Numéro 10 - Octobre 2022

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

DETENTION PROVISOIRE

Crim., 26 octobre 2022, n° 22-84.986, (B), FRH

Rejet

Ordonnance de mise en accusation – Comparution du prévenu détenu devant la cour d'assises – Délai de comparution – Prolongation du délai de comparution – Chambre de l'instruction – Maintien de la détention provisioire – Contrôle

La durée de la détention provisoire accomplie en application de l'article 181, alinéa 8, du code de procédure pénale ne s'impute pas sur la durée de celle subie, sur le fondement distinct de l'article 379-4, alinéa 2, du même code, à la suite de la mise à exécution du mandat d'arrêt assortissant la condamnation de l'accusé jugé par défaut à une peine ferme privative de liberté.

M. [H] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 27 juillet 2022, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de meurtres en bande organisée et tentative, association de malfaiteurs, en récidive, a ordonné la prolongation exceptionnelle de sa détention provisoire.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. [H] [J] a été mis en accusation des chefs susvisés et renvoyé devant la cour d'assises des Bouches-du-Rhône par ordonnance du juge d'instruction, en date du 28 mars 2019, maintenant les effets du mandat d'arrêt décerné à son encontre le 24 août 2018, en exécution duquel il a été placé en détention provisoire le 31 décembre 2019.

3. L'ordonnance de mise en accusation est devenue définitive le 4 mai 2020.

4. M. [J] a été mis en liberté le 8 juillet 2020.

5. L'intéressé ne s'étant pas présenté à l'interrogatoire préalable à sa comparution devant la cour d'assises, le président de cette cour a décerné mandat d'arrêt à son encontre le 25 novembre 2020.

6. Par arrêt rendu par défaut en date du 30 janvier 2021, maintenant les effets de ce mandat d'arrêt, la cour d'assises a déclaré M. [J] coupable de complicité de meurtres et de tentative de meurtre, en bande organisée et en récidive, et l'a condamné à trente ans de réclusion criminelle.

7. Le mandat d'arrêt a été mis à exécution le 1er septembre 2021.

8. Selon requête déposée le 1er juillet 2022, le procureur général a saisi la chambre de l'instruction aux fins de prolongation exceptionnelle de la détention provisoire de l'accusé.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la prolongation de la détention provisoire de M. [J] pour une durée de six mois à compter du 31 août 2022, alors :

« 1°/ que l'accusé détenu en raison des faits pour lesquels il est renvoyé devant la cour d'assises est immédiatement remis en liberté s'il n'a pas comparu devant celle-ci à l'expiration d'un délai d'un an à compter soit de la date à laquelle la décision de mise en accusation est devenue définitive s'il était alors détenu, soit de la date à laquelle il a été ultérieurement placé en détention provisoire ; que si l'accusé, qui était détenu à la date à laquelle la décision de mise en accusation est devenue définitive, a été remis en liberté au cours de la procédure, il ne peut être ultérieurement replacé en détention qu'à la condition que le cumul des périodes pendant lesquelles il a ainsi été détenu n'excède pas un an ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que M. [J] était détenu pour les faits de la cause au jour où sa mise en accusation est devenue définitive ; qu'il a ainsi été détenu jusqu'au 8 juillet 2020, de sorte qu'il a passé 64 jours en détention ; que par un arrêt du 30 janvier 2021, rendu par défaut à l'égard de M. [J], la cour d'assises des Bouches-du-Rhône l'a déclaré coupable des faits qui lui étaient reprochés, l'a condamné à 30 années de réclusion criminelle et a ordonné le maintien des effets du mandat d'arrêt émis à son encontre le 25 novembre 2020 ; que ce mandat d'arrêt a été mis à exécution le 1er septembre 2021 ; qu'il s'ensuit que l'exposant, qui avait déjà été détenu 64 jours dans l'attente de sa comparution devant la cour d'assises, devait comparaître devant cette juridiction avant le 22 juin 2022, faute de quoi l'article 181, alinéa 8, du code de procédure pénale, imposait qu'il soit remis en liberté ; qu'en retenant toutefois, pour ordonner la prolongation de la détention provisoire de M. [J] pour une durée de six mois à compter du 31 août 2022, la date du 1er septembre 2021 comme point de départ du délai d'un an au terme duquel l'accusé doit avoir comparu devant la cour d'assises sous peine de remise en liberté d'office, quand ce délai, qui avait commencé à courir dès le 4 mai 2020, avait été suspendu, et non interrompu, du 8 juillet 2020 au 1er septembre 2021, la chambre de l'instruction a violé les articles 181, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que si le délai d'un an au terme duquel l'accusé doit avoir comparu devant la cour d'assises sous peine de remise en liberté d'office peut être prolongé, à titre exceptionnel, pour une durée de six mois, c'est à la condition qu'il soit justifié de circonstances ayant empêché l'audience au fond de débuter avant ce délai ; qu'en retenant, pour ordonner la prolongation de la détention provisoire de M. [J] pour une durée de six mois à compter du 31 août 2022, que devaient être réalisés « les actes indispensables dans le cadre de toute procédure criminelle, à savoir audition au fond, enquête de personnalité, expertises psychologique et psychiatrique », et que « ces actes, imposant la saisine du juge d'instruction du tribunal judiciaire de Marseille aux fins d'audition de [H] [J] et de désignation d'experts psychiatre et psychologue et d'un enquêteur de personnalité, ne pouvaient pas être réalisés dans le délai courant jusqu'au 31 août 2022 », sans s'expliquer sur les raisons qui avaient empêché la réalisation de ces actes, peu nombreux, sur une période d'une année entière, la chambre de l'instruction n'a pas suffisamment justifié sa décision au regard des articles 181, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Sur le moyen, pris en sa première branche

10. L'arrêt attaqué prolonge la détention provisoire de M. [J] pour une durée de six mois à compter du 31 août 2022.

11. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des articles 181 et 379-4 du code de procédure pénale.

12. En effet, la durée de la détention provisoire accomplie en application de l'alinéa 8 du premier de ces textes ne s'impute pas sur la durée de celle subie, sur le fondement distinct de l'alinéa 2 du second, à la suite de la mise à exécution du mandat d'arrêt assortissant la condamnation de l'accusé jugé par défaut à une peine ferme privative de liberté.

13. Dès lors, le grief doit être écarté.

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

14. Pour ordonner la prolongation de la détention provisoire de M. [J], l'arrêt attaqué énonce qu'il a fui à l'étranger dès le début de la procédure, n'a jamais été entendu et n'a été placé en détention provisoire qu'après l'ordonnance de mise en accusation ; que, cette ordonnance étant devenue définitive le 4 mai 2020, le président de la cour d'assises a apporté une diligence particulière à la poursuite de la procédure en ordonnant, le 29 mai 2020, un supplément d'information ; qu'ayant été mis en liberté, M. [J] a de nouveau pris la fuite et a été jugé par défaut, à la suite de quoi un mandat d'arrêt lui a été notifié le 1er septembre 2021 ; qu'il n'a pu être jugé en mai 2022, des actes imposant la saisine d'un juge d'instruction, ainsi que la désignation de deux experts et d'un enquêteur de personnalité, devant être réalisés en vue de l'audience et ne pouvant l'être avant le 31 août 2022.

15. En l'état de ces énonciations, desquelles il résulte que les autorités compétentes ont apporté au jugement de l'affaire, qui est audiencée du 6 au 13 février 2023, une diligence adaptée aux circonstances, la chambre de l'instruction, qui s'est déterminée par des considérations répondant aux exigences de l'article 181, alinéa 9, du code de procédure pénale, a justifié sa décision.

16. Ainsi, le moyen doit être écarté.

17. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : M. Laurent - Avocat général : M. Petitprez - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.