Numéro 11 - Novembre 2020

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

PRESSE

Crim., 3 novembre 2020, n° 19-84.700, (P)

Cassation partielle

Diffamation – Intention coupable – Preuve contraire – Bonne foi – Pièces l'établissant – Pièces établies postérieurement à la publication diffamatoire – Condition

La bonne foi du prévenu poursuivi pour diffamation ne peut être déduite, ni de faits postérieurs à la diffusion des propos litigieux, ni de pièces établies postérieurement à celle-ci, sauf le cas d'attestations rapportant des faits antérieurs et établissant que le prévenu en avait connaissance au moment de cette diffusion.

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par Mme R... Y..., partie civile, contre l'arrêt n° 148 de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 9 mai 2019, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de M. M... E... du chef de diffamation publique envers un particulier.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Mme Y..., directrice générale de l'Association pour l'utilisation du rein artificiel à La Réunion (Aurar), a fait, par deux poursuites successives, citer devant le tribunal correctionnel, du chef précité, M. E..., en qualité de directeur de la publication du quotidien Le journal de l'île de La Réunion, et la société Journal de l'île de La Réunion, éditrice de cette publication et recherchée en qualité de civilement responsable, à la suite de la publication d'éditoriaux signés de M. E....

3. Dans l'éditorial intitulé « Abracadabra » du 24 juin 2017, étaient incriminés, d'une part, un passage mis en exergue en plus gros caractères : « R..., conseillère régionale et suppléante de C... N... (..), est arrivée dans deux établissements bancaires différents avec deux petites valisettes. 1 million d'euros pour la première, 300 000 euros pour la seconde. (..) Ces sommes ont été versées en espèces sans que les banques en question ne se soient interrogées sur l'origine des fonds », d'autre part, l'extrait suivant :

« En revanche, dans la série faut pas venir emmerder Zorro, un donateur anonyme, parisien qui plus est, vient de me faire parvenir un dossier sur une conseillère régionale, version LPA, suppléante de C... N... député. À mon humble avis, il ne faudrait pas grand chose pour que l'un des deux parquets, de Saint-Pierre ou de Saint-Denis, se préoccupe de cette petite dame, R... Y..., et pourquoi pas de faire suivre au PNF puisqu'il nous est dit que cette boutique judiciaire ne gère pas seulement les politiques mais le gros pognon. Ça tombe bien, R... fait les deux la politique et le gros pognon.

J'aurai l'occasion, samedi prochain et, s'il plaît à Dieu à la rentrée de septembre aussi, de développer comme il se doit le business de R..., dont l'activité principale, au sein d'une association dont elle est incontestablement la patronne, gère tout à la fois la dialyse, l'obésité, le diabète, l'hypertension... Tout cela ou presque se bidouille par l'entremise d'une association, l'Aurar laquelle possède 10 centres de dialyse, rien qu'à

La Réunion. Association qui réalisait en 2016 plus de 40 millions, d'euros de chiffre d'affaires...

Pour aujourd'hui je me bornerai à vous dire que de l'association Aurar sont nées deux sociétés gérées par la R..., conseillère régionale et suppléante de C... N....

Que la création de ces deux sociétés pose problème vu que la petite dame, plutôt discrète jusqu'ici, est arrivée dans deux établissements bancaires réunionnais différents avec deux petites valisettes. Un million d'euros pour la première, 300 000 euros pour la seconde.

Que ces sommes ont été versées en espèces sans que les banques en question qui lui ont délivré des attestations de dépôt en bonne et due forme ne se soient ni interrogées sur ces versements en espèces, ni surtout aient déclaré ces versements comme elles ont pourtant l'obligation de le faire auprès des services de l'état, Tracfin notamment dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d'argent et l'évasion fiscale...

Je vous le disais, faut pas emmerder Zorro et ce n 'est qu'un début... »

4. Les passages incriminés de l'éditorial du 1er juillet 2017 publié sous le titre « La pomponette municipale » consistaient, d'une part, en un extrait à nouveau mis en exergue en plus gros caractères : « R... opère, si je puis dire, dans le noir. C'est une nébuleuse, aussi claire qu 'une perfusion au jus de raisin, de sociétés, de SCI, de biens meubles, un appartement, un immeuble peut-être... le tout évalué au doigt mouillé en 2016 à 20 millions d'euros », d'autre part, en les paragraphes qui suivent :

« En attendant, c'est la suppléante du député C... N... qui se trouve être sous la gouttière. Fallait bien commencer par quelqu'un de la bande qui sévit du côté de Saint Leu. « C'est injuste », m'a fait dire la dame que je refuse de rencontrer pour le moment. C'est vrai, la vie est injuste, les grands malades, les dialysés vous le diront. J'ai trouvé que R... Y..., ex copine du PCR de P... D... et d'S... U... avait toutes les qualités requises pour devenir une cliente du samedi.

Au Moyen Age les gueux, histoire de conjurer le mauvais sort, d'éloigner les vampires suceurs de sang, clouaient sur la porte de leur grange une chauve souris. Samedi dernier, R... s'est retrouvée clouée par l'aile gauche. Je me réserve l'autre aile et peut être même la cuisse pour plus tard fin août, début septembre.

R... n'est pas Bernadette Soubirous ; ce n'est pas non plus mère Teresa. C'est une petite dame rusée, diablement intelligente, volontaire qui s'est servie de l'humanitaire, de la maladie, des politiques, des copains et des coquins dont nous parlerons bien évidemment, pour faire de la tune, comme disent les truands. Elle en a beaucoup.

A force de pratiquer la dialyse à la chaîne.

En sur-facturant la carte vitale comme ont pu le constater des enquêteurs de l'inspection du travail. Ce dossier a été mis sous le coude sur interventions En allant dialyser du côté de Madagascar, de Maurice, du Sénégal... R... s'est considérablement enrichie au détriment des malades, de la Sécurité sociale... R... opère si je peux dire dans le noir. C'est une nébuleuse aussi claire qu'une perfusion au jus de raisin de sociétés, de SCI, de biens meubles, un appartement, un immeuble peut-être...

Le tout évalué au doigt mouillé en 2016 à 20 millions d'euros. De l'argent récolté sur la base d'une association, l'AURAR (40 millions d'euros et de chiffre d'affaires), dont le but originel est d'offrir aux patients une alternative à l'hospitalisation.

Je préfère me garder pour la rentrée le gros morceau, celui de la cuisse. Pour aujourd'hui, nous allons nous contenter de revenir, mais avec les détails, sur ce que je vous disais samedi dernier.

L'ouverture de sociétés, de SCI avec des espèces, ce qui n 'est pas très légal.

Le 14 décembre 2011 comme le montre l'attestation de la BRED : « La BRED encaisse la somme de 900 000 euros correspondant à l'augmentation de capital de la SCI La Rose des Sables... » 900 000 euros versés en espèces. J'ai sous le nez l'extrait d'actes de création de la société. Je cite : « L'association... (AURAR) apporte à la société une somme en espèces à neuf cents mille euros pour porter son capital à la somme de.. 999 999 euros. « L'association des amis de la fondation Avenir de la santé apporte à la société une somme en espèces de 10 euros... ».

Août 2015, la société ADNIUM de droit français est enregistré au RCS de Paris.

L'objet de la société est si vaste qu'il prend une pleine page. Rien à voir avec les dialyses, les gros, les maigres, les infirmes, les souffreteux... Ce machin a pour adresse de domiciliation Paris 16ème mais la somme de 200 000 euros déposée l'a été sur le compte du Crédit Agricole, le 11 décembre 2014 à Saint Denis. A noter cette précision de la banque qui ouvre tout de même le parapluie : « La caisse régionale agit ainsi à titre de simples dépositaires agréés désignés par la législation des sociétés et décline toute responsabilité quant à l'origine des fonds déposés et leur utilisation après déblocage... »

Mars 2015, une société de type SCI est créée.

L'objet de la SCI Le Longoste tient en cinq lignes mais n'a rien à voir non plus avec les dialysés. Cette entité s'occupe de « l'aménagement de tout terrain ou immeubles... ».

Et pourtant l'ensemble des actes est avalisé par la signature de R.... C'est 300 000 euros qui sont versés en espèces selon les actes de création de la société. Je cite encore : « L'association... Aurar apporte à la société une somme en espèces de... 299 999 euros...

La SCI Rose des Sables en espèces... de 10 euros...

Et ce sera tout pour aujourd'hui pour ce qui concerne les faits et gestes de cette dame certes discrète mais hélas pour elle conseillère régionale et suppléante de C... N...... ».

5. Les extraits qui suivent de l'éditorial intitulé « Le pot aux roses » publié le 19 août 2017 étaient poursuivis : « Il n'y a qu'à piller l'AURAR. C'est ce que font R... et sa joyeuse équipe de suceurs de sang depuis 2007 sans que personne, comme on l'a vu, n'y trouve à redire.

La directrice c'est elle, elle s'est entourée de copains localement très influents [...].

Le conseil d'administration est de ce fait à sa botte qui lui donne tous les pouvoirs, le conseil de surveillance aussi.

L'Aurar association type loi 1901 permet tout cela et bien d'autres choses encore notamment celle d'échapper à une fiscalité normale sans que cela soit forcément illégal quoique... question éthique, on fait beaucoup mieux R... et ses petits camarades vont grassement « vivre sur la bête ». A ce point qu'en 2008 V... X... syndicaliste CFDT à l'Aurar porte le pet et plainte contre l'AURAR et ses filiales « pour détournement de fonds publics, abus de biens sociaux aggravé avec enrichissement personnel... » [...]. « Pour simple exemple, une grille de salaire prouvant un salaire de plus de 42 000 euros mensuels pour la Directrice Générale ». [...] De l'argent exclusivement public provenant de la CGSS. 9 ans plus tard, la question se pose. Combien touche aujourd'hui miss sangsue. Officiellement beaucoup moins, bien que l'impôt sur le revenu de 2016 la taxe tout de même de 40 000 euros. R... déclare en effet aux services fiscaux, comme salariée de l'Aurar, 170 000 euros à l'année, ce qui fait grosso-modo si l'on injecte le 13e mois un revenu mensuel de 13 000 mensuel. Il en manque si l'on croit X.... C'est bien triste, je vous l'accorde. Soit le syndicaliste a menti, ce qui ne semble pas être le cas vu que dans la foulée de sa plainte le X... a pris du galon et du pognon. Soit R... bidouille en se faisant payer la différence voire plus en prestations diverses et en jetons de présence dans les pays où les salaires ne sont pas imposables et échappent au fisc français. Des pays où l'Aurar s'est installée, Madagascar, Maurice, Sénégal, ailleurs peut être ? »

6. De l'éditorial publié le 26 août 2017 sous le titre « R... se fait du mauvais sang », la poursuite retenait les extraits ci-après : « C'est l'Aurar, la maison mère, la poule aux oeufs d'or, la tirelire qui détient le magot. Tirelire sur laquelle est assise la R..., laquelle distribue les parts de la galette aux copines, aux copains, à tous ceux qui gravitent autour des malades, aux SCI, aux SAS, aux banques de la place qui ont fructifier le pactole. Si l'on sait que I'Aurar vit exclusivement du remboursement des soins des malades par la CGSS, par conséquent de l'argent public, les autorités locales, judiciaires, préfectorales et de santé, seraient en droit d'exiger en plus d'un minimum de transparence, que cette fortune soit consacrée à la prévention, au bien-être des patients, lesquels sont en majorité à proximité du seuil de pauvreté. [...] R... va s'entourer d'autres rats tout aussi musqués que les autres pour mieux piller l'Aurar. [...] Le X... retire quelques semaines plus tard sa plainte sur la pointe des pieds. Personne ne bronche, ni les perdreaux, ni le parquet, encore moins l'ARS.

Le « dossier CFDT contre l'Aurar pour la brigade financière » fait pas moins de 500 pages. [...] R... dirige donc l'Aurar nouvelle formule.

L'association, ses moyens humains et sa trésorerie sont entièrement dévolus au service de ses ambitions, notamment politiques. Miss sangsue use et abuse de cette structure comme d'un bien personnel et privé. »

7. Enfin, étaient poursuivies ces deux phrases de l'éditorial intitulé « Au nom de la Rose » du 2 septembre 2017 : « [...] l'Aurar [...] est une secte qui pourrit par la tête comme le poisson. [...] Une machine à cracher 22 millions de trésorerie dans laquelle fourmille à hauteur du plafond une tripotée de compères la gratouille [...] ».

8. Les juges du premier degré ont joint les deux poursuites, déclaré M. E... coupable de diffamation publique envers un particulier, l'ont condamné à une peine d'amende et, solidairement avec la société Journal de l'île de la Réunion, à indemniser la partie civile.

9. Le prévenu, le civilement responsable et la partie civile ont relevé appel de ce jugement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches, et le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

10. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

11. Le moyen est pris de la violation des articles 23, 29, alinéa 1er, 32, alinéa 1er, et 42 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir.

12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a relaxé M. E... et son civilement responsable et a débouté la partie civile de l'ensemble de ses demandes, alors :

« 3°/ que, pour apprécier la portée des allégations ou imputations, les juges du fond doivent replacer les propos dans l'ensemble de l'article et dans leur contexte ; que, comme le faisait valoir la partie civile, les propos incriminés, tels que replacés dans le contexte et notamment au regard des éditoriaux précédemment publiés dans le Journal de l'Ile de la Réunion par le prévenu, imputent à Mme Y... des faits précis de détournement d'argent à son profit, privilégiant ses propres intérêts au détriment de la prévention et du bien-être des patients et d'abus de la structure de l'Aurar comme d'un bien personnel et privé ; qu'en retenant que les propos du quatrième éditorial (26 août 2017) étaient certes désagréables pour la partie civile puisque le prévenu indiquait que la partie civile faisait profiter ses amis des fonds de l'Aurar et qualifiait ses amis de rats musqués, mais ne renfermaient pas l'allégation d'un fait précis et ne pouvaient constituer une diffamation et que le prévenu, s'il reprochait à la partie civile d'utiliser les moyens humains et financiers de l'Aurar à des fins personnelles, se cantonnait dans des considérations générales, cependant que les passages incriminés, qui sont à apprécier au regard de l'ensemble de l'article, de son contexte et des précédents éditoriaux, imputaient à Mme Y... des détournements de fonds à son profit, dont la preuve pouvait être rapportée et faire l'objet d'un débat contradictoire, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes visés au moyen ;

4°/ que, pour apprécier la portée des allégations ou imputations, les juges du fond doivent replacer les propos dans l'ensemble de l'article et dans leur contexte ; que Mme Y... faisait valoir, s'agissant de l'éditorial du 2 septembre 2017, que les termes « L'Aurar (...) est une secte qui pourrit par la tête comme le poisson. Une machine à cracher 22 millions de trésorerie dans laquelle fourmille à hauteur du plafond une tripotée de compères la gratouille », tels que replacés dans le contexte et notamment par rapport aux précédents éditoriaux publiés dans le Journal de l'Ile de la Réunion par le prévenu, imputent à Mme Y... des faits précis de détournement d'argent à son profit, celle-ci pervertissant l'Aurar dédié à la dialyse en « machine à crache » de l'argent et détournant de manière inavouable, dans un but personnel, la finalité et les moyens de l'Aurar ;qu'en retenant que la directrice de l'Aurar n'était pas visée directement ni facilement identifiable, que les propos ne comportaient aucune allégation de faits précis et ne portaient pas d'imputations à caractère diffamatoire quand les passages incriminés, qui sont à apprécier au regard de l'ensemble de l'article et des précédents éditoriaux, imputaient à Mme Y... sous forme d'insinuations, de s'être astucieusement entourée afin de pouvoir commettre des détournements à son profit sans risquer de poursuites, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 29, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881. »

Réponse de la Cour

13. Pour écarter le caractère diffamatoire des passages poursuivis contenus dans les éditoriaux des 26 août et 2 septembre 2017, l'arrêt attaqué énonce en substance que les premiers propos sont certes désagréables pour la partie civile, qui ferait profiter ses amis, qualifiés de rats musqués, des fonds de l'Aurar, et les utiliserait elle-même à des fins personnelles, mais, se cantonnant à des considérations générales, ne renferment pas l'allégation de fait précis susceptibles de faire l'objet d'un débat sur la preuve et que si, dans l'éditorial du 2 septembre, le prévenu qualifie l'Aurar de secte, sa directrice n'est pas visée directement ni facilement identifiable, et ces propos ne comportent aucune allégation de faits précis.

14. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

15. En effet, s'il appartient aux juges de relever toutes les circonstances et éléments extrinsèques aux propos poursuivis de nature à donner à ceux-ci leur véritable sens et susceptibles de caractériser la diffamation, la partie civile ne saurait faire grief à l'arrêt de n'avoir pas retenu à ce titre les propos se référant à des faits précis qui figuraient dans les mêmes articles que les passages incriminés, mais qu'elle avait fait le choix de ne pas poursuivre.

16. La cour d'appel a par ailleurs exactement apprécié le sens et la portée desdits passages incriminés qui, en eux-mêmes, reprochaient seulement à la partie civile de se faire valoir à titre personnel au travers de son activité de directrice générale de l'Aurar et ne contenaient pas l'imputation de faits précis susceptibles d'un débat sur la preuve de leur vérité.

17. Ainsi, le moyen doit être écarté.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

18. Le moyen est pris de la violation des articles 23, 29, alinéa 1er, 32, alinéa 1er, et 42 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 591 à 593 du code de procédure pénale.

19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a relaxé M. E... et son civilement responsable et a débouté la partie civile de l'ensemble de ses demandes, alors :

« 1°/ que la bonne foi se caractérise, de manière cumulative, par la légitimité du but poursuivi, l'absence d'animosité personnelle, la prudence et la mesure dans l'expression ainsi que par le sérieux de l'enquête ; qu'en retenant que les pièces produites par le prévenu constituaient une base factuelle suffisante dont les informations n'avaient pas été dénaturées et étaient restées dans leur relation, dans le style habituel de l'éditorial du journaliste, proportionnées aux faits dénoncés, quand le prévenu avait gravement manqué de prudence et de mesure dans l'expression en imputant à la partie civile de s'être rendue dans deux agences bancaires de la Réunion avec une mallette d'argent liquide contenant, l'une, un million d'euros et l'autre 300 000 euros, sans que les banques n'y trouvent à redire (éditorial du 24 juin 2017), d'avoir opéré « dans le noir. C'est une nébuleuse, aussi claire qu'une perfusion au jus de raisin, de sociétés, de SCI, de biens meubles, un appartement, un immeuble peut-être

, le tout évalué au doigt mouillé en 2016 à 20 millions d'euros » (éditorial du 1er juillet 2017), de s'être « servie de l'humanitaire, de la maladie, des politiques, des copains et des coquins dont nous reparlerons biens évidemment pour faire de la tune, comme disent les truands » (éditorial du 1er juillet 2017), de s'être considérablement enrichie au détriment des malades et de la sécurité sociale en allant dialyser du côté de Madagascar, de Maurice, du Sénégal, d'avoir surfacturé la carte vitale des malades qui s'adressaient à l'Aurar (éditorial du 1er juillet 2017), d'avoir pillé l'Aurar en s'entourant depuis dix ans de personnes influentes qu'elle contrôlait au sein du conseil d'administration et qu'elle avait réussi à mettre à sa botte, d'avoir permis à l'Aurar d'échapper à une fiscalité normale (éditorial du 19 août 2017), d'avoir commis les infractions de « détournement de fonds publics, abus de biens sociaux aggravé avec enrichissement personnel » en se faisant payer « un salaire de plus de 42 000 euros mensuels », (éditorial du 19 août 2017), de partager le « magot » sur lequel elle était assise avec « ses copains et ses copines » et de faire profiter ses amis des fonds de l'Aurar en étant « entourée d'autres rats tout aussi musqués que les autres pour mieux piller l'Aurar » (éditorial du 26 août 2017) et que l'Aurar serait « une secte qui pourrit par la tête comme le poisson » (éditorial du 2 septembre 2017), la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

4°/ que les imputations diffamatoires sont réputées de droit faites avec intention de nuire, de sorte qu'il appartient à l'auteur de telles imputations de rapporter la preuve de sa bonne foi ; que même dans le cadre d'un débat d'intérêt général, la bonne foi n'est admise qu'en présence d'une base factuelle suffisante, d'autant plus sévèrement appréciée que l'accusation est grave ; qu'en se bornant, pour retenir la bonne foi de M. E..., à énoncer qu'en ce qui concernait le premier éditorial, les pièces produites par les prévenus démontraient que des fonds avaient été versés en espèces pour la constitution de la société Empar, représentée par Mme Y... avec pour apport la somme en numéraire de 30 030 euros et que la société Labomega avait été constituée avec des apports en numéraire de 37 000 euros, ce qui accréditait par une base factuelle suffisante les allégations du premier éditorial sur « les fonds d'importance déposés en numéraire par la partie civile dans une agence bancaire », cependant que les apports en numéraire ne sont pas nécessairement des apports en espèces et sont le plus souvent faits sous forme de chèque ou de virement et qu'en tout état de cause les apports en espèce sont licites, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé en quoi les pièces produites par M. E... concernant les versements de fonds pour la constitution des sociétés Empar et Labomega permettaient d'imputer personnellement à Mme Y... des détournements de fonds publics, des fraudes et abus de biens sociaux avec enrichissement personnel, n' a pas donné de base légale à sa décision ;

5°/ que les imputations diffamatoires sont réputées de droit faites avec intention de nuire, de sorte qu'il appartient à l'auteur de telles imputations de rapporter la preuve de sa bonne foi ; que même dans le cadre d'un débat d'intérêt général, la bonne foi n'est admise qu'en présence d'une base factuelle suffisante, d'autant plus sévèrement appréciée que l'accusation est grave ; qu'en se bornant, pour retenir la bonne foi de M. E..., à énoncer qu'il ressortait des pièces produites par celui-ci que le conseil d'administration de la caisse de sécurité sociale s'élevait dans sa motion du 4 juin 2009 contre la privatisation de l'Aurar, que celle-ci avait dans son patrimoine deux SCI et une filiale, que la CFDT avait déposé un dossier pour la brigade financière en 2009, que le rapport Secavi Aurar de 2008 faisait état de difficultés de tarifications sur la « rentabilité de la dialyse » tout en relevant la bonne santé économique de l'Aurar et faisait état d'accords de coopération avec certains pays étrangers, que l'association de dialysés Renaloo avait obtenu un vote du sénat sur un amendement relatif au nouveau modèle économique de la dialyse et relayé les inquiétudes portées sur le dossier de l'Aurar, de sorte que M. E... disposait d'une base factuelle suffisante pour tenir les propos qui lui étaient reprochés, sans indiquer en quoi ces documents qui remontaient pour la plupart à plus de dix ans permettaient d'imputer personnellement à Mme Y... des détournements de fonds publics et abus de biens sociaux avec enrichissement personnel, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser la bonne foi de M. E..., n'a pas légalement justifié sa décision ;

6°/ que la bonne foi du diffamateur ne peut être déduite de faits postérieurs à la diffusion des propos incriminés ; qu'en l'espèce, pour relaxer M. E... des chefs de diffamations commises les 24 juin, 1er juillet, 19 août, 26 août et 2 septembre 2017, au bénéfice de la bonne foi, la cour d'appel s'est fondée sur un courrier de l'association nationale des patients du 8 novembre 2017 et sur le rapport d'observations provisoires de la cour régionale des comptes du 28 novembre 2018, tous postérieurs à la parution des écrits incriminés et ne pouvant dès lors servir à établir l'existence de la bonne foi ; qu'en se fondant ainsi sur des faits postérieurs à la diffusion des propos litigieux, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 29, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et 593 du code de procédure pénale :

20. Il résulte du premier de ces textes que la bonne foi du prévenu ne peut être déduite ni de faits postérieurs à la diffusion des propos litigieux, ni de pièces établies postérieurement à celle-ci, sauf le cas d'attestations rapportant des faits antérieurs et établissant que le prévenu en avait connaissance au moment de cette diffusion.

21. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties.

L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

22. Pour accorder au prévenu le bénéfice de la bonne foi, l'arrêt, après avoir exactement énoncé que les éditoriaux litigieux traitaient d'un sujet d'intérêt général, relatif à la gestion des fonds publics dans le domaine de la santé et spécialement dans celui particulièrement sensible de la dialyse à la Réunion, retient que les propos reposent sur une base factuelle suffisante constituée, notamment, d'une lettre de l'association nationale des patients du 8 novembre 2017 et d'un rapport d'observations provisoires de la chambre régionale des comptes dont il ne précise pas la date mais qui fait état de faits dont certains se seraient déroulés au cours de l'année 2018.

23. En se déterminant ainsi, alors que certains des faits retenus au titre de la base factuelle étaient postérieurs à la diffusion des propos, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

24. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 9 mai 2019, en ses seules dispositions civiles ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Bonnal - Avocat général : M. Lagauche - Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Article 29, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881 ; article 593 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

S'agissant des éléments produits au soutien de l'exception de bonne foi portant sur des faits postérieurs aux propos incriminés, à rapprocher : Crim., 8 septembre 2015, pourvoi n° 14-81.681, Bull. crim. 2015, n° 194 (cassation et désignation de juridiction).

Crim., 3 novembre 2020, n° 19-85.276, (P)

Cassation partielle

Droit de réponse – Exercice – Limite

L'insertion d'une réponse présentée dans les conditions de forme que prévoit l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ne peut être refusée que si ladite réponse est contraire aux lois, à l'intérêt légitime des tiers, n'est pas en corrélation avec l'article auquel il est répondu et met en cause l'honneur du journaliste ou de l'organe de presse de façon disproportionnée à la teneur de l'article initial.

Ne porte pas atteinte à l'honneur du journaliste, auteur de l'article auquel il est répondu, la réponse qui se contente de critiquer, dans des termes proportionnés à cet article, la légitimité du but poursuivi par celui-ci, le sérieux de l'enquête conduite par son auteur, sa prudence dans l'expression ou son absence d'animosité personnelle.

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par Mme I... L..., partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, chambre correctionnelle, en date du 18 avril 2019, qui, dans la procédure suivie contre M. K... U... et la société Journal de l'île de La Réunion du chef de refus d'insertion d'une réponse, a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. À la suite de la publication, dans le quotidien Le Journal de l'île de La Réunion, de deux articles, d'abord, puis de quatre autres, ensuite, Mme L... a successivement fait délivrer au directeur de la publication deux actes d'huissier demandant chacun l'insertion d'une réponse.

3. La première réponse n'ayant pas été insérée et la seconde l'ayant été dans des conditions qui n'étaient pas conformes aux exigences de l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, Mme L... a fait citer du chef précité M. U..., en qualité de directeur de la publication, ainsi que, en qualité de civilement responsable, la société éditrice du quotidien.

4. Les juges du premier degré ont relaxé le prévenu.

La partie civile a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen est pris de la violation des articles 2, 3, 591, 593 du code de procédure pénale, 1240 du code civil et 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a débouté la partie civile de ses demandes tendant à voir juger qu'en refusant d'insérer ses deux droits de réponse, M. U... avait commis une faute civile dont il devait répondre en ce qui concernait les conséquences civiles et ce, in solidum avec la société Journal de l'Ile de La Réunion, civilement responsable, à voir ordonner l'insertion des droits de réponse signifiés par actes des 24 juillet et 13 septembre, à voir condamner les mêmes in solidum à lui payer la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et à voir ordonner, à titre de réparation civile complémentaire, l'insertion d'une publication judiciaire dans le Journal de l'Ile de la Réunion, alors :

« 1°/ que l'insertion d'un droit de réponse peut être ordonnée par le juge pénal ou civil à titre de réparation civile ; qu'en l'espèce, il résulte des conclusions de Mme L..., partie civile, que celle-ci avait expressément demandé aux juges d'ordonner, à titre de réparation civile, l'insertion des droits de réponse qui avaient été signifiés par actes des 24 juillet et 13 septembre 2017 ; que dès lors la cour d'appel, bien qu'elle ne fût saisie que de l'action civile, pouvait légalement ordonner l'insertion de droits de réponse ; qu'en retenant que, saisie du seul appel sur les dispositions civiles, il ne lui appartenait pas d'ordonner l'insertion de droits de réponse à l'origine de la saisine du tribunal correctionnel, la cour d'appel a méconnu sa propre compétence et violé les textes visés au moyen ;

2°/ que le droit de réponse est général et absolu ; que celui qui en use est seul juge de la teneur, de l'étendue, de l'utilité et de la forme de la réponse dont il requiert l'insertion ; que le refus d'insérer ne se justifie que si la réponse est contraire aux lois, aux bonnes moeurs, à l'intérêt légitime des tiers ou à l'honneur du journaliste ; que ne saurait être considérée comme portant atteinte à l'honneur du journaliste une réponse dont les termes ne dépassent pas en gravité et en vivacité ceux des propos auxquels il a été répondu ; qu'en se bornant à énoncer que, pour le premier droit de réponse, une partie des termes utilisés mettait en cause le sérieux de l'enquête du journaliste et était de nature à porter atteinte à son honneur et à sa considération, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les termes figurant dans la réponse dépassaient ou non, par leur densité, l'agressivité et la violence des articles visés, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

3°/ que le droit de réponse est général et absolu ; que le refus d'insérer ne se justifie que si la réponse est contraire aux lois, aux bonnes moeurs, à l'intérêt légitime des tiers ou à l'honneur du journaliste ; que Mme L... faisait valoir que, par jugement du 20 avril 2018, le tribunal correctionnel de Saint-Denis de la Réunion avait jugé gravement diffamatoires les deux éditoriaux des 24 juin et 1er juillet 2017 et que le contenu du droit de réponse concernant ces deux articles était irréprochable et reflétait la vérité ainsi qu'en avait décidé le tribunal qui lui avait donné raison en jugeant les allégations diffamatoires et qu'il n'était possible de valider le refus d'insérer le droit de réponse de Mme L... au motif que celle-ci aurait eu tort de contester le sérieux de l'enquête du journaliste alors qu'avait été reconnue l'absence d'enquête sérieuse de l'éditorialiste ; qu'en retenant que le fait que, le 20 avril 2018, le tribunal correctionnel ait jugé diffamatoires des articles de presse à l'origine du premier droit de réponse ne pouvait remettre en cause le caractère légitime du refus d'insertion car les faits commis les 28 juillet, 15 et 17 septembre 2017 ne pouvaient être envisagés à partir d'une décision judiciaire intervenue postérieurement, cependant que ce jugement correctionnel ne faisait que conforter le droit de réponse de Mme L... en adéquation avec l'attaque dont elle avait fait l'objet et caractérisait l'absence de légitimité du refus d'insérer ces droits de réponse, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

4°/ que le droit de réponse, personnel, peut être exercé par celui qui a été expressément ou implicitement mis en cause dans une publication périodique, peu importe que le contenu de la réponse ne contienne pas expressément le nom de la personne mise en cause ni sa fonction ; que Mme L..., directrice générale de l'Aurar, qui dans sa réponse- après avoir indiqué que l'Aurar et sa direction étaient régulièrement citées dans les colonnes du Journal de l'Ile de La Réunion, lequel soutenait que l'Aurar était une machine à générer des profits, au détriment des malades et de la sécurité sociale et sans grand souci de la qualité des soins rendus - a rappelé la qualité des soins dispensés à l'Aurar et la qualité de la gestion de l'Aurar, a répondu à sa propre mise en cause ; qu'en retenant, pour considérer que le directeur de la publication avait le droit de refuser l'insertion du second droit de réponse à la même place et dans les mêmes caractères que les articles de presse en cause, que son contenu évoquait exclusivement l'Aurar sans jamais citer le nom de celle de qui il émanait, ni sa fonction de directrice générale, cependant que Mme L... était précisément chargée, par les statuts d'impulser les choix de l'Aurar et de veiller à leur bonne mise en oeuvre et qu'elle avait ainsi répondu à sa mise en cause personnelle, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

5°/ qu'en l'état des conclusions de Mme L..., dont il ressortait que cette dernière avait demandé de dire et juger qu'en refusant d'insérer dans les formes et délais de la loi ses deux droits de réponse, M. U... avait commis une faute civile dont il devait répondre en ce qui concernait ses conséquences civiles et, ce in solidum avec la Sas Journal de l'Ile de la Réunion, civilement responsable, et d'ordonner l'insertion des droits de réponse (citation p.16 et 17), la cour d'appel qui a retenu que l'intégralité des écritures de l'appelante concernait le délit de refus d'insertion sans aucun moyen ou argument sur les éléments constitutifs d'une faute civile distincte de la faute pénale, a dénaturé les conclusions dont elle était saisie et par là même entaché sa décision d'une contradiction de motifs. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen pris en ses troisième, en ce qu'elle vise la seconde réponse, et quatrième branches

7. Pour confirmer le jugement et débouter la partie civile s'agissant de la seconde demande d'insertion d'une réponse, l'arrêt attaqué énonce que ladite réponse ne concerne que l'Aurar, sans jamais citer le nom de celle de qui cette demande émanait, ni sa fonction de directrice générale, et ne respectait par conséquent pas le caractère personnel prévu par la loi.

8. Les juges ajoutent que le fait que, postérieurement aux refus d'insertion, le tribunal correctionnel ait jugé diffamatoires des articles de presse à l'origine de la première demande d'insertion ne saurait remettre en cause le caractère légitime de ces refus.

9. En prononçant ainsi, la cour d'appel, qui a exactement relevé que la seconde réponse ne concernait pas la demanderesse à l'insertion, n'a pas méconnu l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

10. En effet, le droit de réponse prévu par ce texte est strictement personnel et celui qui entend en user ne peut répondre qu'à sa propre mise en cause, et non à celle d'un tiers, celui-ci aurait-il été également nommé ou désigné dans la publication suscitant la réponse.

11. Par ailleurs, la circonstance que le texte auquel il est répondu soit ultérieurement jugé diffamatoire à l'égard du demandeur à l'insertion est sans incidence sur la caractérisation du délit, lequel est consommé par la non-insertion dans les brefs délais prévus aux alinéas 1 et 2 de l'article 13 précité, et dès lors que le demandeur à l'insertion n'a pas à démontrer qu'il a été diffamé par l'article auquel il entend répondre, mais seulement qu'il y a été nommé ou désigné.

12. Les griefs ne sont, en conséquence, pas fondés.

Mais sur le moyen pris en ses deuxième et troisième branches, cette dernière en ce qu'elle vise la seconde réponse

Vu l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :

13. Il se déduit de ce texte que l'insertion d'une réponse présentée dans les conditions de forme qu'il prévoit ne peut être refusée que si ladite réponse est contraire aux lois, à l'intérêt légitime des tiers, n'est pas en corrélation avec l'article auquel il est répondu et met en cause l'honneur du journaliste ou de l'organe de presse de façon disproportionnée au regard de la teneur de l'article initial.

14. Ne porte pas atteinte à l'honneur du journaliste, auteur de l'article auquel il est répondu, la réponse qui se contente de critiquer, dans des termes proportionnés à cet article, la légitimité du but poursuivi par celui-ci, le sérieux de l'enquête conduite par son auteur, sa prudence dans l'expression ou son absence d'animosité personnelle.

15. Pour confirmer le jugement sur les intérêts civils et débouter la partie civile de toutes ses demandes, l'arrêt attaqué énonce encore, en substance, s'agissant de la première demande d'insertion, que les termes utilisés mettaient en cause, pour une partie d'entre eux, le sérieux de l'enquête du journaliste personnellement visé et étaient de nature à porter atteinte à son honneur et à sa considération.

16. En prononçant ainsi, sans examiner, ainsi qu'elle devait le faire, la teneur des articles auxquels il était répondu, qu'elle ne cite pas, mais qui étaient annexés à l'acte initial de poursuite, et alors que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer qu'en affirmant la fausseté de certaines des informations contenues dans ces articles, en relevant que leur auteur n'avait effectué aucune vérification auprès de la personne qu'il mettait en cause, et en les qualifiant « d'attaques injustifiées [...] extrêmement déplaisantes », la réponse n'a fait que critiquer les méthodes du journaliste, en des termes sévères mais mesurés, qui sont restés proportionnés au ton ironique et péremptoire desdits articles.

17. La cassation est, en conséquence, encourue de ces chefs.

Et sur le moyen pris en ses première et cinquième branches

Vu les articles 2, 497 et 509 du code de procédure pénale et 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :

18. Il se déduit de l'ensemble de ces textes que l'autorité de la chose jugée attachée aux dispositions relatives à l'action publique ne fait pas obstacle au droit, pour la partie civile, seule appelante d'une décision de relaxe, d'obtenir, au cas où une faute civile est démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, que soit ordonnée par la cour d'appel, statuant sur les seuls intérêts civils, en réparation du préjudice résultant directement de cette faute, l'insertion de la réponse dans les conditions prévues par l'alinéa 8 du dernier de ces textes.

19. Pour débouter la partie civile de ses demandes, l'arrêt énonce également que la relaxe du prévenu étant définitive, il n'appartient pas à la cour d'appel, saisie du seul appel sur les dispositions civiles, d'ordonner l'insertion des droits de réponse à l'origine de la saisine du tribunal correctionnel.

20. En l'état de ces énonciations et alors que la partie civile sollicitait, en réparation du préjudice résultant pour elle de la faute civile démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, que soient ordonnées les insertions refusées, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé.

21. La cassation est donc encore encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 18 avril 2019, mais en ses seules dispositions relatives au refus opposé à la demande d'insertion formée le 24 juillet 2017, toutes autres dispositions étant expressément maintenues.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Bonnal - Avocat général : M. Lagauche - Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Article l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Rapprochement(s) :

S'agissant du droit de réponse attribué par l'article 13 de la loi du 29 juillet 1881 et ses limites : Crim., 15 avril 1982, pourvoi n° 80-93.757, Bull. crim. 1982, n° 89.

Crim., 3 novembre 2020, n° 19-87.463, (P)

Cassation

Procédure – Citation – Citation délivrée du chef d'une ou plusieurs infractions de presse – Validité de la citation – Conditions – Irrégularité affectant une partie des propos poursuivis – Divisibilité des propos – Nullité (non) – Cas

L'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse n'exige, à peine de nullité de l'acte initial de poursuite, que la précision et la qualification du fait incriminé, ainsi que la mention du texte de loi énonçant la peine encourue. La nullité ne peut être prononcée que si l'acte a pour effet de créer une incertitude dans l'esprit du prévenu quant à l'étendue des faits dont il a à répondre.

Lorsque plusieurs propos sont incriminés dans une même citation délivrée du chef d'une ou plusieurs infractions de presse, l'irrégularité affectant la poursuite s'agissant d'un de ces propos ne s'étend à l'ensemble de l'acte que si, en raison de l'indivisibilité existant entre les différents faits poursuivis, c'est sur la nature et l'étendue de l'intégralité de ceux-ci qu'il en résulte une incertitude dans l'esprit du prévenu.

CASSATION sur le pourvoi formé par Mme E... L... et l'Association pour l'utilisation du rein artificiel à la Réunion (AURAR), parties civiles, contre l'arrêt n° 293 de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, chambre correctionnelle, en date du 31 octobre 2019, qui, dans la procédure suivie contre M. O... N... du chef de diffamation publique envers particuliers, a prononcé la nullité des poursuites.

Un mémoire a été produit.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. L'AURAR et Mme L..., sa directrice générale, ont fait citer devant le tribunal correctionnel du chef susvisé, en raison de divers passages de plusieurs articles successivement publiés les 14, 17, 21, 25, 28, 30 et 31 octobre 2017 sous la signature de M. N... dans le Journal de l'île de la Réunion (JIR), M. N..., en qualité de directeur de la publication, et la société éditrice Journal de l'île de la Réunion, en qualité de civilement responsable.

3. Le dispositif de la citation reproduisait trente-trois passages poursuivis comme diffamatoires, à l'égard de la seule Mme L... pour les passages 1 à 13 et à l'égard des deux parties civiles pour les passages 14 à 33.

4. Les juges du premier degré ont constaté la nullité de la citation.

5. Les parties civiles, ainsi que le prévenu et la société recherchée en qualité de civilement responsable, ont relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit Mme E... L... et l'AURAR mal fondées en leur appel et a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a constaté la nullité de la citation, alors :

« 1°/ que la citation qui vise précisément les infractions poursuivies ainsi que les textes applicables et articule sans ambiguïté les propos estimés injurieux ou diffamatoires saisit valablement le juge ; que la cour d'appel qui a relevé que les imputations mentionnées dans les motifs, page 54 de l'acte de citation, parlaient de consultations fantômes de néphrologie qui se feraient sans l'accord des praticiens concernés " et page 55 établissement de vraies facturations des consultations qui n'ont pas eu lieu..... Un médecin l'aurait même payé de son emploi au sein de l'AURAR pour avoir protesté » ne pouvait, sans se contredire, affirmer que les imputations figurant dans le dispositif p. 64 indiquant : § 27 peut-on s'étonner que de telles pratiques de consultations fantômes de néphrologie se fassent sans l'accord des praticiens concernés ; § 28 quelques praticiens ont refusé cette signature électronique. Ils se sont attirés les foudres de Mme L.... Un médecin l'a payé de son emploi

; § 31 sur une note de service qui orchestrerait de vraies facturations de consultations qui n'ont pas eu lieu » étaient différentes de celles énoncées dans les motifs de la citation et ne constituaient pas les mêmes imputations ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a violé l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

2°/ que la citation qui vise précisément les infractions poursuivies ainsi que les textes applicables et articule sans ambiguïté les propos estimés injurieux ou diffamatoires saisit valablement le juge ; que Mme L... faisait valoir qu'il n'existait aucune discordance entre les motifs de la citation et son dispositif, celui-ci reprenant les passages cités comme diffamatoires dans les motifs et qu'il n'existait aucune incertitude dans l'esprit du prévenu quant à l'étendue des propos poursuivis et des faits dont il devait répondre ; qu'en affirmant que les imputations mentionnées à la page 54 de l'acte de citation qui ‘parle de consultations fantôme de néphrologie qui se feraient sans l'accord des praticiens concernés' et page 55 ‘établissement de vraies consultations qui n'ont pas eu lieu

Un médecin l'aurait même payé de son emploi au sein de L'AURAR pour avoir protesté' n'étaient pas reprises sous les mêmes imputations dans le dispositif, sans expliquer en quoi les locutions présentées comme diffamatoires dans le dispositif de la citation étaient différentes de celles figurant dans les motifs et ne constituaient pas les mêmes imputations, ni en quoi cette prétendue discordance avait pu créer une incertitude dans l'esprit du prévenu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

3°/ que la citation qui vise précisément les infractions poursuivies ainsi que les textes applicables et articule sans ambiguïté les propos estimés injurieux ou diffamatoires saisit valablement le juge ; qu'en l'espèce, la citation du 8 janvier 2018 a articulé tous les faits, les a qualifiés et a visé les textes applicables en distinguant clairement et précisément les imputations visant uniquement Mme L... (articles des 14, 17, 21, 25, 26 et 28 octobre 2017, dispositif p. 61 à 64, allégations 1 à 13) et celles visant à la fois Mme L... et l'Aurar (articles des 30 et 31 octobre 2017 ; dispositif p.64, in fine à 67, allégations 14 à 33) ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

4°/ que la citation qui vise précisément les infractions poursuivies ainsi que les textes applicables et articule sans ambiguïté les propos estimés injurieux ou diffamatoires saisit valablement le juge ; qu'en énonçant, de manière vague, que certaines imputations n'étaient pas exemptes de la qualification d'injure qui avait pu être mentionnée mais qui n'était pas reprise dans le dispositif, sans indiquer précisément quelles locutions dans la citation étaient présentées comme injurieuses et auraient dû figurer dans le dispositif, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881sur la liberté de la presse ;

5°/ en tout état de cause que lorsque les expressions outrageantes ou appréciations injurieuses sont indivisibles d'une imputation diffamatoire, le délit d'injure est absorbé par celui de la diffamation et ne peut être relevé seul ; que Mme L... indiquait que si l'expression « cochon rose à fente » était injurieuse, les propos précédents « La E..., toujours perchée sur sa tirelire de 22 millions d'euros » imputait un fait précis, qu'au cas d'indivisibilité entre l'injure et la diffamation, seul ce dernier délit devait être retenu et qualifiait ces propos de diffamation publique envers un particulier ; qu'en énonçant, pour retenir que le prévenu ne pouvait connaître le périmètre exact des faits qui lui étaient reprochés, que certaines imputations n'étaient pas exemptes de la qualification d'injure qui avait pu être mentionnée mais n'étaient pas reprises dans le dispositif, sans rechercher si la qualification d'injure n'avait pas été absorbée par celle de diffamation, justifiant que cette qualification ne soit pas reprise dans le dispositif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 29 et 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

6°/ que, subsidiairement, lorsque la poursuite concerne une pluralité de faits distincts, susceptibles chacun de la qualification retenue par la partie poursuivante, la juridiction de jugement devant laquelle la citation est arguée de nullité, sur le fondement de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, est tenue d'examiner pour chacun des faits incriminés si les prescriptions de ce texte ont été respectées et de statuer sur ceux des faits dont elle est valablement saisie ; que la citation délivrée par Mme L... visait de nombreux articles, inclus dans les numéros du J.I.R des 14, 17, 21, 25, 26, 28, 30 et 31 octobre 2017, et comportant de nombreuses imputations diffamatoires ; que Mme L... faisait valoir qu'à supposer même qu'une locution fût manquante dans le dispositif pour une imputation poursuivie, la citation ne pouvait être annulée dans sa totalité ; qu'en confirmant la décision de première instance en ce qu'elle a annulé la citation dans sa totalité, sans examiner, ainsi qu'elle y était invitée, chacun des passages pris isolément pour déterminer, pour chacun d'eux, si la juridiction répressive avait été valablement saisie et, le cas échéant, statuer au fond, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen pris en sa troisième branche

7. Pour confirmer le jugement sur la nullité de la citation, l'arrêt attaqué énonce notamment que cet acte ne distingue pas particulièrement les imputations ou allégations qui porteraient atteinte à l'honneur et à la considération de l'AURAR de celles qui concerneraient Mme L..., ce qui ne permet pas au prévenu de connaître le périmètre exact des faits qui lui sont reprochés.

8. En l'état de ces énonciations et dès lors qu'ainsi que la Cour de cassation est en mesure de s'en assurer, les passages poursuivis aux points 18, 19 et 20 du dispositif sous la qualification de diffamation publique envers Mme L... et l'AURAR sont présentés, dans les motifs de l'acte, en page 47, comme diffamatoires « à l'endroit seulement de Mme L... et non pas de l'AURAR », ce qui créait une incertitude dans l'esprit du prévenu quant à l'étendue de la poursuite du chef de ces trois passages, la cour d'appel n'a pas méconnu le texte visé au moyen.

9. Ainsi, le grief doit être écarté.

Mais sur le moyen pris en ses autres branches

Vu l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse :

10. Ce texte n'exige, à peine de nullité de l'acte initial de poursuite, que la précision et la qualification du fait incriminé, ainsi que la mention du texte de loi énonçant la peine encourue.

La nullité ne peut être prononcée que si l'acte a pour effet de créer une incertitude dans l'esprit du prévenu quant à l'étendue des faits dont il a à répondre.

11. Pour confirmer le jugement sur la nullité de la citation, l'arrêt attaqué énonce encore que les imputations mentionnées en pages 54 et 55 de l'acte, relatives à des consultations fantôme de néphrologie qui se feraient sans l'accord des praticiens concernés, à l'établissement de vraies consultations qui n'ont pas eu lieu, et au fait qu'un médecin aurait payé de son emploi au sein de l'AURAR le fait d'avoir protesté, ne sont pas exactement reprises dans le dispositif, qui poursuit, au point 27, « peut-on s'étonner que de telles pratiques de consultation fantôme de néphrologie se fassent sans l'accord des praticiens concernés », au point 28 « quelques praticiens ont refusé cette signature électronique... Ils se sont attiré les foudres de Mme L... un médecin l'a payé de son emploi » et au point 31 « sur un note de service qui orchestrerait de vraies facturations de consultations qui n'ont pas eu lieu ».

12. Les juges ajoutent que des imputations ne sont pas exemptes de la qualification d'injure qui a pu être mentionnée mais qui n'est pas reprise dans le dispositif.

13. Ils concluent que ces incertitudes et ces imprécisions ne permettent pas au prévenu de connaître le périmètre exact des faits qui lui sont reprochés à l'encontre de Mme L... et de l'AURAR et de formuler une offre de preuve dans les conditions de l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881, ce qui emporte l'annulation de l'acte en son entier.

14. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé, pour les trois motifs qui suivent.

15. En premier lieu, il ne résulte aucune incertitude préjudiciable aux droits de la défense du fait que trois passages poursuivis, extraits de l'article situé page 11 de l'édition du 31 octobre 2017 et exactement reproduits aux points 27, 28 et 31 du dispositif de la citation, ont été, dans les motifs de cet acte, seulement résumés ou cités au style indirect, sans que le sens en ait été dénaturé.

16. En deuxième lieu, outre que ce moyen de nullité a été relevé d'office par les juges, la citation, ainsi que la Cour de cassation est également en mesure de s'en assurer, expose clairement, en pages 34 et 35, dans des conditions qui ne sont de nature à créer aucune incertitude dans l'esprit du prévenu sur la qualification retenue, pourquoi une expression qui, prise seule, serait injurieuse, est indivisible de l'imputation diffamatoire dans laquelle elle est incluse et est donc poursuivie sous la qualification de diffamation.

17. Enfin, la cour d'appel ne pouvait déduire des nullités partielles qu'elle constatait que l'acte devait être annulé en son entier.

18. En effet, lorsque plusieurs propos sont incriminés dans une même citation délivrée du chef d'une ou plusieurs infractions de presse, l'irrégularité affectant la poursuite s'agissant d'un de ces propos ne s'étend à l'ensemble de l'acte que si, en raison de l'indivisibilité existant entre les différents faits poursuivis, c'est sur la nature et l'étendue de l'intégralité de ceux-ci qu'il en résulte une incertitude dans l'esprit du prévenu.

19. Tel n'était pas le cas en l'espèce, les passages concernés par la seule nullité exactement retenue par l'arrêt attaqué étant divisibles des autres propos poursuivis, dont ils n'affectaient pas le sens et la portée.

20. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 31 octobre 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Bonnal - Avocat général : M. Lagauche - Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article 53 de la loi du 29 juillet 1881.

Rapprochement(s) :

S'agissant des actes introductifs d'instance faisant l'objet d'une annulation totale lorsque l'irrégularité affectant un seul des propos poursuivis crée un doute qui affecte l'acte en son entier, à rapprocher : Ass. plén., 15 février 2013, pourvoi n° 11-14.637, Bull. 2013, Ass. plén., n° 1 (rejet).

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