Numéro 10 - Octobre 2022

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION

Crim., 11 octobre 2022, n° 22-84.417, (B), FRH

Cassation

Juridiction de renvoi après cassation – Office – Cas – Cassation d'un arrêt statuant sur le règlement d'une procédure – Examen de la régularité de la procédure (oui)

Il se déduit des articles 206 et 609-1 du code de procédure pénale qu'il appartient à la chambre de l'instruction, statuant comme juridiction de renvoi après cassation d'un arrêt statuant sur le règlement d'une procédure, d'examiner la régularité de celle-ci et, si elle découvre une cause de nullité, de prononcer la nullité de l'acte qui en est entaché et, s'il convient, celle de tout ou partie de la procédure ultérieure.

Encourt dès lors la cassation l'arrêt qui, pour ne pas faire droit à la demande de la personne mise en examen de constater la nullité de la plainte de la partie civile, énonce qu'il n'appartient pas à la chambre de l'instruction saisie de l'appel, après cassation, d'une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, d'examiner la question d'une éventuelle nullité qui relève de la compétence de la juridiction de jugement.

M. [X] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 24 mai 2022, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 22 juin 2021, pourvoi n° 21-82.364), a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction le renvoyant devant le tribunal correctionnel, sous la prévention de complicité de diffamation publique envers un fonctionnaire.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 19 avril 2019, M. [T] [Y] a porté plainte et s'est constitué partie civile du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire contre M. [H] [E], directeur de publication du Journal de l'Ile, en tant qu'auteur, M. [L] [D], journaliste, et M. [X] [I], en qualité de complices, à raison d'un article de presse publié le 19 janvier 2019.

3. Le 20 juin 2019, le doyen des juges d'instruction a rendu une ordonnance de non-informer, invitant la partie civile à engager des poursuites par voie de citation directe.

4. M. [Y] a interjeté appel de cette ordonnance.

Par arrêt du 8 octobre 2019, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion a infirmé cette ordonnance et « fait retour de la procédure au juge d'instruction saisi ». Un juge d'instruction a été désigné le 11 février 2020.

5. Le 25 février suivant, le procureur de la République a pris un réquisitoire introductif.

Le 29 septembre 2020, M. [I] a été mis en examen du chef de complicité de diffamation publique envers un fonctionnaire.

6. Le magistrat instructeur a rendu un avis de fin d'information le 2 novembre 2020.

Le 5 novembre suivant, M. [I] l'a saisi d'une requête aux fins de constatation de la prescription de l'action publique.

7. Par ordonnance du 9 décembre 2020, le juge d'instruction a rejeté cette requête et ordonné le renvoi de M. [I] devant le tribunal correctionnel.

8. L'intéressé a relevé appel de cette ordonnance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction ayant rejeté la requête de M. [I] aux fins de constatation de la prescription de l'action publique, alors « qu'à compter de l'ouverture de l'information, la partie civile tient des articles 81, alinéa 9, 82-1, 156 et 173, alinéa 3, du code de procédure pénale la faculté de demander à la juridiction d'instruction l'accomplissement de certains actes interruptifs, notamment son audition ; qu'en retenant que la partie civile ne disposait d'aucun moyen de droit pour forcer le juge d'instruction à accomplir un acte afin d'interrompre la courte prescription de l'article 65 de la loi sur la presse entre l'arrêt de la chambre de l'instruction du 8 octobre 2019 et la saisine du parquet par le juge d'instruction désigné le 11 février 2020, tout en constatant que cet arrêt infirmait l'ordonnance de refus d'informer et faisait retour de la procédure au juge d'instruction saisi, auquel la partie civile pouvait donc demander l'accomplissement de certains actes interruptifs, notamment son audition, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 65 de la loi du 29 juillet 1881, 9-3, 81, alinéa 9, 82-1, 86, 156, 173, alinéa 3, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

10. La Cour de cassation juge (Crim., 22 novembre 2005, pourvoi n° 05-82.807, Bull. n° 304) qu'il résulte de la combinaison des articles 82-1 et 89 du code de procédure pénale que la faculté de présenter une demande d'acte au juge d'instruction n'est offerte à la partie civile qu'après l'ouverture de l'information. Celle-ci ne dispose d'aucun moyen de droit pour obliger le juge d'instruction à accomplir un acte interruptif de prescription tant que le procureur de la République n'a pas pris ses réquisitions après communication de la plainte en application de l'article 86 dudit code de sorte qu'entre temps, la prescription est nécessairement suspendue.

11. En l'espèce, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction ayant rejeté sa requête aux fins de constatation de la prescription de l'action publique, l'arrêt attaqué énonce que celle-ci ne saurait être constatée, puisqu'un obstacle de droit a interdit à la partie civile d'agir dès lors que, pour la période visée, de la décision de la chambre de l'instruction jusqu'à la saisine du ministère public par le juge d'instruction, la partie civile ne disposait d'aucun moyen de droit pour forcer le magistrat instructeur à accomplir un acte afin d'interrompre la courte prescription de l'article 65 de la loi sur la presse.

12. Les juges rappellent que si une jurisprudence constante de la Cour de cassation considère qu'il appartient à la partie civile de surveiller le déroulement de la procédure et d'accomplir les diligences utiles, c'est à la condition qu'elle puisse juridiquement le faire et qu'elle ne rencontre pas d'obstacle dirimant, ce qui est le cas avant l'ouverture d'une information judiciaire.

13. En se déterminant ainsi et dès lors que faute d'ouverture d'une information judiciaire, la partie civile ne disposait d'aucune voie de droit pour saisir d'une demande d'acte le doyen des juges d'instruction, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

14. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande relative à une éventuelle nullité de la plainte, alors « que la chambre de l'instruction qui, comme en l'espèce, statue sur le règlement d'une procédure sur renvoi après cassation est compétente pour se prononcer sur le moyen tiré de la nullité de la plainte avec constitution de partie civile ne répondant pas aux exigences de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen tiré de la nullité de la plainte avec constitution de partie civile pour méconnaissance des exigences de l'article 50 de la loi du 29 juillet 1881, que « saisie d'un appel après cassation », il ne lui appartenait pas d'examiner la question d'une éventuelle nullité de la plainte, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 50 de la loi du 29 juillet 1881, 206 et 609-1 du code de procédure pénale, ensemble les articles 591 et 593 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 206 et 609-1 du code de procédure pénale et 50 de la loi du 29 juillet 1881 :

16. Il se déduit des deux premiers de ces textes qu'il appartient à la chambre de l'instruction, statuant comme juridiction de renvoi après cassation d'un arrêt statuant sur le règlement d'une procédure, d'examiner la régularité des procédures qui lui sont soumises et, si elle découvre une cause de nullité, de prononcer la nullité de l'acte qui en est entaché et, s'il convient, celle de tout ou partie de la procédure ultérieure.

17. Il résulte du dernier de ces textes que la nullité découlant de son inobservation qui est absolue et d'ordre public, peut être invoquée d'office à tout moment de la procédure.

18. Pour rejeter la demande de M. [I] de constater la nullité de la plainte, l'arrêt attaqué énonce qu'il n'appartient pas à la chambre de l'instruction, saisie d'un appel après cassation, d'examiner la question d'une éventuelle nullité de la plainte déposée par M. [Y], question qui est de la compétence de la juridiction de fond.

19. En se déterminant ainsi, alors que la régularité de la plainte est une condition nécessaire de la validité du renvoi de la personne mise en examen devant le tribunal correctionnel, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

20. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 24 mai 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : M. Maziau - Avocat général : M. Chauvelot - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié -

Crim., 25 octobre 2022, n° 21-85.763, (B), FS

Irrecevabilité

Nullités de l'instruction – Examen de la régularité de la procédure – Annulation d'actes – Demande de la personne mise en examen – Qualité pour agir – Acte concernant un pseudonyme ou un téléphone attribué à l'un des mis en examen – Dénégation des mis en examen – Absence d'influence

Il se déduit des articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 802 du code de procédure pénale que si le requérant n'allègue pas que la formalité méconnue a pour objet de préserver un droit ou un intérêt qui lui est propre, il appartient à la chambre de l'instruction de rechercher s'il résulte d'éléments de la procédure que tel pourrait être le cas. Encourt dès lors la cassation l'arrêt qui, pour déclarer les requérants dépourvus de qualité pour solliciter l'annulation de communications téléphoniques cryptées, énonce, après avoir relevé que les formalités méconnues sont protectrices de la vie privée, qu'aucun des demandeurs n'a admis user d'un téléphone crypté ou avoir le pseudonyme que l'exploitation des communications permettait de lui attribuer ou être l'un des interlocuteurs des communications captées alors qu'il résulte des pièces de la procédure que les enquêteurs avaient attribué à chacun l'usage d'un tel téléphone.

MM. [L] [I], [V] [F], [S] [O], [P] [M], [G] [C] [E] et [Z] [D] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, en date du 9 septembre 2021, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs, notamment, d'infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs, importations de stupéfiants en bande organisée et blanchiment, a prononcé sur leurs demandes d'annulation d'actes de la procédure.

Par ordonnance en date du 7 février 2022, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat.

LA COUR,

Examen de la recevabilité des pourvois formés par MM. [S] [O], [P] [M] et [Z] [D]

1. Les avocats de MM. [O], [D] et [M] ayant épuisé, par l'exercice qu'ils en ont fait les 13 et 14 septembre 2021, le droit de se pourvoir contre l'arrêt attaqué, MM. [O], [D] et [M] étaient irrecevables à se pourvoir à nouveau contre la même décision par des déclarations faites les 15 et 16 septembre 2021 au greffe du centre pénitentiaire.

2. Seuls sont recevables les pourvois formés les 13 et 14 septembre 2021.

Faits et procédure

3. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

4. Lors d'une enquête préliminaire diligentée par la juridiction inter-régionale spécialisée (JIRS) de [Localité 2] pour des faits d'association de malfaiteurs et d'infraction aux règles de cryptologie, un dispositif de captation des données informatiques sur un serveur alimentant un réseau de téléphones cryptés dit « [1] » a été mis en oeuvre, en application de l'article 706-102-1 du code de procédure pénale.

La captation des données informatiques a révélé l'interaction de plusieurs utilisateurs de téléphones cryptés recourant à des pseudonymes et se livrant au trafic de stupéfiants sur le [Adresse 4].

5. Le 30 avril 2020, le procureur de la République de Lille a adressé au procureur de la République de Nancy des éléments relatifs à ces derniers, parmi lesquels MM. [L] [I], [V] [F], [S] [O], [P] [M], [G] [C] [E], [Z] [D].

6. Sur la base de ces éléments, le 30 avril 2020, une information judiciaire a été ouverte à [Localité 3] des chefs d'infractions à la législation sur les armes, importation de stupéfiants en bande organisée, trafic de stupéfiants, associations de malfaiteurs, à laquelle a été jointe, le 13 mai suivant, une information judiciaire déjà en cours des chefs d'importation de produits stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants et associations de malfaiteurs.

7. Les personnes précitées ont été interpellées et mises en examen le 19 juin 2020, à l'exception de M. [M] qui l'a été le 5 novembre 2020.

8. M. [I] a présenté une requête en nullité le 17 décembre 2020, M. [D] le 18 décembre suivant, MM. [F], [O] et [C] [E] le 21 décembre suivant, M. [M] les 15 et 23 février 2021.

9. MM. [I] et [F] ont formé le 17 février 2021 une demande d'acte tendant à ce que soit jointe à l'information judiciaire la totalité de la procédure « souche » lilloise. Cette demande a été rejetée par ordonnance du juge d'instruction en date du 18 février 2021, frappée d'appel par les demandeurs.

10. Par arrêt avant dire droit en date du 20 mai 2021, la chambre de l'instruction a ordonné la jonction des différentes requêtes et des appels précités, la production aux débats, avant le 7 juin 2021, de différents procès-verbaux de la procédure « souche » lilloise, ainsi que de tous éléments permettant d'expliciter les raisons pour lesquelles l'opération de captation des données informatiques avait rendu nécessaire le blocage de noms de domaine et la modification des règles de routage réseau.

Examen des moyens

Sur le quatrième moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, et les cinquième, sixième et septième moyens proposés par la SCP Spinosi pour M. [I]

Sur les premier, troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième moyens proposés par la SCP Spinosi pour M. [F]

Sur les premier, quatrième et cinquième moyens proposés par la SCP Celice, Texidor, Périer pour M. [D]

Sur le premier moyen proposé par la SCP Celice, Texidor, Périer pour M. [C] [E]

Sur les premier, troisième, quatrième moyens proposés par la SCP Celice, Texidor, Perier pour M. [M]

Sur les premier et quatrième moyens proposés par la SCP Celice, Texidor, Perier pour M. [O]

11. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen proposé par la SCP Spinosi pour M. [I]

Enoncé du moyen

12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité tiré de l'illégalité des opérations d'interception et de captation effectuées sur le fondement de l'article 706-102-1 du code de procédure pénale, alors « qu'il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice du droit au respect de sa vie privée que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi, celle-ci devant ainsi faire l'objet d'un encadrement légal spécifique et précis ; qu'est ainsi exclue l'interprétation extensive d'un dispositif légal en place, pour justifier, au besoin, le recours à des procédés qu'il ne prévoit pas ; que les dispositions de l'article 706-102-1 du code de procédure pénale prévoient un dispositif technique de captation des données informatiques ayant pour seule vocation de permettre l'accès, l'enregistrement, la conservation et la transmission de données d'un système informatique, à l'exclusion des données en cours de circulation ; qu'en rejetant le moyen de nullité tiré de l'illégalité des opérations d'interception et de captation effectuées, lorsqu'il ressort des pièces de la procédure qu'il a été ordonné, d'une part, la mise en place d'un dispositif de « blocage des opérations « auprès de différents prestataires, de nature à affecter le nom de domaine, la résolution DNS et l'infrastructure réseau en place, et d'autre part, des opérations de « redirection des flux », lesquelles consistent en une « modification des règles de routage du réseau », de telles opérations s'analysant comme des opérations de modifications du système de traitement automatisé de données, et ce notamment afin de s'y maintenir sans être repéré, de sorte qu'elles ne rentraient manifestement pas dans le champ d'application de l'article 706-102-1, sur le fondement duquel elles ont pourtant été entreprises, la chambre de l'instruction a violé les principes et dispositions susvisées. »

Réponse de la Cour

13. Pour écarter le moyen de nullité tiré de ce que l'article 706-102-1 du code de procédure pénale n'autorise que la captation des données informatiques stockées, à l'exclusion des données en cours de transmission, l'arrêt attaqué énonce que les opérations de blocage et de redirection des flux n'ont constitué que des opérations techniques préalables à la mise en oeuvre de la captation des données informatiques.

14. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen.

15. En premier lieu, il n'y a pas à faire de distinction là où l'article 706-102-1 susvisé n'en fait pas.

16. En second lieu, l'opération de captation suppose que les administrateurs de la solution de chiffrement en cause ne soient pas mis en mesure de neutraliser l'opération des enquêteurs, notamment en redirigeant les accès vers un autre serveur.

17. Ainsi, le moyen doit être écarté.

Sur le troisième moyen proposé par la SCP Celice, Texidor, Perier pour M. [D]

Sur le troisième moyen proposé par la SCP Celice, Texidor, Perier pour M. [C] [E]

Sur le troisième moyen proposé par la SCP Celice, Texidor, Perier pour M. [O]

Enoncé des moyens

18. Le moyen proposé pour M. [D] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté sa demande d'annulation de toute pièce faisant état des deux procédures ouvertes à la juridiction interrégionale spécialisée de [Localité 2] ainsi que de chacun des actes, pièces ou mentions dont elles constituent le support nécessaire, à savoir de l'intégralité de la procédure le concernant, alors « que la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties, ce qui implique qu'une personne mise en examen ait été mise en mesure de contester les conditions dans lesquelles ont été recueillis les éléments de preuve qui fondent sa mise en examen ; qu'en énonçant que « l'ensemble des pièces de procédure de Lille déjà versées permettent tant aux mis en examen qu'à la chambre de l'instruction d'apprécier la régularité et la loyauté des éléments initialement recueillis sans qu'il y ait eu une quelconque atteinte à leurs droits fondamentaux, tous éléments ayant au surplus, été soumis à leur contradiction tant lors de leurs auditions en garde à vue que lors de leurs interrogatoires par le magistrat instructeur et des débats devant cette chambre » (arrêt p. 110, § 6), quand l'exposant n'avait pas été mis en mesure de discuter la régularité et la loyauté de l'intégralité des pièces de la procédure « souche » lilloise, de nombreux éléments essentiels de cette procédure n'ayant pas été versés au dossier, ce qui ne lui avait pas permis d'exercer ses droits de la défense, notamment de vérifier la légalité et la qualité des transcriptions des communications issues du système [1] qui fondaient en grande partie sa mise en examen, la chambre de l'instruction a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale. »

19. Le moyen proposé pour M. [C] [E] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté sa demande d'annulation de toute pièce faisant état des deux procédures ouvertes à la juridiction interrégionale spécialisée de [Localité 2] ainsi que de chacun des actes, pièces ou mentions dont elles constituent le support nécessaire, à savoir de l'intégralité de la procédure le concernant, alors « que la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties, ce qui implique qu'une personne mise en examen ait été mise en mesure de contester les conditions dans lesquelles ont été recueillis les éléments de preuve qui fondent sa mise en examen ; qu'en énonçant que « l'ensemble des pièces de procédure de Lille déjà versées permettent tant aux mis en examen qu'à la chambre de l'instruction d'apprécier la régularité et la loyauté des éléments initialement recueillis sans qu'il y ait eu une quelconque atteinte à leurs droits fondamentaux, tous éléments ayant au surplus, été soumis à leur contradiction tant lors de leurs auditions en garde à vue que lors de leurs interrogatoires par le magistrat instructeur et des débats devant cette chambre » (arrêt p. 110, § 6), quand l'exposant n'avait pas été mis en mesure de discuter la régularité et la loyauté de l'intégralité des pièces de la procédure « souche » lilloise, de nombreux éléments essentiels de cette procédure n'ayant pas été versés au dossier, ce qui ne lui avait pas permis d'exercer ses droits de la défense, notamment de vérifier la légalité et la qualité des transcriptions des communications issues du système [1] qui fondaient en grande partie sa mise en examen, la chambre de l'instruction a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale. »

20. Le moyen proposé pour M. [O] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté sa demande d'annulation de toute pièce faisant état des deux procédures ouvertes à la juridiction interrégionale spécialisée de [Localité 2] ainsi que de chacun des actes, pièces ou mentions dont elles constituent le support nécessaire, à savoir de l'intégralité de la procédure le concernant, alors « que la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties, ce qui implique qu'une personne mise en examen ait été mise en mesure de contester les conditions dans lesquelles ont été recueillis les éléments de preuve qui fondent sa mise en examen ; qu'en énonçant que « l'ensemble des pièces de procédure de Lille déjà versées permettent tant aux mis en examen qu'à la chambre de l'instruction d'apprécier la régularité et la loyauté des éléments initialement recueillis sans qu'il y ait eu une quelconque atteinte à leurs droits fondamentaux, tous éléments ayant au surplus, été soumis à leur contradiction tant lors de leurs auditions en garde à vue que lors de leurs interrogatoires par le magistrat instructeur et des débats devant cette chambre » (arrêt p. 110, § 6), quand l'exposant n'avait pas été mis en mesure de discuter la régularité et la loyauté de l'intégralité des pièces de la procédure « souche » lilloise, de nombreux éléments essentiels de cette procédure n'ayant pas été versés au dossier, ce qui ne lui avait pas permis d'exercer ses droits de la défense, notamment de vérifier la légalité et la qualité des transcriptions des communications issues du système [1] qui fondaient en grande partie sa mise en examen, la chambre de l'instruction a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et préliminaire du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

21. Les moyens sont réunis.

22. La Cour de cassation juge qu'une personne mise en examen n'est pas fondée à critiquer, par une requête en annulation, l'absence au dossier de pièces de l'information judiciaire initiale, dès lors qu'elle dispose du droit de présenter une demande à cette fin au juge d'instruction et d'interjeter appel de l'ordonnance de refus qui pourrait lui être opposée (Crim., 1er avril 2020, pourvoi n° 19-80.908).

23. En conséquence, les requérants, qui n'ont pas saisi le juge d'instruction d'une demande d'acte à cette fin, ne sauraient se faire un grief des motifs par lesquels la chambre de l'instruction a rejeté leur requête en annulation tirée de l'absence à l'information judiciaire de pièces provenant de la procédure diligentée par la JIRS de [Localité 2].

24. En conséquence, les moyens ne peuvent être accueillis.

Sur le deuxième moyen proposé par la SCP Spinosi pour MM. [I] et [F]

Enoncé du moyen

25. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité tiré de l'absence de versement à la procédure de pièces issues de la procédure souche, alors « que, l'ensemble des actes à la disposition des autorités de poursuites, et de nature à influer sur l'issue du litige, doivent pouvoir faire l'objet d'un contrôle efficace de la part de la juridiction saisie, lequel ne saurait aller sans le versement de ces éléments en procédure ; qu'il en est tout particulièrement ainsi des pièces expressément identifiées comme déterminantes de la régularité de la procédure ; que la chambre de l'instruction ne pouvait, sans violer ce principe ainsi que les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, rejeter le moyen de nullité tiré de l'absence de versement de l'intégralité des éléments de l'enquête dans le cadre de laquelle les mesures de captation de données informatiques essentielles ont été opérées, et plus particulièrement de certaines pièces dont le caractère déterminant était spécifiquement démontré. »

Réponse de la Cour

26. Les demandeurs ne sauraient se faire un grief des motifs par lesquels la chambre de l'instruction a rejeté leur requête en annulation tirée de l'absence à l'information judiciaire de pièces provenant de la procédure diligentée par la JIRS de [Localité 2], dès lors qu'ils ne proposent aucun moyen critiquant l'arrêt en ce qu'il a confirmé les ordonnances du 18 février 2021 rejetant leurs demandes tendant au versement desdites pièces.

27. Il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé.

Sur le quatrième moyen, pris en sa deuxième branche proposé par la SCP Spinosi pour M. [I]

Enoncé du moyen

28. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté les moyens de nullité tirés de l'irrégularité des mesures de captation de données informatique et de leur exploitation dans la présente procédure, alors :

« 2°/ que l'exploitation des mesures de captation de données informatiques est conditionnée par le placement sous scellés fermés des enregistrements effectués ; qu'en rejetant le moyen de nullité tiré de cette irrégularité, lorsqu'en dépit d'une injonction expresse de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy par arrêt avant dire droit du 21 mai 2021, de produire aux débats les procès-verbaux relatant le placement sous scellés des enregistrements, il ne figure toujours en procédure aucun élément de nature à établir la réalisation effective d'un tel placement sous scellés, de sorte qu'il est impossible de s'assurer de l'intégrité des données exploitées, la chambre de l'instruction a violé les articles 706-95-18, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

29. Pour écarter le moyen de nullité pris de l'absence à la procédure du procès-verbal de placement sous scellés fermés des enregistrements, l'arrêt, après avoir ordonné, avant dire droit, la production de cette pièce à la procédure, énonce que les formalités de placement sous scellés prévues à l'article 706-95-18 du code de procédure pénale n'étant pas exclues du champ d'application de l'article 802 du même code, leur inobservation ne saurait donner lieu à annulation en l'absence d'atteinte portée aux intérêts de la personne mise en examen invoquée et démontrée par celle-ci.

30. En l'état de ses seules énonciations, la chambre de l'instruction a justifié sa décision.

31. En effet, les allégations du demandeur selon lesquelles il aurait pu être porté atteinte à l'intégrité des données sont, en l'absence de toute contestation, hypothétiques.

32. Il s'ensuit que le grief doit être écarté.

Mais sur le troisième moyen proposé par la SCP Spinosi pour M. [I]

Enoncé du moyen

33. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité tiré de l'irrégularité du recours aux moyens de l'Etat soumis au secret de la défense nationale, alors « qu'en cas de recours aux moyens de l'Etat soumis au secret de la défense nationale, et sous réserve du respect des obligations qui en découlent, les résultats obtenus sont accompagnés des indications techniques utiles à la compréhension et à leur exploitation ainsi que d'une attestation visée par le responsable de l'organisme technique certifiant la sincérité des résultats transmis ; qu'en se bornant, pour rejeter le moyen de nullité tiré de la violation de ces dispositions, à affirmer que cette exigence de fourniture d'indications techniques n'est prévue que « sous réserve des obligations découlant du secret de la défense nationale » (arrêt, p. 115), lorsqu'il ressort des pièces de la procédure qu'outre l'absence d'indications techniques, laquelle peut se justifier par les considérations invoquées, aucune attestation de sincérité des résultats n'a été délivrée, une telle attestation ne faisant pourtant, par nature, courir aucun risque d'une telle révélation, de sorte qu'aucune des exigences, pourtant cumulatives, de l'article 230-3 du code de procédure pénale n'a été respectée, la chambre de l'instruction a violé les articles 230-3, 706-102-1, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 230-3 du code de procédure pénale et 593 du code de procédure pénale :

34. Aux termes du premier de ces articles, sous réserve des obligations découlant du secret de la défense nationale, les résultats sont accompagnés des indications techniques utiles à la compréhension et à leur exploitation ainsi que d'une attestation visée par le responsable de l'organisme technique certifiant la sincérité des résultats transmis.

Les éléments ainsi obtenus font l'objet d'un procès-verbal de réception et sont versés au dossier de la procédure.

35. En vertu du second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties.

L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

36. Pour écarter le moyen de nullité des opérations de captation de données informatiques, pris de l'absence à la procédure des éléments ci-dessus visés, l'arrêt attaqué énonce que la mise en place du dispositif a été réalisée, par voie de réquisition au directeur général de la sécurité intérieure, en recourant à des moyens de l'Etat soumis au secret de la défense nationale, de sorte qu'il est à ce titre cohérent que le service enquêteur oppose un tel secret.

37. Les juges ajoutent que les différents procès-verbaux d'investigations et de demandes complémentaires du service enquêteur décrivent de façon suffisamment précise le cheminement des investigations ayant nécessité le recours au service technique national de captation judiciaire, ainsi que les résultats d'exploitation de l'outil de captation injecté, dont il a été régulièrement rendu compte au juge des libertés et de la détention.

38. En prononçant ainsi uniquement sur l'absence à la procédure des indications techniques, sans répondre aux conclusions du requérant qui invoquait l'absence de l'attestation visée par le responsable de l'organisme technique certifiant la sincérité des résultats transmis, la chambre de l'instruction, à qui il appartenait, le cas échéant, de solliciter en application de l'article 201 du code de procédure pénale, le versement de cette pièce à la procédure, n'a pas justifié sa décision.

39. Il s'ensuit que la cassation est encourue de ce chef.

Et sur le deuxième moyen proposé par la SCP Celice, Texidor, Perier pour M. [D]

Sur le deuxième moyen proposé par la SCP Celice, Texidor, Perier pour M. [C] [E]

Sur le deuxième moyen proposé par la SCP Celice, Texidor, Perier pour M. [M]

Sur le deuxième moyen proposé par la SCP Celice, Texidor, Perier pour M. [O]

Enoncé des moyens

40. Le moyen proposé pour M. [D] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré irrecevable à soulever les moyens tenant à la nullité des opérations de captation de données informatiques, alors :

« 1°/ que le demandeur à la nullité est recevable à proposer à la chambre de l'instruction des moyens de nullité pris de l'irrégularité d'actes accomplis dans une procédure distincte à laquelle il n'est pas partie, lorsqu'il fait valoir que les pièces de cette procédure qui ont été versées au dossier le concernant sont susceptibles d'avoir été illégalement recueillies, notamment par le recours par l'autorité publique à un procédé déloyal ; qu'en l'espèce, l'exposant avait intérêt et qualité pour agir en nullité des opérations de captation de données informatiques autorisées dans le cadre des procédures ouvertes à la juridiction interrégionale spécialisée de [Localité 2] dès lors qu'il soutenait que les transcriptions des données numériques, versées au dossier et fondant en grande partie sa mise en examen, avaient été illégalement recueillies en ce qu'elles procédaient du recours, par l'autorité publique, à un procédé déloyal ; qu'en jugeant le contraire, la chambre de l'instruction a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, les articles préliminaire, 427, 171 et 802 du code de procédure pénale ;

2°/ que toute personne a le droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination ; qu'en déclarant l'exposant irrecevable à soulever la nullité des opérations de captation de données informatiques aux motifs que celui-ci, susceptible d'être l'utilisateur du téléphone crypté avec le pseudonyme « [X] », avait fait valoir son droit au silence lors de sa garde à vue et de son interrogatoire de première comparution et avait refusé de s'expliquer lors de son interrogatoire de fond, de sorte qu'il ne pouvait justifier d'un droit lui étant propre que la violation des dispositions relatives à la captation des données informatiques aurait atteint, la chambre de l'instruction a violé le droit de l'exposant de garder le silence et de ne pas contribuer à sa propre incrimination, ensemble les articles 9 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 7 de la directive 2016/343/UE du 9 mars 2016, 63-1 et 116 du code de procédure pénale. »

41. Le moyen proposé pour M. [C] [E] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré irrecevable à soulever les moyens tenant à la nullité des opérations de captation de données informatiques, alors :

« 1°/ que le demandeur à la nullité est recevable à proposer à la chambre de l'instruction des moyens de nullité pris de l'irrégularité d'actes accomplis dans une procédure distincte à laquelle il n'est pas partie, lorsqu'il fait valoir que les pièces de cette procédure qui ont été versées au dossier le concernant sont susceptibles d'avoir été illégalement recueillies, notamment par le recours par l'autorité publique à un procédé déloyal ; qu'en l'espèce, l'exposant avait intérêt et qualité pour agir en nullité des opérations de captation de données informatiques autorisées dans le cadre des procédures ouvertes à la juridiction interrégionale spécialisée de [Localité 2] dès lors qu'il soutenait que les transcriptions des données numériques, versées au dossier et fondant en grande partie sa mise en examen, avaient été illégalement recueillies en ce qu'elles procédaient du recours, par l'autorité publique, à un procédé déloyal ; qu'en jugeant le contraire, la chambre de l'instruction a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, les articles préliminaire, 427, 171 et 802 du code de procédure pénale ;

2°/ que toute personne a le droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination ; qu'en déclarant l'exposant irrecevable à soulever la nullité des opérations de captation de données informatiques aux motifs que celui-ci, susceptible d'être l'utilisateur du téléphone crypté avec le pseudonyme « [T] », avait déclaré n'avoir jamais utilisé de téléphone crypté, de sorte qu'il ne pouvait justifier d'un droit lui étant propre que la violation des dispositions relatives à la captation des données informatiques aurait atteint, la chambre de l'instruction a violé le droit de l'exposant de garder le silence et de ne pas contribuer à sa propre incrimination, ensemble les articles 9 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 7 de la directive 2016/343/UE du 9 mars 2016, 63-1 et 116 du code de procédure pénale. »

42. Le moyen proposé pour M. [M] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré irrecevable à soulever les moyens tenant à la nullité des opérations de captation de données informatiques, alors :

« 1°/ que le demandeur à la nullité est recevable à proposer à la chambre de l'instruction des moyens de nullité pris de l'irrégularité d'actes accomplis dans une procédure distincte à laquelle il n'est pas partie, lorsqu'il fait valoir que les pièces de cette procédure qui ont été versées au dossier le concernant sont susceptibles d'avoir été illégalement recueillies, notamment par le recours par l'autorité publique à un procédé déloyal ; qu'en l'espèce, l'exposant avait intérêt et qualité pour agir en nullité des opérations de captation de données informatiques autorisées dans le cadre des procédures ouvertes à la juridiction interrégionale spécialisée de [Localité 2] dès lors qu'il soutenait que les transcriptions des données numériques, versées au dossier et fondant en grande partie sa mise en examen, avaient été illégalement recueillies en ce qu'elles procédaient du recours, par l'autorité publique, à un procédé déloyal ; qu'en jugeant le contraire, la chambre de l'instruction a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, les articles préliminaire, 427, 171 et 802 du code de procédure pénale ;

2°/ que toute personne a le droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination ; qu'en déclarant l'exposant irrecevable à soulever la nullité des opérations de captation de données informatiques aux motifs que celui-ci, susceptible d'être l'utilisateur du téléphone crypté avec le pseudonyme « [N] », avait nié tant en garde à vue que devant le juge d'instruction avoir utilisé un téléphone crypté, de sorte qu'il ne pouvait justifier d'un droit lui étant propre que la violation des dispositions relatives à la captation des données informatiques aurait atteint, la chambre de l'instruction a violé le droit de l'exposant de garder le silence et de ne pas contribuer à sa propre incrimination, ensemble les articles 9 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 7 de la directive 2016/343/UE du 9 mars 2016, 63-1 et 116 du code de procédure pénale. »

43. Le moyen proposé pour M. [O] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré irrecevable à soulever les moyens tenant à la nullité des opérations de captation de données informatiques, alors :

« 1°/ que le demandeur à la nullité est recevable à proposer à la chambre de l'instruction des moyens de nullité pris de l'irrégularité d'actes accomplis dans une procédure distincte à laquelle il n'est pas partie, lorsqu'il fait valoir que les pièces de cette procédure qui ont été versées au dossier le concernant sont susceptibles d'avoir été illégalement recueillies, notamment par le recours par l'autorité publique à un procédé déloyal ; qu'en l'espèce, l'exposant avait intérêt et qualité pour agir en nullité des opérations de captation de données informatiques autorisées dans le cadre des procédures ouvertes à la juridiction interrégionale spécialisée de [Localité 2] dès lors qu'il soutenait que les transcriptions des données numériques, versées au dossier et fondant en grande partie sa mise en examen, avaient été illégalement recueillies en ce qu'elles procédaient du recours, par l'autorité publique, à un procédé déloyal ; qu'en jugeant le contraire, la chambre de l'instruction a violé l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, les articles préliminaire, 427, 171 et 802 du code de procédure pénale ;

2°/ que toute personne a le droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination ; qu'en déclarant l'exposant irrecevable à soulever la nullité des opérations de captation de données informatiques aux motifs que celui-ci, susceptible d'être l'utilisateur du téléphone crypté avec le pseudonyme « [U] », avait fait valoir son droit au silence lors de sa garde à vue et de son interrogatoire de première comparution et avait déclaré qu'il s'expliquerait après la décision sur la requête en nullité, de sorte qu'il ne pouvait justifier d'un droit lui étant propre que la violation des dispositions relatives à la captation des données informatiques aurait atteint, la chambre de l'instruction a violé le droit de l'exposant de garder le silence et de ne pas contribuer à sa propre incrimination, ensemble les articles 9 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 7 de la directive 2016/343/UE du 9 mars 2016, 63-1 et 116 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

44. Les moyens sont réunis.

Sur les moyens, pris en leur première branche

45. C'est à tort que la chambre de l'instruction a déclaré irrecevable pour défaut de qualité des demandeurs leur moyen pris de ce que les données numériques versées au dossier avaient été recueillies par les enquêteurs par un procédé déloyal.

46. En effet, une personne mise en examen est recevable, sans que puisse lui être opposé un défaut de qualité pris de l'absence d'un droit ou d'un intérêt qui lui est propre, à présenter un moyen de nullité dès lors qu'elle invoque le recours, par l'autorité publique, à un procédé déloyal.

47. L'arrêt n'encourt néanmoins pas la censure dès lors qu'il résulte des paragraphes 14 à 16 du présent arrêt qu'aucune déloyauté n'a été commise par les enquêteurs dans la captation des données numériques.

48. Les griefs ne peuvent dès lors être accueillis.

Mais sur les moyens, pris en leur seconde branche

Vu les articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 802 du code de procédure pénale :

49. Il résulte du premier de ces articles que toute personne a le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination.

50. La Cour européenne des droits de l'homme juge que ce droit présuppose que, dans une affaire pénale, l'accusation cherche à fonder son argumentation sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou les pressions, au mépris de la volonté de l'accusé.

51. Le droit de ne pas s'auto-incriminer constitue une protection non pas contre la tenue de propos incriminants en tant que telle mais contre l'obtention de preuves par la coercition ou l'oppression. Il concerne en premier lieu le respect de la détermination d'un accusé de garder le silence (CEDH, arrêt du 17 décembre 1996, Saunders c. Royaume-Uni, n° 19187/91 ; arrêt du 10 mars 2009, Bykov c. Russie, n° 4378/02).

52. Pour rechercher si une procédure a vidé de sa substance même le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, il convient d'examiner la nature et le degré de coercition, l'existence de garanties appropriées dans la procédure et l'utilisation qui est faite des éléments ainsi obtenus.

53. En vertu du second de ces textes, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité, ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne.

54. La Cour de cassation en déduit que pour déterminer si le requérant a qualité pour agir en nullité, la chambre de l'instruction doit rechercher si la formalité substantielle ou prescrite à peine de nullité, dont la méconnaissance est alléguée, a pour objet de préserver un droit ou un intérêt qui lui est propre (Crim., 7 septembre 2021, pourvoi n° 21-80.642, publié au Bulletin).

55. Le moyen pose la question de savoir si, pour dénier au requérant qualité à agir en nullité, le juge peut lui opposer son choix de garder le silence ou ses dénégations, alors même qu'il résulte des investigations qu'il est concerné par la formalité dont il allégue qu'elle a été méconnue.

56. En premier lieu, il convient d'observer que la lettre de l'article 802 du code de procédure pénale ne s'oppose pas à ce que la preuve que la partie est concernée par la nullité résulte d'éléments de la procédure.

57. En deuxième lieu, dans l'hypothèse précitée, exiger du requérant qu'il justifie que l'acte critiqué a porté atteinte à un droit ou à un intérêt qui lui est propre a pour conséquence de le contraindre, sous peine d'être privé de son droit d'agir en nullité, à renoncer à exercer son droit au silence ou à revenir sur ses déclarations antérieures.

58. Cela peut aussi l'obliger, notamment lorsqu'est en cause un acte attentatoire à la vie privée, à admettre l'existence d'éléments à charge, voire à reconnaître les faits qui lui sont reprochés.

59. Or, les écrits du requérant devant la chambre de l'instruction, à l'appui de sa requête en nullité, sont susceptibles d'être pris en compte par la juridiction chargée de statuer sur son renvoi devant une juridiction de jugement ou de prononcer sur sa culpabilité.

60. Il s'ensuit, qu'en pareil cas, subordonner la recevabilité de l'action en nullité du requérant à la preuve par celui-ci qu'il est concerné par l'irrégularité est de nature à méconnaître son droit à ne pas s'auto-incriminer.

61. Enfin, le contentieux de l'annulation se rattachant au contentieux du bien-fondé de l'accusation, dès lors qu'il permet de contester la légalité du recueil d'un élément de preuve, il ne saurait être dénié au requérant qui est concerné par l'irrégularité le droit de contester la légalité d'un élément ainsi susceptible d'être retenu contre lui par l'accusation.

62. En conséquence, si le requérant n'allègue pas que la formalité méconnue a pour objet de préserver un droit ou un intérêt qui lui est propre, il appartient à la chambre de l'instruction de rechercher s'il résulte d'éléments de la procédure que tel pourrait être le cas.

63. En l'espèce, pour déclarer les requérants dépourvus de qualité pour solliciter l'annulation des opérations de captation des données numériques, l'arrêt énonce en substance qu'une telle mesure porte atteinte au droit du secret des correspondances protégé par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ainsi que par les dispositions des articles 226-15 et suivants du code pénal.

64. Les juges en déduisent qu'il convient d'apprécier pour chacun des requérants à la nullité s'il justifie d'un droit propre auquel la captation des données informatiques arguée de nullité aurait porté atteinte.

65. Ils constatent qu'à l'exception de M. [I] qui a reconnu être l'utilisateur d'un téléphone crypté [1] sous le pseudonyme « [A] », aucun des requérants n'a admis user d'un téléphone crypté avec le système [1] ou avoir le pseudonyme que l'exploitation des communications permettait de lui attribuer ou être l'un des interlocuteurs des communications captées.

66. Ils en déduisent qu'à défaut de pouvoir justifier d'un droit leur étant propre que la violation des dispositions relatives à la captation des données informatiques aurait atteint, MM. [D], [O], [C] [E], [M] n'ont pas qualité à agir et doivent être déclarés irrecevables à soulever la nullité de la mesure de captation des données informatiques mise en oeuvre dans la présente procédure.

67. En prononçant ainsi, alors qu'il résultait des pièces de la procédure que les enquêteurs avaient attribué à chaque requérant l'usage d'un téléphone crypté, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé au paragraphe 62.

68. La cassation est dès lors à nouveau encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur les pourvois formés les 15 et 16 septembre 2021 par déclaration au greffe de la maison d'arrêt par MM. [O], [D] et [M] :

Les DÉCLARE IRRECEVABLES ;

Sur les autres pourvois :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, en date du 9 septembre 2021, mais en ses seules dispositions ayant prononcé sur le moyen de nullité proposé par M. [I] pris de la violation de l'article 230-3 du code de procédure pénale et ayant déclaré MM. [D], [O], [C] [E] et [M] irrecevables à soulever les moyens tendant à la nullité des opérations de captation des données informatiques, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : Mme Labrousse - Avocat général : M. Aubert - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Spinosi -

Textes visés :

Article 706-102-1 du code de procédure pénale ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 802 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

CEDH, arrêt du 17 décembre 1996, Saunders c. Royaume-Uni, n° 19187/91 ; CEDH, arrêt du 10 mars 2009, Bykov c. Russie, n° 4378/02. A rapprocher : Crim., 7 septembre 2021, pourvoi n° 21-80.642, Bull. crim.

Crim., 26 octobre 2022, n° 21-85.850, (B), FRH

Rejet

Procédure – Débats – Notification du droit de se taire – Défaut – Partie civile – Qualité pour se prévaloir du défaut de notification (non)

Il résulte des dispositions combinées des articles 6, §§ 1 et 3, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 600 du code de procédure pénale que la partie civile est sans qualité pour se prévaloir du défaut de notification à la personne qui comparaît devant la chambre de l'instruction, saisie d'une ordonnance de transmission de pièces pour cause de trouble mental, de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.

Mme [X] [H], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, en date du 28 septembre 2021, qui a, notamment, déclaré M. [W] [M] pénalement irresponsable des faits d'assassinats, et a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. [W] [M] a été mis en examen pour assassinats.

3. Par ordonnance du 3 mai 2021, le juge d'instruction a saisi la chambre de l'instruction d'une ordonnance de transmission de pièces, en application des dispositions de l'article 706-120 du code de procédure pénale.

Examen des moyens

Sur le second moyen

4. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a statué sans mentionner que M. [M], mis en examen, avait été informé de son droit de garder le silence, alors « que la personne qui comparaît devant la chambre de l'instruction, saisie d'une ordonnance de transmission de pièces pour cause de trouble mental, doit être informée de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que monsieur [M] a comparu (p. 1), a été entendu en ses explications (p. 3) et a eu la parole en dernier (p. 4), mais qu'il n'en résulte pas que le président l'a informé de son droit de se taire ; qu'en omettant d'informer la personne mise en examen, dès l'ouverture des débats, de son droit de garder le silence, la chambre de l'instruction a violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article 600 du code de procédure pénale, nul ne peut, en aucun cas, se prévaloir contre la partie poursuivie de la violation ou omission des règles établies pour assurer la défense de celle-ci.

7. Les dispositions de l'article 6, §§ 1 et 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, dont il se déduit le droit de garder le silence et de ne pas contribuer à sa propre incrimination, ont pour objet la protection de l'accusé, au sens de cet article.

8. Il en résulte que la partie civile est sans qualité pour se prévaloir du défaut de notification à la personne qui comparaît devant la chambre de l'instruction, saisie d'une ordonnance de transmission de pièces pour cause de trouble mental, de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.

9. Ainsi, le moyen est irrecevable.

10. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : Mme Leprieur - Avocat général : M. Valat - Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article 6, §§ 1 et 3, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 600 du code de procédure pénale.

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