Numéro 10 - Octobre 2021

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

PEINES

Crim., 20 octobre 2021, n° 20-87.088(B)

Rejet

Exécution – Modalités – Période de sûreté – Prononcé – Motivation – Nécessité – Applications diverses

En application des articles 132-1, 132-19, 132-23, 485 et 593 du code de procédure pénale et des principes constitutionnels tels que dégagés dans la décision Cons. const., 2 mars 2018, n° 2017-694 QPC, la juridiction qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction ; si la période de sûreté constitue une modalité d'exécution de la peine, il résulte du point 9 de la décision Cons. constit., 26 octobre 2018, n° 2018-742 QPC, qu'elle « présente un lien étroit avec la peine et l'appréciation par le juge des circonstances propres à l'espèce », de sorte que, faisant corps avec elle, elle doit faire l'objet d'une décision spéciale, et motivée lorsqu'elle est facultative ou excède la durée prévue de plein droit ;

Justifie sa décision la cour d'appel, qui pour fixer la durée de la période de sûreté aux deux-tiers de celle de la peine, énonce que cette mesure est justifiée par la répétition des agissements de l'intéressé.

M. [P] [C] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 8-2, en date du 10 décembre 2020, qui, pour infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs, infractions à la législation sur les armes, en récidive, l'a condamné à treize ans d'emprisonnement avec période de sûreté fixée aux deux tiers de la peine, 200 000 euros d'amende, quinze ans d'interdiction de détenir ou porter une arme et a prononcé une mesure de confiscation.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Poursuivi des chefs susvisés, M. [P] [C] a été condamné, par jugement du 28 mai 2020, à onze ans d'emprisonnement, 200 000 euros d'amende, dix ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, cinq ans d'interdiction de quitter le territoire national et à la confiscation des scellés.

3. M. [C] a relevé appel de cette décision et le ministère public appel incident.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches

4. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. Le moyen reproche à la cour d'appel d'avoir condamné M. [C] à une peine de treize ans d'emprisonnement assortie d'une période de sûreté des deux tiers et à une amende de 200 000 euros, alors :

« 2°/ que constituant une modalité d'exécution de la peine, la période de sûreté, qui présente un lien étroit avec la peine et l'appréciation par le juge des circonstances propres à l'espèce, doit faire l'objet d'une décision spéciale et motivée lorsqu'elle est facultative ou excède la durée prévue de plein droit ; qu'en condamnant M. [C] à une peine de treize ans d'emprisonnement assortie d'une période de sûreté des deux tiers sans motiver spécialement, au regard des circonstances particulières de l'espèce, l'élévation de la période de sûreté aux deux tiers de la peine, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 132-23 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

6. Après avoir justifié le prononcé d'une peine d'emprisonnement ferme à l'égard du prévenu en se référant à la gravité des faits, au rôle du demandeur dans un trafic de stupéfiants organisé, à son état de récidive et à l'absence de gages d'amendement, la cour d'appel, pour fixer la durée de la période de sûreté aux deux-tiers de celle de la peine, énonce que cette mesure est justifiée par la répétition des agissements de l'intéressé.

7. En l'état de ces motifs relevant de son appréciation souveraine, la cour d'appel a justifié sa décision.

8. Le moyen ne peut, dès lors, être admis.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Issenjou - Avocat général : M. Petitprez - Avocat(s) : SCP Spinosi -

Textes visés :

Articles 132-1, 132-19, 132-23, 485 et 593 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Crim., 10 avril 2019, pourvoi n° 18-83.709, Bull. crim. 2019, n° 75 (Non-admission et rejet).

Crim., 13 octobre 2021, n° 20-86.868(B)

Cassation partielle

Peines complémentaires – Confiscation – Prononcé – Relaxe – Impossibilité

Il résulte de l'article 131-21 du code pénal que la confiscation obligatoire, peine complémentaire encourue dans les cas prévus par la loi, ne peut être prononcée que lorsque le prévenu est déclaré coupable.

Encourt la cassation l'arrêt de la cour d'appel qui, après relaxe du prévenu du chef de recel, ordonne la confiscation du véhicule objet de ce délit.

M. [D] [K] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, chambre correctionnelle, en date du 28 septembre 2020, qui, après relaxe du chef de recel, a ordonné une mesure de confiscation.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [K] a fait l'objet d'un contrôle alors qu'il circulait à bord d'un véhicule Renault Kangoo dont les investigations ont révélé qu'il comportait des pièces d'un véhicule assemblé en 2013 et des pièces d'un autre véhicule assemblé au cours du deuxième semestre 2018 et que des modifications avaient été apportées afin de faire coïncider le numéro de série et celui du compartiment moteur.

3. Les enquêteurs ont établi que le véhicule, dont certaines des pièces avaient été retrouvées sur celui conduit par M. [K], avait été volé le 12 décembre 2018.

4. M. [K] a été cité devant le tribunal correctionnel du chef de recel pour avoir sciemment recelé des pièces volées d'un véhicule Renault Kangoo, qu'il savait provenir d'un vol commis au préjudice de la société Geudet, avec la circonstance qu'il se trouvait en état de récidive légale pour avoir été condamné le 31 mai 2016 par le tribunal correctionnel de Lisieux pour des faits identiques ou assimilés.

5. Le tribunal correctionnel, après avoir prononcé sa relaxe du chef de recel, a ordonné la restitution au demandeur du véhicule saisi au cours de l'enquête, par jugement en date du 18 octobre 2019 à l'encontre duquel le ministère public a interjeté appel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné la confiscation du véhicule Renault Kangoo immatriculé [Immatriculation 1] et supportant le numéro de série VF1FW14BD4961171 appartenant à M. [K], alors :

« 1°/ que la confiscation, peine complémentaire encourue dans les cas prévus par la loi, ne peut être prononcée que si le prévenu est déclaré coupable ; qu'en ordonnant la confiscation du véhicule Renault Kangoo appartenant à M. [K], après avoir pourtant prononcé sa relaxe des fins de la poursuite, la cour d'appel a violé l'article 131-21 du code pénal ;

2°/ qu'en toute hypothèse, en l'absence de dispositions légales ou réglementaires particulières, la confiscation obligatoire prévue par le septième alinéa de l'article 131-21 du code pénal ne peut être prononcée à l'encontre d'un véhicule contrefait ; qu'en retenant, pour ordonner la confiscation du véhicule Renault Kangoo appartenant à M. [K], qu'il résultait de la combinaison des articles L. 317-2 du code de la route et 131-21 du code pénal que « la confiscation est obligatoire pour les objets qualifiés de dangereux ou nuisibles par la loi ou le règlement, ou dont la détention est illicite, que ces biens soient ou non la propriété du condamné », quand les textes ainsi visés ne prévoient pas la confiscation obligatoire d'un véhicule contrefait, la cour d'appel a violé les articles 131-21 du code pénal et L. 317-2 du code de la route ;

3°/ qu'en toute hypothèse, en l'absence de dispositions légales ou réglementaires particulières, la confiscation obligatoire prévue par le septième alinéa de l'article 131-21 du code pénal ne peut être prononcée à l'encontre d'un véhicule contrefait ; qu'en retenant, pour ordonner la confiscation du véhicule Renault Kangoo appartenant à M. [K], que « ce véhicule n'ayant pas été soumis à un nouveau passage aux mines rest[ait] en infraction et ne p[ouvait] être valablement assuré en l'état et l'ordre public impos[ait] qu'il soit retiré de la circulation routière », quand, en l'absence de texte prévoyant la confiscation obligatoire du véhicule contrefait, ni les dispositions de l'article R. 322-1 du code de la route, ni l'ordre public ne pouvaient justifier une telle mesure, la cour d'appel a violé l'article 131-21 du code pénal ;

4°/ qu'en tout état de cause, il incombe au juge qui décide d'ordonner la confiscation d'un bien d'apprécier la proportionnalité de l'atteinte ainsi portée au droit de propriété de l'intéressé ; qu'en se bornant à retenir, pour ordonner la confiscation du véhicule Renault Kangoo appartenant à M. [K], que ledit véhicule était contrefait et que l'ordre public imposait qu'il soit retiré de la circulation routière, sans apprécier la proportionnalité de l'atteinte ainsi portée au droit de propriété de M. [K], la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et 131-21 du code pénal. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 131-21 du code pénal :

7. Il résulte de ce texte que la confiscation obligatoire, peine complémentaire encourue dans les cas prévus par la loi, ne peut être prononcée que lorsque le prévenu est déclaré coupable.

8. Pour ordonner la confiscation du véhicule du demandeur après l'avoir relaxé du chef de recel, l'arrêt attaqué relève que l'article L. 317-2 du code de la route réprime le fait de faire usage d'une plaque ou d'une inscription, exigée par les règlements en vigueur et apposée sur un véhicule à moteur ou une remorque, portant un numéro, un nom ou un domicile faux ou supposé, et qu'en l'espèce, si la procédure n'a pas permis d'établir que le prévenu est l'auteur de la contrefaçon constatée par le rapport technique, faits infractionnels pour lesquels il n'est pas poursuivi, il demeure constant que le véhicule contrôlé et saisi est un véhicule contrefait, la contrefaçon portant sur un élément essentiel d'identification du véhicule.

9. Les juges énoncent qu'il résulte de la combinaison de l'article précité avec l'article 131-21 du code pénal que la confiscation est obligatoire pour les objets qualifiés de dangereux ou nuisibles par la loi ou le règlement, ou dont la détention est illicite, que ces biens soient ou non la propriété du condamné et que ne peut donc pas être remis en circulation un véhicule dont il est établi qu'il est contrefait, la contrefaçon portant sur un élément essentiel d'identification.

10. Ils ajoutent qu'au surplus les dispositions de l'article R. 322-1 du code de la route imposent au propriétaire d'un véhicule d'assurer la conformité de celui-ci à un type CE réceptionné ou à un type national réceptionné, au sens des articles R. 321-6 et R. 321-15 du même code.

11. La cour d'appel relève qu'en l'espèce, outre le fait que M. [K] a déclaré avoir remplacé lui-même certaines pièces de son véhicule sans en donner la liste exhaustive, il est établi que le véhicule présente des pièces contrefaites ou modifiées, certaines portant sur l'entité technique du véhicule comme des traces de soudure sur le pourtour du numéro de série frappé, ces soudures n'étant pas d'origine et résultant d'un remplacement de la tôle support afin de mettre en lieu et place un autre numéro de série.

12. Elle conclut que ce véhicule, n'ayant pas été soumis à un nouveau passage aux mines, reste en infraction et ne peut être valablement assuré en l'état et que l'ordre public impose qu'il soit retiré de la circulation routière.

13. En se déterminant ainsi, alors qu'elle venait de relaxer le demandeur des fins de la poursuite, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

14. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquence de la cassation

15. Le véhicule ayant été saisi lors de l'enquête préliminaire, la juridiction statuant sur renvoi après cassation devra se prononcer sur sa restitution.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Amiens, en date du 28 septembre 2020, mais en ses seules dispositions ayant ordonné la confiscation du véhicule de M. [K], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Amiens et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Planchon - Avocat général : Mme Bellone - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 131-21 du code pénal.

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