Numéro 10 - Octobre 2019

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

DETENTION PROVISOIRE

Crim., 15 octobre 2019, n° 19-84.799, (P)

Rejet

Décision de mise en détention provisoire – Motifs – Insuffisance des obligations du contrôle judiciaire – Insuffisance des obligations de l'assignation à résidence – Motifs distincts – Défaut – Portée

Justifie sa décision la chambre de l'instruction qui s'est déterminée par des considérations de droit et de fait au regard de l'insuffisance des obligations du contrôle judiciaire et de l'assignation à résidence sous surveillance électronique, sur lesquels elle n'avait pas à se prononcer par des motifs distincts.

REJET du pourvoi formé par M. Y... F... contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rouen, en date du 12 juillet 2019, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de tentative d'assassinat, a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant sa demande de mise en liberté.

LA COUR,

Un mémoire a été produit.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. F... a été mis en examen par un juge d'instruction du chef de tentative d'assassinat le 16 octobre 2018 et placé en détention provisoire le même jour.

3. M. F... a présenté le 17 juin 2019 une demande de mise en liberté.

4. Par ordonnance en date du 25 juin 2019, le juge des libertés et de la détention a rejeté cette demande.

5. M. F... a formé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

6. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen est pris de la violation des articles des articles 137-3, 143-1, 144 du code de procédure pénale, 591 et 593 dudit code, défaut de motifs et manque de base légale.

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué « en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté », alors que « la détention provisoire ne peut être ordonnée que par une motivation spéciale démontrant, au regard des éléments précis et circonstanciés de la procédure, qu'elle constitue l'unique moyen de parvenir à l'un ou plusieurs des objectifs définis par l'article 144 du code de procédure pénale, et que ceux-ci ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence avec surveillance électronique ; que cette motivation spéciale doit envisager séparément le cas du contrôle judiciaire et celui de l'assignation à résidence avec surveillance électronique ; qu'en statuant par les mêmes motifs sur l'inefficacité du contrôle judiciaire et de l'assignation à résidence, sans rechercher concrètement et séparément en quoi ces deux mesures, dont le degré de contrainte diffère, n'étaient pas adaptées à la situation de M. F... à la date à laquelle elle a statué, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ».

Réponse de la Cour

9. Pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention rejetant la demande de mise en liberté, l'arrêt attaqué, après avoir relevé les indices graves et concordants rendant plausible son implication dans les faits, retient qu'à la lecture du casier judiciaire de M. F..., celui-ci ne répond aux convocations de la justice que lorsqu'il y est contraint et qu'ayant déjà été condamné pour évasion il existe un risque de fuite important de sorte que la détention est l'unique moyen d'assurer la représentation en justice.

10. Les juges ajoutent que les déclarations de M. F..., déjà condamné à de multiples reprises pour des faits de violence, démontrent qu'il est prêt à aller loin par jalousie et sa haine pour la victime, et que les expertises psychiatriques et psychologique concluent à sa dangerosité tant psychiatrique que criminologique et à son incapacité à se contenir pouvant basculer dans la violence à tout moment, la détention étant l'unique moyen d'éviter le renouvellement de l'infraction.

11. Les juges relèvent encore que la détention est l'unique moyen d'éviter une pression sur les témoins, M. F..., bien qu'incarcéré, ayant pris contact avec ceux-ci à plusieurs reprises afin de s'assurer qu'ils allaient donner sa version des faits aux services de police.

12. Les juges concluent que ces éléments et les révocations passées des sursis avec mise à l'épreuve auxquels le mis en examen a été condamné établissent son absence de compliance aux obligations et interdictions imparties, attitude qui démontre qu'un contrôle judiciaire ou une assignation à résidence sous surveillance électronique seraient manifestement insuffisants pour atteindre les objectifs susvisés.

13. En l'état de ces énonciations et constatations, la chambre de l'instruction, s'est déterminée par des considérations de droit et de fait, notamment, au regard de l'insuffisance des obligations du contrôle judiciaire et de l'assignation à résidence sous surveillance électronique, sur lesquels elle n'a pas à se prononcer par des motifs distincts, et a ainsi répondu aux exigences des articles 137-3, 143-1 et suivants du code de procédure pénale.

10. Ainsi, le moyen doit-il être écarté.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Soulard - Rapporteur : Mme Schneider - Avocat général : Mme Le Dimna - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ de Lanouvelle et Hannotin -

Textes visés :

Article 144 du code de procédure pénale.

Crim., 16 octobre 2019, n° 19-84.773, (P)

Rejet

Juge des libertés et de la détention – Débat contradictoire – Modalités – Comparution – Moyen de télécommunication audiovisuelle – Assistance d'un avocat – Mise à disposition de l'entier dossier de l'instruction – Mise à disposition à la maison d'arrêt – Conditions – Avertissement en temps utile du choix de l'avocat de se trouver auprès de la personne détenue – Copie disponible du dossier dans les locaux de détention – Défaut – Portée

Porte atteinte aux droits de la défense l'absence de mise à disposition d'une copie intégrale du dossier de la procédure dans les locaux de détention, lorsque l'avocat, qui n'avait pu obtenir depuis plusieurs mois une copie actualisée de l'entier dossier, informé de la tenue du débat contradictoire avec utilisation d'un moyen de communication audiovisuelle, avait indiqué en temps utile au juge des libertés et de la détention qu'il se trouverait auprès de la personne détenue.

REJET sur le pourvoi formé par le procureur général près de la cour d'appel de Reims, contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour, en date du 13 juin 2019, qui, dans l'information suivie contre H... C... du chef d'assassinat, a infirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention prolongeant sa détention provisoire.

LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 706-71 alinéa 5 et 802 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que les mineurs Z... X... et H... C... ont été mis en examen le 6 juin 2018 pour l'assassinat du mineur Y... Q..., victime d'une agression par arme blanche ; que le 16 mai 2019, H... C... a indiqué qu'elle acceptait que le débat contradictoire, prévu pour l'éventuelle prolongation de sa détention provisoire, ait lieu par voie de visioconférence ; que, par télécopie adressée le 20 mai 2019, son avocat a fait connaître au juge des libertés et de la détention qu'il l'assisterait à la maison d'arrêt ; que dès le début du débat contradictoire, l'avocat de la mineure a fait observer que le dossier de la procédure n'avait pas été mis à sa disposition à la maison d'arrêt et qu'il ne pouvait connaître la teneur des dernières auditions de Z... X... effectuées par le juge d'instruction ; que, retenant que l'avocat s'était abstenu de demander le dossier de la procédure, le juge des libertés et de la détention a prolongé par ordonnance du 29 mai 2019 la détention provisoire de H... C... ; que celle-ci a interjeté appel de cette décision ;

Attendu que, pour répondre à l'exception de nullité du débat contradictoire soulevée par l'avocat de la mineure et pour infirmer l'ordonnance de prolongation de la détention prise par le juge des libertés et de la détention, la chambre de l'instruction relève que, d'une part, l'avocat, en l'absence de dépôt du dossier actualisé à la maison d'arrêt, n'avait pas eu connaissance de l'ordonnance de saisine du juge des libertés et de la détention par le juge d'instruction ni des réquisitions écrites du ministère public ni des actes effectués depuis janvier 2019, date de la dernière délivrance d'une copie de la procédure, et qu'il n'était pas en mesure de répondre aux arguments développés par le procureur de la République sur la personnalité de la mineure et les manipulations qu'elle aurait mis en oeuvre, d'autre part, l'avocat n'avait pu, faute de connaissance prise des deux interrogatoires au fond intervenus les 6 février et 6 mars 2019, apprécier la persistance des divergences adoptées par les personnes mises en examen, dans leur version des faits au regard d'éléments résultant des investigations téléphoniques entreprises ; que les juges concluent que ce manquement a eu pour conséquence de porter atteinte aux droits à la défense ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations relevant de son appréciation souveraine, et dès lors que d'une part, l'avocat, qui avait averti en temps utile le juge des libertés et de la détention de son choix de se trouver auprès de la personne mineure détenue à la maison d'arrêt, n'avait pu obtenir, depuis le 25 janvier 2019, une copie actualisée de l'entier dossier de la procédure, d'autre part, l'intégralité du dossier n'avait pas été mis à sa disposition dans les locaux de détention, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

Et attendu que l'arrêt est régulier tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3 et 143-1 et suivants du code de procédure pénale ;

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Moreau (conseiller le plus ancien faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Barbé - Avocat général : M. Salomon -

Textes visés :

Article 706-71 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

S'agissant du cas où l'avocat n¿a pas averti en temps utile le juge des libertés et de la détention de son choix de se trouver auprès de la personne détenue à la maison d¿arrêt, à rapprocher : Crim., 6 décembre 2017, pourvoi n° 17-85.716, Bull. crim. 2017, n° 280 (rejet).

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