Numéro 10 - Octobre 2020

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

DETENTION PROVISOIRE

Crim., 13 octobre 2020, n° 20-82.376, (P)

Rejet

Décision d'enquête européenne en matière pénale – Transfèrement temporaire d'une personne détenue – Dépassement du délai fixé – Sanction – Remise en liberté (non)

Le dépassement du délai fixé pour le retour en France d'une personne mise en examen, placée en détention provisoire, qui a été transférée temporairement au titre d'une décision d'enquête européenne, n'est pas sanctionné par la mise en liberté de l'intéressé.

REJET du pourvoi formé par M. S... Y... contre l'arrêt n° 303 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 22 avril 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs notamment d'importation de produits stupéfiants en bande organisée, infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté.

Un mémoire a été produit.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. Y... a été placé sous mandat de dépôt criminel le 27 septembre 2018.

3. Il a été transféré le 11 février 2020 en Belgique, dans le cadre d'une décision d'enquête européenne qui devait prendre fin le 18 mars 2020.

4. Le retour en France de l'intéressé était fixé au 16 mars 2020.

5. A cette date, l'administration pénitentiaire française a informé le juge d'instruction que celui-ci ne pouvait avoir lieu, la situation sanitaire liée à l'épidémie de covid-19 la conduisant à suspendre les transferts durant quinze jours.

6. Le 23 mars 2020, M. Y... a formé une demande de mise en liberté qui a été rejetée par ordonnance du juge des libertés et de la détention en date du 26 mars 2020.

7. M. Y... a relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

8. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

9. Le moyen, en ses deuxième et troisième branches, critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a d'avoir rejeté la demande de mise en liberté, alors :

« 2°/ subsidiairement que le respect du délai de transfèrement fixé par le juge d'instruction pour l'exécution d'une décision d'enquête européenne s'impose à peine de remise en liberté ; qu'en se bornant à faire état de l'épidémie de Covid-19 pour retenir que des circonstances insurmontables auraient empêché le 16 mars 2020, date d'expiration du délai fixé par le juge d'instruction, le renvoi en France du détenu, sans autre indication quant à la situation précise des services en charge du transfèrement, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 5 de la Convention européenne des droits de l'homme et 694-45 du code de procédure pénale ;

3°/ qu'en tout état de cause que le respect des droits de la défense et le principe de libre communication entre l'avocat et la personne mise en examen qui en découle imposent que, lorsque l'avocat d'un détenu qui est incarcéré sur le territoire d'un Etat membre dans le cadre d'un transfèrement en exécution d'une décision d'enquête européenne au-delà du délai fixé par le juge d'instruction fait valoir qu'il ne peut communiquer avec son client en raison de cette situation, les juridictions compétentes saisie d'une demande de mise en liberté présentée pour le compte de ce détenu prennent les mesures permettant d'assurer cette communication et, en cas d'impossibilité, en tirent les conséquences en ordonnant sa remise en liberté ; qu'en se bornant à constater que la situation dans laquelle se trouvait la personne mise en examen, incarcérée sur le territoire belge dans le cadre d'un transfèrement dont la durée avait dépassé celle fixée par le juge d'instruction en raison de l'épidémie de Covid-19, impactait la fluidité des relations entre l'intéressée et son avocat, quand ce dernier faisait valoir qu'il était dans l'impossibilité de communiquer avec son client, et en s'abstenant d'ordonner les mesures nécessaires pour assurer cette communication, ou de constater des circonstances insurmontables qui auraient fait obstacle à de telles mesures, la chambre de l'instruction a violé les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

10. Pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et écarter l'argumentation de la personne mise en examen qui soutenait que son maintien en détention en Belgique au-delà du délai fixé pour son transfèrement temporaire faisait obstacle à l'exercice des droits de la défense, l'arrêt relève en substance que l'épidémie de Covid-19 constitue une circonstance insurmontable et imprévisible ayant fait obstacle au transfèrement de M. Y....

11. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

12. En effet, d'une part, le dépassement du délai fixé pour le retour en France d'une personne détenue, transférée temporairement au titre d'une décision d'enquête européenne, n'est pas sanctionné par la mise en liberté de l'intéressé.

13. D'autre part, le confinement ordonné en France le 16 mars 2020, avec prise d'effet le 17 mars 2020, en raison de l'épidémie de Covid-19, constitue une circonstance insurmontable et imprévisible, extérieure au service de la justice, qui a fait obstacle au retour de M. Y... en France et par voie de conséquence à une libre communication de celui-ci avec son conseil sur son lieu de détention.

14. Dès lors, il appartenait au conseil de M. Y..., s'il estimait n'être pas en mesure d'assurer la défense de la personne mise en examen à l'occasion de sa demande de mise en liberté, de solliciter un renvoi de l'audience de la chambre de l'instruction, encore possible avant l'expiration du délai prévu à l'article 194 du code de procédure pénale, prorogé d'un mois en application de l'article 18 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020, afin de permettre l'organisation d'une communication audiovisuelle ou téléphonique entre eux.

15. Il s'ensuit que le moyen doit être écarté.

16. Par ailleurs l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Labrousse - Avocat général : M. Lagauche - Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Article 694-45 du code de procédure pénale.

Crim., 14 octobre 2020, n° 20-83.087, (P)

Annulation

Décision de mise en détention provisoire – Appel – Article 187-1 du code de procédure pénale – Délai pour former une demande d'examen immédiat – Prorogation du délai qui expire un samedi, dimanche, jour férié ou chômé – Cas

Il résulte des articles 187-1 et 801 du code de procédure pénale que le délai, pour demander l'examen immédiat de l'appel au président de la chambre de l'instruction, qui expirerait normalement un samedi ou un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.

Excède en conséquence ses pouvoirs le président de la chambre de l'instruction qui, pour déclarer irrecevable la demande d'examen immédiat de l'appel interjeté contre l'ordonnance de placement en détention provisoire, ne tient pas compte des dispositions de l'article 801 du code susvisé.

Il n'y a pas lieu de renvoyer l'examen de la demande d'appel immédiat devant la juridiction du président autrement présidée, mais de retourner le dossier au

juge d'instruction compétent, actuellement en charge de l'information, dès lors que la chambre de l'instruction a statué sur l'appel du demandeur.

ANNULATION du pourvoi formé par M. U... I... contre l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction de Versailles, en date du 9 juin 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et recel, a déclaré irrecevable sa demande d'examen immédiat de l'appel interjeté contre l'ordonnance de placement en détention provisoire.

Un mémoire a été produit.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. I..., mis en examen des chefs susvisés, a fait l'objet d'une ordonnance de placement en détention après débat différé, le vendredi 5 juin 2020.

3. Le lundi 8 juin 2020, il a formé appel de cette ordonnance et, conformément aux dispositions de l' article 187-1 du code de procédure pénale, a sollicité du président de la chambre de l'instruction qu'il examine immédiatement cet appel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande d'examen immédiat de l'appel formé par M. I... contre l'ordonnance de placement en détention provisoire de ce dernier, alors « que commet un excès de pouvoir et viole les articles 187-1, 801, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme le président de la chambre de l'instruction qui, saisi d'une demande d'examen immédiat de l'appel interjeté contre une ordonnance de placement en détention provisoire, déclare cette demande irrecevable au motif que l'appel a été interjeté plus d'un jour après l'ordonnance de placement, quand le délai d'un jour suivant une décision de placement en détention pour interjeter appel de cette décision et en demander l'examen immédiat par le président de la chambre de l'instruction, qui expirerait normalement un samedi ou un dimanche, est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant à vingt-quatre heures, de sorte qu'en l'espèce M. I... était recevable à demander au président de la chambre de l'instruction d'examiner immédiatement l'appel qu'il avait interjeté le lundi 8 juin 2020 de l'ordonnance de placement en détention provisoire du vendredi 5 juin 2020. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 187-1 et 801 du code de procédure pénale :

6. En application du premier de ces textes, en cas d'appel d'une ordonnance de placement en détention provisoire, la personne mise en examen ou le procureur de la République peut, si l'appel est interjeté au plus tard le jour suivant la décision de placement en détention, demander au président de la chambre de l'instruction d'examiner immédiatement son appel sans attendre l'audience de cette juridiction. Cette demande doit, à peine d'irrecevabilité, être formée en même temps que l'appel devant la chambre de l'instruction.

7. En vertu du second de ces textes, le délai qui expirerait normalement un samedi ou un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.

8. En déclarant irrecevable la demande d'examen immédiat de l'appel interjeté contre l'ordonnance de placement en détention provisoire, comme formée plus d'un jour après la décision de placement en détention alors que cette décision intervenue le vendredi 5 juin 2020, pouvait encore faire l'objet d'un appel et d'une demande d'examen immédiat, le lundi 8 juin, le président de la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs.

9. L'annulation est par suite encourue.

Portée et conséquences de l'annulation

10. La chambre de l'instruction ayant statué sur l'appel du demandeur, il n'y a pas lieu de renvoyer l'examen de la demande d'appel immédiat devant la juridiction du président autrement présidée, mais de retourner le dossier au juge d'instruction compétent, actuellement en charge de l'information.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance susvisée du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 9 juin 2020 ;

ORDONNE le retour du dossier au juge d'instruction en charge de la procédure d'information ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Slove - Avocat général : M. Valat - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles 187-1 et 801 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Sur la computation du délai pour former une demande d'examen immédiat de son appel, à rapprocher : Crim., 30 septembre 2020, pourvoi n° 20-83.548, Bull. crim. 2020 (rejet).

Crim., 13 octobre 2020, n° 20-82.322, (P)

Cassation sans renvoi

Décision de prolongation – Prolongation de plein droit – Article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 – Décision de prolongation faisant nécessairement grief – Appel – Droit d'appel du mis en examen (oui)

Il se déduit des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et 186 du code de procédure pénale, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011, que le droit d'appel appartient à la personne mise en examen contre toute ordonnance du juge des libertés et de la détention faisant grief à ses droits et dont il ne pourrait remettre en cause les dispositions ni dans les formes prévues par les articles 186 à 186-3 du code de procédure pénale ni dans la suite de la procédure.

Encourt en conséquence la cassation l'arrêt de la chambre de l'instruction qui déclare irrecevable l'appel formé par la personne mise en examen de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention constatant la prolongation de plein droit de sa détention provisoire, en application de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020.

En effet, d'une part, la décision du juge des libertés et de la détention qui constate que la détention provisoire de la personne mise en examen, dont le titre vient à expiration, est prolongée d'une durée de six mois, fût-ce par l'effet de la loi, lui cause nécessairement grief. D'autre part, ni l'article 16 de l'ordonnance précitée ni aucune autre disposition du code de procédure pénale ne permettent à la personne mise en examen de contester la prolongation de plein droit de sa détention provisoire.

CASSATION SANS RENVOI sur le pourvoi formé par M. T... U... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, en date du 22 avril 2020, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de tentative de meurtre, a déclaré irrecevable son appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention déclarant sans objet sa saisine aux fins de prolongation de la détention provisoire et constatant la prolongation de plein droit de celle-ci.

Des mémoires ampliatif et personnel ont été produits.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. U..., mis en examen pour tentative de meurtre, a été placé en détention provisoire le 6 avril 2019.

3. Le 16 mars 2020, le juge d'instruction a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation de la détention provisoire de l'intéressé.

4. Par ordonnance en date du 2 avril 2020, le juge des libertés et de la détention a déclaré sans objet sa saisine et a constaté la prolongation de plein droit de la détention provisoire, en application de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020.

5. La personne mise en examen a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du mémoire ampliatif, pris en sa troisième branche, et les premier et troisième moyens du mémoire personnel

6. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur les premier et second moyen du mémoire ampliatif, pris en leur première branche

Enoncé des moyens

7. Le premier moyen du mémoire ampliatif critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré l'appel de M. U... irrecevable, alors :

« 1°/ que l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 qui prolonge la détention provisoire pour des durées comprises entre deux et six mois sans de plein de droit et de manière systématique prévoir l'intervention d'un juge pour en apprécier la nécessité méconnaît la liberté individuelle et le principe corollaire exigeant le contrôle du juge judiciaire à toute atteinte à celle-ci dans le plus bref délai possible garanti par l'article 66 de la Constitution ; que la déclaration d'inconstitutionnalité à intervenir privera l'arrêt attaqué de tout fondement légal. »

8. Le second moyen du mémoire ampliatif critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a refusé de se prononcer sur la demande de mainlevée de la détention provisoire présentée par M. U..., alors :

« 1°/ que l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 qui prolonge la détention provisoire pour des durées comprises entre deux et six mois sans de plein de droit et de manière systématique sans prévoir l'intervention d'un juge pour en apprécier la nécessité méconnaît la liberté individuelle et le principe corollaire exigeant le contrôle du juge judiciaire à toute atteinte à celle-ci dans le plus bref délai possible garanti par l'article 66 de la Constitution ; que la déclaration d'inconstitutionnalité à intervenir privera l'arrêt attaqué de tout fondement légal. »

Réponse de la Cour

9. Les moyens sont réunis.

10. Par arrêt en date du 15 septembre 2020, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité, posée par le demandeur et portant sur les dispositions de l'article 16 de l'ordonnance n°2020-303 du 25 mars 2020.

11. Cette décision rend sans objet les moyens tirés de l'inconstitutionnalité de ces dispositions.

Mais sur le premier moyen du mémoire ampliatif, pris en sa deuxième branche, et le quatrième moyen du mémoire personnel

Enoncé des moyens

12. Le premier moyen du mémoire ampliatif critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré l'appel de M. U... irrecevable, alors :

« 2°/ qu'une ordonnance du juge des libertés et de la détention refusant de statuer sur la saisine du juge d'instruction, prétendant constater la prolongation de plein droit du titre de détention en précisant, du reste illégalement, la date d'expiration du titre de détention, et s'abstenant de se prononcer, à la demande du mis en examen, sur l'éventuelle mainlevée de la mesure constitue une décision juridictionnelle susceptible d'appel devant la chambre de l'instruction ; qu'en jugeant que l'ordonnance « déclarant sans objet la saisine du juge d'instruction aux fins de prolongation de la détention provisoire » par laquelle le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Dijon a constaté, d'une part, qu'il n'y avait pas lieu à statuer sur cette demande et précisé, d'autre part, que la détention provisoire de ce dernier était prolongée de plein droit jusqu'au 5 octobre 2016 n'était pas une décision juridictionnelle susceptible d'appel, la chambre de l'instruction a violé les articles 145-2 et 186 et 591 du code de procédure pénale, ensemble les articles 5 et 6 de la convention européenne des droits de l'homme. »

13. Le quatrième moyen du mémoire personnel critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel de la personne mise en examen alors qu'en énonçant que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention était dépourvue de caractère juridictionnel et n'entrait pas dans les prévisions de l'article 186 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 6.1 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme et 186 du code de procédure pénale.

Réponse de la Cour

14. Les moyens sont réunis.

Vu les articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et 186 du code de procédure pénale, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-153 QPC du 13 juillet 2011 :

15. Il se déduit de ces articles que le droit d'appel appartient à la personne mise en examen contre toute ordonnance du juge des libertés et de la détention faisant grief à ses droits et dont elle ne pourrait remettre en cause les dispositions ni dans les formes prévues par les articles 186 à 186-3 du code de procédure pénale ni dans la suite de la procédure.

16. Pour déclarer irrecevable l'appel de la personne mise en examen, l'arrêt énonce que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ne présente aucune caractéristique d'une décision juridictionnelle et ne crée en elle-même aucun grief à l'appelant, la détention n'étant pas poursuivie du fait de cette décision mais du fait d'un changement de dispositions à valeur législative.

17. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

18. En effet, d'une part, la décision du juge des libertés et de la détention qui constate que la détention provisoire de la personne mise en examen, dont le titre vient à expiration, est prolongée d'une durée de six mois, fût-ce par l'effet de la loi, lui cause nécessairement grief.

19. D'autre part, ni l'article 16 de l'ordonnance précitée ni aucune autre disposition du code de procédure pénale ne permettent à la personne mise en examen de contester la prolongation de plein droit de sa détention provisoire.

20. La cassation est dès lors encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

21. La prolongation sans intervention judiciaire du titre de détention venant à expiration prévue à l'article 16 de l'ordonnance du 25 mars 2020 est régulière si la juridiction qui aurait été compétente pour prolonger la détention rend, en matière criminelle, dans les trois mois de la date d'expiration du titre ayant été prolongé de plein droit, une décision par laquelle elle se prononce sur le bien-fondé du maintien en détention (Crim., 26 mai 2020, pourvoi n° 20-81.910).

22. Il résulte des pièces de la procédure que, par arrêt en date du 3 juin 2020, la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant rejeté la demande de mise en liberté de la personne mise en examen.

23. Dès lors, la prolongation de plein droit de la détention provisoire de l'intéressé est régulière.

24. En conséquence, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, la cassation aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3, alinéa 3, du code de l'organisation judiciaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, en sa seconde branche, du mémoire ampliatif et sur le deuxième moyen du mémoire personnel :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, en date du 22 avril 2020,

CONSTATE que la détention provisoire de M. U... a été prolongée régulièrement de six mois, à compter du 5 avril 2020 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Labrousse - Avocat général : M. Lagauche - Avocat(s) : SCP Gaschignard -

Textes visés :

Article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ; article 186 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

S'agissant de la question de la prolongation de « plein droit » des détentions provisoires en application de l'article 11 de la loi d'habilitation n° 2020-290 du 23 mars 2020 et de l'article 16 de l'ordonnance du 25 mars 2020, à rapprocher : Crim., 26 mai 2020, pourvoi n° 20-81.910, Bull. crim. 2020 (cassation).

Crim., 13 octobre 2020, n° 20-82.016, (P)

Cassation sans renvoi

Demande de mise en liberté – Article 148-2 du code de procédure pénale – Délai imparti pour statuer – Impossibilité – Cas – Afflux massif de demandes de mise en liberté – Circonstances extérieures, imprévisibles et insurmontables (non)

Lorsqu'une juridiction est appelée à statuer sur une demande de mise en liberté, elle doit se prononcer à compter de la réception de celle-ci, dans le délai que fixe le deuxième alinéa de l'article 148-2 du code de procédure pénale, faute de quoi le demandeur est remis d'office en liberté, sauf si des circonstances imprévisibles et insurmontables, extérieures au service de la justice, mettent obstacle au jugement de l'affaire dans le délai prévu.

Ne constitue pas, pour le service de la justice, une circonstance insurmontable, permettant de dépasser les délais, l'afflux massif de demandes de mise en liberté, dont le dépôt est un droit pour toute personne placée en détention provisoire.

CASSATION SANS RENVOI sur le pourvoi formé par M. B... G... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 1ère section, en date du 3 mars 2020, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'assassinat, a rejeté sa demande de mise en liberté.

Un mémoire a été produit.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Détenu en exécution d'un mandat de dépôt criminel du 11 octobre 2016 et d'un arrêt de mise en accusation du 21 octobre 2019, M. G... a saisi la chambre de l'instruction, le 30 janvier 2020, d'une demande de mise en liberté en application des dispositions des articles 148-1 et 148-2 du code de procédure pénale.

3. Par arrêt du 3 mars 2020, la chambre de l'instruction a rejeté sa demande.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté formée par B... G..., alors « que la chambre de l'instruction, appelée à connaître des demandes de mise en liberté formées par les accusés renvoyés devant la cour d'assises, doit se prononcer dans un délai de 20 jours, sauf à justifier de circonstances insurmontables, imprévisibles et extérieures au service public de la justice caractérisant un cas de force majeure ; qu'en l'espèce, B... G... a saisi la chambre de l'instruction d'une demande de mise en liberté le 30 janvier 2020, de telle sorte qu'elle devait se prononcer avant le 19 février 2020 ; qu'en rejetant sa demande de mise en liberté, malgré l'expiration du délai de 20 jours, en relevant que ce délai n'a pu être respecté en raison du dépôt massif de demandes de mise en liberté dans le cadre d'un mouvement de grève des avocats, ce qui ne constituait pas un événement imprévisible, insurmontable et extérieur au service public de la justice, la chambre de l'instruction a violé les articles 148-1 et 148-2 du code de procédure pénale, ensemble l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 148-1 et 148-2 du code de procédure pénale :

5. Il résulte du second de ces textes que lorsqu'une juridiction est appelée à statuer, en application du premier, sur une demande de mise en liberté, elle doit se prononcer à compter de la réception de celle-ci, dans le délai que fixe le deuxième alinéa dudit article 148-2, faute de quoi le demandeur est remis d'office en liberté, sauf si des circonstances imprévisibles et insurmontables, extérieures au service de la justice, mettent obstacle au jugement de l'affaire dans le délai prévu.

6. Pour rejeter la demande de mise en liberté, l'arrêt attaqué retient que le délai d'examen de la demande n'a pu être respecté en raison d'un cas de force majeure.

7. Les juges relèvent, en effet, que l'afflux soudain, dans des proportions importantes, de recours sur des demandes formées en première instance ou de saisines directes relevant du contentieux de la détention, accru par des demandes de mainlevée de contrôle judiciaire, a présenté un caractère imprévisible. Ils ajoutent que les courriers officiels du bâtonnier du barreau de Paris, successivement adressés aux chefs de juridiction depuis le 8 janvier 2020 au gré des reconductions de la mobilisation de la profession d'avocat contre le projet de réforme de son régime de retraite, n'ont jamais évoqué une telle pratique, se limitant à annoncer une absence de désignation d'avocats et de permanences ainsi qu'un appel au renvoi de toutes les affaires audiencées.

8. Les juges estiment, en outre, que cet engorgement provoqué est la conséquence recherchée de la « grève du zèle » d'avocats qui ne sont pas partie intégrante du service public de la justice, qui est, en conséquence, un fait extérieur à celui-ci.

9. Ils soulignent enfin le caractère insurmontable de cet afflux de demandes : la mise en place d'une organisation spécifique et exceptionnelle pour tendre à assurer le traitement de ces procédures dans les délais légaux n'a pas permis de procéder à un traitement normal de l'ensemble des procédures qui leur ont été soumises.

10. Ils en déduisent que le mouvement des avocats a constitué une circonstance imprévisible et insurmontable, extérieure au service de la justice, constitutive du cas de force majeure permettant de passer outre le caractère impératif des délais fixés par l'article 148-2 du code de procédure pénale.

11. En prononçant ainsi, alors qu'un afflux massif de demandes de mise en liberté, dont le dépôt est un droit pour toute personne placée en détention provisoire, ne constitue pas, pour le service de la justice, une circonstance insurmontable permettant de dépasser les délais fixés aux articles susvisés, la chambre de l'instruction a violé lesdits articles.

Portée et conséquence de la cassation

12. M. G... doit être remis en liberté, sauf s'il est détenu pour autre cause.

13. Cependant, les dispositions de l'article 803-7, alinéa 1, du code de procédure pénale permettent à la Cour de cassation de placer sous contrôle judiciaire la personne dont la détention provisoire est irrégulière en raison de la méconnaissance des délais prévus audit code, dès lors qu'elle trouve dans les pièces de la procédure des éléments d'information pertinents et que la mesure apparaît indispensable pour assurer l'un des objectifs énumérés à l'article 144 du même code.

14. En l'espèce, il existe des indices graves et concordants permettant de considérer que M. G... a participé, comme auteur ou complice, à la commission du crime qui lui est reproché.

15. La mesure de contrôle est indispensable afin de :

- empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille : Mme I... H... épouse T..., veuve de la victime, qui a été entendue comme témoin direct des faits ; M. W... U..., voisin du bar dont la victime était le gérant, qui a été entendu comme témoin rapportant la fuite de M. G... après les coups de feu tirés sur la victime ; Mme L... T..., soeur de la victime, qui a révélé la véritable identité de M. G... en fuite depuis une condamnation par défaut prononcée en 1981, et qui a permis l'identification de l'immatriculation du véhicule utilisé par M. G... ; Mme A... V..., et M. Q... Y... qui ont attesté de l'emprise que ce dernier exerçait sur la victime ; M. E... N..., serveur dans le bar de la victime, qui a relaté des éléments relatifs à la personnalité de M. G... et aux démarches entreprises par celui-ci pour obtenir un « vrai faux passeport » à ce nom ;

- garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice : M. G... a fait l'objet d'un mandat de recherches après sa condamnation par défaut en 2001 du chef de vol avec arme, meurtre et association de malfaiteurs et a vécu plusieurs années en Thaïlande où il a rencontré la victime et où il aurait encore des attaches ;

- mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public provoqué par la gravité de l'infraction et les circonstances de sa commission : les tirs ont eu lieu à 20 heures 20 contre le gérant du bar-tabac de la Mairie au [...]), alors que le commerce recevait encore du public, causant une émotion qui perdure ;

16. Afin d'assurer ces objectifs, M. G... sera astreint aux obligations suivantes :

1°) fixer sa résidence chez sa soeur, Mme P... G..., [...],

2°) ne pas sortir des limites du département de l'Eure ; en tout état de cause, ne pas sortir du territoire national,

3°) remettre à la gendarmerie de [...] ses documents d'identité en échange d'un récépissé valant justification d'identité,

4°) se présenter à la gendarmerie de [...], [...], tous les matins avant 12 heures,

5°) ne pas entrer en contact avec Mme I... H... épouse T..., M. W... U..., Mme L... T..., Mme A... V..., M. Q... Y... et M. E... N....

17. Le parquet général de cette Cour procédera aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale.

18. La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris est désignée comme juridiction compétente pour l'application des articles 139 et suivants du code de procédure pénale, et notamment modifier les obligations du contrôle judiciaire ou en sanctionner la violation.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 3 mars 2020 ;

CONSTATE que M. G... est détenu sans titre depuis le 19 février 2020 ;

ORDONNE la mise en liberté de M. G... s'il n'est pas détenu pour autre cause ;

ORDONNE le placement sous contrôle judiciaire de M. G... ;

DIT qu'il sera astreint au respect des obligations suivantes :

1°) fixer sa résidence chez sa soeur, Mme P... G..., [...],

2°) ne pas sortir des limites du département de l'Eure ; en tout état de cause, ne pas sortir du territoire national,

3°) remettre à la gendarmerie de [...] ses documents d'identité en échange d'un récépissé valant justification d'identité,

4°) se présenter à la gendarmerie de [...], [...], tous les matins avant 12 heures,

5°) ne pas entrer en contact avec Mme I... H... épouse T..., M. W... U..., Mme L... T..., Mme A... V..., M. Q... Y... et M. E... N... ;

DIT que le greffe de l'établissement pénitentiaire notifiera lors de la levée d'écrou de M. G..., contre émargement de ce dernier, les obligations qui lui sont faites, ainsi que l'avertissement des sanctions encourues en application de 141-2 du code de procédure pénale ;

RAPPELLE qu'en cas de non respect des obligations qui lui sont imposées, l'accusé peut être placé en détention provisoire ;

DESIGNE M. le commandant de la gendarmerie de [...] pour veiller à l'exécution de ces obligations ;

DIT que, conformément aux dispositions de l'article 230-19 du code de procédure pénale, les obligations et interdictions visées audit article seront inscrites dans le fichier des personnes recherchées,

DIT que le parquet général de cette Cour procédera aux diligences prévues par l'article 138-1 du code de procédure pénale ;

DIT que la chambre de l'instruction de Paris est compétente pour l'application des articles 139 et suivants du code de procédure pénale, et notamment modifier les obligations du contrôle judiciaire ou en sanctionner la violation ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Barbé - Avocat général : M. Valat - Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia -

Textes visés :

Articles 148-1 et 148-2 du code de procédure pénale ; article 803-7 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

S'agissant de la décision prise par un barreau de suspendre toute participation aux audiences d'une juridiction de jugement, constitutive d'une circonstance insurmontable, à rapprocher : Crim., 23 mai 2013, pourvoi n° 12-83.721, Bull. crim. 2013, n° 114 (cassation partielle), et les arrêts cités. S'agissant de l'impossibilité pour le procureur de saisir le juge des libertés et de la détention de réquisitions aux fins de placement sous contrôle judiciaire lorsque le détenu a été remis en liberté pour vice de procédure, à rapprocher : Crim., 5 août 2020, pourvoi n° 20-82.087, Bull. crim. 2020 (cassation sans renvoi).

Crim., 14 octobre 2020, n° 20-82.961, (P)

Cassation

Motivation – Conditions – Existence d'indices graves ou concordants – Portée

Encourt la cassation l'arrêt de la chambre de l'instruction qui refuse d'examiner, dans le cadre de l'appel du placement en détention provisoire et de la contestation par l'appelant d'une quelconque participation aux faits, l'existence d'indices graves ou concordants de sa participation, comme auteur ou complice, à la commission des infractions qui lui sont reprochées, existence de tels indices étant l'une des conditions légales d'un placement en détention provisoire.

CASSATION sur le pourvoi formé par M. N... M... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 15 mai 2020, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'extorsion et menaces, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le plaçant en détention provisoire.

Un mémoire a été produit.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 6 novembre 2019, M. K... T... a déposé plainte pour des faits d'extorsion, et déclaré avoir remis à M. N... M..., sous la menace, une somme de 50 000 euros en mai 2019, puis une somme identique en septembre 2019.

3. Parallèlement, plusieurs voisins de M. M... se sont présentés aux enquêteurs pour dénoncer des faits de violences.

4. Interpellé le 5 avril 2020 M. M... a nié toute extorsion de fonds ; il a reconnu s'en être pris verbalement à plusieurs de ses voisins en raison notamment du tapage nocturne qu'il subissait.

5. Mis en examen des chefs susvisés, M. M... a été placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention le 6 avril 2020.

6. M. M... a relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le second moyen

7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de placement en détention provisoire du juge des libertés et de la détention, alors :

« 1°/ qu'un placement en détention provisoire est subordonné à la constatation de l'existence à l'encontre du mis en examen d'indices graves ou concordants d'avoir participé aux faits poursuivis ; qu'ainsi, l'existence de raisons plausibles de soupçonner la personne mise en examen d'avoir commis une infraction est une condition de la régularité de la détention, et le placement en détention suppose donc un contrôle des charges par le juge des libertés et de la détention et par la chambre de l'instruction en cause d'appel ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction ne s'est pas expliquée sur l'absence de tout indice grave ou concordant et n'a donc pas exercé le contrôle qui lui incombait et dont elle était saisie par M. M..., méconnaissant ainsi les exigences des articles 66 de la Constitution, 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire 137 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ qu'en énonçant que « la discussion des indices graves ou concordants, voire des charges est étrangère à l'unique objet du contentieux dont la chambre de l'instruction est saisie », se refusant ainsi à examiner l'existence contestée par M. M... d'indices graves ou concordants permettant son placement en détention et de contrôler les éléments de preuve pesant sur le mis en examen, la chambre de l'instruction a privé sa décision de motifs au regard des articles précédemment visés et a méconnu l'étendue de ses pouvoirs. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 5 1. c de la Convention européenne des droits de l'homme :

9. Il se déduit de ce texte que la chambre de l'instruction, à chacun des stades de la procédure, doit s'assurer que les conditions légales de la détention provisoire sont réunies, et notamment de l'existence d'indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de la personne mise en examen aux faits reprochés.

10. Pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention et répondre au mémoire qui faisait valoir, au soutien de ses dénégations, l'absence d'indices précis et concordants de la participation de M. M... aux faits pour lesquels il était mis en examen, l'arrêt attaqué énonce que la discussion des indices graves ou concordants, voire des charges, est étrangère à l'unique objet du contentieux dont la chambre de l'instruction est saisie, en l'espèce celui des mesures de sûreté.

11.En refusant d'examiner, dans le cadre de l'appel du placement en détention provisoire et de la contestation par l'appelant d'une quelconque participation aux faits, l'existence d'indices graves ou concordants de sa participation, comme auteur ou complice, à la commission des infractions qui lui sont reprochées, la chambre de l'instruction a méconnu le principe ci-dessus énoncé.

12. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux susvisé, en date du 15 mai 2020, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.

- Président : M. Soulard (président) - Rapporteur : M. Turbeaux - Avocat général : M. Salomon - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Rapprochement(s) :

Sur la nécessité, pour motiver un placement en détention, d'établir l'existence d'indices graves ou concordants, à rapprocher : Crim., 11 décembre 2018, pourvoi n° 18-85.460, Bull. crim. 2018, n° 208 (rejet), et l'arrêt cité.

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