'une paralysie sciatique à partir de la cuisse gauche, bien que cette lésion n'emporte pas la perte totale de l'usage de la jambe, la chambre de l'instruction a violé les articles 222-9 du code pénal, et 181, 184, 215 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que la mutilation, au sens de l'article 222-9 du code pénal, requiert l'ablation d'un membre ou d'un organe externe qui cause une atteinte grave et irréversible ; que la chambre de l'instruction a relevé que M. [W] avait subi une perte de substance de la face interne de sa cuisse gauche, avec un placard cicatriciel sur cette surface, une anesthésie de la face interne et postérieure de la jambe, une hypoesthésie du dos du pied et une anesthésie de la plante du pied ; qu'en l'absence d'ablation définitive d'un membre ou d'un organe externe, la chambre de l'instruction ne pouvait retenir que la dégradation partielle de la cuisse gauche de M. [W] constituait une mutilation ; que l'arrêt attaqué a encore violé les articles 222-9 du code pénal, et 181, 184, 215 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ que les arrêts de mise en accusation doivent être suffisamment motivés eu égard aux charges retenues contre la personne mise en examen et aux éléments constitutifs des crimes justifiant le renvoi de l'inculpé devant une cour d'assises ; que l'infirmité permanente, au sens de l'article 222-9 du code pénal, n'est constituée que s'il y a une perte totale et irréversible de l'usage d'un membre ou d'une fonction organique ; que la seule diminution de l'usage d'un membre constitue une incapacité permanente ; que la chambre de l'instruction ne pouvait dès lors juger, sans se contredire, qu'une infirmité permanente pouvait être retenue alors qu'elle constatait que M. [W], partie civile, était atteint d'une paralysie sciatique à partir de la cuisse gauche, affection qui n'emporte pas la perte totale de l'usage de la jambe ; qu'une telle contradiction prive la décision de toute base légale au regard des articles 222-9 du code pénal, 181, 184, 215 et 593 du code de procédure pénale ;

4°/ que les arrêts de mise en accusation doivent être suffisamment motivés eu égard aux charges retenues contre la personne mise en examen et aux éléments constitutifs des crimes justifiant le renvoi de l'inculpé devant une cour d'assises ; que la mutilation, au sens de l'article 222-9 du code pénal, requiert l'ablation d'un membre ou d'un organe externe qui cause une atteinte grave et irréversible de l'usage ; que la chambre de l'instruction a relevé que M. [W] avait subi une perte de substance de la face interne de sa cuisse gauche, avec un placard cicatriciel sur cette surface, une anesthésie de la face interne et postérieure de la jambe, une hypoesthésie du dos du pied et une anesthésie de la plante du pied ; qu'en se fondant sur ces seuls éléments, sans constater l'ablation d'un membre ou d'un organe externe, pour juger que la dégradation partielle de la cuisse gauche de M. [W] constituait une mutilation, la chambre de l'instruction a encore entaché son arrêt d'une contradiction de motifs le privant de toute base légale en violation des articles 222-9 du code pénal, 181, 184, 215 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

6. Pour ordonner la mise en accusation du demandeur, l'arrêt attaqué énonce, d'une part, qu'aux termes de l'expertise, la victime présente une perte de substance de toute la face interne de la cuisse gauche, avec un placard cicatriciel s'étendant sur 26 centimètres de hauteur et atteignant jusqu'à 8 centimètres de largeur.

7. Il en déduit que la dégradation ainsi portée à la jambe gauche de la victime, par une blessure par arme à feu, causée par le demandeur, constitue une mutilation.

8. La chambre de l'instruction indique, d'autre part, que la victime est atteinte d'une anesthésie totale de la plante du pied, et d'une absence de toute activité motrice sur les releveurs du pied et les releveurs d'orteils. Elle ajoute que l'expert conclut à la persistance d'une paralysie sciatique sensitive et motrice totale à partir de la cuisse gauche.

9. Elle en déduit que cette paralysie constitue une infirmité permanente.

10. En l'état de ces motifs, déduits de son appréciation souveraine, qui établissent que l'atteinte corporelle portée à la victime constitue à la fois une mutilation et une infirmité permanente, au sens de l'article 222-9 du code pénal, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

11. En effet, une atteinte majeure et irréversible d'un membre ou d'une fonction organique caractérise une infirmité permanente au sens du texte précité.

12. Le moyen ne peut, dès lors, être admis.

13. Par ailleurs, la procédure est régulière, et les faits, objet de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Leprieur - Avocat général : M. Valat - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 222-9 du code pénal.

Rapprochement(s) :

Crim., 5 octobre 2010, pourvoi n° 09-86.209, Bull. crim. 2010, n° 147 (rejet).

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