Numéro 10 - Octobre 2021

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

COUR D'ASSISES

Crim., 20 octobre 2021, n° 21-80.307(B)

Rejet

Questions – Formes – Imprécision de formulation – Effets – Cas – Enonciation des principaux éléments à charge dans la feuille de motivation

Il résulte de l'article 349 du code de procédure pénale que la cour d'assises doit être interrogée sur toutes les circonstances constitutives de l'infraction retenue par la décision de mise en accusation.

En application de l'article 365-1 du code de procédure pénale, la motivation des décisions de la cour d'assises sur la culpabilité, consiste dans l'énoncé des principaux éléments à charge, qui pour chacun des faits reprochés à l'accusé, ont convaincu la cour d'assises.

Il s'ensuit que les énonciations de la feuille de motivation permettent de pallier l'imprécision de la formulation d'une question posée à la cour et au jury.

M. [S] [E] a formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'assises du Haut-Rhin, en date du 20 novembre 2020, qui, pour tentative de meurtre, viols, dégradations, aggravés en récidive, violences, menaces, harcèlement, aggravés, dégradations, l'a condamné à vingt ans de réclusion criminelle, avec une période de sûreté fixée aux deux tiers de la peine, cinq ans de suivi socio-judiciaire, dix ans d'inéligibilité, et a ordonné une mesure de confiscation, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par ordonnance du 7 septembre 2018, le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Strasbourg a ordonné le renvoi de M. [S] [E] devant la cour d'assises du Bas-Rhin sous l'accusation de tentative de meurtre, viols, dégradations, aggravés en récidive, violences, menaces, harcèlement, aggravés, dégradations.

3. Par arrêt du 28 juin 2019, cette juridiction a déclaré M. [E] coupable de l'ensemble des faits reprochés et l'a condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle avec une période de sûreté des deux tiers et à cinq ans de suivi socio-judiciaire.

Par arrêt distinct du même jour, la cour a prononcé sur les intérêts civils.

4. Le 8 juillet 2019, M. [E] a relevé appel des arrêts pénal et civil, et le ministère public a formé appel incident.

Examen de la recevabilité du pourvoi formé par M. [E] le 25 novembre 2020

5. M. [E], ayant épuisé, par l'exercice qu'il en avait fait, par l'intermédiaire de son avocat, le 25 novembre 2020, le droit de se pourvoir contre les arrêts pénal et civil attaqués, était irrecevable à se pourvoir à nouveau contre l'arrêt pénal, par une déclaration faite, le même jour, au chef de l'établissement pénitentiaire où il est détenu. Seul est recevable le pourvoi formé, le 25 novembre 2020, par l'intermédiaire de son avocat.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et les deuxième, troisième et quatrième moyens

6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [E] des chefs de tentative de meurtre en récidive légale, viols en récidive légale, violences volontaires ayant entraîné une ITT inférieure à 8 jours en récidive légale, menaces de mort, dégradation ou détérioration volontaire de biens appartenant à autrui, destruction du bien d'autrui par moyen dangereux pour les personnes en récidive légale et harcèlement d'une personne sans incapacité, commis par personne étant ou ayant été le conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacs, alors :

« 2°/ qu'en application de l'article 349 du code de procédure pénale, la cour et le jury doivent, à peine de nullité, être interrogés sur toutes les circonstances constitutives de l'infraction ; que la cour et le jury ont répondu affirmativement à la question n° 12 ainsi libellée : « L'accusé [S] [E] est-il coupable d'avoir à [Localité 1], le 18 mars 2016, détruit, dégradé ou détérioré un bien immobilier appartenant à [M] [F] par l'effet d'un incendie ? » ; qu'en ne caractérisant pas l'élément intentionnel exigé par l'article 322-6 du code pénal par l'emploi du mot « volontairement » ou de toute autre expression équivalente, la cour d'assises a privé sa décision de base légale au regard des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-4, 121-3, 322-6, 332-8, 349 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

8. Il résulte de l'article 349 du code de procédure pénale que la cour d'assises doit être interrogée sur toutes les circonstances constitutives de l'infraction retenue par la décision de mise en accusation et sur chaque circonstance aggravante.

9. En application de l'article 365-1 du code de procédure pénale, la motivation des décisions de la cour d'assises, sur la culpabilité, consiste dans l'énoncé des principaux éléments à charge qui, pour chacun des faits reprochés à l'accusé, ont convaincu la cour d'assises et qui ont été exposés au cours des délibérations menées par la cour et le jury en application de l'article 356, préalablement au vote sur les questions.

10. Il s'ensuit que les énonciations de la feuille de motivation permettent de pallier l'imprécision de la formulation d'une question posée à la cour et au jury.

11. En l'espèce, M. [E] a notamment été mis en accusation pour avoir, à [Localité 1], le 18 mars 2016, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, volontairement détruit un objet mobilier ou immobilier, en l'espèce une maison individuelle, par l'effet d'un incendie.

12. Cette accusation a fait l'objet d'une question principale, n° 12, à laquelle il a été répondu par l'affirmative, posée à la cour d'assises du Haut-Rhin, de la manière suivante : « l'accusé [S] [E] est-il coupable d'avoir à [Localité 1], le 18 mars 2016, détruit, dégradé ou détérioré un bien immobilier appartenant à [M] [F] par l'effet d'un incendie ? »

13. Si la question ainsi posée ne mentionne pas le terme « volontairement », la feuille de motivation, qui fait suite au vote des questions, précise que l'expertise réalisée a conclu que l'incendie de l'immeuble résulte d'un acte volontaire.

La feuille de motivation ajoute que l'accusé a été vu par des témoins aux abords de celui-ci, dans un temps proche de la commission des faits, d'abord caché derrière des tuyaux, puis quelques minutes plus tard tandis qu'il fuyait en courant, que l'analyse de sa téléphonie a confirmé sa présence aux abords de l'immeuble avant le début de l'incendie tandis que son téléphone était éteint au moment de son déclenchement, qu'il avait envoyé, le jour des faits, un message à la victime en disant « on brûle tout » et l'avait, selon plusieurs témoins, déjà menacée de mettre le feu à son immeuble.

14. Ces énonciations de la feuille de motivation de la cour d'assises établissent sans insuffisance le caractère volontaire de l'agissement de l'accusé.

15. Il s'ensuit que le moyen ne saurait être accueilli.

Sur le cinquième moyen

Enoncé du moyen

16. Le moyen crique l'arrêt attaqué en ce que la cour d'assises d'appel, se prononçant sur l'action civile, a condamné l'accusé à payer diverses sommes aux parties civiles alors « que la cassation de l'arrêt pénal entraînera, par voie de conséquence, celle de l'arrêt civil qui se trouvera dépourvu de toute base légale, vus les articles 1240 du code civil, 2, 3, 371 à 375, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

17. Le rejet et la non-admission des moyens dirigés contre l'arrêt pénal rendent inopérant le moyen pris de la cassation de l'arrêt civil, par voie de conséquence de la cassation de l'arrêt pénal.

18. Par ailleurs, la procédure est régulière et la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la cour et le jury.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur le pourvoi formé par M. [E], le 25 novembre 2020, contre le seul arrêt pénal :

Le DÉCLARE irrecevable ;

Sur le pourvoi formé par M. [E], le 25 novembre 2020, contre les arrêts pénal et civil :

Le REJETTE.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Sudre - Avocat général : M. Salomon - Avocat(s) : SCP Spinosi ; Me Carbonnier -

Textes visés :

Articles 349 et 365-1 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Concernant l'absence d'une circonstance constitutive de l'infraction dans le libellé de la question qui n'est pas de nature à entraîner la cassation lorsqu'elle est démontrée dans des questions spéciales : Crim., 9 mai 2019, pourvoi n° 18-82.800, Bull. crim. 2019, n° 89 (cassation) ; ou dans la feuille de motivation : Crim., 9 mai 2019, pourvoi n° 18-82.885, Bull. crim. 2019, n° 90 (rejet).

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