Numéro 11 - Novembre 2020

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE

Crim., 10 novembre 2020, n° 19-80.962, (P)

Cassation

Evocation – Appel d'une partie civile – Jugement ayant omis de statuer sur l'action civile – Portée

Dès lors qu'une partie civile produit devant la cour d'appel des éléments de nature à établir qu'elle s'était régulièrement constituée devant les premiers juges, et que c'est par suite d'une omission du tribunal que sa constitution de partie civile n'a pas été mentionnée dans le jugement, la cour d'appel devait vérifier la réalité de celle-ci, annuler le jugement, évoquer et statuer à nouveau, conformément à l'article 520 du code de procédure pénale.

DECHEANCE et CASSATION sur les pourvois formés par le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, la SNAM Mutuelle et la Mutualité de la Réunion, parties civiles, contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, chambre correctionnelle, en date du 8 octobre 2018, qui a, notamment, déclaré irrecevable la constitution de partie civile du Conseil national de l'ordre des pharmaciens contre M. I... H..., Mme X... D... et la société Pharmacentre, dans la procédure suivie contre eux des chefs d'escroqueries en bande organisée et recel, faux et usage, et abus de biens sociaux.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires, en demande par le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. H..., Mme H..., M. E... et la société Pharmacentre ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel de Saint-Pierre de la Réunion des chefs de d'escroqueries en bande organisée, recel d'escroqueries en bande organisée, abus de biens sociaux, faux et usage.

3. Par jugement du 19 novembre 2015, le tribunal correctionnel a, sur l'action publique, déclaré M. et Mme H... coupables d'abus des biens sociaux, MM. H... et E... coupables d'escroqueries, la société Pharmacentre coupable de recel d'escroqueries, et, sur l'action civile, a reçu la Caisse générale de sécurité sociale de la Réunion en sa constitution de partie civile à l'encontre de MM. H..., E... et de la société Pharmacentre, déclaré irrecevable sa constitution de partie civile à l'encontre de Mme H..., déclaré irrecevables les constitutions de partie civile de la SNAM Réunion et de la Mutualité de la Réunion, et renvoyé l'affaire à une audience ultérieure sur les intérêts civils.

4. Le jugement ne fait pas état d'une constitution de partie civile du Conseil national de l'ordre des pharmaciens.

5. M. E..., la Mutualité de la Réunion, la SNAM Réunion, ainsi que le Conseil national de l'ordre des pharmaciens (CNOP) ont relevé appel de cette décision.

Déchéance des pourvois formés par la Mutualité de la Réunion et la SNAM Mutuelle

6. La Mutualité de la Réunion et la SNAM Mutuelle n'ont pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par leur avocat, un mémoire exposant leurs moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de les déclarer déchues de leurs pourvois par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale.

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a jugé l'appel du conseil national de l'Ordre des pharmaciens irrecevable, alors :

« 1°/ qu'en affirmant, pour déclarer irrecevable l'appel du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, que le Conseil national avait « exposé dans ses écritures les causes de son absence de constitution en première instance dont il ne serait pas responsable », quand il ressortait tout au contraire des écritures du conseil que ce dernier, loin de reconnaître et d'expliquer une prétendue absence de constitution de partie civile, avait démontré, en produisant de nombreux documents, qu'il s'était régulièrement constitué devant le tribunal correctionnel, la cour a dénaturé les écritures d'appel du Conseil national de l'ordre des pharmaciens en violation des textes visés au moyen ;

2°/ que la seule circonstance que le jugement entrepris ne mentionne pas la constitution de partie civile du Conseil national de l'ordre des pharmaciens ne suffit pas à déduire l'inexistence d'une telle constitution, l'appel ayant précisément pour objet de corriger l'erreur des premiers juges qui avaient négligé de prendre en compte la constitution de partie civile du conseil national de l'ordre des pharmaciens ; qu'en se fondant, pour dire l'appel du Conseil national de l'ordre irrecevable, sur le fait que le jugement entrepris ne faisait pas état de la constitution de partie civile dudit conseil, la cour s'est déterminée par un motif inopérant en violation des textes visés au moyen. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 520 du code de procédure pénale :

9. Il se déduit de ce texte que lorsque la cour d'appel statue sur l' appel d'un jugement ayant omis de prononcer sur une action civile, elle doit annuler ce jugement, évoquer et statuer à nouveau conformément à l'article 520 du code de procédure pénale, en remplissant la mission des premiers juges et par suite, prononcer sur l'action civile.

10. Pour déclarer irrecevable l'appel du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, l'arrêt attaqué énonce que le jugement du tribunal correctionnel ne porte pas mention de la constitution de partie civile du CNOP, qui a néanmoins formé appel.

11. Les juges relèvent que la règle du double degré de juridiction fait obstacle à ce qu'une partie civile, quelle que soit la raison pour laquelle elle n'a pas été partie au jugement de première instance, intervienne pour la première fois en cause d'appel.

12. En prononçant ainsi, et alors que le Conseil national de l'ordre des pharmaciens produisait des éléments de nature à établir qu'il s'était régulièrement constitué devant les premiers juges, et que c'est par suite d'une omission du tribunal que sa constitution de partie civile n'était pas mentionnée dans le jugement, la cour d'appel, qui devait vérifier la réalité de cette constitution de partie civile en évoquant et en statuant à nouveau, conformément à l'article 520 du code de procédure pénale, a méconnu le texte susvisé.

13. D'où il suit que la cassation est encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CONSTATE la déchéance des pourvois de la Mutualité de la Réunion et de la SNAM Mutuelle ;

Sur le pourvoi du Conseil national de l'ordre des pharmaciens

CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions ayant déclaré irrecevable l'appel du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 8 octobre 2018, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Wyon - Avocat général : Mme Zientara-Logeay - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Article 520 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Crim., 12 mars 1984, pourvoi n° 82-93.863, Bull. crim. 1984 n° 98 (rejet).

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