Numéro 10 - Octobre 2020

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION

Crim., 14 octobre 2020, n° 20-84.517, (P)

Cassation

Appel des ordonnances du juge d'instruction – Ordonnance de mise en accusation – Appel de la personne mise en examen – Procédure – Irresponsabilité pénale – Invocation dans l'acte d'appel – Nécessité (non)

Il résulte de l'article 706-128 du code de procédure pénale que la personne mise en examen peut, à l'appui de son appel d'une ordonnance de mise en accusation, invoquer les dispositions de l'article 122-1 du code pénal et qu'elle n'a pas l'obligation de le préciser dans son acte d'appel.

CASSATION sur le pourvoi formé par M. W... R... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 15 mai 2020, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises de la Réunion sous l'accusation d'assassinat.

Des mémoires, en demande et en défense, ont été produits.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. R... a été mis en examen le 4 mai 2018 du chef d'assassinat sur la personne de O... T..., dont le corps a été trouvé, sur ses indications, sans vie et mutilé.

3. A l'issue de l'information, le juge d'instruction a mis en accusation M. R... pour avoir, avec préméditation, donné la mort à Mme T... et l'a renvoyé devant la cour d'assises.

4. L'avocat de M. R... a formé appel de cette ordonnance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a renvoyé M. R... devant la cour d'assises de la Réunion et a rejeté sa demande tendant à voir constater qu'au moment des faits, il était atteint d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes, à le voir déclarer irresponsable pénalement des faits qui lui sont reprochés, à voir mettre fin à sa détention provisoire et ordonner son admission en soins psychiatriques sous hospitalisation complète, dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1du code de la santé publique, sous contrainte, alors :

« 1°/ que l'article 706-125 du code de procédure pénale, qui permet à la chambre de l'instruction de rendre un arrêt constatant l'irresponsabilité pénale, est applicable devant la chambre de l'instruction en cas d'appel d'une ordonnance de mise en accusation qui renvoie l'accusé devant la cour d'assises, lorsque cet appel est formé par une personne mise en examen qui invoque l'application du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal ; que M. R... avait relevé appel de l'ordonnance qui le renvoyait devant la cour d'assises en demandant que son irresponsabilité pénale fût constatée en application de l'article 122-1, premier alinéa, du code pénal ; qu'en considérant, pour refuser de statuer sur cette demande, qu'elle n'en était pas régulièrement saisie, la chambre de l'instruction a violé les articles 706-125, 706-128, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 122-1 du code pénal ;

2°/ que si les demandes d'actes, les requêtes en nullité et les observations présentées au juge d'instruction ne peuvent l'être après l'expiration du délai visé à l'article 175 du code de procédure pénale, il n'en va pas de même de la demande qui tend au prononcé d'un arrêt d'irresponsabilité pénale ; qu'en décidant le contraire, la chambre de l'instruction a violé les articles 175, 706-125, 706-128, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 122-1 du code pénal. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 706-128 du code de procédure pénale :

6. Il résulte de ce texte que la personne mise en examen peut, à l'appui de son appel d'une ordonnance de mise en accusation, invoquer les dispositions de l'article 122-1 du code pénal.

7. Cet article n'impose pas à l'appelant d'invoquer l'article 122-1 du code précité dans son acte d'appel.

8. Il résulte des pièces de la procédure que l'avocat de M. R... a soutenu dans son mémoire déposé devant la chambre de l'instruction, au visa de l'article 122-1 du code pénal et des articles 706-125, 706-126 et 706-136 du code de procédure pénale, qu'il convenait de constater que ce dernier était atteint au moment des faits d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes, de le déclarer irresponsable pénalement et d'ordonner son admission en soins psychiatriques sous hospitalisation complète.

9. Pour dire qu'elle n'était pas régulièrement saisie d'une demande d'irresponsabilité pénale, la chambre de l'instruction énonce que M. R... n'a formulé aucune observation dans le délai de l'article 175 du code de procédure pénale, et n'a pas invoqué l'application de l'article 122-1 du code pénal.

10. Les juges ajoutent que M. R... n'a pas motivé son acte d'appel par référence aux dispositions de l'article 122-1 du code précité.

11. Les juges retiennent enfin que les dispositions de l'article 706-128 du code de procédure pénale, si elles visent l'appel d'une ordonnance de renvoi pour dire que les articles 706-122 à 706-127 de ce code sont alors applicables, ne mentionnent pas l'ordonnance de mise en accusation, et précisent que l'appel est formé par une personne qui invoque l'application du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal.

12. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les texte et principe susvisés.

13. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, en date du 15 mai 2020, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Issenjou - Avocat général : M. Aldebert - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article 706-128 du code de procédure pénale.

Crim., 28 octobre 2020, n° 20-81.615, (P)

Cassation partielle

Dessaisissement – Nullité – Retrait de pièces – Portée

Selon l'article 174, alinéa 2, du code de procédure pénale, lorsque la chambre de l'instruction constate la nullité d'un acte de la procédure, doivent être annulées par voie de conséquence les pièces qui ont pour support nécessaire l'acte vicié.

Lorsqu'une ordonnance de dessaisissement d'un dossier d'information est annulée, les pièces de ce dossier ne peuvent subsister dans celui où elles ont été irrégulièrement versées.

Doit être cassé l'arrêt de la chambre de l'instruction qui, au motif qu'elle ne pouvait ordonner le retrait que des seuls actes de procédure annulés, refuse d'annuler le versement des pièces jointes à une ordonnance de dessaisissement et à un réquisitoire supplétif saisissant le juge d'instruction, eux-mêmes annulés.

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par M. U... V... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 7 février 2020, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'infraction à la législation sur les stupéfiants, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.

Par ordonnance en date du 8 juin 2020, le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.

Un mémoire a été produit.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 7 février 2018, un juge d'instruction de la juridiction inter-régionale spécialisée de Rennes a été saisi d'un dossier d'information, ouvert du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants.

3. Le 8 février 2018, un juge d'instruction de Nantes s'est dessaisi au profit du magistrat rennais d'un dossier ouvert à son cabinet, et portant sur des faits de même nature.

4. M. V... a été mis en examen dans cette information le 22 mai 2018.

5. Le 22 novembre 2018, son avocat a saisi la chambre de l'instruction d'une demande en nullité.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu pour le surplus à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure et retiré du dossier les seuls actes annulés, alors :

« 1°/ que sont nuls par voie de conséquence les actes de procédure qui trouvent leur support nécessaire dans un acte dont l'annulation a été prononcée ou qui procèdent d'un acte dont l'annulation a été prononcée dans la même procédure ; que l'annulation de l'ordonnance de dessaisissement du juge d'instruction nantais du 8 février 2018 pour méconnaissance des prescriptions de l'article 663 du code de procédure pénale devait entraîner l'annulation par voie de conséquence du transfert de la procédure au juge d'instruction rennais, et donc, le retour du dossier à cette juridiction ou son retrait du dossier de l'information menée par le juge d'instruction de la JIRS de Rennes ; que la chambre de l'instruction a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les articles 174 alinéa 2 et 663 du code de procédure pénale ;

2°/ que l'arrêt attaqué constate que « les enquêteurs de la section de recherches des Pays de la Loire ont transmis directement au magistrat rennais les numéros de téléphone utilisés par certains protagonistes dont M. V... afin de solliciter la poursuite des interceptions obtenues suite à la commission rogatoire du juge nantais » et qualifie ces interceptions de « subséquentes » à celles qui avaient été ordonnées sur commission rogatoire initiale du juge nantais ; que la chambre de l'instruction, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que les interceptions poursuivies par le juge rennais avaient pour support nécessaire l'ordonnance de dessaisissement attributive de compétence au juge rennais pour poursuivre ou prolonger les interceptions téléphoniques ordonnées par le juge nantais et en tous cas, des informations issues de la procédure nantaise, a ainsi violé les articles 174 alinéas 2 et 3 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 174 alinéa 2 du code de procédure pénale

8. Selon ce texte, lorsque la chambre de l'instruction constate la nullité d'un acte de la procédure, doivent être annulées par voie de conséquence les pièces qui ont pour support nécessaire l'acte vicié.

9. Lorsqu'une ordonnance de dessaisissement d'un dossier d'information est annulée, les pièces de ce dossier ne peuvent subsister dans celui où elles ont été irrégulièrement versées.

10. Après avoir prononcé, en l'absence de réquisitions de dessaisissement du procureur de la République, l'annulation de l'ordonnance de dessaisissement, en date du 8 février 2018, du juge d'instruction de Nantes, au profit du juge d'instruction de la JIRS de Rennes, et du réquisitoire supplétif délivré le 9 février 2018, ayant pour support nécessaire la procédure d'instruction nantaise transmise dans le cadre de ce dessaisissement irrégulier, la chambre de l'instruction a refusé d'annuler d'autres pièces de la procédure.

11. L'arrêt attaqué relève que le magistrat instructeur de la JIRS était déjà saisi et que le réquisitoire supplétif du 9 février 2018 saisissant le juge rennais était superfétatoire, les éléments de la procédure nantaise visant les mêmes faits : même trafic, période de temps englobée par celle dont le magistrat rennais était saisi et mêmes protagonistes.

12. Les juges concluent qu'il n'y a pas lieu d'ordonner le retrait de l'enquête préliminaire et de l'instruction suivie à Nantes cotées D102 à D332, ces pièces étant régulières et la chambre de l'instruction ne pouvant, dans le cadre du contentieux des nullités, ordonner le retrait que des seuls actes de procédure annulés.

13. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait d'annuler le versement des dites pièces ainsi que, le cas échéant, celles qui avaient pour support nécessaire les actes viciés, et d'ordonner leur retrait du dossier, la chambre de l'instruction a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en ses dispositions relatives à la nullité du versement des pièces jointes à l'ordonnance de dessaisissement du 8 février 2018 et du réquisitoire supplétif du 9 février 2018, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 7 février 2020, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. Guéry - Avocat général : Mme Moracchini - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 174 alinéa 2 du code de procédure pénale.

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