Numéro 1 - Janvier 2023

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

SEPARATION DES POUVOIRS

Crim., 4 janvier 2023, n° 22-83.019, (B), FRH

Cassation partielle

Dommages causés par un véhicule – Personne morale de droit public – Responsabilité – Substitution à celle de l'agent – Action civile contre l'agent – Irrecevabilité

En application de l'article 1er, alinéa 2, de la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957, la responsabilité de la personne morale de droit public est, à l'égard des tiers, substituée à celle de son agent, auteur du dommage causé, dans l'exercice de ses fonctions, par un véhicule. Il résulte de ce texte que la partie civile est irrecevable à exercer contre le prévenu l'action civile en réparation du dommage découlant de l'infraction.

M. [R] [F] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 5 avril 2022, qui, pour homicide et blessures involontaires, l'a condamné à douze mois d'emprisonnement avec sursis, à l'annulation de son permis de conduire, et a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Un accident de la circulation a été provoqué par un véhicule de gendarmerie, conduit, dans le cadre de ses fonctions, par M. [R] [F].

3. La conductrice du véhicule percuté est décédée des suites de ses blessures.

Les deux passagers du véhicule de la gendarmerie ont subi des blessures ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à trois mois.

4. M. [F], poursuivi des chefs susmentionnés, a été déclaré coupable de ces délits et responsable des dommages causés aux victimes.

5. Statuant sur les intérêts civils, le tribunal a déclaré recevables les constitutions de partie civile et donné acte de son intervention à l'agent judiciaire de l'Etat.

6. Il a condamné M. [F] au versement d'une consignation en vue de l'expertise médicale ordonnée et au paiement de diverses sommes aux parties civiles.

7. M. [F], les parties civiles et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

8. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré recevables les constitutions de partie civile de M. [M] et des consorts [T], a déclaré M. [F] responsable des préjudices subis par les parties civiles, alloué à M. [M] la somme de 10 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel et condamné M. [F] aux dépens afférents à l'intervention des parties civiles, alors « que la responsabilité de la personne morale de droit public est, à l'égard des tiers, substituée à celle de son agent, auteur du dommage causé, dans l'exercice de ses fonctions, par un véhicule ; qu'en l'espèce où il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que l'accident de circulation litigieux est survenu alors que M. [F], maréchal des logis chef, conduisait un véhicule de la gendarmerie avec, à son bord, une collègue et M. [M] afin de se rendre au domicile de ce dernier pour y effectuer une perquisition, la cour d'appel, en faisant supporter à M. [F] les conséquences civiles de l'accident, a méconnu les articles 1er de la loi du 31 décembre 1957, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1er de la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957 :

10. Aux termes de ce texte, la responsabilité de la personne morale de droit public est, à l'égard des tiers, substituée à celle de son agent, auteur des dommages causés dans l'exercice de ses fonctions par un véhicule de l'Etat. Il s'en déduit que la partie civile n'est pas recevable à agir contre cet agent, pénalement responsable du délit.

11. L'arrêt attaqué a déclaré recevables les constitutions de partie civile, déclaré M. [F] responsable des préjudices subis par les parties civiles et leur a alloué diverses sommes.

12. En prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé.

13. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Angers, en date du 5 avril 2022, mais en ses seules dispositions relatives à l'action civile, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Angers, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Angers et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : Mme Goanvic - Avocat général : M. Croizier - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article 1 de la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957.

Rapprochement(s) :

Crim., 13 juillet 1971, pourvoi n° 70-91.342, Bull. crim. 1971, n° 232 (rejet) ; Crim., 5 avril 1978, pourvoi n° 77-91.404, Bull. crim. 1978, n° 127 (cassation partielle) ; Crim., 28 novembre 1989, pourvoi n° 88-87.605, Bull. crim. 1989, n° 451 (rejet), et l'arrêt cité.

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