Numéro 11 - Novembre 2021

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Partie I - Arrêts et ordonnances

ACTION CIVILE

Crim., 3 novembre 2021, n° 21-80.749, (B)

Cassation par voie de retranchement sans renvoi

Membre de l'enseignement public coupable d'infraction sur ses élèves – Responsabilité civile de l'Etat substituée à celle de l'enseignant – Compétence territoriale – Tribunal du lieu du dommage – Mise en oeuvre – Action dirigée contre l'autorité académique – Cas – Juridiction correctionnelle statuant sur l'action publique et l'action civile

Selon l'article L. 911-4 du code de l'éducation, lorsque la responsabilité d'un membre de l'enseignement public se trouve engagée à la suite d'un fait dommageable commis au détriment des élèves qui lui sont confiés, la responsabilité de l'Etat est substituée à celle de l'enseignant, qui ne peut jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants. L'action en responsabilité exercée par la victime, ses parents ou ses ayants droit, intentée contre l'Etat, ainsi responsable du dommage, est portée devant le tribunal de l'ordre judiciaire du lieu où le dommage a été causé, et dirigée contre l'autorité académique compétente.

Méconnaît ce texte, la cour d'appel qui après avoir déclaré le prévenu coupable de violences sur ses élèves, l'a condamné à payer des dommages-intérêts aux parties civiles.

M. [L] [M] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, en date du 16 décembre 2020, qui, pour violences aggravées, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [L] [M], qui était directeur d'école élémentaire et enseignant, a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef de violences physiques n'ayant entraîné aucune incapacité totale de travail sur des enfants dont il avait la charge, par personne chargée d'une mission de service public dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de sa mission.

3. Les juges du premier degré ont relaxé M. [M] d'une partie des faits reprochés, l'ont déclaré coupable des faits commis au préjudice de sept mineurs, l'ont condamné à une certaine peine et, prononçant sur les intérêts civils, l'ont condamné à payer aux représentants légaux des mineurs victimes certaines sommes à titre de dommages et intérêts.

4. M. [M] et le ministère public ont relevé appel de la décision.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens

5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [M] coupable de violences volontaires par une personne chargée de mission de service public sans incapacité, commis du 10 novembre 2013 au 30 juin 2016, à Beaulieu, concernant [Z] [W], [Y] [H], [X] [J], [P] [O], [S] [R], [G] [A], [K] [F], l'a, en conséquence, condamné à un emprisonnement délictuel de trois mois avec sursis et l'a condamné à payer à Mme [E], représentante de sa fille mineure [Z] [W], à Mme [D], en qualité de représentante légale de sa fille mineure [P] [O], à M. et Mme [R] en qualité de représentants légaux de leur fils [S] [R] et à Mme [C] en qualité de représentante légale de sa fille mineure [K] [F], à chacun la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que les règles de compétence des juridictions sont d'ordre public et peuvent être invoquées à tous les stades de la procédure ; que tout juge est tenu, même d'office et en tout état de la procédure, de vérifier sa compétence ; que lorsque la responsabilité d'un membre de l'enseignement public se trouve engagée à la suite d'un fait dommageable commis au détriment des élèves qui lui sont confiés, la responsabilité de l'Etat est substituée à celle de l'enseignant qui ne peut jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants ; qu'en condamnant M. [M], après l'avoir déclaré coupable de violences volontaires sur des élèves qui lui étaient confiés, à verser des dommages-intérêts aux parties civiles, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article L. 911-4 du code de l'éducation et le principe ci-dessus rappelé. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 911-4 du code de l'éducation :

7. Selon ce texte, lorsque la responsabilité d'un membre de l'enseignement public se trouve engagée à la suite d'un fait dommageable commis au détriment des élèves qui lui sont confiés, la responsabilité de l'Etat est substituée à celle de l'enseignant, qui ne peut jamais être mis en cause devant les tribunaux civils par la victime ou ses représentants.

L'action en responsabilité exercée par la victime, ses parents ou ses ayants droit, intentée contre l'Etat, ainsi responsable du dommage, est portée devant le tribunal de l'ordre judiciaire du lieu où le dommage a été causé, et dirigée contre l'autorité académique compétente.

8. Après avoir déclaré le prévenu coupable de violences sur ses élèves, les juges du fond l'ont condamné à payer des dommages-intérêts aux parties civiles.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

10. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

11. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Grenoble, en date du 16 décembre 2020, mais en ses seules dspositions ayant accordé des dommages et intérêts à Mme [V] [I] [E], représentante de sa fille mineure, [Z] [W] ; Mme [N] [D] en qualité de représentante légale de sa fille mineure [P] [O] ; M. [T] [R] et Mme [B] [R] en qualité de représentants légaux de leur fils [S] [R] ; Mme [U] [C] en qualité de représentante légale de sa fille mineure [K] [F] ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Grenoble et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Guerrini - Avocat général : M. Aldebert - Avocat(s) : Me Le Prado -

Textes visés :

Article L. 911-4 du code de l'éducation.

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