Numéro 10 - Octobre 2022

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

SAISIES

Crim., 19 octobre 2022, n° 21-86.652, (B), FS

Irrecevabilité

Saisies spéciales – Saisie portant sur certains biens ou droits mobiliers incorporels – Saisie d'une somme d'argent versée sur un compte bancaire – Définition – Créance à l'encontre de l'établissement bancaire – Effets

Le solde créditeur d'un compte bancaire constitue, au sens de l'article 706-153 du code de procédure pénale qui prévoit la saisie des droits incorporels, une créance détenue par le titulaire de ce compte à l'encontre de l'établissement bancaire auprès duquel il est ouvert.

Il en résulte qu'en cas de saisie effectuée sur ledit compte en application des dispositions de l'article 706-154 du même code, l'établissement bancaire qui a la qualité de débiteur de la créance, n'est pas un tiers ayant des droits au sens des dispositions susvisées et n'a donc pas qualité pour exercer un recours contre l'ordonnance de saisie, ni pour se pourvoir en cassation.

La société [2] et la [1] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 2e section, en date du 28 octobre 2021, qui, dans la procédure suivie, notamment, contre la première, des chefs de pratiques commerciales trompeuses, escroqueries et mise sur le marché de dispositifs médicaux sans avoir obtenu de certificat CE, a confirmé l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge des libertés et de la détention.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Une enquête préliminaire a été diligentée des chefs susvisés sur les agissements de la société [2] qui, à compter de mars 2020, a créé et administré plusieurs sites internet destinés à la commercialisation de produits pharmaceutiques liés à la pandémie de la Covid-19.

3. Dans le cadre des investigations, les enquêteurs ont procédé à la saisie de la somme de 908 428,77 euros figurant au crédit d'un des deux comptes ouverts par la société [2] auprès de la [1] qui, postérieurement, leur a fait savoir que, par le jeu d'une convention d'unité de comptes conclue entre elle et la société [2] le 14 décembre 2015, le solde fusionné des comptes de celle-ci était en réalité débiteur de 114 985,57 euros.

4. Le juge des libertés et de la détention a ordonné le maintien de la saisie effectuée sur le compte créditeur, à hauteur de 908 428,77 euros, par une ordonnance du 31 mars 2020 dont la société [2] et la [1] ont interjeté appel.

Déchéance du pourvoi formé par la société [2]

5. La société [2] n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de la déclarer déchue de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.

Examen de la recevabilité du pourvoi formé par la [1]

6. En vertu d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation (1re Civ., 20 avril 1983, pourvoi n° 82-10.114, Bull. 1983, I, n° 127 ; Com., 13 janvier 1987, pourvoi n° 85-13.997, Bull. 1987, IV, n° 15), les sommes inscrites sur un compte bancaire constituent dès leur versement, quelle que soit l'origine des fonds versés, une créance du titulaire du compte contre l'établissement de crédit auprès duquel est ouvert ledit compte.

7. Il en résulte que la [1], établissement détenteur du compte de la société [2], a la qualité de débiteur de cette dernière.

8. La Cour de cassation juge que le débiteur d'une créance saisie en application de l'article 706-153 du code de procédure pénale n'est pas un tiers ayant des droits sur ce bien au sens de ce texte et n'a donc pas qualité pour exercer un recours contre l'ordonnance de saisie ni pour se pourvoir en cassation (Crim., 20 novembre 2019, pourvoi n° 18-82.066, publié au Bulletin).

9. Il doit en être jugé de même à l'égard de l'établissement de crédit auprès duquel est ouvert le compte sur lequel les sommes ont été saisies en application de l'article 706-154 du code de procédure pénale.

10. Il appartient à l'établissement de crédit débiteur, lorsqu'il conteste devoir consigner la somme due auprès de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués, de saisir le magistrat qui a ordonné la saisie ou le juge d'instruction en cas d'ouverture d'une information judiciaire postérieurement à la saisie, d'une requête relative à l'exécution de celle-ci sur le fondement de l'article 706-144 du code de procédure pénale.

11. Il s'ensuit que le pourvoi n'est pas recevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur le pourvoi formé par la société [2] :

CONSTATE la déchéance du pourvoi ;

Sur le pourvoi formé par la [1] :

LE DÉCLARE IRRECEVABLE.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : Mme Planchon - Avocat général : M. Petitprez - Avocat(s) : SARL Ortscheidt -

Textes visés :

Articles 706-153 et 706-154 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Com., 13 janvier 1987, pourvoi n° 85-13.997, Bull. 1987, IV, n° 15 (rejet), et l'arrêt cité ; Crim., 20 novembre 2019, pourvoi n° 18-82.066, Bull. crim. (déchéance), et l'arrêt cité.

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