Numéro 10 - Octobre 2022

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

JUGE DES LIBERTES ET DE LA DETENTION

Crim., 25 octobre 2022, n° 22-84.862, (B), FRH

Rejet

Détention provisoire – Ordonnance de placement – Décision de désignation du juge des libertés et de la détention – Mention obligatoire (non)

Aucun texte n'impose que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention plaçant un prévenu en détention provisoire ne mentionne la décision l'ayant désigné en cette qualité.

Il se déduit de l'article 137-1-1 du code de procédure pénale que le juge des libertés et de la détention peut être suppléé en cas de vacance d'emploi, d'absence ou d'empêchement, par un magistrat du siège désigné nominativement par un tableau de service établi par le président du tribunal judiciaire ou son délégataire.

Fait une exacte application du texte susvisé la chambre de l'instruction qui, pour rejeter le moyen de nullité du débat contradictoire tiré de l'irrégularité de la désignation du juge des libertés et de la détention, relève que, d'une part, le président du tribunal judiciaire, constatant l'arrêt maladie de l'un des juges des libertés et de la détention désigné par l'ordonnance de roulement, a dit qu'il serait suppléé à cette absence par les magistrats désignés aux tableaux de service hebdomadaires, d'autre part, le tableau de service désignait, à la date de la décision critiquée, en qualité de juge des libertés et de la détention, le magistrat l'ayant rendue.

Vacance d'emploi, absence ou empêchement – Suppléance – Possibilité – Conditions – Détermination

M. [Y] [E] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 22 juillet 2022, qui, dans l'information suivie contre lui notamment des chefs de viols et tentative de meurtre aggravé, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. [Y] [E] a été mis en examen des chefs précités le 14 juillet 2021 et placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Nantes.

3. L'ordonnance portant organisation des services dudit tribunal à compter du 3 janvier 2022 précisait notamment que les affectations des juges pourraient en complément ou modification de cette dernière être arrêtées par des tableaux de service établis par le président du tribunal ou son délégataire.

4. S'agissant du service pénal du juge des libertés et de la détention, il était précisé que, hors périodes de service allégé et de fins de semaine, le service était assuré par Mmes [P] et [V] [G].

5. Le 7 avril 2022, le président du tribunal a rendu une ordonnance, au visa de l'article L. 252-1 du code de l'organisation judiciaire, disposant que, en raison de l'arrêt de travail de Mme [P], étaient désignés, en qualité de juge des libertés et de la détention, les magistrats visés aux tableaux de service hebdomadaires.

6. Par ordonnance du 5 juillet 2022, Mme Adeline Rousseau, magistrate désignée comme juge des libertés et de la détention par le tableau de service pour la semaine du 4 au 8 juillet 2022, a prolongé la détention de M. [E] pour une durée de six mois.

7. M. [E] a interjeté appel de cette ordonnance.

Examen des moyens

Sur le second moyen

8. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité du débat contradictoire, alors :

« 1°/ que tout jugement doit établir la régularité de la composition de la juridiction qui l'a rendu ; que l'exposant faisait valoir (v. ses concl. p. 4) que l'ordonnance de prolongation de sa détention provisoire indiquait le nom de la magistrate qui l'avait rendue, Mme Rousseau, et sa qualité de juge des libertés et de la détention, mais ne mentionnait pas les éléments d'information permettant de s'assurer de la régularité de sa désignation et en particulier l'ordonnance par laquelle elle avait été désignée ; qu'en se bornant à retenir que, selon une ordonnance du 7 avril 2022 du président du tribunal judiciaire de Nantes constatant l'arrêt maladie de Mme [P], juge des libertés et de la détention, et renvoyant aux tableaux de service hebdomadaire, à la date du 5 juillet 2022, ce tableau de service désignait Mme Rousseau pour exercer les fonctions de juge des libertés et de la détention sans constater que l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire de l'exposant mentionnait la décision ayant désigné le juge des libertés et de la détention qui l'avait rendue, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 137-1, 137-1-1 et 593 du code de procédure pénale ;

2° / que le juge des libertés et de la détention peut être suppléé en cas de vacance d'emploi, d'absence ou d'empêchement, par un magistrat du siège du premier grade ou hors hiérarchie désigné par le président du tribunal judiciaire ; qu'en cas d'empêchement de ces magistrats, le président du tribunal judiciaire peut désigner un magistrat du second grade ; que pour considérer que le magistrat ayant présidé le débat contradictoire en vue de la prolongation de la détention provisoire de M. [E] avait été régulièrement désigné, la chambre de l'instruction s'est bornée à retenir que, par ordonnance du 7 avril 2022, le président du tribunal judiciaire de Nantes a constaté l'arrêt maladie de Mme [P] et dit qu'il serait suppléé à cette absence par les magistrats visés aux tableaux de services hebdomadaires et qu'à la date du 5 juillet 2022, ce tableau de service désignait Mme Rousseau pour exercer les fonctions de juge des libertés et de la détention ; qu'en se déterminant ainsi, quand elle constatait que l'ordonnance du 7 avril 2022 ne désignait nominativement aucun magistrat suppléant le juge des libertés et de la détention et se bornait à renvoyer à des tableaux de service hebdomadaires qui, par définition, n'étaient pas établis à la date de l'ordonnance ni a fortiori annexés à l'ordonnance, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 137-1 et 137-1-1 du code de procédure pénale.

3°/ que le juge des libertés et de la détention peut être suppléé en cas de vacance d'emploi, d'absence ou d'empêchement, par un magistrat du siège du premier grade ou hors hiérarchie désigné par le président du tribunal judiciaire ; qu'en cas d'empêchement de ces magistrats, le président du tribunal judiciaire peut désigner un magistrat du second grade ; qu'en se bornant à retenir que, par ordonnance du 7 avril 2022, le président du tribunal judiciaire de Nantes a constaté l'arrêt maladie de Mme [P] et dit qu'il serait suppléé à cette absence par les magistrats visés aux tableaux de services hebdomadaires et qu'à la date du 5 juillet 2022, ce tableau de service désignait Mme Rousseau pour exercer les fonctions de juge des libertés et de la détention sans constater que le président du tribunal judiciaire avait une contrôle sur l'établissement et les éventuelles modifications desdits tableaux de service hebdomadaires en vue d'assurer de la régularité de la suppléance du juge des libertés et de la détention au regard des dispositions de l'article 137-1-1 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 137-1 et 137-1-1 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

10. Pour écarter le moyen de nullité selon lequel la désignation du juge des libertés et de la détention était irrégulière, l'arrêt attaqué énonce que l'ordonnance de roulement du 3 janvier 2022 dispose que le service du juge des libertés et de la détention est composé de deux magistrates nommément désignées, et que, par ordonnance du 7 avril 2022, le président a constaté l'arrêt maladie de l'une d'entre elles et indiqué qu'il serait suppléé à cette absence par les magistrats visés aux tableaux de service hebdomadaires.

11. Les juges ajoutent qu'au 5 juillet 2022, date de l'ordonnance critiquée, le tableau de service désignait en qualité de juge des libertés et de la détention le magistrat ayant rendu l'ordonnance.

12. Ils en déduisent que ce magistrat avait été régulièrement désigné.

13. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, pour les motifs qui suivent.

14. En premier lieu, aucun texte n'impose que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention mentionne la décision l'ayant désigné en cette qualité.

15. En deuxième lieu, il importe peu que le juge des libertés et de la détention ait été désigné par le tableau de service hebdomadaire pour la semaine du 4 au 8 juillet 2022, postérieur à l'ordonnance du président du 7 avril 2022, dès lors que ledit tableau a été établi par ce dernier ou son délégataire.

16. Enfin, l'empêchement de l'un des juges des libertés et de la détention titulaires étant établi par l'ordonnance du président du tribunal du 7 avril 2022, il se déduit du tableau de service de la semaine considérée que les autres magistrats du premier grade de plus haut rang que celui ayant statué étaient empêchés car absents ou requis par l'exercice de leurs autres missions dans la juridiction.

17. Ainsi, le moyen doit être écarté.

18. Par ailleurs l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des articles 137-3 et 143-1 du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : M. Michon - Avocat général : M. Quintard - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles 137-1, 137-1-1 et 593 du code de procédure pénale.

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