Numéro 10 - Octobre 2019

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

GARDE A VUE

Crim., 15 octobre 2019, n° 19-82.380, (P)

Rejet

Droits de la personne gardée à vue – Notification – Informations relatives à l'infraction – Défaut – Sanction – Nullité – Conditions – Caractérisation – Absence – Propos du demandeur ne s'incriminant pas – Atteinte aux intérêts de la personne gardée à vue (non)

Le défaut de notification à la personne gardée à vue de la modification de qualification d'une infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre, telle qu'elle a été ordonnée par le procureur de la République après la notification d'une première qualification, ne peut entraîner le prononcé d'une nullité que s'il en est résulté pour l'intéressé une atteinte effective à ses intérêts, au sens de l'article 802 du code de procédure pénale.

Une telle atteinte ne se trouve pas caractérisée lorsque, au cours d'une audition de la personne gardée à vue, réalisée sans notification préalable de la modification de qualification, cette dernière, en répondant aux questions des enquêteurs, n'a tenu aucun propos par lequel elle se serait incriminée.

REJET du pourvoi formé par Mme L... B... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 6e section, en date du 5 mars 2019, qui, dans l'information suivie contre elle, des chefs de tentative d'enlèvement et séquestration, infraction à la législation sur les armes, association de malfaiteurs, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure.

LA COUR,

Par ordonnance en date du 11 juin 2019, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi.

Un mémoire a été produit.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 5 janvier 2018 vers 2 heures 45, des agents de police judiciaire ont constaté qu'un véhicule circulait dangereusement à hauteur de la porte Maillot, à Paris 16e.

Le conducteur a refusé d'obtempérer aux sommations de s'arrêter et, à hauteur de la porte de Pantin à Paris 19e, les policiers ont procédé à l'interpellation des trois occupants du véhicule, identifiés comme étant Mme B..., MM. I... D... et N... S..., ce dernier étant en possession d'une réplique d'arme de poing et d'un couteau. Après une fouille de leur véhicule, ils ont été conduits devant l'officier de police judiciaire de permanence au commissariat de police du 16e arrondissement, lequel a placé en garde à vue MM. D... et S... notamment pour refus d'obtempérer et Mme B... pour complicité de cette infraction.

3. Le 5 janvier 2018, à 11 heures 15, le ministère public a informé les enquêteurs qu'il ajoutait à la qualification de refus d'obtempérer celles d'association de malfaiteurs et infractions à la législation sur les armes. Mme B... a été entendue à deux reprises et le procureur de la République, avisé du contenu de ses déclarations par les policiers, leur a donné pour instruction de notifier à MM. D... et S... la qualification supplémentaire de proxénétisme aggravé.

L'officier de police judiciaire a porté à la connaissance de Mme B... la modification de qualification de complicité de refus d'obtempérer en association de malfaiteurs lors de la notification de la prolongation de sa garde à vue, le 6 janvier 2018, à 2 heures.

4. Le 7 janvier 2018, une information judiciaire a été ouverte à l'encontre des trois personnes susvisées notamment des chefs de tentative d'enlèvement et séquestration, infraction à la législation sur les armes, association de malfaiteurs, pour lesquels Mme B... a été mise en examen.

5. Elle a saisi, le 5 avril 2018, la chambre de l'instruction d'une requête en nullité.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen est pris de la violation des articles 6-1 et 6-3 de la Convention européenne des droits de l'homme et des articles 63, 63-1, 591 et 593 du code de procédure pénale.

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure et a constaté en conséquence la régularité de la procédure jusqu'à la cote D 280 :

1°/ alors que « les droits du gardé à vue doivent lui être notifiés dès son placement effectif en garde à vue ; que ce dernier intervient à compter du moment où la personne est maintenue sous la contrainte des services de police ; qu'à trois heures cinq minutes, Mme B... a été interpellée porte de Pantin par les services de police qui l'ont menottée et conduite au poste de police de sorte que, dès cet instant, elle a été maintenue sous la contrainte ; que pour apprécier le caractère tardif de la notification à Mme B... de ses droits, la chambre de l'instruction a fixé son placement effectif en garde à vue à son arrivée au poste de police et non au moment de son interpellation ; que la chambre de l'instruction a violé les dispositions susvisées » ;

2°/ alors que « dès le début de la mesure, l'officier de police judiciaire informe le procureur de la République du placement de la personne en garde à vue par tout moyen ; que le placement effectif en garde à vue intervient à compter du moment où la personne est maintenue sous la contrainte des services de police ; qu'à trois heures cinq minutes, Mme B... a été interpellée porte de Pantin par les services de police qui l'ont menottée et conduite au poste de police de sorte que, dès cet instant, elle a été maintenue sous la contrainte ; que pour apprécier le caractère tardif de l'information du Procureur de la République, la chambre de l'instruction a fixé le placement effectif en garde à vue de Mme B... à son arrivée au poste de police et non au moment de son interpellation ; que la chambre de l'instruction a violé les dispositions susvisées ».

Réponse de la Cour

8. Pour écarter le moyen de nullité, selon lequel l'officier de police judiciaire aurait tardivement notifié ses droits à Mme B... et avisé le procureur de la République du placement en garde à vue de celle-ci, l'arrêt énonce que Mme B... a été interpellée porte de Pantin, Paris 19e, aux côtés de MM. D... et S..., le 5 janvier 2018 à 3 heures 05, par des agents de police judiciaire en fonction au commissariat de police du 16e arrondissement de Paris, qui ont immédiatement avisé l'officier de police judiciaire de permanence.

9. Les juges relèvent que, sur instructions de ce dernier, Mme B... lui a été présentée à 3 heures 35, son placement en garde à vue et les droits afférents à cette mesure lui étant notifiés à 3 heures 55, le début de celle-ci étant fixé à 3 heures 05, heure d'interpellation.

10. Les juges ajoutent que l'officier de police judiciaire a notifié leur placement en garde à vue à M. S... à 3 heures 40 et à M. D..., à 3 heures 50, le procureur de la République ayant été avisé de ces mesures à 3 heures 47 pour le premier et à 4 heures 01 pour le second.

11. Ils en déduisent que le délai de vingt minutes écoulé entre la présentation de Mme B... à l'officier de police judiciaire de permanence au commissariat de police du 16e arrondissement de Paris, et son placement en garde à vue, qui inclut la notification des droits afférents à cette mesure, ne peut donner lieu à son annulation, compte tenu des circonstances de l'interpellation, de la zone dans laquelle elle a eu lieu et des délais de transport, le procureur de la République ayant été par ailleurs préalablement avisé de cette mesure à 3 heures 49.

12. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles et légales invoquées.

13. Dès lors, le moyen doit être écarté.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

14. Le moyen est pris de la violation des articles 6, § 1, et, § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, article 63, 63-1, 591 et 593 du code de procédure pénale.

15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure et a constaté en conséquence la régularité de la procédure jusqu'à la cote D 280 :

1°/ alors que « les droits dont la personne placée en garde à vue dispose en vertu de l'article 63-1 du code de procédure pénale doivent lui être notifiés ensemble avec la qualification des faits qui lui sont reprochés ; qu'au cours de sa garde à vue, elle doit ainsi être informée de la nature et de la date des nouvelles infractions qu'elle est soupçonné avoir commises ; que la chambre de l'instruction a relevé que la nouvelle qualification d'association de malfaiteurs avait été notifiée à Mme B... le 6 janvier 2018 à 2 heures lors de la prolongation de sa garde à vue mais qu'elle avait été interrogée sur des faits pouvant recevoir cette qualification lors de sa seconde audition le 5 janvier 2018, quand bien même l'autorité judiciaire avait notifié aux deux individus interpellés avec elle leur placement en garde à vue supplétive du chef d'association de malfaiteurs cinq heures avant que Mme B... ne soit interrogée sur ces faits dont elle n'avait pas été informée ; qu'en disant cependant n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure, la chambre de l'instruction a violé les articles susvisés » ;

2°/ alors que « le fait que le procureur de la République ait donné pour consigne de requalifier les faits reprochés à un gardé à vue ne dispense pas les services de police de notifier à ce dernier cette nouvelle qualification avant de l'interroger à ce titre ; qu'en considérant que la procédure a été régulière, après avoir constaté que Mme B... a été interrogée lors de sa seconde audition sur des faits relevant de la qualification d'association de malfaiteurs sans avoir été informée de cette qualification, pour la raison qu'avant cette audition « le procureur de la République a donné pour consigne de requalifier les faits en refus d'obtempérer, association de malfaiteurs en vue de commettre un crime ou un délit, transport d'armes de catégories B D », la chambre de l'instruction qui a statué par un motif impropre à établir que Mme B... avait été informée de cette nouvelle qualification avant d'être interrogée à ce titre, a violé les articles susvisés ».

Réponse de la Cour

16. Pour écarter le moyen de nullité des auditions de Mme B... pris de ce que l'officier de police judiciaire ne lui a pas notifié la modification de qualification décidée par le procureur de la République, l'arrêt énonce qu'au cours de sa première audition, Mme B... a désigné MM. D... et S... comme étant ses proxénètes et qu'elle a donné des explications plus détaillées, à l'occasion de sa deuxième audition, désignant notamment un troisième individu, ce qui a amené le procureur de la République à donner à l'officier de police judiciaire l'instruction de notifier aux deux autres personnes interpellées à ses côtés la qualification de proxénétisme aggravé.

17. Les juges retiennent que ce n'est qu'au cours de sa troisième audition que Mme B... a reconnu qu'elle devait attirer les clients pour permettre à ses comparses de les voler.

18. Ils ajoutent que conformément aux réquisitions du ministère public, la qualification d'association de malfaiteurs a été notifiée à Mme B... lors de la prolongation de sa garde à vue le 6 janvier 2018 à 2 heures, soit postérieurement à sa seconde audition, à l'issue de laquelle il est apparu qu'elle pouvait être soupçonnée de cette infraction.

19. C'est à tort que les juges ont considéré que la notification de la qualification pouvait être reportée à l'issue de cette audition, dès lors que le procureur de la République a ordonné, en application de l'article 63 du code de procédure pénale, la modification de qualification des faits, le 5 janvier 2018, à 11 heures 15.

20. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure.

21. En effet, le défaut de notification à la personne gardée à vue de la modification de qualification d'une infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre, ordonné par le procureur de la République, ne peut entraîner le prononcé d'une nullité que s'il en est résulté pour elle une atteinte effective à ses intérêts, au sens de l'article 802 du code de procédure pénale.

22. En l'espèce, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer au vu de l'examen du procès-verbal d'audition critiqué, qu'en répondant aux questions des enquêteurs, Mme B... n'a tenu aucun propos par lequel elle se serait incriminée sur les faits d'association de malfaiteurs.

23. Ainsi, le moyen doit être écarté.

Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard (président) - Rapporteur : M. Violeau - Avocat général : M. Croizier - Avocat(s) : Me Le Prado -

Textes visés :

Article 802 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Sur la nullité de la garde à vue en cas d'omission dans la notification des droits à la personne gardée à vue, à condition qu'il en soit résulté une atteinte effective à ses intérêts, à rapprocher : Crim., 2 novembre 2016, pourvoi n° 16-81.716, Bull. crim. 2016, n° 281 (1) (cassation partielle), et l'arrêt cité.

Crim., 16 octobre 2019, n° 19-81.084, (P)

Cassation

Mineur – Droits du mineur gardé à vue – Assistance de l'avocat – Audition – Information aux parents du droit de choisir un avocat – Nécessité – Défaut – Portée

En application des articles 4, IV, de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, dans sa version résultant de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, et 63-3-1 à 63-4-3 du code de procédure pénale, le mineur doit être assisté dès le début de sa garde à vue par un avocat dans les conditions prévues par les dispositions du code de procédure pénale susvisées.

Il doirt être immédiatement informé de ce droit. Lorsque le mineur ne sollicite pas l'assistance d'un avocat, cette demande peut également être faite par ses représentants légaux, qui sont alors avisés de ce droit quand ils sont informés de la garde à vue. Lorsque le mineur ou ses représentants légaux n'ont pas choisi d'avocat, il en est désigné un d'office.

Le respect de ces dispositions est prescrit à peine de nullité, leur inobservation portant atteinte aux droits du mineur poursuivi.

L'audition d'un mineur, assisté par un avocat d'office, est nulle si le mineur n'a pas été assisté par un avocat dès le début de sa garde à vue et que ses parents n'ont pas été informés qu'ils pouvaient lui choisir un avocat.

CASSATION sur le pourvoi formé par D... R... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse, en date du 15 janvier 2019, qui, dans l'information suivie contre lui pour complicité de tentative d'assassinat en récidive, a prononcé sur sa demande en annulation de la procédure.

LA COUR,

Par ordonnance du 13 mai 2019, le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation a ordonné l'examen immédiat du pourvoi.

Un mémoire a été produit.

Faits et procédure :

1. Selon l'arrêt attaqué et les pièces de la procédure, le 23 février 2018, M. Q... N... a été blessé au genou, par une arme à feu. Une information a été ouverte. M. T... a reconnu être l'auteur du coup de feu. Une écoute téléphonique a démontré que celui-ci, quelques minutes après les faits, se trouvait en compagnie d'D... R..., alors mineur comme né le [...].

2. D... R... a été placé en garde à vue, le 11 juillet 2018. Dans le cadre de cette mesure, il a été entendu à deux reprises. A l'issue de sa garde à vue, il a été déféré devant le juge d'instruction, mis en examen pour complicité de tentative d'assassinat en récidive, et placé en détention provisoire.

3. D... R... a présenté devant la chambre de l'instruction une requête en annulation de la procédure, soutenant que ses auditions en garde à vue avaient été effectuées en méconnaissance de ses droits à l'assistance et au choix d'un avocat.

4. Par l'arrêt attaqué, prononcé le 15 janvier 2019, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse a annulé sa première audition et reconnu la régularité de la seconde.

Examen des moyens

Sur le premier moyen de cassation, relatif à la composition de la juridiction

Enoncé du moyen

5. Le moyen est pris de la violation de l'article 23 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, des articles L. 312-6 du code de l'organisation judiciaire et 591 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale.

6. Il critique l'arrêt en ce qu'il a été rendu par une formation de la chambre de l'instruction qui ne comprenait en son sein aucun délégué à la protection de l'enfance « alors que le délégué à la protection de l'enfance siège comme membre de la chambre de l'instruction lorsque celle-ci connaît d'une affaire dans laquelle un mineur est impliqué ; qu'en l'espèce, en statuant en l'absence de tout délégué à la protection de l'enfance, quand il résultait des mentions de l'arrêt que D... R..., né le [...], était mineur au moment des faits survenus le 23 février 2018, la chambre de l'instruction, qui était dès lors incompétente pour se prononcer sur la requête en annulation dont elle était saisie, a ce faisant méconnu les textes susvisés ; que la cassation à intervenir ne sera que partielle, sans remettre en cause l'annulation de la première audition en garde à vue de M. R... ».

Réponse de la Cour

7. Selon l'article L. 312-6 du code de l'organisation judiciaire, un magistrat délégué à la protection de l'enfance est désigné au sein de chaque cour d'appel.

En cas d'empêchement momentané du titulaire de cette fonction, le premier président lui désigne un remplaçant.

8. Le texte précité et l'article 23 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante prévoient que le délégué à la protection de l'enfance siège à la chambre de l'instruction, quand celle-ci connaît d'une affaire dans laquelle un mineur est impliqué, seul ou avec des coauteurs ou complices majeurs.

10. Pour la Cour de cassation, le respect de cette règle est d'ordre public (Crim., 7 février 2018, n° 17-85.353), et elle en contrôle l'observation, en particulier par l'examen des ordonnances fixant la répartition des magistrats dans les chambres et services de la cour d'appel (Crim., 6 octobre 2005, n° 05-82.438 ; Crim.,17 avril 2019, n° 18-84.722).

11. L'arrêt attaqué mentionne qu'il a été rendu par la chambre de l'instruction composée par M. Parant, président, Mme Herenguel et Mme de Combettes de Caumon, conseillères.

L'ordonnance de roulement de la cour d'appel de Toulouse pour l'année 2019 indique que ces trois magistrats sont désignés pour assurer le remplacement de Mme Duchac, conseillère déléguée à la protection de l'enfance, en cas d'empêchement, lorsque sa présence est requise devant la chambre de l'instruction, en application de l'article 23 précité.

12. Il résulte de ces mentions que la conseillère déléguée à la protection de l'enfance a été régulièrement remplacée à l'audience de la chambre de l'instruction.

13. Ainsi, le moyen, qui repose sur l'affirmation d'un fait inexact, sera écarté.

Mais sur le second moyen de cassation, pris de l'irrégularité de la seconde audition d'D... R... en garde à vue

Enoncé du moyen

14. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la convention européenne des droits de l'homme, 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, 63 et 63-3-1 à 63-4-3 du code de procédure pénale, 591 du même code.

15. Le moyen critique la décision, en ce que l'arrêt attaqué après avoir annulé la première audition de garde à vue de D... R... le 11 juillet 2018 entre 17 heures et 18 heures 10, cotée D 525 à D 529, et ordonné que la pièce annulée, une fois retirée du dossier d'information, soit classée au greffe de la chambre de l'instruction, a dit pour le reste n'y avoir lieu à d'autres annulations :

1°/ alors que « dès le début de la garde à vue, le mineur doit être assisté par un avocat, dans les conditions prévues aux articles 63-3-1 à 63-4-3 du code de procédure pénale ; que lorsque le mineur n'a pas sollicité l'assistance d'un avocat, cette demande peut également être faite par ses représentants légaux qui doivent être avisés de ce droit lorsqu'ils sont informés de la garde à vue ; que l'absence d'assistance du mineur par un avocat dès le début de sa garde à vue, de même que l'absence d'information délivrée à ses représentants légaux de ce qu'ils peuvent solliciter un avocat pour l'assister, entraîne, en raison de l'atteinte aux droits de la défense du mineur qui en résulte, la nullité de l'ensemble des actes opérés au cours de la garde à vue ; qu'en l'espèce, en refusant d'annuler la seconde audition de garde à vue de D... R..., quand elle constatait qu'il n'avait pas bénéficié de l'assistance d'un avocat dès le début de sa garde à vue et que sa mère n'avait pas été informée de ce qu'elle disposait de la faculté de solliciter un avocat pour l'assister, la chambre de l'instruction a statué en méconnaissance des textes susvisés » ;

2°/ alors, en toute hypothèse, que « l'absence d'information délivrée au début de la garde à vue aux représentants légaux du mineur qui n'a pas sollicité l'assistance d'un avocat, de ce qu'ils peuvent solliciter eux-mêmes un avocat pour l'assister, entraîne, lorsque le mineur, se ravisant, a en définitive sollicité la désignation d'un avocat, lequel a été commis d'office, la nullité de l'audition concernée au regard de l'atteinte portée au libre choix de l'avocat ; qu'en l'espèce, en refusant d'annuler la seconde audition de garde à vue de D... R... en ce qu'il avait été entendu en présence d'un avocat commis d'office conformément à sa demande, quand elle constatait qu'au début de sa garde à vue, alors qu'il n'avait pas sollicité l'assistance d'un avocat, sa mère n'avait pas été informée du droit qu'elle avait de solliciter elle même un avocat pour l'assister, de sorte que le droit au libre choix d'un avocat avait été méconnu, la chambre de l'instruction a statué en méconnaissance des textes susvisés ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 4.IV de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, dans sa rédaction applicable à la cause et issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ;

16. Selon ce texte, dès le début de la garde à vue, le mineur doit être assisté par un avocat dans les conditions prévues aux articles 63-3-1 à 63-4-3 du code de procédure pénale. Il doit être immédiatement informé de ce droit. Lorsque le mineur n'a pas sollicité l'assistance d'un avocat, cette demande peut également être faite par ses représentants légaux, qui sont alors avisés de ce droit lorsqu'ils sont informés de la garde à vue en application du II du même article. Lorsque le mineur ou ses représentants légaux n'ont pas désigné d'avocat, le procureur de la République, le juge chargé de l'instruction ou l'officier de police judiciaire doit, dès le début de la garde à vue, informer par tout moyen et sans délai le bâtonnier afin qu'il en commette un d'office.

17. Cette information vise à garantir l'assistance effective du mineur gardé à vue par un avocat, ainsi que le libre choix de l'avocat qui prodiguera cette assistance. Cette information est prévue dans l'intérêt du mineur placé en garde à vue et son absence entraîne la nullité du placement en garde à vue.

18. Il résulte des pièces de la procédure qu'D... R... a été placé en garde à vue, le 11 juillet 2018, à 15 heures 40. Informé de son droit d'être assisté d'un avocat, il a refusé d'en bénéficier.

Les enquêteurs ont informé sa mère, représentante légale, de son placement en garde à vue, mais ne l'ont pas avisée qu'elle avait le droit de demander que son fils soit assisté d'un avocat. D... R... a été entendu, le 11 juillet 2018, de 17 heures à 18 heures 10, sans être assisté d'un avocat. A l'issue de cette première audition, D... R... a demandé l'assistance d'un avocat.

Le 11 juillet 2018 à 19 heures, l'officier de police judiciaire a pris les mesures pour faire désigner un avocat commis d'office et le contacter. Cet avocat s'est entretenu avec D... R... de 19 heures 50 à 20 heures 07, et était présent lors de sa seconde audition, le même jour, de 20 heures 18 à 21 heures 48.

19. Saisie d'une requête en annulation de la procédure, statuant par l'arrêt attaqué, la chambre de l'instruction a annulé la première audition. Elle a rejeté la demande d'annulation de la seconde audition, au motif qu'D... R... avait été assisté, au cours de celle-ci, comme il l'avait demandé, par un avocat commis d'office, l'irrégularité consistant à ne pas avoir informé ses parents de leur droit de choisir un avocat étant sans incidence devant le choix exprimé par le mineur lui-même, qui l'emporte sur la volonté de ses parents, seulement subsidiaire, selon l'article 4 de l'ordonnance précitée.

20. Cependant, en rejetant la requête en annulation de la seconde audition d'D... R..., faite quand il était mineur, alors qu'il n'a pas été assisté par un avocat dès le début de sa garde à vue et que ses parents n'ont pas été informés qu'ils pouvaient lui en désigner un, la chambre de l'instruction a méconnu la règle énoncée ci-dessus.

La cassation est donc encourue. Elle interviendra avec renvoi, pour que la chambre de l'instruction de renvoi détermine l'étendue de l'annulation.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Toulouse, en date du 15 janvier 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : M. de Larosière de Champfeu - Avocat général : M. Desportes - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 4, IV, de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, dans sa version résultant de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ; articles 63-3-1 à 63-4-3 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Concernant le renvoi opéré par l'article 4, IV, de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 à l'article 63-4-2, alinéa 1, du code de procédure pénale et de la possibilité pour les enquêteurs de procéder, deux heures après le début de la garde à vue, à la première audition du mineur sans l'assistance de son avocat avisé, à rapprocher : Crim., 20 décembre 2017, pourvoi n° 17-84.017, Bull. crim. 2017, n° 299 (cassation partielle).

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