Numéro 1 - Janvier 2023

Bulletin des arrêts de la chambre criminelle

PEINES

Crim., 5 janvier 2023, n° 22-81.981, (B), FRH

Cassation partielle

Amende fiscale – Prononcé – Dispense totale – Possibilité (non)

La direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, partie poursuivante, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-12, en date du 7 mars 2022, qui, pour infractions à la législation sur les contributions indirectes, a condamné solidairement M. [D] [I] et la société [1], à des amendes.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. L'administration des douanes et des droits indirects a fait citer devant le tribunal correctionnel la société [1], spécialisée dans l'achat, la vente, la fabrication et la réparation d'ouvrages en métaux précieux, et son gérant, M. [D] [I], pour avoir procédé à une mauvaise tenue du livre de police en l'absence des informations obligatoires relatives aux ouvrages en métaux précieux.

3. Par jugement du 5 juillet 2018, le tribunal correctionnel a relaxé les prévenus.

4. L'administration des douanes et des doits indirects a formé appel de cette décision.

Examen des moyens

Sur le second moyen

5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a retenu à juste titre que cinquante-huit infractions avaient été commises, détaillées au tableau du livre de police, et a à juste titre prononcé cinquante-huit amendes en répression de ces infractions, il a en revanche omis de prononcer une pénalité proportionnelle, alors « que toute infraction en matière de métaux précieux est sanctionnée par les règles applicables en matière de contributions indirectes ; qu'en application des articles 1791 et 1794 du code général des impôts, toute infraction encourt, non seulement une amende, mais également une pénalité proportionnelle ; qu'en omettant de se prononcer sur la pénalité proportionnelle, les juges du fond ont violé les articles 1791 et 1794 du code général des impôts. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1800 du code général des impôts :

7. Il se déduit de ce texte qu'en matière de contributions indirectes, si le tribunal peut modérer le montant des amendes et pénalités encourues, eu égard à l'ampleur et à la gravité de l'infraction commise, ainsi qu'à la personnalité de son auteur, il ne saurait en dispenser totalement ce dernier.

8. En ne prononçant que des amendes contre les prévenus, la cour d'appel, qui ne pouvait dispenser ceux-ci de toute pénalité proportionnelle, fût-elle d'un montant symbolique, a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

9. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

10. La cassation sera limitée à la peine, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure.

Les autres dispositions seront donc maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 7 mars 2022, mais en ses seules dispositions relatives à la peine, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : Mme Fouquet - Avocat général : M. Valat - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 1800 du code général des impôts.

Crim., 5 janvier 2023, n° 21-87.017, (B), FRH

Cassation

Exécution – Infraction commise à l'étranger – Condamnation prononcée à l'étranger – Peine ou décision définitive de confiscation – Jugement autorisant l'exécution de la décision en France – Recours – Détermination

Le jugement du tribunal correctionnel autorisant l'exécution d'une décision de confiscation prononcée par une autorité judiciaire étrangère doit être notifié à la personne condamnée et au tiers propriétaire du bien confisqué si son titre est connu ou s'il a revendiqué cette qualité au cours de la procédure.

Ces personnes sont recevables à interjeter appel de la décision dans un délai de dix jours par déclaration au greffe du tribunal correctionnel ou se pourvoir en cassation contre l'arrêt ordonnant l'exécution de la décision de confiscation.

Elles ont droit à l'assistance d'un avocat au cours de l'instance d'appel, ainsi qu'à la communication en temps utile des pièces de la procédure.

Exécution – Infraction commise à l'étranger – Condamnation prononcée à l'étranger – Peine ou décision définitive de confiscation – Jugement autorisant l'exécution de la décision en France – Office du juge – Contrôle du respect des droits des tiers de bonne foi

Selon l'article 713-37, 2° et 3°, du code de procédure pénale, l'exécution des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères est refusée si les biens sur lesquels elles portent ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une confiscation selon la loi française, ou bien si la décision étrangère a été prononcée dans des conditions n'offrant pas de garanties suffisantes au regard de la protection des libertés individuelles et des droits de la défense. Selon l'article 131-21, alinéa 3, du code pénal, les biens appartenant à des tiers propriétaires de bonne foi ne sauraient être confisqués, y compris lorsqu'ils constituent l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction (Crim., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-87.424, Bull. crim. 2018, n° 188). L'article 713-38, alinéa 3, du code de procédure pénale dispose que l'autorisation d'exécution ne peut avoir pour effet de porter atteinte aux droits licitement constitués au profit des tiers, en application de la loi française, sur les biens dont la confiscation a été prononcée par la décision étrangère. Toutefois, si cette décision contient des dispositions relatives aux droits des tiers, elle s'impose aux juridictions françaises à moins que les tiers n'aient pas été mis à même de faire valoir leurs droits devant la juridiction étrangère dans des conditions analogues à celles prévues par la loi française. Encourt la cassation l'arrêt de la cour d'appel qui confirme l'autorisation d'exécution d'une décision de confiscation prononcée par une autorité judiciaire étrangère, sans rechercher, à partir des constatations de fait de cette décision, et au besoin en demandant aux autorités judiciaires étrangères, par commission rogatoire, la fourniture des informations complémentaires nécessaires, si le propriétaire du bien confisqué est de bonne foi, ni mieux établir, selon les mêmes modalités, qu'il a été mis à même de faire valoir ses droits devant la juridiction étrangère dans des conditions analogues à celles prévues par la loi française, alors qu'il ressort des énonciations du jugement étranger que le propriétaire du bien confisqué n'était pas partie à cette décision qui lui a été notifiée après qu'elle fut passée en force de chose jugée.

Exécution – Infraction commise à l'étranger – Condamnation prononcée à l'étranger – Peine ou décision définitive de confiscation – Jugement autorisant l'exécution de la décision en France – Publicité des débats – Nécessité

Les articles 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale, qui organisent l'exécution des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères, ne prévoient pas de dérogation au principe de la publicité des débats judiciaires. Encourt la cassation l'arrêt de la cour d'appel qui confirme l'autorisation d'exécution d'une décision de confiscation prononcée par une autorité judiciaire étrangère alors que les débats se sont tenus en chambre du conseil et que l'arrêt a été prononcé selon les mêmes modalités.

M. [K] [W] et la société [2] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-12, en date du 26 octobre 2021, qui a autorisé l'exécution sur le territoire français d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction étrangère.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par jugement définitif du tribunal pénal fédéral suisse du 1er octobre 2014, M. [K] [W] a été déclaré coupable des infractions prévues par le droit suisse de corruption d'agents publics étrangers, gestion déloyale et blanchiment d'argent.

3. Il a été condamné à une peine privative de liberté de trois ans dont dix-huit mois avec sursis assorti de la mise à l'épreuve, et le tribunal a ordonné la confiscation de plusieurs biens constituant le produit des infractions poursuivies.

4. Parmi ces biens figure un appartement situé [Adresse 1], à [Localité 3], appartenant à la société civile immobilière [2] qui n'était pas partie à la procédure, le jugement mentionnant cependant qu'il devait être notifié à cette société, après son entrée en force de chose jugée.

5. Le 21 juin 2012, ce bien avait fait l'objet d'une ordonnance de saisie pénale immobilière rendue par le doyen des juges d'instruction du tribunal judiciaire de Paris en exécution d'une demande d'entraide judiciaire internationale des autorités judiciaires suisses.

6. Le 29 novembre 2019, ces autorités ont adressé à l'autorité judiciaire française une demande d'entraide aux fins d'exécution de la confiscation de l'immeuble.

7. Par requête du 25 septembre 2020, le procureur national financier a saisi le tribunal correctionnel de Paris aux fins que soit ordonnée l'exécution de la confiscation du bien immobilier.

8. Le 28 septembre 2020, M. [W] a été avisé de l'audience du 4 novembre 2020.

9. Par jugement du 4 novembre 2020, le tribunal a ordonné l'exécution de la confiscation.

10. M. [W], puis le ministère public, ont interjeté appel de la décision.

Examen de la recevabilité du pourvoi formé par la société [2]

11. Aux termes de l'article 713-37 du code de procédure pénale l'exécution des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères est refusée : 1° si les faits à l'origine de la demande ne sont pas constitutifs d'une infraction selon la loi française ; 2° si les biens sur lesquels elle porte ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une confiscation selon la loi française ; 3° si la décision étrangère a été prononcée dans des conditions n'offrant pas de garanties suffisantes au regard de la protection des libertés individuelles et des droits de la défense ; 4° s'il est établi que la décision étrangère a été émise dans le but de poursuivre ou de condamner une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de son orientation sexuelle ou identité de genre ; 5° si le ministère public français avait décidé de ne pas engager de poursuites pour les faits à raison desquels la confiscation a été prononcée par la juridiction étrangère ou si ces faits ont déjà été jugés définitivement par les autorités judiciaires françaises ou par celles d'un Etat autre que l'Etat demandeur, à condition, en cas de condamnation, que la peine ait été exécutée, soit en cours d'exécution ou ne puisse plus être ramenée à exécution selon les lois de l'Etat de condamnation ; 6° si elle porte sur une infraction politique.

12. S'agissant du deuxième de ces motifs de non-exécution, selon l'article 131-21 du code pénal, les biens appartenant à des tiers propriétaires de bonne foi ne sauraient être confisqués, y compris lorsqu'ils constituent l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction (Crim., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-87.424, Bull. crim. 2018, n° 188).

13. Par ailleurs, selon l'article 713-38, alinéa 3, du code de procédure pénale, l'autorisation d'exécution ne peut avoir pour effet de porter atteinte aux droits licitement constitués au profit des tiers, en application de la loi française, sur les biens dont la confiscation a été prononcée par la décision étrangère. Toutefois, si cette décision contient des dispositions relatives aux droits des tiers, elle s'impose aux juridictions françaises à moins que les tiers n'aient pas été mis à même de faire valoir leurs droits devant la juridiction étrangère dans des conditions analogues à celles prévues par la loi française.

14. Les motifs de non-exécution par l'autorité judiciaire française des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères, énoncés par l'article 713-37 du code de procédure pénale précité, concernent soit la personne condamnée par les autorités judiciaires étrangères, soit le tiers propriétaire du bien confisqué.

15. Selon l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ces personnes ont droit à ce que leur cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur leurs droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elles.

16. Leur droit au respect des biens est par ailleurs protégé par l'article 1er du premier Protocole additionnel à ladite Convention.

17. L'article 13 de la même Convention prévoit enfin que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la Convention ont été violés a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles.

18. Il s'en déduit que la décision du tribunal correctionnel d'ordonner l'exécution d'une décision de confiscation prononcée par une autorité judiciaire étrangère, rendue en application des articles 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale, doit être notifiée à la personne condamnée ainsi qu'au propriétaire du bien confisqué dont le titre est connu ou qui a revendiqué cette qualité au cours de la procédure.

19. Ces derniers peuvent interjeter appel du jugement dans le délai de dix jours à compter de la notification par déclaration au greffe du tribunal correctionnel, ou se pourvoir en cassation contre l'arrêt ordonnant l'exécution de la décision de confiscation.

20. En conséquence, le pourvoi de la société [2] est recevable.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens proposés pour M. [W] et le troisième moyen proposé pour la société [2]

21. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le premier moyen proposé pour la société [2]

Enoncé du moyen

22. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement déféré ayant autorisé l'exécution en France du jugement de confiscation rendu le 1er octobre 2014 par le tribunal pénal fédéral suisse, alors :

« 1°/ que l'exécution en France d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction étrangère ne peut être autorisée qu'après que l'ensemble des personnes concernées par cette décision ont été mises en mesure de faire valoir leurs observations ; qu'en confirmant le jugement ayant autorisé l'exécution en France de la décision du tribunal pénal fédéral suisse de confisquer le bien immobilier appartenant à la SCI [2] sans avoir préalablement invité cette société à présenter ses observations, quand celle-ci n'avait pas été citée à comparaître devant le tribunal correctionnel et que, n'ayant pas reçu notification du jugement, elle avait été placée dans l'impossibilité d'exercer une voie de recours contre celui-ci, la cour d'appel a méconnu le droit de propriété, le droit à une procédure juste, équitable et contradictoire ainsi que le droit à un recours juridictionnel effectif, et a violé les articles 4 et 5 de la décision-cadre 2005/212/JAI du Conseil du 24 février 2005, 6 et 8 de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014, 32 et 33 du règlement (UE) n° 2018/1805 du Parlement et du Conseil du 14 novembre 2018, lus en combinaison avec les articles 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que les articles 6, § 1, et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du premier Protocole additionnel à cette convention et l'article préliminaire du code de procédure pénale, ensemble le principe de primauté du droit de l'Union européenne ;

2°/ que conformément à l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, en cas de doute sur l'interprétation des articles 4 et 5 de la décision-cadre 2005/212 du 24 février 2005, 6 et 8 de la directive 2014/42/UE du 3 avril 2014, 32 et 33 du règlement (UE) n° 2018/1805 du Parlement et du Conseil du 14 novembre 2018, lus en combinaison avec les articles 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, il appartiendra à la Cour de cassation de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle qui pourrait être ainsi rédigée : « les articles 4 et 5 de la décision-cadre 2005/212 du 24 février 2005, 6 et 8 de la directive 2014/42/UE du 3 avril 2014, 32 et 33 du règlement (UE) 2018/1805 du Parlement et du Conseil du 14 novembre 2018, lus en combinaison avec les articles 17 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui permet l'exécution, sur son territoire, d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction d'un État non membre de l'Union européenne, sans que le tiers propriétaire du bien confisqué ne soit mis en mesure de présenter ses observations et, le cas échéant, de faire valoir un motif de refus d'exécution, et sans que cette personne ne dispose d'une voie de recours effective contre la décision d'autoriser l'exécution de la confiscation de son bien ? ». »

Réponse de la Cour

Vu les articles 6, § 1, et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et 1er du premier Protocole additionnel à ladite Convention :

23. Les articles 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale organisent, en l'absence de convention internationale en disposant autrement, l'exécution des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères, tendant à la confiscation des biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, ayant servi ou qui étaient destinés à commettre l'infraction ou qui paraissent en être le produit direct ou indirect ainsi que tout bien dont la valeur correspond au produit de cette infraction.

24. L'exécution de la confiscation peut être refusée pour l'un des motifs énoncés par l'article 713-37 du code de procédure pénale précité au § 11.

25. Par ailleurs l'article 713-38, alinéa 3, du code de procédure pénale dispose que l'autorisation d'exécution ne peut avoir pour effet de porter atteinte aux droits licitement constitués au profit des tiers, en application de la loi française, sur les biens dont la confiscation a été prononcée par la décision étrangère. Toutefois, si cette décision contient des dispositions relatives aux droits des tiers, elle s'impose aux juridictions françaises à moins que les tiers n'aient pas été mis à même de faire valoir leurs droits devant la juridiction étrangère dans des conditions analogues à celles prévues par la loi française.

26. L'exécution de la confiscation est autorisée par le tribunal correctionnel statuant sur requête du procureur de la République.

27. L'article 713-39 du code de procédure pénale dispose que, s'il l'estime utile, le tribunal correctionnel entend, le cas échéant par commission rogatoire, le propriétaire du bien saisi, la personne condamnée ainsi que toute personne ayant des droits sur les biens qui ont fait l'objet de la décision étrangère de confiscation.

28. Ces personnes peuvent se faire représenter par un avocat.

29. Ces dispositions sont toutefois prévues à titre de simple faculté.

30. De même, les articles 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale ne prévoient pas que la décision du tribunal correctionnel autorisant l'exécution de la confiscation doive être notifiée à la personne condamnée et au propriétaire du bien confisqué, ni que cette décision puisse faire l'objet d'un recours de leur part.

31. Cependant, selon l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur leurs droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elles.

32. Par ailleurs, selon l'article 1er du premier Protocole additionnel à ladite Convention, toute personne a droit au respect de ses biens.

33. Enfin, l'article 13 de la même Convention prévoit que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans cette Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles.

34. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de transmettre une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, dès lors que les textes de droit de l'Union visés au moyen ne sont pas applicables au litige, le principe qui suit.

35. Le jugement du tribunal correctionnel autorisant l'exécution d'une décision de confiscation prononcée par une autorité judiciaire étrangère doit être notifié à la personne condamnée et au tiers propriétaire du bien confisqué si son titre est connu ou s'il a revendiqué cette qualité au cours de la procédure.

36. Ces personnes sont recevables à interjeter appel de la décision dans un délai de dix jours par déclaration au greffe du tribunal correctionnel.

37. Elles ont droit à l'assistance d'un avocat au cours de l'instance d'appel, ainsi qu'à la communication en temps utile des pièces de la procédure.

38. En l'espèce, en confirmant le jugement du tribunal correctionnel ayant autorisé l'exécution de la décision de confiscation, sans avoir constaté que ce jugement avait été notifié à la société [2] dont le titre de propriété était connu, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé.

39. La cassation est par conséquent encourue.

Et sur le quatrième moyen proposé pour la société [2]

Enoncé du moyen

40. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement déféré ayant autorisé l'exécution en France du jugement de confiscation rendu le 1er octobre 2014 par le tribunal pénal fédéral suisse, alors :

« 1°/ que l'exécution de la confiscation ordonnée par une juridiction étrangère est refusée si les biens sur lesquels elle porte ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une confiscation selon la loi française ; que, selon la loi française, les biens qui constituent le produit direct ou indirect de l'infraction ne peuvent être confisqués que sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi ; que, dès lors, en confirmant le jugement déféré ayant autorisé l'exécution en France de la décision de confiscation du bien immobilier appartenant à la SCI [2] et d'une quote-part de 436/10105e des parties communes générales de cet immeuble rendue par le tribunal pénal fédéral suisse le 1er octobre 2014, quand il ne ressort ni des constatations de cette décision étrangère ni de la demande d'entraide pénale que ce tiers propriétaire serait de mauvaise foi, la cour d'appel a violé les articles 18 de la Convention de Strasbourg du 8 novembre 1990 et 713-37 du code de procédure pénale, ensemble les articles 6, § 2, de la directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 et 131-21 du code pénal ;

2°/ que l'exécution de la confiscation ordonnée par une juridiction étrangère est refusée lorsqu'elle a été prononcée dans des conditions n'offrant pas de garanties suffisantes au regard de la protection des droits de la défense ; que tel est le cas lorsqu'elle porte sur un bien appartenant à un tiers qui n'a pas été mis en mesure de faire valoir ses droits devant la juridiction étrangère préalablement à la confiscation de son bien ; qu'en autorisant l'exécution en France de la décision de confiscation du bien immobilier appartenant à la SCI [2] rendue par le tribunal pénal fédéral suisse le 1er octobre 2014, lorsqu'il ne ressort ni des mentions de cette décision ni des informations contenues dans la demande d'entraide pénale internationale que ce tiers propriétaire ait été mis en mesure de faire valoir ses observations devant cette juridiction avant qu'elle ne prononce la confiscation de son bien, la cour d'appel a violé les articles 713-37 et 713-38 du code de procédure pénale, ensemble les articles 4 et 5 de la décision-cadre 2005/212/JAI du 24 février 2005 et les articles 6 et 8 de la directive 2014/42/UE du 3 avril 2014, lus en combinaison avec l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que les articles 6, § 1, de la Convention européenne et 1er du premier Protocole additionnel à cette Convention. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 713-37, 2° et 3°, et 713-38, alinéa 3, du code de procédure pénale, et 131-21, alinéa 3, du code pénal :

41. Selon le premier de ces textes, l'exécution des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères est refusée si les biens sur lesquels elles portent ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une confiscation selon la loi française, ou bien si la décision étrangère a été prononcée dans des conditions n'offrant pas de garanties suffisantes au regard de la protection des libertés individuelles et des droits de la défense.

42. Selon le troisième, les biens appartenant à des tiers propriétaires de bonne foi ne sauraient être confisqués, y compris lorsqu'ils constituent l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction (Crim., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-87.424, Bull. crim. 2018, n° 188).

43. Le deuxième dispose que l'autorisation d'exécution ne peut avoir pour effet de porter atteinte aux droits licitement constitués au profit des tiers, en application de la loi française, sur les biens dont la confiscation a été prononcée par la décision étrangère. Toutefois, si cette décision contient des dispositions relatives aux droits des tiers, elle s'impose aux juridictions françaises à moins que les tiers n'aient pas été mis à même de faire valoir leurs droits devant la juridiction étrangère dans des conditions analogues à celles prévues par la loi française.

44. En l'espèce, pour confirmer l'autorisation d'exécution de la décision de confiscation, l'arrêt retient que M. [W] a été condamné pour corruption d'agents publics étrangers, gestion déloyale et blanchiment d'argent, que ces infractions sont prévues et réprimées par le droit pénal français, et qu'elles font encourir à leur auteur la peine complémentaire de confiscation définie par l'article 131-21 du code pénal.

45. Les juges retiennent par ailleurs que le jugement du tribunal pénal fédéral suisse a été prononcé dans des conditions offrant des garanties suffisantes au regard de l'exercice d'un droit de recours, garantie encore assurée par les dispositions de l'article 438 du code de procédure pénale suisse qui prévoit que la décision fixant l'entrée en force est sujette à recours, de sorte qu'aucune atteinte n'a été portée aux droits de la personne poursuivie.

46. Ils constatent par ailleurs que le jugement suisse contient des dispositions relatives au respect des droits des tiers, à savoir la communication à la société [2] du jugement, étant relevé que seul M. [W] est concerné par la confiscation.

47. En se déterminant ainsi, sans rechercher, à partir des constatations de fait de la décision étrangère, et au besoin en demandant aux autorités judiciaires suisses, par commission rogatoire, la fourniture des informations complémentaires nécessaires, si la société [2] était de bonne foi, ni mieux établir, selon les mêmes modalités, que cette société avait été mise à même de faire valoir ses droits devant la juridiction suisse dans des conditions analogues à celles prévues par la loi française, alors qu'il ressort des énonciations du jugement du tribunal pénal fédéral que la société [2] n'était pas partie à cette décision qui lui a été notifiée après qu'elle fut passée en force de chose jugée, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés.

48. La cassation est par conséquent à nouveau encourue.

Et sur le premier moyen proposé pour M. [W] et le deuxième moyen proposé pour la société [2]

Enoncé des moyens

49. Le moyen proposé pour M. [W] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a statué en chambre du conseil, après des débats s'étant déroulés selon les mêmes modalités, alors « que la publicité des débats judiciaires est une règle d'ordre public à laquelle il ne peut être dérogé que dans les cas limitativement déterminés par la loi ; qu'aucune disposition légale ne déroge à cette règle lorsque la juridiction correctionnelle est saisie d'une requête du procureur de la République tendant à l'exécution sur le territoire français d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction d'un État non-membre de l'Union européenne, ou d'un recours formé contre un jugement autorisant l'exécution d'une telle décision ; que, dès lors, en examinant l'appel formé par M. [W] à l'encontre du jugement autorisant l'exécution de la décision de confiscation rendue par le tribunal pénal fédéral (Suisse) et en rendant son arrêt en chambre du conseil, la cour d'appel a méconnu les articles 6, § 1, de la Convention européenne, 400, 512, 711 et 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale et le principe ci-dessus énoncé. »

50. Le moyen proposé pour la société [2] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a statué en chambre du conseil, après des débats s'étant déroulés selon les mêmes modalités, alors « que la publicité des débats judiciaires est une règle d'ordre public à laquelle il ne peut être dérogé que dans les cas limitativement déterminés par la loi ; qu'aucune disposition légale ne déroge à cette règle lorsque la juridiction correctionnelle est saisie d'une requête du procureur de la République tendant à l'exécution sur le territoire français d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction d'un État non-membre de l'Union européenne, ou d'un recours formé contre un jugement autorisant l'exécution d'une telle décision ; que, dès lors, en examinant l'appel formé par M. [W] à l'encontre du jugement autorisant l'exécution de la décision de confiscation rendue par le tribunal pénal fédéral (Suisse) et en rendant son arrêt en chambre du conseil, la cour d'appel a méconnu les articles 6, § 1, de la Convention européenne, 400, 512, 711 et 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale et le principe ci-dessus énoncé. »

Réponse de la Cour

51. Les moyens sont réunis.

Vu les articles 400 et 512 du code de procédure pénale :

52. Il résulte de ces textes que la publicité des débats judiciaires est une règle d'ordre public à laquelle il ne peut être dérogé que dans les cas limitativement déterminés par la loi.

53. Les articles 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale, qui organisent l'exécution des décisions de confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères, ne prévoient pas de dérogation à ce principe.

54. L'arrêt attaqué énonce que les débats se sont tenus en chambre du conseil et que l'arrêt a été rendu selon les mêmes modalités.

55. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé.

56. La cassation est par conséquent à nouveau encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 26 octobre 2021, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : M. Ascensi - Avocat général : M. Valat - Avocat(s) : SCP L. Poulet-Odent -

Textes visés :

Articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et 1er du premier Protocole additionnel à ladite Convention ; articles 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale ; article 131-21 du code pénal ; articles 713-37 et 713-38 du code de procédure pénale ; article 131-21 du code pénal ; articles 400, 512 et 713-36 à 713-41 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Sur les droits du tiers propriétaire de bonne foi : Crim., 7 novembre 2018, pourvoi n° 17-87.424, Bull. crim. 2018, n° 188 (cassation), et l'arrêt cité.

Crim., 11 janvier 2023, n° 22-80.848, (B), FRH

Cassation

Libération conditionnelle – Défaut de réponse du juge de l'application des peines – Recevabilité de la saisine directe de la chambre de l'application des peines – Cas – Libération conditionnelle ne s'inscrivant pas dans le cadre de l'examen systématique de la situation des condamnés prévu par l'article 730-3 du code de procédure pénale

La saisine directe, par un condamné, de la chambre de l'application des peines en cas d'absence de réponse à sa demande de libération conditionnelle, n'est pas soumise aux conditions de l'article 730-3 du code de procédure pénale, lorsqu'elle ne s'inscrit pas dans le cadre de l'examen systématique de la situation des condamnés éligibles à cette mesure.

M. [V] [L] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Lyon, en date du 14 janvier 2022, qui a déclaré irrecevable sa saisine directe de la chambre de l'application des peines d'une demande de libération conditionnelle.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 25 mars 2021, M. [V] [L] a saisi le juge de l'application des peines d'une demande de libération conditionnelle.

3. En l'absence de réponse à celle-ci, le 8 décembre 2021, M. [L] a saisi directement la chambre de l'application des peines de sa demande.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le moyen est pris de la violation de l'article D. 524 du code de procédure pénale, et critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la saisine directe de la chambre de l'application des peines irrecevable, au motif que cette saisine n'est prévue que pour les condamnés ayant effectué les deux tiers de leur peine, alors que le texte précité ne prévoit pas cette condition, et qu'en outre à la date de sa demande, il avait bien effectué les deux tiers de sa peine, sa date de libération étant fixée au 12 mai 2029 et non au 12 mai 2032 comme la décision l'a retenu.

Réponse de la Cour

Vu l'article D. 524 du code de procédure pénale :

5. Selon ce texte, la demande de libération conditionnelle relevant de la compétence du juge de l'application des peines doit être examinée dans les quatre mois de son dépôt, conformément aux dispositions de l'article D. 49-33 du même code. A défaut, le condamné peut saisir directement la chambre de l'application des peines.

6. Pour dire irrecevable la saisine directe effectuée par M. [L] de sa demande de libération conditionnelle, le président de la chambre de l'application des peines a considéré qu'en application des articles 730-3 et D. 523-1 du code de procédure pénale, celle-ci n'était possible que pour les condamnés ayant exécuté les deux tiers de leur peine privative de liberté d'une durée de plus de cinq ans, et qu'il ressortait de la fiche pénale de l'intéressé que, libérable le 12 mai 2032, il n'atteindrait les deux tiers de sa peine que le 3 janvier 2025.

7. En se déterminant ainsi, alors que l'intéressé avait saisi le juge de l'application des peines de sa demande de libération conditionnelle, sans que celle-ci s'inscrive dans le cadre de l'examen systématique de la situation des condamnés à une peine d'emprisonnement ou de réclusion supérieure à cinq ans ayant accompli les deux tiers de leur peine régi par l'article 730-3 du code de procédure pénale, le président de la chambre de l'application des peines a excédé ses pouvoirs.

8. L'annulation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance susvisée du président de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Lyon, en date du 14 janvier 2022 ;

DIT que la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Lyon est saisie ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Lyon, autrement présidée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe du président de la chambre de l'application des peines de Lyon et sa mention en marge ou à la suite de l'ordonnance annulée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : Mme Guerrini - Avocat général : M. Chauvelot -

Textes visés :

Article 730-3 du code de procédure pénale ; articles D. 523 et D. 523-1 du code de procédure pénale.

Crim., 25 janvier 2023, n° 22-83.435, (B), FRH

Cassation

Peines correctionnelles – Peine d'emprisonnement prononcée pour un délit – Peine d'emprisonnement avec sursis probatoire – Jugement contradictoire – Révocation du sursis probatoire – Eléments à considérer – Manquements ou infractions nouvelles commis à compter du jour où la décision est devenue exécutoire

Pour apprécier la révocation d'un sursis probatoire, prononcé par jugement contradictoire, le juge de l'application des peines doit prendre en compte les manquements ou infractions nouvelles, commis à compter du jour où la décision est devenue exécutoire, dès lors que ces obligations ont été notifiées à l'audience à l'intéressé, indépendamment du rappel de ces obligations auquel le juge de l'application des peines peut procéder selon l'article R. 59 du code de procédure pénale.

Le procureur général près la cour d'appel de Riom a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'application des peines de ladite cour d'appel, en date du 26 avril 2022, qui a prononcé sur un sursis probatoire.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Par jugement contradictoire du 6 juin 2019, le tribunal correctionnel a déclaré M. [S] [F] coupable de faits de diffusion de message violent, pornographique ou contraire à la dignité accessible à un mineur, et l'a condamné à dix-huit mois d'emprisonnement dont douze mois assortis du sursis probatoire pendant deux ans.

3. Par jugement du 3 février 2022, le juge de l'application des peines a révoqué l'intégralité de ce sursis probatoire. Pour justifier cette décision, le jugement relève que, lors de sa condamnation, le demandeur a été averti, par le président de la juridiction, des obligations auxquelles il était astreint et des conséquences de leur manquement. Pour révoquer ce sursis, le juge de l'application des peines a pris en considération, d'une part, la commission, par le demandeur, d'infractions pénales le 17 août 2020 et le 10 décembre 2020, au cours du délai d'épreuve, et, d'autre part, la circonstance qu'il n'a suivi qu'à compter de 2021 les soins auxquels il était astreint.

4. M. [F] et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé la décision du juge de l'application des peines de révocation du sursis probatoire de M. [F], au motif que les manquements aux obligations, et les nouvelles infractions, retenus par le premier juge ont été commis avant que lui soient notifiées les obligations de la mise à l'épreuve, de sorte que jusqu'à cette date, ils ne pouvaient être pris en compte, alors que ces manquements doivent s'apprécier à compter du caractère exécutoire de la condamnation, de même que les nouvelles infractions commises pendant le délai d'épreuve, la notification des obligations par le juge de l'application des peines prévue à l'article R. 59 du code de procédure pénale n'étant que facultative, outre que M. [F] présent à l'audience de jugement, avait reçu notification de ses obligations par le président du tribunal correctionnel.

Réponse de la Cour

Vu les articles 132-41 du code pénal, 742 et R. 59 du code de procédure pénale :

6. Selon le premier de ces textes, lorsque la juridiction de jugement ne prononce pas l'exécution provisoire, la probation est applicable à l'expiration des délais d'appel du ministère public et du prévenu.

7. Selon le troisième, le juge de l'application des peines peut convoquer le condamné pour lui rappeler les obligations particulières auxquelles il est soumis et lui notifier, le cas échéant, des obligations particulières qu'il ordonne.

8. Selon le deuxième, lorsque le condamné ne se soumet pas aux mesures de contrôle ou aux obligations particulières auxquelles il est astreint au titre de la probation, ou lorsqu'il a commis une infraction suivie d'une condamnation à l'occasion de laquelle la révocation du sursis n'a pas été prononcée, le juge de l'application des peines peut ordonner la prolongation du délai de probation ou révoquer en partie ou en totalité le sursis.

9. Pour infirmer le jugement et ordonner la prolongation du délai d'épreuve pour une durée d'un an, la chambre de l'application des peines énonce que le juge de l'application des peines ne pouvait prendre en considération les infractions pénales commises par le condamné avant le 15 décembre 2020, date à laquelle les obligations du jugement de condamnation lui ont été notifiées, ni ses manquements, avant cette date, aux obligations auxquelles il était astreint, au titre de la probation.

10. En prononçant ainsi, alors que les obligations auxquelles le condamné était astreint ont été portées à sa connaissance lors du prononcé du jugement de condamnation du 6 juin 2019 et sont devenues exécutoires à l'expiration du délai d'appel contre celui-ci, indépendamment de la notification qui lui a été faite de nouveau le 15 décembre 2020 par le juge de l'application des peines, la chambre de l'application des peines a méconnu les textes susvisés.

11. La cassation est, dès lors, encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Riom, en date du 26 avril 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'application des peines de la cour d'appel de Riom et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : Mme Guerrini - Avocat général : Mme Mathieu -

Crim., 11 janvier 2023, n° 22-81.816, (B), FRH

Cassation partielle sans renvoi

Quantum – Peine inférieure à dix ans – Peine prononcée en répression d'un crime – Nature – Emprisonnement correctionnel

Une peine privative de liberté d'une durée inférieure à dix ans, même prononcée en répression d'un crime, ne peut être qu'un emprisonnement correctionnel.

M. [H] [G] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'assises de la Savoie, en date du 28 janvier 2022, qui, pour viols et violences, aggravés, l'a condamné à sept ans d'emprisonnement criminel et à quinze ans de suivi socio-judiciaire ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [H] [G] a été mis en accusation des chefs de viols et violences, aggravés, devant la cour d'assises de la Haute-Savoie, par ordonnance du juge d'instruction du 28 juin 2019.

3. Par arrêt du 25 septembre 2020 de cette cour d'assises, statuant en premier ressort, il a été condamné, des chefs précités, à dix ans de réclusion criminelle et à dix ans de suivi socio-judiciaire. Un arrêt civil a été rendu le même jour.

4. L'accusé a relevé appel de ces décisions.

Le ministère public et la partie civile ont interjeté appel incident.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [G] coupable de viols par concubin et de violences volontaires habituelles ayant entrainé une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours par concubin, alors « que par exception au principe posé par le premier alinéa de l'article 349 du code de procédure pénale, l'article 349-1 du même code prévoit que, lorsque est invoquée comme moyen de défense l'existence de l'une des causes d'irresponsabilité pénale, la question principale ne doit pas demander si l'accusé « est coupable » mais s'il « a commis tel fait » ; que dès lors, en posant les questions de savoir si M. [G] était « coupable » d'avoir par violence, contrainte, menace ou surprise, commis un ou plusieurs actes de pénétration sexuelle et « coupable » d'avoir volontairement exercé des violences, la cour d'assises a méconnu les dispositions précitées. »

Réponse de la Cour

7. Le procès-verbal des débats mentionne que le président de la cour d'assises a indiqué que la cour et le jury auraient à répondre aux questions posées dans les termes de la décision de mise en accusation et dont il a été donné lecture avant le réquisitoire et les plaidoiries.

8. Le moyen, qui invoque pour la première fois devant la Cour de cassation un grief relatif à la rédaction des questions, est irrecevable, dès lors qu'il appartenait à l'accusé ou à son avocat, s'il entendait contester la formulation des questions, d'élever un incident contentieux, dans les formes prévues par l'article 352 du code de procédure pénale.

9. Ainsi, le moyen doit être écarté.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [G] à la peine de sept ans d'emprisonnement criminel, alors « que le code pénal ne prévoit pas d'autre peine privative de liberté que d'une part, la réclusion criminelle ou détention criminelle de dix ans au moins, d'autre part, la peine d'emprisonnement ; que la peine privative de liberté prononcée en l'espèce ressortissait, par sa durée, à l'échelle des peines d'emprisonnement fixée par l'article 131-3 du code pénal ; que la cour d'assises a méconnu l'article 111-3 du code pénal. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 111-3, 131-1 et 131-3 du code pénal :

11. Aux termes du premier de ces textes, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi, si l'infraction est un crime ou un délit.

12. Aux termes du deuxième, la durée de la réclusion criminelle ou de la détention criminelle à temps est de dix ans au moins.

13. Selon le troisième, l'emprisonnement est une peine correctionnelle.

14. Il résulte de ces dispositions combinées qu'une peine privative de liberté d'une durée inférieure à dix ans ne peut être qu'un emprisonnement correctionnel, même lorsqu'elle est prononcée en répression d'un crime.

15. Après avoir déclaré l'accusé coupable de viols et de violences, aggravés, la cour et le jury l'ont condamné à sept ans d'emprisonnement criminel.

16. En prononçant ainsi, alors que la peine privative de liberté prononcée demeurait une peine correctionnelle, la cour d'assises a méconnu le sens et la portée des textes et du principe susvisés.

17. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

18. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt pénal susvisé de la cour d'assises de la Savoie, en date du 28 janvier 2022, mais en ses seules dispositions relatives à la nature de la peine d'emprisonnement, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT que la peine d'emprisonnement de sept ans que doit subir M. [H] [G] en raison des crimes et délits dont il a été déclaré coupable est une peine correctionnelle ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises de la Savoie et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Bonnal - Rapporteur : Mme Leprieur - Avocat général : M. Chauvelot - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Articles 131-1 et 132-18 du code pénal.

Rapprochement(s) :

Crim., 18 décembre 2002, pourvoi n° 02-81.666, Bull. crim 2002, n° 236 (cassation sans renvoi).

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.